Séance du
vendredi 22 juin 2018 à
14h
2e
législature -
1re
année -
2e
session -
14e
séance
PL 12331-A
Premier débat
Le président. L'ordre du jour appelle le traitement du PL 12331-A concernant l'Université de Genève. Je donne la parole à Mme Katia Leonelli qui, cette fois-ci, ne s'est pas trompée.
Mme Katia Leonelli (Ve). En effet, Monsieur le président, merci ! Mesdames les députées, Messieurs les députés, les Verts vous invitent à approuver les comptes et le rapport de gestion de l'Université de Genève pour l'année 2017. Nous souhaitons saluer l'énergie et les moyens investis par l'université pour sa campagne de sensibilisation «#UNI UNIE contre le harcèlement». Il est agréable que quelqu'un prenne la peine de dire tout haut ce que chacun sait depuis toujours, cela a au moins l'avantage d'empêcher les principaux concernés de faire semblant de l'ignorer. Critiquée pour sa forme brutale dans la presse par des hommes qui, pour la première fois, faisaient l'expérience de la minorité, la campagne a su créer le débat au sein d'une institution qui se croit parfois bien loin des injustices.
Les Verts encouragent ces mesures et se réjouissent de voir l'Université de Genève en prendre d'ultérieures pour l'année 2018, puis se diriger vers la convergence des luttes - féministe, antiraciste, antitransphobe - afin d'assurer leur efficacité sans discrimination aucune pour un environnement d'études supérieures plus inclusif.
Au-delà du mouvement «#MeToo», rappelons que le sexisme est présent de manière banalisée: dans le langage, dans la culture, dans la politique, dans le nom des rues et même dans l'architecture. Nous vivons dans un monde pensé par les hommes et pour les hommes. Il n'est pas anodin qu'Uni-Bastions soit truffé de bustes d'hommes prodigieux - un comble pourtant pour la faculté des lettres, berceau des humanités ! Un tel lieu d'études n'est pas humain, il est masculin.
Cette représentation de l'autorité et de la légitimité professorale a été identifiée comme l'une des entraves à l'accès des femmes aux postes de recherche et d'enseignement supérieur. Je me permets, Mesdames et Messieurs les députés, de vous renvoyer aux pages 42 et 52 du rapport d'activité de l'université: on y observe que le ratio d'étudiantes fréquentant l'Université de Genève s'élève à 61%, alors que les professeures ordinaires ne représentent qu'un ridicule cinquième du corps professoral.
Malgré quelques réserves, le parti des Verts soutiendra les états financiers consolidés ainsi que le rapport de gestion de l'Université de Genève. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Jean-Luc Forni (PDC). Bien entendu, le parti démocrate-chrétien soutiendra lui aussi le rapport de gestion de l'Université de Genève. Une question toutefois à Mme la cheffe du département, puisqu'elle nous fait l'honneur d'être présente. J'ai vu que le fameux fonds d'innovation et de développement causait toujours certains problèmes, notamment quant à son alimentation, et ce malgré une augmentation des subventions fédérales. Comment l'Université de Genève compte-t-elle le renflouer, vu que les objectifs fixés tant en matière de produits externes, tels la location, que de recherche de fonds annexes semblent de plus en plus difficiles à atteindre ?
A l'heure où les grands programmes de recherche nationaux se décident, dont le lancement est souvent soutenu par la Confédération ou le fonds national, qu'en est-il si on n'arrive pas à les financer par ce biais ? Il est clair que nous disposons d'une petite réserve pour l'instant, car il semble que le portefeuille génère un rendement relativement intéressant en termes boursiers, mais quel est le plan prévu à ce niveau-là ? Je remercie le département pour sa réponse.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je vous rappelle ainsi qu'à votre préopinante que nous nous prononçons uniquement sur les états financiers consolidés, le rapport de gestion n'ayant pas été déposé à temps. Vous avez tous deux parlé du rapport de gestion; c'est votre droit, mais pour la clarté des débats, je précise que nous ne traitons qu'un seul projet de loi. Monsieur Patrick Saudan, vous avez la parole.
M. Patrick Saudan (PLR). Merci, Monsieur le président. Vous ne m'en voudrez pas de continuer à parler de ce rapport de gestion, même s'il n'a pas encore été déposé. Je souhaite très rapidement apporter un complément aux propos de Mme Leonelli: cette année, à l'Université de Genève, la parité a été atteinte dans les nominations, puisque autant de femmes que d'hommes ont été nommées professeures. Pour renouveler l'ensemble du corps professoral, il faudra malheureusement un peu plus de temps, mais nous sommes sur la bonne voie.
M. Jean Burgermeister (EAG). Les coupes linéaires de ces dernières années ont touché très durement l'Université de Genève et l'ont poussée à puiser dans le fonds d'innovation et de développement; aujourd'hui, elle se retrouve dans une situation financière tendue. Si elle a pu s'en sortir en 2017, c'est grâce à une augmentation des subventions fédérales ainsi qu'à des rendements exceptionnels de ses placements boursiers. Mais ce ne sont pas là des éléments sur lesquels on pourra compter à l'avenir.
Les économies pratiquées année après année au sein de l'UNIGE ont eu des conséquences sérieuses sur la qualité de l'enseignement, et l'université se recentre toujours un peu plus sur les programmes de recherche de pointe, visant une bonne place dans les «rankings» internationaux. S'il est louable de mener des programmes de recherche et d'avoir une visibilité internationale, cela ne doit pas se faire au détriment de l'une des tâches fondamentales de l'université qui est et reste la formation, et ce dès le bachelor: une formation de base accessible à toutes et tous.
Or ce sont justement les étudiantes et étudiants de bachelor tout comme certains programmes de sciences sociales et de lettres qui se voient de plus en plus souvent sacrifiés; à terme, l'université risque de délaisser cette mission primordiale que constitue la formation de la jeunesse au sens large. Alors que la qualité de la formation est régulièrement citée comme un élément décisif pour la performance économique, aussi bien à Genève qu'en Suisse, nous aurions tort de sous-estimer l'importance de cette tâche pour le canton, et il est essentiel de s'assurer que l'université reste accessible à toutes et tous.
Les étudiants, on le sait, subissent de plein fouet la montée de la précarité, ils sont particulièrement touchés par la crise du logement. En outre, on constate une augmentation des frais d'études secondaires - achat de matériel, voyages, etc. - qui les fragilise encore plus. Voilà pourquoi il nous paraît crucial que la formation de base soit défendue et développée, de même que son accessibilité, et nous sommes sérieusement inquiets quant à la situation actuelle.
Nous accepterons néanmoins ce projet de loi, car c'est avant tout le manque de moyens que nous ciblons. Il est urgent de tirer la sonnette d'alarme pour que chacune et chacun ici se rende compte que nous devons rectifier le tir rapidement. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, puisque vous avez abordé des questions de fond concernant le rapport de gestion, je vais y répondre. Je partage vos préoccupations, Monsieur Burgermeister, et vous avez très bien fait de rappeler que les baisses budgétaires successives ont entamé le fonds d'innovation et de développement.
Certes, les compensations fédérales nous ont permis de nous en sortir en 2017, mais ce n'est pas raisonnable, on ne peut pas concevoir qu'à terme la Confédération davantage que le canton finance l'Université de Genève, l'équilibre ne serait pas atteint. Par ailleurs, les subventions fédérales sont octroyées pour autant que nous menions des projets - c'est un système donnant-donnant, en fait - donc nous ne pouvons pas nous amuser à jouer ce petit jeu-là trop souvent; j'en suis parfaitement consciente, le Conseil d'Etat en est parfaitement conscient.
Cela dit, j'ai envie de faire un lien avec la discussion de tout à l'heure sur l'instruction publique - parlons de l'université publique ! - et de souligner que cela rejoint les choix de société que l'on souhaite faire, les moyens que l'on entend offrir à la formation en général. Qu'elle soit dispensée à l'école primaire, au cycle d'orientation, en formation professionnelle, au collège, à l'ECG, à l'école de commerce ou à l'université, la formation fait partie des prestations essentielles dont nous avons besoin dans notre canton et doit être garantie pour que chaque citoyen trouve sa place et ne vienne pas gonfler les rangs de l'aide sociale. Au Conseil d'Etat, nous prenons cette problématique très au sérieux, et nul doute que nous aurons l'occasion d'en discuter prochainement dans le cadre du budget 2019.
Le président. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat, et lance le vote sur ce texte.
Mis aux voix, le projet de loi 12331 est adopté en premier débat par 77 oui et 4 abstentions.
L'article unique du projet de loi 12331 est adopté en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 12331 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 73 oui et 7 abstentions.