Séance du
vendredi 22 juin 2018 à
14h
2e
législature -
1re
année -
2e
session -
14e
séance
PL 12299-A
Premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs, nous arrivons au dernier projet de loi concernant les comptes. Il s'agit du PL 12299-A sur les états financiers consolidés que nous traitons en catégorie II, trente minutes. La parole revient au rapporteur, M. Alberto Velasco.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Je ne vais pas me répéter puisque, comme vous me l'avez fait remarquer, j'ai présenté par erreur précédemment mon introduction sur ce projet de loi - je pense que le Mémorial en tiendra compte.
Cela étant, je profite de l'occasion qui m'est donnée pour remercier très chaleureusement le secrétariat du Grand Conseil, et notamment M. Raphaël Audria qui a été d'une très grande aide dans l'établissement de ces rapports. Je tiens aussi à remercier tous les fonctionnaires du département des finances. (Applaudissements.) Pour le surplus, Monsieur le président, j'invite mes collègues à accepter le PL 12299-A.
Le président. Je vous remercie. A présent, Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 12299 est adopté en premier débat par 83 oui contre 7 non.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les art. 1 et 2.
Troisième débat
Le président. Je cède la parole à Mme la conseillère d'Etat Nathalie Fontanet.
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, à l'heure où s'achèvent les travaux sur les comptes, étape importante de l'année parlementaire, je souhaiterais partager avec vous quelques considérations sur nos perspectives financières. Bien que ce soient les comptes et non le budget qui révèlent le véritable état de santé des finances publiques, il est indispensable d'anticiper, au-delà de l'exercice écoulé, la prochaine année budgétaire.
Pour ce faire, je vais extrapoler à partir des tendances du passé afin que nous soyons tous conscients des enjeux financiers de cette nouvelle législature. Le résultat 2017, nous l'avons vu, est à l'équilibre; nous pouvons espérer que la tendance conjoncturelle favorable que l'on observe depuis quelques mois soit de nature, si elle perdure, à influencer positivement les comptes 2018, le budget 2019 ainsi que le plan financier quadriennal pour les exercices suivants.
Je souhaite tout d'abord procéder à quelques rappels s'agissant des grandes masses du compte de fonctionnement de l'Etat. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, les impôts représentent plus de 80% des recettes publiques. C'est dire combien l'action de l'Etat est dépendante des revenus fiscaux, et plus particulièrement de la petite minorité de contribuables qui produisent la grande majorité de ceux-ci. Notez que le Conseil d'Etat partage le souhait des groupes de l'Alternative et serait absolument enchanté qu'une telle répartition évolue, que les citoyens soient plus nombreux à contribuer à l'impôt. En effet, il ne s'agit pas de reprocher aux riches d'être les plus importants contributeurs, mais de faire en sorte que les plus pauvres gagnent davantage et participent, eux aussi, à la fiscalité. Voilà la vision du Conseil d'Etat... (Remarque.) Mais je n'en doute pas, Madame la députée !
En ce qui concerne l'impôt sur les personnes physiques imposées au barème ordinaire, environ trois quarts des revenus proviennent d'un petit sixième des contribuables. S'agissant de l'impôt sur la fortune, les deux tiers sont assurés par 1,1% des citoyens. Enfin, 1% des personnes morales contribuent à plus de trois quarts de l'impôt sur le bénéfice. Voilà pourquoi il est essentiel, Mesdames et Messieurs, n'en déplaise à certains, que nous maintenions des conditions économiques et fiscales favorables pour garder ces contribuables sur notre territoire.
J'évoquais précédemment l'augmentation modérée des recettes fiscales et des revenus totaux du canton; eh bien, en moyenne, depuis les comptes 2011 jusqu'au budget 2018, cette évolution est de 1,7%. Sans les quelques gros dossiers fiscaux qui ont amélioré notre résultat ces dernières années, elle aurait été plus faible encore ! Le monde a changé, et le temps est dorénavant révolu où David Hiler nous expliquait qu'avec 2% de croissance économique, celle des revenus s'élevait à 3% et qu'il était possible de financer une hausse des charges de 2%.
Actuellement, même dans un contexte économique favorable - 1,8% de progression du PIB suisse en 2018 selon le Groupe de perspectives économiques - la croissance des revenus de l'Etat manque de dynamisme. Ce constat est encore plus marqué si l'on se réfère à l'évolution des recettes totales - impôts et revenus non fiscaux - des comptes 2011 au budget 2018, dont la moyenne annuelle n'est que de 0,9%. Retenez bien ce chiffre, Mesdames et Messieurs les députés, et posez-vous la question suivante: qu'allons-nous bien pouvoir financer si la croissance des revenus de l'Etat demeure inférieure à 1% et que cela devient une tendance structurante pour les prochaines années ? Même les pistes d'amélioration envisagées par le précédent Conseil d'Etat ne seront pas de nature à compenser la forte augmentation des charges que je m'apprête à évoquer maintenant.
Quelle est la dynamique des charges de fonctionnement de l'Etat ? Notre environnement est en mutation, car en sus des revenus fiscaux qui marquent le pas depuis quelques années, il faut tenir compte de l'explosion des dépenses liées à des obligations légales et aux évolutions structurelles de notre société sur le plan sociodémographique. Le total des charges de fonctionnement a progressé en moyenne de 1,6% entre les comptes 2011 et le budget 2018. Cela étant, nous avons bénéficié ces dernières années d'évolutions favorables, comme les intérêts de la dette qui ne s'élevaient plus qu'à 180 millions en 2017 contre plus de 300 millions il y a une dizaine d'années. Dorénavant se pose la question du financement des charges dynamiques: les prestations sociales aux personnes physiques sous condition de ressources ont enregistré, entre les comptes 2011 et le budget 2018, une croissance annuelle de 4,2%.
Cette progression cache différentes réalités. Par exemple, les prestations relatives à l'assurance-maladie - délivrance des subsides et couverture des assurés insolvables - ont augmenté en moyenne de 7,1% durant la même période. Sans modification structurelle du système, ces charges dynamiques d'ordre sociodémographique - assurance-maladie, aide sociale, prestations complémentaires - poursuivront leur ascension à l'avenir. Contrairement à la quasi-totalité des cantons suisses, celles-ci sont exclusivement à la charge de la collectivité à Genève, et le Conseil d'Etat ne dispose d'aucune marge de manoeuvre pour en maîtriser l'évolution, car elles résultent de l'application de lois cantonales, c'est-à-dire de décisions de votre Conseil.
Quant à l'équilibre du compte de résultat, lorsque le Conseil d'Etat se réunit pour débattre du projet de budget, l'augmentation des revenus est immédiatement absorbée par celle des charges contraintes. Pour financer les projets en cours, il est donc nécessaire, outre de trouver d'éventuelles nouvelles recettes, de réaliser des économies sur d'autres postes. Mon objectif n'est pas d'esquisser tous les défis en matière d'équilibre du compte de fonctionnement; vous aurez aisément compris que nous allons nous retrouver dans une situation complexe ces prochains mois, voire ces prochaines années.
La gestion des finances cantonales constitue un défi non seulement pour le gouvernement, mais également pour l'ensemble de la classe politique genevoise. Nous n'aurons pas d'autre choix que de nous écouter, de nous concerter et de dégager de larges consensus afin de respecter notre constitution ainsi que la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat, qui nous impose de respecter le principe d'équilibre des comptes et du budget de fonctionnement à moyen terme. Au-delà des exigences légales en matière de frein au déficit, c'est une question de responsabilité politique, et le Conseil d'Etat n'entend pas s'y soustraire.
Néanmoins, le défi ne s'arrête pas au seul équilibre des charges courantes de l'Etat, nous devrons encore trouver le moyen de financer de nouveaux projets essentiels pour Genève. Ces projets sont lancés; notre canton est par exemple à l'aube d'un changement majeur dans les transports avec la mise en service du tant attendu Léman Express d'ici la fin de l'année 2019. Les différentes mesures des projets d'agglomération de même que les nouvelles lignes de tram représentent également des infrastructures essentielles pour le développement de notre région.
Mais nous sommes aussi attendus au tournant dans d'autres domaines, notamment celui du logement. Il nous faudra réunir les conditions nécessaires pour la réalisation du nouveau centre urbain Praille-Acacias-Vernets, qui comptera près de 12 000 logements. La construction et la rénovation de bâtiments pour l'enseignement et la recherche, ou l'extension de la capacité d'accueil en milieu hospitalier constituent à cet égard des investissements prioritaires.
En ce qui me concerne, je vais devoir mener à bien trois projets majeurs, à commencer par la réforme de la fiscalité des entreprises dont j'ai déjà eu l'occasion de vous parler. Nous devrons nous entendre sur les modifications à apporter au projet genevois, Mesdames et Messieurs, afin de mieux tenir compte de l'accord intervenu au niveau fédéral, mais attention: le but n'est pas de prendre du retard sur son entrée en vigueur.
Il y a ensuite le projet SCORE, destiné à remplacer l'actuelle loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'Etat, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers. Cette réforme du traitement de la fonction publique a pour objectif de rendre plus cohérente et équitable la grille d'évaluation et de rémunération qui concerne 45 000 personnes travaillant pour l'Etat de Genève et divers établissements autonomes du canton. En vigueur depuis 1974, le système actuel est obsolète: il ne tient pas compte de l'émergence de nouvelles formations et ne reflète pas suffisamment l'importance prise par certaines compétences dans le monde du travail aujourd'hui.
Les relations tendues entre les associations représentatives du personnel et le Conseil d'Etat ainsi que la méfiance réciproque qui s'est instaurée n'a pas permis de mener à bien cette restructuration, alors que l'intégration du système salarial à une politique globale en matière de ressources humaines est devenue une nécessité. Il me paraît indispensable de renouer le dialogue avec les associations représentatives du personnel en changeant de paradigme, en nous faisant mutuellement confiance. Si nous voulons que les collaborateurs adhèrent au projet, nous devons nous montrer plus transparents. De manière générale, je souhaite à terme parvenir à moderniser la fonction publique et à dynamiser la politique des ressources humaines.
Enfin, Mesdames et Messieurs, parce qu'une politique des ressources humaines moderne et dynamique implique une vision en matière de prévoyance professionnelle, nous devons nous attaquer à l'assainissement de la CPEG. L'Etat se doit de veiller à l'attractivité des prestations pour les actuels et futurs employés en garantissant une solution équitable entre les générations. Face à une potentielle baisse des taux d'intérêt et au risque de voir les prestations de la principale caisse de pension de l'Etat se dégrader une nouvelle fois, le Conseil d'Etat a déposé à l'automne 2017 un projet de loi visant à remédier à deux des trois faiblesses de la CPEG.
Il convient d'abord de pallier l'insuffisance de capitalisation de cette institution. Ainsi, la réforme prévoit une recapitalisation immédiate à hauteur de 80% des engagements au passif du bilan des états financiers de la CPEG. Puis, il y a la faible marge de manoeuvre en matière de pilotage de la CPEG. Pour permettre une adaptation plus rapide des prestations à l'évolution des rendements, le texte propose le passage au système de primauté des cotisations. Un projet de recapitalisation d'une telle ampleur - il s'agit de plusieurs milliards ! - ne peut être adopté que par une très large majorité, Mesdames et Messieurs, c'est un prérequis. Or, à mon sens, les projets issus de la commission des finances ne répondent pas à cet impératif.
Les bonnes performances des marchés en 2017 ne doivent pas nous faire perdre de vue cet objectif. En effet, les rendements financiers ou la baisse du taux technique de la CPEG sont de nature à fortement dégrader le taux de couverture des engagements de la caisse et à replonger l'ensemble des acteurs dans une situation d'urgence qui ne serait pas propice à des décisions réfléchies. C'est pourquoi je souhaite, et le Conseil d'Etat avec moi, que nous remettions l'ouvrage sur le métier afin de trouver ensemble une solution permettant de réduire les risques pour toutes les parties prenantes: les assurés de la CPEG, l'Etat employeur et l'Etat garant, et finalement la population genevoise.
Selon notre constitution, Mesdames et Messieurs, l'Etat doit maîtriser l'endettement et le maintenir à un niveau qui ne menace pas les intérêts des générations futures. Ces dernières années, la dette s'est allégée en raison des taux négatifs appliqués depuis 2015 qui ont eu pour effet que les contribuables ont massivement réduit leurs créances fiscales. Cette diminution n'est donc pas structurelle, et la remontée des taux d'intérêt risque de provoquer l'effet inverse, faisant resurgir la maîtrise de la dette comme un thème politique clé, ainsi que ce fut le cas en 2013, lorsque à une large majorité, le Grand Conseil avait instauré le mécanisme du frein à l'endettement dans la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat.
Au vu des projets indispensables pour la collectivité genevoise que nous devons financer et des enjeux auxquels nous sommes confrontés, le Conseil d'Etat devra procéder à des choix pour garantir un retour à l'équilibre des finances cantonales à moyen terme, vous en conviendrez. Ma conviction est qu'il est nécessaire d'assainir durablement nos finances et de contenir les dépenses de manière d'une part à assurer la pérennité de l'Etat et des prestations publiques, notamment en faveur des plus vulnérables, d'autre part à aborder les réformes qui nous attendent dans les meilleures conditions.
Mesdames et Messieurs les députés, je peux vous assurer que tant le Conseil d'Etat que moi-même resterons ouverts à la discussion et transparents afin que nous convergions vers des consensus. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Pour conclure, je mets aux voix l'entier de ce texte.
Mise aux voix, la loi 12299 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 88 oui contre 8 non.
Le président. Ça y est, Mesdames et Messieurs, nous avons terminé ce long débat de deux jours sur le rapport de gestion et les comptes 2017 ! Un grand merci pour votre travail.