Séance du
jeudi 21 juin 2018 à
14h05
2e
législature -
1re
année -
2e
session -
9e
séance
R 854
Débat
Le président. Nous abordons à présent la résolution 854, classée en catégorie II, trente minutes. La parole est à M. Stéphane Florey.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, de l'économie à rien du tout: aujourd'hui, l'UDC est inquiète de voir le département de l'économie disparaître, de le voir dissous au sein de trois départements, alors que ce domaine est d'importance capitale pour notre canton et pour notre avenir à tous. Le projet de réforme fiscale et financement de l'AVS, anciennement PF 17, pour ne citer que le plus important - et Dieu sait s'il y en a d'autres - est crucial à tous les niveaux: pour nos emplois et pour nos recettes fiscales. Nous n'avons pas le droit à l'erreur. Alors comment et pourquoi avoir imaginé une telle dissolution dans le contexte actuel ? La transversalité et le dialogue entre les sept départements voulus par beaucoup d'entre nous n'ont jamais réellement fonctionné. Nous nous demandons simplement comment nous allons pouvoir avancer pour être gagnants face à de tels enjeux.
Du DIP au DFJ: Genève est à la fois consternée et outrée de la décision extravagante de changer le nom du département de l'instruction publique en «département de la formation et de la jeunesse». Le DIP, sous cette désignation, a été créé dans la constitution de la République et canton de Genève du 24 mai 1847. Il est ancré dans la Constitution fédérale à l'article 62 sous l'intitulé «Instruction publique». Ce libellé historique est lié à la révolution des années 1847-1848 qui a instauré la démocratie en Suisse, dont l'un des piliers est l'instauration de l'instruction publique obligatoire, inscrite dans la Constitution fédérale de 1874 et reconduite dans la révision de 1999. L'histoire genevoise de ce département est longue, en voici quelques noms: Antoine Carteret prend la tête du DIP en 1870; Georges Favon dirige le DIP en 1899; Adrien Lachenal devient le président du DIP en 1936; André Chavanne demeure au DIP vingt-quatre années dès 1961; Anne Emery-Torracinta, en 2018, le rebaptise «département de la formation et de la jeunesse».
On ne supprime pas une notion historique aussi emblématique par simple lubie, ni parce que d'autres cantons romands l'ont fait. C'est une erreur de croire que ce changement est anodin. L'instruction publique est régulièrement attaquée dans sa mission, que ce soit par la droite ou par la gauche. Mais il était une chose inamovible, sur laquelle tous tombent d'accord: le nom, instruction publique. L'instruction publique est fondamentale en ce sens qu'elle ne se réduit pas à la formation ni à l'éducation, rôle dévolu aux familles. L'adjectif «public» souligne l'aspect étatique, donc égalitaire, de cette tâche. Il épouse les fondements mêmes de notre Etat, lui aussi républicain. L'UDC est affligée, à l'instar des Genevois, de cet effacement volontaire, de cet oubli décidé, et de ce qu'elle tient pour une trahison.
De moyen à médiocre ou de mauvais à très bien ? C'est la question que l'on est en droit de se poser aujourd'hui face à un tel marchandage digne des marchands de tapis du grand bazar de Constantinople. Car, il faut bien l'avouer, le précédent Conseil d'Etat n'a de loin pas brillé par ses actes et ses promesses qu'il n'a pas tenues. Ce gouvernement fera-t-il mieux ou pire ? L'avenir nous le dira; toutefois, cela semble bien compromis.
Pour le reste, nous avons été surpris de voir le département présidentiel attribué à un conseiller d'Etat qui, selon un communiqué du ministère public du 15 mai 2018... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...est sous le coup d'une procédure concernant l'affaire qui nous a occupés précédemment. Nous sommes également consternés d'apprendre que nos sept conseillers d'Etat n'ont pas réussi à trouver un consensus concernant la répartition des départements et qu'il leur a fallu un vote à la majorité pour y arriver. Comment va fonctionner ce Conseil d'Etat si, dès le départ, il n'arrive pas à se mettre d'accord ? Vous l'aurez compris, l'UDC refusera la modification de la composition des départements et vous invite à faire de même. Pour cela, elle a déposé un amendement...
Le président. C'est terminé, Monsieur le député.
M. Stéphane Florey. ...qui refuse cette modification et que je vous invite à soutenir. Je vous remercie de votre attention.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, depuis plusieurs législatures, à chaque renouvellement du gouvernement apparaît un nouveau découpage des départements, une nouvelle redistribution des missions de l'Etat et de ses services. S'il s'agissait de la recherche d'une meilleure adéquation à l'évolution de la société et aux besoins de la population, nous ne pourrions qu'y souscrire. Or ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Nous assistons à chaque fois à une sorte de redécoupage à la carte en fonction des desiderata et des intérêts des nouveaux conseillers d'Etat, avec encore, en corollaire, la désagréable impression que c'est moins la cohérence de l'action de l'Etat, la préoccupation de l'intérêt de la population qui prime, que l'intérêt personnel et partisan des magistrats, et, accessoirement, leur capacité à négocier la part qu'ils revendiquent.
A chaque changement, à chaque nouvelle composition, ce sont autant de réorganisations de services, autant d'adaptations de la signalétique des départements et services qui doivent être modifiés. Ce sont surtout autant de déplacements de collaborateurs et de redéfinition d'équipes. Autant le dire clairement aux habituels censeurs du budget: le bal des départements organisé depuis un certain nombre de législatures au moment de l'intronisation de chaque nouveau gouvernement coûte autant sur le plan humain que sur le plan financier. Mais avant tout, ce sont surtout des changements d'interlocuteurs pour les citoyens, pour les partenaires, avec tout ce que cela peut également induire de changements d'orientation politique. Certes, l'Etat n'est pas un monolithe, mais il devrait au moins conserver une certaine continuité dans la durée. Sa cohérence est à ce prix.
Au-delà de cette inconstance, il y a également dans cette redistribution des tâches de l'Etat des lacunes, des incohérences qui laissent pantois: mais où donc se niche l'économie, un secteur dont le moins qu'on puisse dire est qu'il n'est pas tout à fait mineur ? Un peu chez M. Poggia, un peu chez M. Maudet, un peu ailleurs. Comme auparavant, sans trop l'afficher, discrètement, mais avec certains des interlocuteurs qui s'interchangent, par exemple pour la surveillance du marché de l'emploi.
En ce qui concerne le nouveau département de la formation et de la jeunesse, quelle logique ? Quel sens cela a-t-il de séparer l'instruction publique, la culture et les sports lorsqu'on sait les étroites interactions qu'il peut y avoir entre ces différentes disciplines, notamment au travers de certaines filières, voire pour une grande part de la population qui est visée ?
Alors comment développer et entretenir des synergies, lorsqu'il faut à chaque fois rompre des collaborations et en établir de nouvelles ? Vous l'aurez compris, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe Ensemble à Gauche n'est pas favorable à cette valse des départements. Il considère que l'organisation de l'Etat doit correspondre à la manière la plus adéquate de répondre avant tout aux besoins de la population et aux impératifs de fonctionnement de l'appareil de l'Etat, les desiderata des nouveaux magistrats ne devant intervenir qu'accessoirement et tout d'abord en cohérence avec l'organisation pérenne de l'Etat. Je vous remercie de votre attention.
M. Mathias Buschbeck (Ve). Chères et chers collègues, il est peut-être important de rappeler l'idée de la Constituante en vertu de laquelle, depuis deux législatures maintenant, nous devons nous prononcer par voie de résolution sur la répartition des départements. Nous considérons cela plutôt comme un garde-fou que nous a donné la Constituante, nous permettant de voir si la pérennité et la suite de la marche de l'Etat sont mises en danger par la répartition des départements. En l'occurrence, on peut vraiment considérer que non, et ce débat prend la tournure que nous craignions, c'est-à-dire qu'il y a autant d'avis qu'il y a de députés sur la façon dont on aurait pu faire cette répartition.
On peut ergoter longtemps pour savoir si le département présidentiel et les politiques publiques de l'aéroport et de la police doivent être ensemble; on peut ergoter longtemps sur le nom du DIP ou sur le département de la cohésion sociale qui a le même nom qu'en Ville de Genève; on peut ergoter sur de nombreux sujets, mais l'important aujourd'hui est de savoir si nous considérons qu'il y a péril en la demeure: les Verts considèrent que ce n'est pas le cas. Cette répartition des départements, ce sont sept conseillers et conseillères d'Etat qui se sont mis d'accord sur la façon dont ils voulaient travailler pour les cinq prochaines années. Les Verts soutiendront donc cette volonté de travailler ensemble pour les années à venir. Je vous remercie.
M. Guy Mettan (PDC). Chers collègues, du fait de la séparation des pouvoirs, c'est à l'exécutif qu'il revient de s'organiser lui-même et non pas au parlement d'indiquer ce qu'il doit faire. Ça, c'était pour le principe. Mais effectivement, depuis que nous avons adopté la nouvelle constitution, le Grand Conseil est consulté sur cette organisation du gouvernement à chaque nouvelle législature. Dès lors, contrairement à mon préopinant, je trouve qu'il est légitime que le Grand Conseil fasse entendre sa voix sur la proposition qui nous est soumise aujourd'hui.
Je ferai trois remarques. La première est positive, parce que le nouveau gouvernement a tenu compte de l'expérience de la dernière législature, qui avait montré que le département présidentiel était un peu solitaire, un peu coupé des réalités concrètes du canton, puisque le titulaire du département présidentiel, M. Longchamp en l'occurrence, n'avait pas d'affaires propres dans son département, à part quelques compétences en matière de communes, de relations transfrontalières et de la Genève internationale. C'est donc une bonne chose que, dans cette nouvelle réorganisation, le président du Conseil d'Etat soit lui-même doté d'un département. C'est le côté positif.
Le côté plus négatif, cela a été exprimé tout à l'heure par notre collègue de l'UDC, c'est cette nouvelle dénomination de l'instruction publique. Cela a été dit, l'instruction publique existe depuis un siècle et demi. Ce n'est pas parce qu'elle existe depuis un siècle et demi qu'on ne peut pas la changer, mais que veut dire «formation et jeunesse» ? Cela ne veut rien dire du tout ! A un moment où on insiste sur la valeur de l'éducation pour notre société, il faut rappeler que la mission principale de ce département est celle de l'instruction et rien d'autre. Je suis très étonné aussi de ce changement, parce que pas plus tard que la semaine dernière, on se battait - c'est un débat qui dure depuis des années maintenant - pour savoir si la formation des maîtres de l'enseignement primaire doit se faire en trois ou quatre ans. Lorsque certains d'entre nous ont suggéré qu'elle se fasse en trois ans plutôt que quatre, on nous a accusés de vouloir démanteler l'instruction publique, de nous attaquer à la mission du DIP et que c'était au fond un scandale que d'oser proposer cela. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Je m'excuse, mais je trouve que supprimer les mots «instruction publique» est un attentat à l'instruction beaucoup plus conséquent que celui de la mise à niveau à trois ans de la formation des maîtres.
Enfin, concernant la suppression de l'économie: qu'est-ce que la suppression du département de l'économie signifie ? C'est tout ce qui fait vivre le canton...
Le président. Il faut terminer, Monsieur le député.
M. Guy Mettan. J'ai fini. ...et la Confédération. Cela n'a pas de sens non plus de vouloir bannir l'économie ! Sans parler - puisqu'il s'agit d'économie - du coût estimé à 1 million de francs. Pour ces raisons, le PDC acceptera la résolution, mais à titre personnel, je m'abstiendrai.
M. Cyril Aellen (PLR). Monsieur le président, vous transmettrez à l'intervenant des Verts qu'il n'y a pas autant d'avis que de députés, puisque après avoir écouté de façon extrêmement attentive et non partisane les déclarations de Mme Jocelyne Haller, je souscris à chacun de ses mots. J'ajoute à ceux-ci que le PLR a compris la correction qui a été faite s'agissant de la constitution de sept départements en sus du département présidentiel. En revanche, les autres changements de noms, coûteux et problématiques, comme cela a été exposé par la députée d'Ensemble à Gauche; en revanche, la disparition du département de l'économie; en revanche, la disparition des mots «instruction publique», signe clair d'une tâche régalienne et universelle de l'Etat, sont des faits qui probablement marqueront de façon importante le début de cette législature. Le groupe PLR ne souhaite en aucun cas être associé à cette disparition et refusera la résolution 854.
M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, le vote de cette résolution en vertu de la nouvelle constitution est quelque peu particulier. En effet, nous n'avons pas un véritable choix aujourd'hui: nous pouvons émettre des critiques, des commentaires, je l'entends bien, mais nous n'avons pas vraiment de choix, car si nous refusons cette résolution, nous retardons encore un peu plus l'entrée en fonction de ces départements. Nous laissons finalement ces sept personnes dans un chômage technique pendant l'été... (Commentaires.) ...puisqu'elles ne savent pas quel département leur sera attribué par la suite, et ce serait en somme le choix le plus coûteux, puisqu'il y a en effet déjà des changements de noms, de départements. Or s'ils doivent recommencer, on multiplie les frais par deux et l'erreur serait véritablement là. (Commentaires.) En définitive, cette constitution ne nous laisse donc guère le choix, même pour ce qui est du timing, puisque nous votons après la répartition des départements et surtout après que les magistrats sont entrés en fonction.
Le groupe socialiste votera cette résolution, vous l'avez bien compris. En revanche, il ne pourra pas s'empêcher de faire quelques commentaires, c'est vrai, et certaines critiques déjà mentionnées, notamment concernant la suppression du département de l'économie au sein du Conseil d'Etat. C'est étrange. Je vous donne un seul exemple: à la commission de l'économie - une commission qui porte encore ce nom, c'est surprenant - nous traitons la loi sur les horaires d'ouverture des magasins et, lorsque nous demandons l'audition du Conseil d'Etat, je dois vous avouer que nous ne savons absolument pas à quel magistrat ou magistrate nous adresser. En l'occurrence, c'est M. Poggia qui est finalement venu, puisque l'OCIRT lui est rattaché. On peut se demander si, d'un point de vue économique, hormis s'agissant du contrôle des heures d'ouverture des magasins - et encore, le service du commerce pourrait s'en charger - c'est véritablement à M. Poggia et à l'OCIRT de s'intéresser aux questions de concurrence avec la France voisine notamment. Dès lors, cette question se pose et on peut être critique, c'est vrai, concernant la disparition de ce domaine.
D'autres questions se posent également s'agissant de la répartition entre les différentes personnes. C'est vrai que le groupe socialiste s'interroge quand il voit le magistrat anciennement chargé des finances quitter ce département, alors que les plus gros dossiers à venir au cours cette législature sont bien au département des finances - je parle notamment du PF 17, de la CPEG et également du projet SCORE. C'est une surprise dans la répartition des départements.
Enfin, je terminerai extrêmement vite, Monsieur le président, sur la surprise de voir l'alliance des partis non gouvernementaux avec le plus grand des partis gouvernementaux. C'est quelque peu atypique, mais peut-être faudra-t-il s'y habituer. En effet, le PLR, en critiquant cet aspect coûteux de réorganisation des départements, en s'attaquant une nouvelle fois à l'instruction publique qui devient le département de la formation et de la jeunesse - cet intérêt marqué du PLR pour ce département-là devient une habitude - mais surtout en entraînant, par son vote, le risque d'un coût supplémentaire induit par une nouvelle répartition des départements, fait preuve de peu de responsabilité alors qu'il est le plus grand parti gouvernemental de ce canton.
M. Sandro Pistis (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, en entendant les propos du PLR et de certains députés, le MCG se dit qu'André Chavanne, conseiller d'Etat socialiste à la tête du département de l'instruction publique durant vingt-quatre ans, de 1961 à 1985, doit se retourner dans sa tombe. N'a-t-il pas dit en réponse aux attaques incessantes du parti libéral de l'époque que le DIP serait supprimé un jour par un conseiller d'Etat libéral ? Ironie du sort, c'est une socialiste qui débaptise ce monument historique et voici les libéraux qui jouent les réactionnaires ! La preuve, une fois de plus, que la gauche et la droite ne sont que des visions photographiques des idées du moment et que seul le bon sens résiste au film de l'histoire. C'est au nom du bon sens, précisément, que le MCG ne descendra pas dans le préau d'école où certains essaient d'attirer notre parlement. Il soutiendra cette résolution qui permettra d'avoir un fonctionnement crédible de notre Etat. Rappelons que notre Grand Conseil ne se prononce que sur la répartition des politiques publiques au sein des nouveaux départements et non sur l'attribution des départements au sein du collège gouvernemental. A cet égard, nous sommes heureux que notre conseiller d'Etat Mauro Poggia puisse renforcer sa politique en faveur de nos demandeurs d'emploi par l'action de l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail. Refuser cette résolution, c'est prendre le risque de démarrer cette législature de la pire des manières... (Remarque.) ...à savoir sur un échec, et d'entacher nos cinq prochaines années. Mesdames et Messieurs, c'est en vertu de ce bon sens que le groupe MCG soutiendra cette résolution. Il vous invite à en faire de même.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Patrick Dimier pour cinquante secondes.
M. Patrick Dimier (MCG). Merci, Monsieur le président. Ce parlement a déjà démoli une loi-cadre fondée par Carteret au début de notre république, la loi sur laïcité, et voilà qu'on vient démonter un deuxième élément qui, lui, est absolument structurant et au coeur même de la république moderne. Vouloir appeler ce département autrement que «de l'instruction publique»... Y ajouter la formation est une autre possibilité, mais enlever la dénomination d'instruction publique est tout simplement une insulte faite à notre histoire.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Patrick Lussi pour... (Remarque. Un instant s'écoule.) Ah non, il n'y a plus de temps. Je suis désolé ! La parole est à M. le magistrat Pierre Maudet.
M. Pierre Maudet, président du Conseil d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat a bien évidemment écouté avec beaucoup d'attention cet intéressant débat, qui porte sur la question de savoir s'il y a un pur acte de gouvernement, parce que c'est un acte de gouvernement que de se répartir les ministères - vous agréez ou pas.
D'emblée, il faut rectifier un ou deux termes employés: le Conseil d'Etat, lorsqu'il se réunit en conclave avant de prêter serment pour s'attribuer les départements, procède non pas à des marchandages, mais à une subtile alchimie... (Commentaires.) ...qui consiste, et certains d'entre vous l'ont bien relevé, à attribuer les maroquins en fonction du résultat des élections, en fonction des attaches partisanes, en fonction des compétences bien sûr des uns et des autres, en fonction également de ce dont on est tributaire sur les législatures précédentes. Ce subtil équilibre, Mesdames et Messieurs, résulte aussi d'une analyse sur le poids en ETP, sur le poids en subventions, mais également sur la faculté, dans un Conseil d'Etat qui compte cinq partis, de se porter et de se projeter sur les cinq ans à venir et de porter précisément les grandes réformes qui vont vous être soumises.
Cet acte de gouvernement, Mesdames et Messieurs, c'est souvent aussi, et vous le révéliez en creux par certaines de vos interventions, la première occasion pour les magistrates et les magistrats de couper le cordon ombilical avec les partis. (Remarque.) Eh bien oui, mais c'est comme ça, et c'est ainsi que c'est conçu ! Pour les partis non gouvernementaux évidemment, cela ne pose par définition pas de problème, et on ne vous en voudra pas d'avoir tenu les propos récurrents que vous continuerez de nous tenir, j'espère, lors de la prochaine législature dans la mesure où vous ne serez toujours pas gouvernementaux. S'agissant des partis gouvernementaux, il y a là véritablement une question à se poser, qui est celle de savoir dans quelle mesure on fait confiance au gouvernement et aux élus qui portent ces partis. En même temps, en vous disant cela, je vous confesse volontiers, pour employer une expression qui convient aujourd'hui, que précisément, en coupant le cordon ombilical, chaque parti peut de son côté reprendre ses billes et décider de soutenir ou non ce type de résolution.
Ce qu'il nous importe de dire aujourd'hui, c'est que l'attribution des départements, et donc la résolution qui vous est proposée précisant le redécoupage, est l'expression d'une volonté politique forte. Une volonté qui porte notamment, cela a été dit dans le discours de Saint-Pierre, sur la notion de cohésion sociale, un angle qui va articuler l'ensemble de la législature. Une volonté de transversalité, et il faut lire ici la diffusion de l'économie sur la plupart des départements comme celle d'une vraie transversalité sur cette politique publique, avec de toute évidence - on interpellait tout à l'heure le Conseil d'Etat sur l'aéroport - une dimension transfrontalière extrêmement forte et donc de nature présidentielle pour cet ouvrage. Il y a, là aussi, cela été souligné par le MCG, l'importance de concentrer à côté de l'office cantonal de l'emploi les compétences de contrôle du marché du travail, avec la volonté de soutenir le monde de l'entreprise et notamment les petites et moyennes entreprises à travers le département des finances, en lien naturellement avec la vocation de crédit qu'a la Banque cantonale de Genève; à travers la fondation d'aide aux entreprises qui se voit ainsi renforcée dans la notion de crédit et de soutien aux petites entreprises; à travers bien sûr l'activité, dans le domaine de l'action sociale, de celles et ceux qui doivent faciliter la transition du monde social au monde professionnel, et je ne veux pas oublier le département de la formation et de la jeunesse, qui ne fait pas qu'instruire, mais qui forme plus généralement, qui forme des enfants, des jeunes, mais également des adultes, et qui, à travers ce changement de nom, épouse un libellé très largement répandu à l'exception notable du canton de Fribourg. C'est une évolution, une évolution souhaitée par le Conseil d'Etat, et qui caractérise aussi l'importance de ne pas oublier une catégorie de la population, à savoir la jeunesse, à laquelle vous avez d'ailleurs décidé, Mesdames et Messieurs, lors de la législature précédente, de consacrer une loi et un certain nombre d'efforts.
Il a été dit çà et là, sur certains bancs, que cela générait des coûts. C'est vrai, mais ces coûts sont largement réductibles et il faut cesser de perpétuer la légende qui voudrait que l'on réimprime à chaque législature des enveloppes et du papier - c'est fini, le temps de l'impression. Ce sont aujourd'hui des changements numériques tout simples qui s'opèrent; vous recevez vous-même régulièrement des courriers avec des enveloppes à fenêtre - pardonnez-moi d'être si trivial, mais c'est la réalité - et nous avons également sur les plaques de département des films plastiques qui se retirent et qui se collent, ce sont donc aujourd'hui quelques dizaines de milliers de francs au maximum que représentent les coûts de ces changements de départements.
Un mot enfin, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, pour vous dire qu'au-delà du vote de cette résolution, au-delà de la question du strict découpage des départements, ce qui importe - et nous espérons que vous l'avez perçu lors du discours de Saint-Pierre, nous espérons, et nous nous faisons forts de cela, que vous le percevrez lors du programme de législature qui vous sera présenté, comme le veut la constitution, dans les six mois qui viennent - ce qui importe, ce qui compte pour notre Conseil d'Etat, pour votre gouvernement, c'est une dynamique transversale. C'est la capacité de travailler, on l'a dit, en binôme, mais également en délégation. Nous avons constitué quatre délégations, fortes, qui réunissent à chaque fois trois magistrats et portent sur des axes structurant la législature, et c'est là, Mesdames et Messieurs, qu'il faudra nous juger: sur la capacité des départements à s'interpénétrer, à travailler ensemble sur ces thématiques précises. C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, dans l'expression d'un Conseil d'Etat un et indivisible, nous souhaitons faire nôtre non pas seulement le discours de Saint-Pierre de cette année - celui-là, évidemment, est nôtre - mais vous rappeler ce qui avait été dit il y a quatre ans et demi, à savoir qu'il y a toujours une belle valeur pour cette législature, au Conseil d'Etat, c'est une place pour chacun, et que de manière générale, chacun a sa place. Merci de soutenir cette résolution.
Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote sur cette résolution 854.
Mise aux voix, la résolution 854 est approuvée par 51 oui contre 43 non et 3 abstentions.