Séance du
vendredi 23 novembre 2018 à
15h30
2e
législature -
1re
année -
6e
session -
36e
séance
PL 12204-A
Premier débat
Le président. Nous en sommes au PL 12204-A, que nous traiterons en catégorie II, trente minutes. (Brouhaha. Un instant s'écoule.) S'il vous plaît ! Monsieur Dimier, s'il vous plaît ! (Remarque.) S'il vous plaît, Monsieur !
Une voix. Chut !
Le président. Je passe la parole à M. Georges Vuillod.
M. Georges Vuillod (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. En résumé, Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi constitutionnelle propose d'interdire l'utilisation de produits phytosanitaires pour l'usage privé, de limiter et réglementer leur usage professionnel, et d'accompagner et soutenir financièrement les professionnels. La commission s'est réunie à trois reprises et a auditionné l'Office fédéral de l'agriculture, le chimiste cantonal, le pharmacien cantonal, AgriGenève et Bio Genève.
Sur la forme, deux éléments posent problème. Premièrement, il ressort d'un avis de droit établi par le département que ce projet de loi n'est pas compatible avec le droit supérieur. Cette position a d'ailleurs été confirmée par l'Office fédéral de l'agriculture, et je me demandais dans mon rapport si je ne devais pas m'arrêter là. Deuxièmement, le texte propose une interdiction et une limitation des produits phytosanitaires en général, ce qui concerne également les produits utilisés en production biologique. Voici un résumé des auditions.
L'OFAC précise que les homologations des produits font l'objet d'études précises et scientifiques liées à trois lois fédérales majeures: la loi sur la protection de l'environnement, la loi sur la protection contre les substances et les préparations dangereuses et la loi sur l'agriculture. L'agriculture suisse se préoccupe de son impact sur l'environnement depuis les années 90 et l'introduction de la production intégrée, dite raisonnée, vise à utiliser de manière parcimonieuse et réfléchie les produits phytosanitaires. La Confédération vient par ailleurs de mettre en place un plan de mesures visant à réduire encore l'usage de ces produits.
Le chimiste cantonal et le pharmacien cantonal informent que le canton vient lui aussi de mettre en place un plan de mesures complémentaires au plan fédéral. Des analyses sont faites régulièrement sur les productions GRTA, suisses et d'importation; elles démontrent que les taux de résidus sont en grande majorité conformes à la législation et que les taux de non-conformité baissent depuis une dizaine d'années. De plus, les produits sans aucune détection résiduelle augmentent en Suisse, ce qui confirme que les programmes d'information et de formation professionnelle fonctionnent bien et que nos agriculteurs sont de vrais professionnels.
AgriGenève et Bio Genève rappellent que les pratiques agricoles sont très réglementées, avec une ordonnance de près de 186 pages permettant un réel encadrement de l'activité. Les agriculteurs n'utilisent les produits phytosanitaires qu'en dernier recours, pour protéger les cultures; ils passent un permis de traiter et suivent des formations continues, notamment sur l'usage de ces produits. Il serait impossible de cultiver en se passant des substances phytosanitaires, tant en culture traditionnelle qu'en culture biologique. AgriGenève et Bio Genève rappellent que la mission de l'agriculture est de nourrir la population et qu'un tel projet de loi entraînerait une baisse des rendements, voire la perte totale des cultures. Cela conduirait donc à une augmentation des importations et à des achats intercantonaux qui ne seraient pas soumis aux mêmes règles: les mesures figurant dans ce projet de loi ne s'appliqueraient que dans le canton de Genève, créant une distorsion de concurrence de plus pour les producteurs locaux.
En conclusion, la non-conformité de ce projet de loi au droit supérieur; les mesures mises en place par la Confédération, le canton et les agriculteurs ainsi que les résultats obtenus; les difficultés à contrôler le respect d'une telle mesure par les non-professionnels, quasi impossible à faire appliquer tant pour l'achat des produits que pour le contrôle de leur utilisation; les problèmes économiques du secteur agricole genevois, soumis à une concurrence exacerbée tant au niveau intercantonal qu'en raison du tourisme alimentaire; et l'impossibilité de faire appliquer une règle genevoise aux produits venant d'autres régions de Suisse ou du reste du monde, font que la majorité de la commission vous invite à ne pas entrer en matière sur ce projet de loi. Je vous remercie.
Mme Delphine Bachmann (PDC), rapporteuse de minorité. Mon intervention reflétera une vision un peu plus large plutôt que de simplement porter sur l'agriculture. Ce jour, Mesdames et Messieurs les députés, la minorité rêve de devenir la majorité. Sénèque disait: «Ce n'est pas parce que les choses sont difficiles que nous n'osons pas, c'est parce que nous n'osons pas qu'elles sont difficiles.» Je me rallie à cette pensée qui souvent m'anime dans ce parlement: il manque, à mon sens, d'ambition et se retranche un peu trop souvent derrière des avis de droit. Alors oui, j'entends les critiques sur la forme de ce projet de loi, mais je souhaite aujourd'hui parler du fond et du message.
Rappelons ici l'objectif de cet objet et le contexte dans lequel il a été déposé. La santé environnementale est un des enjeux principaux du XXIe siècle et il devient urgent de se pencher sur la question. Ce projet de loi a l'ambition de poser un cadre, de fixer un objectif: celui d'apprendre à préserver la planète, à préserver notre santé et à appliquer le principe de précaution. Bien évidemment, il parle de mesures d'accompagnement ! Bien évidemment, ce n'est pas pour demain, ni pour dans une année, ni même pour dans cinq ans ! Mais que voulons-nous pour dans cinquante ou soixante ans ? Au travers des différentes auditions, nous avons pu constater que si la forme de ce texte était systématiquement critiquée, le fond passait au second plan. Les risques commencent pourtant à être reconnus: par le Conseil fédéral, par différents experts qui parlent entre autres de l'effet cocktail des produits, qui n'est pas étudié, et par diverses institutions de recherche qui catégorisent ces produits comme cancérigènes et nocifs pour l'eau notamment.
Ce projet de loi veut que notre canton se projette sur le long terme en lui permettant de programmer la fin de la dépendance aux produits phytosanitaires. A nouveau, nous n'opposons pas l'agriculture biologique aux autres modes de production; nous posons la question des produits qu'on retrouve dans notre environnement en général. Souvenez-vous de Doris Leuthard, issue des milieux du nucléaire, qui un jour a dit que la Suisse sortirait du nucléaire ! S'en est suivie une inscription dans la Constitution fédérale et aujourd'hui, c'est en marche. Peu importe que nos voisins nous suivent ou pas, le peuple suisse a tranché. Ce projet de loi permet aussi au peuple de donner son avis puisqu'il l'appelle à prendre position sur la question des produits phytosanitaires. C'est à croire que la majorité a peur du résultat !
Aujourd'hui, nous disons stop à l'usage de ces produits par les privés, qui selon les professionnels eux-mêmes ne savent pas les utiliser et mettent en danger l'environnement et leur santé. Aujourd'hui, le message que nous adressons à notre gouvernement, c'est: investissez dans la recherche ! Trouvons d'autres solutions ! Préservons notre planète, notre environnement ! Il n'y a pas de plan B ? Eh bien inventons-le ! Travaillons; soyons des leaders par notre force d'innovation et notre force de proposition ! Le problème est pire ailleurs ? Nous ne sommes pas assez puissants ? Eh bien commençons par agir là où nous le pouvons ! Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous invitons à accepter ce projet de loi; pour oser, pour faire mieux et pour être ambitieux. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Pablo Cruchon (EAG). Désolé d'interrompre le débat pour une intervention qui ne concerne pas ce point de l'ordre du jour; j'ai demandé la parole avant mais elle ne m'a malheureusement pas été donnée. Conformément à l'article 79A de la loi portant règlement du Grand Conseil, un député est toutefois autorisé à interrompre les débats à tout moment pour rappeler au Bureau de faire appliquer le règlement. Or lors du traitement du précédent objet, l'intervention du représentant du Conseil d'Etat a largement dépassé les sept minutes réglementaires. Ce n'est pas la première fois et je l'avais déjà signalé au Bureau de vive voix, en aparté, la dernière fois; c'est une pratique courante. Je demanderai donc que, conformément à l'article 71 de la LRGC, le Bureau applique également les sept minutes de prise de parole aux représentants du Conseil d'Etat sauf, comme la dérogation le prévoit, cas exceptionnel. Ce n'était pas, là, un cas exceptionnel, et je remercie donc le Bureau et le président d'appliquer le règlement.
Une voix. Bravo !
M. Pablo Cruchon. Je suis désolé d'interrompre les débats sur la question des produits phytosanitaires. (Quelques applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Le président. Je vous remercie. Je suis intervenu à trois reprises; on n'était plus à sept minutes, on avait largement dépassé les onze minutes. C'est vrai qu'il s'agit d'un point crucial et je vous remercie pour votre intervention. Mais c'est délicat, vous devez le comprendre, de couper la parole à un conseiller d'Etat.
Une voix. Eh bien, non !
Le président. Je passe maintenant la parole, pour continuer le débat, à M. le député Bertrand Buchs.
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci beaucoup, Monsieur le président. Si nous avons déposé ce projet de loi, c'est pour avoir une discussion sur les produits phytosanitaires. Si nous avons déposé un projet de loi constitutionnelle, c'est pour que le peuple puisse prendre la décision, pour qu'il puisse choisir ce qu'il veut pour l'avenir. Je pense que c'est en ouvrant le débat qu'on trouve des solutions, pas en le fermant !
Si vous avez lu la «Tribune» du jour, vous avez vu que la température à Genève a augmenté de deux degrés. Il y a quelques années, quand on parlait de ces problématiques-là, la plupart des gens nous sortaient le même discours que maintenant: circulez, y a rien à voir, on contrôle, tout est prévu, il n'y a rien de grave ! Nous avons eu les mêmes réponses avec le problème de la cigarette: circulez, y a rien à voir, tout est prévu, les choses sont parfaitement faites ! Nous avons eu les mêmes réponses lors du débat sur l'amiante: circulez, y a rien à voir, tout est sous contrôle ! Nous ne croyons plus au contrôle ni aux discours lénifiants sur ce genre de sujets.
On a maintenant des données préoccupantes sur l'utilisation des produits phytosanitaires. Ça ne signifie pas qu'il faut bêtement dire «niet, on n'en veut plus», mais il faut une discussion. C'est pour ça que notre projet de loi permet d'interdire leur utilisation par les privés; c'est quand même le b. a.-ba, parce qu'on sait que ce sont des produits extrêmement dangereux. Et si on les utilise mal, les risques pour la santé sont énormes. Nous ouvrons par contre la porte à la discussion avec les milieux concernés pour trouver la meilleure des solutions et aller de l'avant. Je rejoins la rapporteuse de minorité qui dit qu'il faut être inventif et croire en l'avenir: on ne peut pas continuer à toujours fermer les yeux et les oreilles lorsqu'il y a des problèmes potentiellement graves pour la santé de la population.
C'est surtout l'effet cocktail de ces produits qui représente un problème grave pour la santé de la population ! En tant que médecin, je vous demande simplement de réfléchir et de regarder les résultats des derniers registres sur les cancers aux niveaux européen et mondial: le nombre de lymphomes augmente de 125% à plus de 200% en Israël, en Norvège, en Islande, au Danemark, en France, au Japon et en Suisse ! Nous aimerions savoir, grâce à des études, d'où vient cette augmentation et quels sont les risques courus par la population. La moindre des choses, et la population genevoise s'y attend, c'est que nous nous occupions de sa santé ! Je vous remercie.
M. Patrick Hulliger (UDC), député suppléant. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi est un exemple de demande incohérente, faite sans considération des conséquences ni des compétences accordées aux institutions. Les produits phytosanitaires comprennent les produits de l'industrie chimique mais également ceux d'origine naturelle utilisés dans le bio, ce que confirme le président de Bio Genève pour qui ce projet de loi représente aussi un risque. Définir ce qui est vraiment naturel alors que la plupart des produits phytosanitaires bio proviennent des entreprises chimiques qui les transforment, voilà un vrai problème !
L'OFAG, l'Office fédéral de l'agriculture - avec l'OSAV, l'Office fédéral de la sécurité alimentaire, et l'OFEV, l'Office fédéral de l'environnement - est seul habilité à donner les autorisations pour utiliser un produit phytosanitaire. En voulant légiférer à Genève, nous agissons clairement contre le droit supérieur. Le droit fédéral prévaut ! Les cantons ne peuvent s'y opposer ! Ce projet de loi est tout simplement inapplicable.
Rappelons qu'il existe un plan genevois de recherche scientifique pour optimiser l'utilisation des produits phytosanitaires. Les paysans de ce pays sont bien formés professionnellement; à l'affût des progrès techniques, ils cherchent aussi à limiter les intrants, qui coûtent cher. Ils commencent à être fatigués de recevoir des leçons de gens qui n'ont aucune idée des réalités du terrain. Ce projet de loi est mal ficelé et aurait dû être retiré. Il n'est pas normal de perdre du temps avec des objets contraires au droit supérieur ! L'UDC refusera l'entrée en matière et vous demande de faire de même. Merci de votre attention.
M. Philippe Poget (Ve). Chers collègues, nous sommes en principe tous d'accord sur l'importance de ce sujet et surtout sur le fait que l'utilisation des produits phytosanitaires entraîne des problèmes environnementaux - pollution des sols et des nappes phréatiques - et de santé humaine à cause de résidus de pesticides dans les aliments. En même temps, nous savons que nos agriculteurs, qui sont de vrais professionnels, utilisent les produits phytosanitaires avec parcimonie et de manière réfléchie, eu égard au coût de ces produits, et qu'ils le font pour maintenir le rendement de leur production. L'idée de ce projet de loi n'est donc pas d'attaquer le monde agricole, mais bien d'arriver à développer progressivement des méthodes qui se passent de ces produits. Pour cela, il faut des signes forts qui font prendre conscience à la population qu'il n'est plus temps de tergiverser, mais que le temps de l'action et d'une décision est arrivé. Il faut parvenir à modifier les modes de production, et les familles paysannes soutiendront cette évolution si on peut leur proposer, en accord avec elles, une transition vers de nouvelles méthodes.
Ce projet de loi donne aussi d'autres signes: il montre la nécessité de poursuivre le financement de la recherche dans ce domaine et celle de toujours mieux informer le public. Lors de son audition, le chimiste cantonal a confirmé que 60% à 80% des produits contrôlés contiennent des résidus de pesticides - dans des proportions certes conformes à la législation, mais on sait que cette dernière ne tient pas compte d'un probable effet cocktail. Et il y a encore 4% à 5% de produits contrôlés qui contiennent des doses de résidus non conformes, mettant donc potentiellement la population en danger.
Les autorités cantonales ont informé qu'elles planchent sur un plan d'action pour la limitation des produits phytosanitaires que l'on nous annonce ambitieux - et surtout plus ambitieux que le plan d'action fédéral - mais il n'a toujours pas été présenté. Au niveau national, deux initiatives ont été déposées ce printemps: «Pour une Suisse libre de pesticides de synthèse» et «Pour une eau potable propre et une alimentation saine». Cela montre bien la préoccupation de nos concitoyens et doit nous enjoindre à empoigner ce sujet pour aboutir à un vrai changement dans nos méthodes de production et notre mode de consommation.
La majorité de la commission qui a préavisé le texte n'a visiblement pas saisi l'importance de ce sujet et a même refusé l'entrée en matière alors que celle-ci aurait permis de réfléchir, d'amender et d'améliorer le projet de loi pour en faire un texte exemplaire. A notre parlement maintenant de reconnaître l'importance de cette question et de prendre une décision courageuse, respectant un principe de précaution nécessaire lorsque l'on parle de protéger notre santé et notre environnement. Les Verts vous demandent donc de soutenir cet objet. Merci de votre attention. (Applaudissements.)
M. Jean Burgermeister (EAG). Je ne reviendrai pas sur les effets désastreux des produits phytosanitaires sur l'environnement. Je pourrais bien sûr vous parler de la disparition des oiseaux, mais je crois que vous connaissez le refrain. On sait que ces produits ont un impact important sur la santé, mais on ne sait en revanche pas toujours très exactement la nature de cet impact. On ne connaît pas non plus, on l'a dit précédemment, l'impact de l'effet cocktail qui peut exister, comme pour n'importe quels produits chimiques dès qu'on en combine plus de deux. Il faut donc faire preuve d'une réelle prudence, disons; bien souvent, les avancées technologiques - la mise au point des nouveaux produits phytosanitaires - vont plus vite que les études permettant d'établir avec certitude leur impact sur la santé.
Ce projet de loi comporte un autre point positif. On m'a reproché tout à l'heure - évidemment à tort - de m'attaquer aux agriculteurs. Ici, il est notamment question d'interdire l'utilisation à usage privé de ces produits. Il est vrai que, ces dernières années, on a demandé aux paysans des efforts conséquents sur leurs pratiques agricoles alors qu'une liberté totale est laissée quant aux jardins des privés. Pourtant, les pratiques y sont souvent désastreuses sur le plan environnemental, bien que ces jardins-là puissent avoir une réelle importance dans la protection de la biodiversité à l'échelle du canton. Ensemble à Gauche, vous l'aurez compris, soutient donc ce projet de loi, et je vous invite à en faire de même. Je vous remercie.
Mme Céline Zuber-Roy (PLR). Ce projet de modification de la constitution vise à interdire les pesticides. Dit autrement, il vise à retirer aux agriculteurs la possibilité d'utiliser des outils pour protéger les plantations et la production. Les normes suisses auxquelles les agriculteurs sont soumis sont déjà les plus sévères du monde. Les denrées alimentaires produites à Genève sont de qualité et saines. Nos agriculteurs rencontrent d'importants problèmes économiques et on veut sans arrêt leur rajouter des conditions, modifier constamment les conditions-cadres, ce qui leur rend impossible toute prévision. Il faut arrêter de rajouter des contraintes au niveau local et prendre conscience que la population mange principalement de la nourriture venue de l'extérieur, qui est bien moins bonne. Ça ne sert donc à rien de pousser nos agriculteurs à la faillite en les contraignant à avoir des produits qui seront encore plus chers, et par conséquent encore moins concurrentiels !
De même, l'interdiction des pesticides amènera naturellement une diminution de la production locale vu que les agriculteurs ne pourront plus protéger leurs produits, et donc une augmentation des importations. Importations qui, je le répète, sont de moins bonne qualité que les produits locaux.
Enfin, on a traité le fond mais il faut évidemment aussi parler de la forme: nous avons là un projet de loi non conforme au droit fédéral ! Vous êtes en train de créer une Genferei ! Nous aurons une votation populaire sur un sujet non conforme au droit fédéral; c'est bien possible que la population vote oui sur la base d'arguments émotionnels, et ensuite un tribunal invalidera ce texte. Après cela, il ne faudra pas s'étonner si des gens votent par exemple pour des initiatives pour l'autodétermination ! (Protestations. Exclamations. Commentaires.) Soumettre consciemment au peuple des normes contraires au droit fédéral ne me paraît vraiment pas malin. Pour ces raisons, le groupe PLR s'opposera à ce projet de loi constitutionnelle. (Applaudissements.)
Une voix. Très bien.
Une autre voix. Bravo !
M. Guy Mettan (PDC). Nous avons déjà beaucoup parlé de la dangerosité de ces produits, des dégâts qu'ils entraînent sur la santé publique et sur l'environnement ainsi que de la biodiversité. Je ne vais pas revenir là-dessus mais j'aimerais préciser deux points. Le premier, c'est que les lobbies trafiquent les recherches, faussent les analyses - ce qui n'a pas été mentionné. Ensuite, je voudrais rappeler que ce ne sont pas du tout les paysans qui sont visés par ce projet de loi constitutionnelle, on l'a déjà dit, mais l'ensemble du public. Il s'agit donc de sensibiliser l'ensemble du public et des utilisateurs privés au problème que représentent ces produits dangereux. Voilà le message qui doit passer aujourd'hui.
Le président. Je vous remercie. Puisqu'il faut passer, je passe la parole à Mme la députée Léna Strasser.
Mme Léna Strasser (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi a le mérite d'amener un enjeu important sur la table et de permettre la discussion, et ce malgré le fait que nos élus fédéraux n'ont pas encore pris de mesures pour enrayer le problème. Va-t-on déplorer que notre canton s'inquiète de la santé de ses citoyens ? Comme l'a dit un préopinant, nous voterons tout bientôt sur l'initiative «Pour une Suisse libre de pesticides de synthèse» et certains sondages annoncent que 72% des Suisses pourraient déjà la soutenir. Je pense qu'il est temps d'agir !
Je ne vais pas revenir aux oiseaux, mais un journal suisse titrait la semaine dernière: «Colonie d'écrevisses à pattes rouges décimée, la police trouve le coupable». Il s'agit en l'occurrence d'une entreprise utilisant des produits phytosanitaires de synthèse. Sur ces questions, ce ne sont pas les agriculteurs qui sont pointés du doigt - loin de là. En effet, ils subissent de plein fouet les conséquences de l'utilisation de ces produits sur leurs terres et sur les ressources leur permettant de vivre. C'est un système qui est pointé du doigt, Mesdames et Messieurs. Un système qu'il est temps de réformer: celui de l'utilisation de produits nocifs tant pour l'environnement que pour la santé.
On peut lire dans le rapport de majorité que «60% à 80% des denrées contiennent des résidus de pesticides» - denrées que l'on consomme - «qui sont conformes à la législation». Un taux conforme à la législation, est-ce aujourd'hui suffisant ? Est-ce suffisant pour protéger non seulement nos rivières, nos prairies, nos insectes mais également notre propre santé et celle de nos enfants ? Nous, nous ne le pensons pas et nous soutiendrons ce projet de loi. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Madame la députée. La parole est à M. Georges Vuillod pour vingt secondes.
M. Georges Vuillod (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je voudrais juste corriger deux petites choses. J'ai entendu que les paysans n'étaient pas visés par ce projet de loi; pourtant, ils en subiront pleinement l'ensemble des conséquences et ils vous en remercient par avance. Quant à l'application de l'interdiction faite aux privés, je me réjouis de voir que des fonctionnaires seront embauchés - ce sera certainement validé par le groupe PDC - pour contrôler durant le week-end les gens qui s'occupent de leur propre jardin.
Le président. Voilà.
M. Georges Vuillod. J'espère qu'ils seront assermentés et pourquoi pas armés ! Merci.
Le président. C'est terminé, Monsieur, je vous remercie. Chers collègues, je vous fais voter sur l'entrée en matière avant la pause.
Mis aux voix, le projet de loi 12204 est adopté en premier débat par 48 oui contre 39 non et 3 abstentions.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'art. unique (souligné).
Le président. Le troisième débat n'est pas demandé. (Protestations.) Je passe la parole à M. le conseiller d'Etat Antonio Hodgers. (Protestations.)
Des voix. Oh non !
M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés... (Protestations.) Mesdames et Messieurs les députés... (Protestations.)
Une voix. Chut !
M. Antonio Hodgers. ...le Conseil d'Etat a indiqué à plusieurs reprises, en commission, que les restrictions prévues dans cette proposition de modification constitutionnelle - à savoir les questions d'importation, de vente et d'utilisation d'un produit - sont de compétence exclusivement fédérale. Par conséquent, fidèle à son habitude de refuser le troisième débat lorsqu'un projet de loi paraît de manière vraisemblable non conforme au droit supérieur, le Conseil d'Etat ne demandera pas ce soir le troisième débat. (Quelques applaudissements. Huées.)
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat.
Le troisième débat est reporté à une session ultérieure.