Séance du
jeudi 24 mai 2018 à
20h30
2e
législature -
1re
année -
1re
session -
3e
séance
PL 12214-A
Premier débat
Le président. Nous en venons à la troisième urgence, le PL 12214-A, que nous traitons en catégorie II, quarante minutes. La parole va au rapporteur de majorité, M. Mathias Buschbeck.
M. Mathias Buschbeck (Ve), rapporteur de majorité. Merci, président. Chères et chers collègues, enfin ! Nous pouvons enfin mener un débat sur l'incompatibilité entre le mandat de député et celui d'administrateur d'une régie publique ! Nous avons tenté de le faire à plusieurs reprises dans d'autres cadres, mais la discussion a chaque fois été repoussée. Avant d'aller plus loin, je m'autorise à dresser un petit historique du sujet. Les dernières législatures ont été marquées... (Brouhaha.)
Le président. Un peu de silence, s'il vous plaît ! Ceux qui souhaitent discuter sont priés d'aller dans la salle d'à côté de façon que nous puissions écouter l'orateur. Allez-y, Monsieur Buschbeck.
M. Mathias Buschbeck. Je vous remercie. Les dernières législatures ont été pourries par des conflits d'intérêts entre le mandat de député et celui de représentant d'une régie publique. Conscient de ce problème, le Conseil d'Etat avait déposé un projet de loi sur les institutions de droit public que nous nous proposons de modifier ce soir. Le texte d'origine statuait sur cet élément, mais au dernier moment, pour ne pas faire capoter toute la loi, il en a été retiré. Toutefois, nous, les Verts, l'avions annoncé alors: nous reviendrions rapidement à la charge avec un nouveau projet de loi.
La question du conflit d'intérêts s'est d'ailleurs posée lors des débats même ayant mené à l'adoption de la LOIDP. En effet, nombreux sont ceux qui ont pris la parole alors que le règlement du Grand Conseil impose de ne pas le faire en cas de liens d'intérêts. Nous avons donc déposé ce projet de loi qui a été voté il y a un mois par la commission législative et qui nous arrive aujourd'hui en urgence. Urgence il y a, car cet automne, les régies publiques vont renouveler les membres de leurs conseils d'administration, nommés par les partis et le Conseil d'Etat, et il est important de fixer le cadre légal avant ces nominations.
Sur le principe, les auteurs et la majorité estiment qu'il est temps de mettre fin à cette caste de politiciens cumulant les mandats et les postes; lorsqu'ils interviennent, on ne sait plus vraiment si c'est au nom de leur parti ou de l'entité publique qu'ils représentent. Mettons-y un terme ! Cette demande a souvent été formulée, de nombreux partis la reprennent lors des élections, mais lorsqu'il s'agit de la mettre en pratique, il n'y a plus personne. L'occasion vous est offerte aujourd'hui de donner un signal fort à la population: le temps du cumul des fonctions est révolu.
Certains objecteront que l'article 24 de notre règlement nous astreint à ne prendre part ni au débat ni au vote sur un objet en lien avec un mandat extérieur. Or la discussion que nous avons menée sur cet objet prouve que cet article ne résout pas la question, puisque les personnes concernées ont participé au débat comme au vote. Il est clair que cette disposition ne suffit pas et que nous avons besoin de contraintes supplémentaires.
Les travaux en commission furent intéressants: le Conseil d'Etat s'est dit favorable à ce projet de loi, la Cour des comptes également, qui a souligné les problèmes posés par les conflits d'intérêts, tout comme les professeurs Tanquerel et Hottelier. Selon eux, modifier la LOIDP plutôt que la constitution constitue la bonne méthode pour mettre fin au cumul des mandats.
Le président. Monsieur le député, vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Mathias Buschbeck. Merci, je termine, Monsieur le président. Pour toutes ces raisons, la majorité de la commission... Ah non, j'ai oublié de dire quelque chose: dans un souci de compromis, la commission a décidé d'amender le projet de loi pour en réduire la portée, c'est-à-dire de ne pas faire valoir le principe d'incompatibilité pour l'ensemble des établissements publics, mais seulement pour ceux qui posent le plus problème, à savoir les institutions principales telles que définies par la loi. Cette décision découle d'une volonté de la majorité de parvenir à un compromis qui puisse recueillir l'adhésion d'un maximum de partis, et j'espère que cela portera ses fruits. Enfin, Monsieur le président, pour m'assurer qu'aucun député présentant un conflit d'intérêts ne se prononce ce soir, je demanderai le vote nominal. Je vous remercie.
Mme Danièle Magnin (MCG), rapporteuse de première minorité. Tout d'abord, je trouve le ton revendicateur, voire revanchard, du rapporteur de majorité extrêmement choquant. Je relève à cet égard qu'il a siégé en tant que président de la commission législative qui a examiné cet objet ! Comme je l'ai écrit, on nage en plein triple mandat, ce qui ne semble pas du tout le déranger.
Ensuite, on demande la modification de la LOIDP alors qu'elle vient à peine d'entrer en vigueur - en mars ou en avril dernier. Ça signifie que l'on saucissonne une idée afin de la faire passer petit à petit, au compte-gouttes, ce qui constitue une méthode politique contestable.
S'agissant des prétendus conflits d'intérêts, je ne peux imaginer qu'un honnête élu d'un parti donné puisse avoir des positions, des valeurs ou des idées différentes suivant qu'il siège au Grand Conseil ou dans un conseil d'administration ou de fondation. Ça ne tient pas la route, à moins qu'il ne soit là que par opportunisme, auquel cas le peuple souverain s'en aperçoit et ne le réélit en principe pas la fois suivante. Les hésitations des personnes que nous avons auditionnées étaient assez parlantes: rien ne nous oblige à modifier la LOIDP dans le sens de ne plus pouvoir siéger à la fois comme députés et administrateurs.
Mon préopinant a proposé de restreindre l'incompatibilité aux seules grandes régies, à savoir toutes celles dont le nom se termine par la lettre G: AIG, SIG, HUG, Hospice général - je crois qu'il a également mentionné l'IMAD. Une telle limitation est antidémocratique, parce que tous les partis ne disposent pas de suffisamment de têtes pensantes capables d'être à la fois députés et administrateurs d'une grande institution publique. Cela requiert des compétences, et c'est la raison pour laquelle les groupes choisissent certains membres et pas d'autres. A notre sens, les priver de ce droit est complètement antidémocratique.
On nous a aussi brandi l'argument du parlement de milice, où les députés ont par ailleurs une profession: nous ne pourrions pas exercer les deux charges en même temps. Mais enfin, pour ceux qui s'en souviennent, lorsqu'on a commencé à calculer l'espérance de vie afin de déterminer le coût de la LPP et le nombre de cotisations à fixer, c'est-à-dire combien de temps on survivait à l'âge de l'AVS, on était d'abord à dix ans, puis on est passé à quatorze ans, et maintenant on en est à beaucoup plus ! Les gens ont une telle santé à la fois physique et mentale que même en ayant dépassé l'âge de la retraite, ils restent extrêmement efficaces et efficients...
Le président. Madame la députée, vous parlez maintenant sur le temps de votre groupe.
Mme Danièle Magnin. Très bien, Monsieur le président, alors je serai brève, parce que je ne veux pas empiéter sur le temps de mes collègues. Il s'agit donc d'un mauvais argument. Quant aux autres, je les ai cités dans mon rapport de minorité. Mesdames et Messieurs, je vous remercie de refuser ce projet de loi.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Combattre les conflits d'intérêts est une volonté légitime que la plupart d'entre nous partagent, mais la démarche proposée par les auteurs du projet de loi est mauvaise et contestable. En effet, ils bafouent la décision populaire du 17 juin 2012 - le peuple genevois a refusé la LOIDP à 55,9% - se moquent des travaux parlementaires et ne comprennent pas le sens ni le rôle de cette loi. Celle-ci devrait se limiter à donner un cadre général applicable à l'ensemble des institutions de droit public. A l'époque, le Conseil d'Etat avait reconnu que l'une des principales raisons du refus populaire était l'absence de participation des partis dans les organes publics, mais sans admettre, ou en omettant de préciser, qu'une partie des référendaires reprochaient déjà l'incompatibilité entre le mandat de député et celui de membre d'un conseil d'administration.
La loi sur l'organisation des institutions de droit public votée dernièrement a été traitée durant deux années à la commission législative. Une multitude d'amendements y ont été négociés, y compris cette incompatibilité qui revient aujourd'hui sur le tapis. Est-ce qu'il faudrait rediscuter l'ensemble de cette loi avant même qu'elle ne soit entrée en vigueur ? Y aurait-il des différences d'interprétation selon que le parti auquel on appartient est concerné ou pas ? En effet, les nombreux doubles mandats - je parle de députés au Grand Conseil par ailleurs magistrats dans une commune - au sein des partis libéral-radical, des Verts et socialiste ne semblent déranger personne. Il est d'ailleurs curieux qu'un groupe comme le PLR, champion toutes catégories du nombre de membres au sein des conseils d'administration, veuille imposer aux autres des restrictions dans leurs choix.
Enfin, ce projet de loi part d'une mauvaise approche. La loi sur les institutions de droit public devrait contenir exclusivement des charges et des devoirs s'appliquant sans contestation ni favoritisme aux 26 régies concernées. Toute restriction spécifique à l'une ou l'autre d'entre elles devrait figurer dans la loi y relative. L'amendement accepté en commission, qui limite l'application de l'incompatibilité aux seuls établissements de droit public principaux, est l'exemple même de cette confusion. Il est en effet basé sur un critère arbitraire. Pour un tiers des institutions, le cumul entre le mandat de député et celui d'administrateur a été jugé injuste ou disproportionné, et uniquement pour cette raison, on a souhaité, par cet amendement, limiter l'application de la nouvelle disposition à l'une des quatre catégories d'institutions de droit public. Cette disposition ne repose sur aucune base objective, aucun critère ayant un quelconque lien avec la gouvernance. Pour ces raisons, je vous propose de refuser ce projet de loi. Merci de votre attention.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, il y a dans cette salle un certain nombre de groupes et de députés qui se moquent du monde ! Je me souviens très bien des travaux sur la LOIDP: ils ont duré plusieurs mois, voire plusieurs années, et après différents renvois en commission ainsi que des débats-fleuves en plénière, un compromis a été trouvé et la loi votée l'automne dernier. Or à peine était-elle adoptée que le groupe des Verts déposait déjà ce projet de loi, cassant ainsi l'accord entre les partis. Pour moi, cette façon d'agir, c'est se moquer du monde. Vous avez accepté le compromis avant de revenir immédiatement à la charge, donc vous avez trompé ce parlement !
Mesdames et Messieurs, je ne vois pas en quoi les fonctions de député et d'administrateur sont incompatibles. Que cherche-t-on en envoyant des représentants des partis au sein des institutions publiques ? A surveiller ces dernières et, en cas de dérapage, à les dénoncer et à les ramener dans ce Grand Conseil, parce qu'il me semble préférable que ces problèmes soient traités ici plutôt que dans la presse. Mais vous, vous cassez ça ! Qu'est-ce que vous voulez, au final ? Que ces conseils d'administration ronronnent entre eux sans qu'on sache tout ce qui s'y passe ? On ne parle pas de détails, mais bien de tricheries, de conflits d'intérêts, de collusions - d'ailleurs, on évoquera justement cette problématique demain aux extraits s'agissant d'une entité en particulier. C'est ça que vous voulez, et vous revenez à la charge en réintroduisant la notion d'incompatibilité au sujet de laquelle un compromis avait été trouvé dans la loi votée l'automne dernier. Vous faites tout faux !
Vous vous opposez au cumul des mandats, mais en l'occurrence, dans cette salle, il y a plein de partis qui cumulent les mandats - législatif cantonal, exécutifs communaux, commissions extraparlementaires - notamment les Verts et notamment à Vernier ! Mais ce ne sont pas les seuls, il y en a même qui cumulent avec des mandats au Conseil national. Ça n'a rien à voir, me direz-vous; si, ça a justement tout à voir: si on décrète l'incompatibilité des mandats, alors il faut aller jusqu'au bout de la logique, mais vous n'en êtes pas capables, vous vous servez tout en empêchant les autres de le faire.
Je m'adresse maintenant au PLR - vous transmettrez, Monsieur le président - qui a de multiples représentants dans toutes les commissions. Bon, vous êtes nombreux, dont acte, mais les partis plus petits n'ont pas forcément assez de membres pour les placer dans les conseils d'administration des institutions publiques, et c'est d'ailleurs tout aussi difficile au Grand Conseil, où il y a 35 commissions administratives, sauf erreur. Vous faites tout faux et vous blâmez ce que vous faites vous-mêmes quand ça vous arrange. Par conséquent, je vous demande de refuser ce projet de loi !
Une voix. Youpi Rintintin !
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Je serai un peu plus calme que mon préopinant, j'espère. En préambule, je souhaite remercier le rapporteur de majorité pour la qualité de son rapport.
Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, selon les principes de gouvernance, le cumul des mandats de député et de membre d'un conseil d'administration ne devrait pas être autorisé, car il cause nombre de situations gênantes au Grand Conseil: lorsqu'un administrateur d'une régie publique intervient devant ce parlement, on ne sait pas si c'est le député élu par le peuple qui prend la parole ou celui qui a un devoir de fidélité à respecter vis-à-vis de l'entité à laquelle il est lié.
Le plus problématique, c'est le double aspect de contrôleur et de contrôlé. En tant que parlementaires, nous votons des budgets et approuvons des comptes sur lesquels un député membre d'un conseil d'administration s'est déjà prononcé. A cet égard, je rappelle à l'intention du rapporteur de deuxième minorité que nous n'examinons pas les budgets et les comptes des communes.
Certains députés ont exprimé des positions divergentes selon qu'ils siégeaient au Grand Conseil ou dans leur conseil d'administration, ce qui amène à des dérives institutionnelles délicates. C'est la raison pour laquelle le groupe démocrate-chrétien est largement en faveur du principe d'incompatibilité. A notre avis, les membres de partis qui ont été députés ou qui s'intéressent aux affaires publiques peuvent tout aussi bien être désignés comme administrateurs.
A un moment donné, notre assemblée a décidé d'autonomiser les entreprises concernées. D'autres cantons n'ont pas été aussi loin; le CHUV, par exemple, est toujours un service de l'Etat de Vaud et fonctionne sans conseil d'administration. Notre parlement a fait le choix politique de mettre en place des conseils d'administration ou de fondation, c'est-à-dire de donner une sorte de personnalité juridique aux établissements avec des membres chargés des plus hautes fonctions. Laissons-leur cette autonomie que nous avons voulue.
Désigner des membres qui sont à la fois dans la strate de la plus haute surveillance, c'est-à-dire des parlementaires, et dans celle de haute direction au niveau de la surveillance interne de ces régies est un mélange des genres qui n'est pas bon. Pour le PDC, ce n'est pas qu'une question de conflit d'intérêts - ou d'un procédé antidémocratique, comme l'a suggéré la rapporteure de première minorité - mais essentiellement d'éthique. Nous vous recommandons donc d'accepter ce projet de loi. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Murat Julian Alder (PLR). Je commencerai mon intervention en remerciant - fait assez exceptionnel - le groupe des Verts et surtout son représentant Mathias Buschbeck, qui a eu le courage de déposer ce projet de loi peu après l'adoption de la LOIDP à la fin de l'an dernier. Nous savons que le président Longchamp compte encore les jours, et il ne manquera sans doute pas de nous indiquer tout à l'heure que la durée de traitement de la loi s'est élevée à 1316 jours, autrement dit trois ans, sept mois et huit jours, nous rappelant ce triste écueil de la législature précédente, symptomatique du manque d'efficacité que nous pouvons malheureusement rencontrer dans ce parlement.
Comme l'a relevé à juste titre le député Sormanni, la commission législative a dû traiter la LOIDP à trois reprises, précisément parce qu'aucune majorité claire, fiable et solide ne se dégageait afin de répondre au besoin impératif, relevé par toutes les régies publiques, de légiférer en la matière. Pour le groupe PLR, les choses sont très claires: il y a une incompatibilité inhérente au conflit d'intérêts patent qui existe entre le mandat d'administrateur d'une institution de droit public et celui de député, cela a déjà été dit auparavant par mes préopinants. J'en veux pour preuve les députés qui, siégeant au conseil d'administration des TPG, pourraient être amenés à se prononcer sur les comptes de ces mêmes TPG à la commission des transports.
L'autre problème, c'est qu'une personne peut cumuler des fonctions de député, de conseiller municipal, de secrétaire général de parti et d'administrateur, réalisant ainsi un revenu mensuel qui dépasse allégrement le salaire médian ayant cours à Genève. Nous considérons que cela est parfaitement contraire au principe de milice que nous connaissons dans notre pays et dans notre canton.
Ce qui m'a beaucoup frappé, non seulement à la lecture des rapports de minorité, mais aussi en écoutant les deux rapporteurs de minorité, c'est qu'on ne nous a donné strictement aucun argument pour le maintien du statu quo. En effet, parmi les bruits que nous percevons à travers les fenêtres - il y a une manifestation à l'extérieur - je n'entends personne scander des slogans en faveur du cumul des mandats, je n'entends personne dire à quel point il est important de conserver cette possibilité. J'aimerais bien qu'on nous donne un argument crédible pour déclarer compatibles les mandats d'administrateur et de député, je n'ai encore strictement rien entendu en ce sens, ni en commission ni en plénière ce soir. J'ajoute à cela qu'en ce qui concerne les députations PLR, PDC et, sauf erreur, des Verts, aucun membre de ces trois formations ne siège dans un conseil d'administration d'une régie publique.
Une voix. Plus aujourd'hui !
M. Murat Julian Alder. La rapporteuse de minorité MCG nous dit que les députés se voient privés du droit d'être administrateurs. C'est perdre de vue le fait, Mesdames et Messieurs, chers collègues, que nous sommes également privés du droit d'être simultanément conseillers d'Etat ou magistrats du pouvoir judiciaire ou à la Cour des comptes.
Une voix. Et conseillers nationaux !
M. Murat Julian Alder. Et conseillers nationaux, c'est tout à fait juste, il y a une incompatibilité constitutionnelle à ce niveau-là.
Enfin, j'aimerais saluer ce projet de loi qui n'est rien d'autre qu'un compromis, puisqu'il ne s'applique qu'aux régies principales. Pour le PLR, en effet, il est clair que l'ensemble des conseils d'administration devraient être dépolitisés. Nous privilégions la compétence avant la couleur politique et surtout nous aurions aimé que cette règle s'applique à toutes les entités, qu'il s'agisse de grandes régies ou d'établissements de moindre importance. Je vous remercie de votre attention.
Une voix. Bravo !
M. Romain de Sainte Marie (S). Le parti socialiste s'opposera à ce projet de loi, car il ne s'agit absolument pas d'un compromis. Les trois groupes signataires ont attendu la nouvelle législature pour forcer le passage, sans réelle discussion, et assouvir leur volonté d'instaurer ce principe d'incompatibilité. Quel est le problème, au final ? En tout cas pas celui de la compétence que prône le PLR. Après deux tentatives refusées par le peuple de supprimer la représentation démocratique de celui-ci via les partis présents au Grand Conseil, le PLR n'y arrivera pas non plus par le biais de ce projet de loi. En effet, pour certaines formations politiques, la compétence passe par des députés au sein des conseils d'administration. C'est pourtant une vision relativement libérale - et c'est celle des socialistes - que de soutenir qu'il revient aux partis eux-mêmes de choisir leurs représentants en fonction des compétences et non en fonction d'un mandat ou d'un autre.
Mesdames et Messieurs, il me faut répondre à quelques contrevérités assez choquantes formulées par le député PLR Murat Alder, comme le fait que le cumul des fonctions vise à engendrer une rétribution plus élevée que le salaire médian. Monsieur Alder, si votre vision de la démocratie de milice est un parlement d'élite composé de personnes fortunées qui peuvent se permettre de faire de la politique parce qu'ils en ont les moyens, ce n'est pas celle du parti socialiste qui estime à l'inverse qu'il faut laisser cette opportunité à tout un chacun, peu importe ses ressources.
Mon préopinant a également dit, s'agissant du bruit qu'on entend dehors, qu'il n'entendait personne manifester pour laisser aux députés la possibilité de siéger tant au Grand Conseil que dans le conseil d'administration de l'une des grandes régies publiques. Monsieur le président, vous transmettrez ceci à M. Alder: je n'ai entendu personne non plus manifester en faveur du bouclier fiscal à Genève, même si M. Zacharias, qui ne siège malheureusement plus ici, a créé une association pour défendre les plus aisés de notre canton ! (Rire.) Ce n'est pas parce qu'on n'entend pas une manifestation à l'extérieur qu'il faut en conclure quoi que ce soit.
Le but de notre parlement est d'avoir un esprit de dialogue et de consensus, pas de passer en force sans écouter la population qui, par deux fois, s'est opposée à la volonté de la droite de supprimer la représentation démocratique au sein des conseils d'administration - vous transmettrez encore à M. Alder, Monsieur le président.
Mesdames et Messieurs les députés, la LRGC comporte une disposition, son article 24, sur les conflits d'intérêts directs, et celle-ci est suffisante, bien que pas toujours appliquée - c'est mon opinion personnelle. Il existe donc aujourd'hui un garde-fou pour éviter ce genre de problème.
Ce soir, nous sommes là pour conserver la possibilité offerte aux députés de siéger également dans un conseil d'administration, pas pour encourager le cumul des mandats. D'ailleurs, je crois qu'il n'y a que très peu de parlementaires de ce Grand Conseil administrateurs par ailleurs. On pourrait bien sûr faire la chasse à l'ensemble des cumuls, interdire aux députés d'exercer toute autre fonction, mais non, nous souhaitons plutôt privilégier la compétence. Si on entend faire la chasse aux doubles mandats, alors faisons-la aussi s'agissant des conseils d'administration d'entités privées; on sait qu'à Berne, cela nuit à notre système démocratique, il ne faudrait pas que cela nuise à la démocratie dans le canton de Genève. Le parti socialiste vous invite à refuser ce projet de loi.
Mme Frédérique Perler (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, ce ne sera pas une déclaration fracassante que de vous annoncer que le groupe des Verts votera ce projet de loi à l'unanimité, puisqu'il est issu de ce même groupe. On observe, et c'est très bien restitué dans le rapport de majorité, que le Conseil d'Etat est en faveur du principe d'incompatibilité, que la Cour des comptes y souscrit sans réserve et que deux éminents professeurs soutiennent ce projet de loi définissant qui peut être membre d'un conseil d'administration.
Ainsi que la Cour des comptes l'a relevé avec justesse et que M. le député Guinchard l'a rappelé tout à l'heure, il s'agit d'une question de posture pour éviter tout conflit d'intérêts. En effet, l'administrateur d'une régie publique doit aller dans le sens de l'intérêt de celle-ci, tandis que le député, par son serment, a choisi d'aller dans le sens de l'intérêt général. Lorsqu'on a compris cette donnée explicitée par la Cour des comptes lors des auditions, on a saisi l'ampleur du problème et des incompatibilités. Nous ne pouvons que souscrire à cette vision qui nous paraît parfaitement éthique, transparente et crédible. Les députés et administrateurs ne se retrouveront plus dans des situations délicates, soit en plénière de ce parlement, soit au sein de leur conseil, à devoir faire des contorsions.
Comme on l'a soulevé également, ce Grand Conseil a choisi d'autonomiser les institutions de droit public, et il s'agit d'assumer cette décision jusqu'au bout en interdisant les doubles casquettes. Cela nous paraît sage, Mesdames et Messieurs, et c'est la raison pour laquelle le groupe des Verts vous invite à voter ce projet de loi qui apportera une transparence tout à fait bienvenue s'agissant d'une thématique qui a fait couler beaucoup d'encre et de salive. Ce texte, je le répète, apporte de la transparence, davantage de crédibilité aux élus et surtout de proximité avec les citoyens. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole va à M. le député Vincent Maitre pour une minute quarante.
M. Vincent Maitre (PDC). Je vous remercie, Monsieur le président. L'essentiel a été dit, mais je me dois quand même de relever l'incohérence, pour dire le moins, de certains propos tenus de part et d'autre de ce parlement, notamment le prétendu viol de la démocratie, le mensonge que les partis qui déposent ce projet de loi et ceux qui le soutiennent auraient raconté à la population. C'est évidemment à M. Sormanni que je m'adresse affectueusement...
Le président. C'est à moi que vous vous adressez, Monsieur le député.
M. Vincent Maitre. Alors vous lui transmettrez...
Le président. Affectueusement, bien sûr !
M. Vincent Maitre. Je voudrais seulement rappeler à M. Sormanni qui nous accusait de tromper le peuple - je reprends ses mots - qu'aux points 31 et 33 de notre ordre du jour figurent des projets de lois qui cherchent à réinscrire le principe de la nationalité suisse dans la LPol, lesquels ont été déposés à peu près au lendemain de l'acceptation de celle-ci par les citoyens. A aucun moment le MCG ne s'est embarrassé de ne pas respecter la volonté populaire, donc le reproche qu'on nous adresse aujourd'hui tombe parfaitement à faux.
Au final, on peut trouver tous les exemples possibles et imaginables pour servir sa cause; qu'on le veuille ou non, c'est tout simplement la loi qui confère au Grand Conseil une compétence supérieure de surveillance des institutions de droit public. Et, ainsi que l'a indiqué le député Guinchard, on ne peut tout simplement pas - c'est d'une logique implacable - être à la fois contrôleur et contrôlé.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, le projet de loi sur l'organisation des institutions de droit public est revenu en plénière à trois reprises, et la position du groupe Ensemble à Gauche a toujours été claire: nous avons combattu le principe d'incompatibilité, précisant que nous ne plaidions pas pour une désignation systématique de députés dans les conseils d'administration ou de fondation, mais que nous trouvions tout à fait absurde de se priver de compétences spécifiques lorsque c'était opportun. De tout temps, nous avons défendu cette posture.
Dans le cadre des travaux de la commission et puisqu'une majorité semblait se dessiner en faveur de l'interdiction du double mandat, nous avons essayé de sauver l'essentiel, à savoir les établissements qui ne sont pas les six régies principales, et c'est pourquoi nous nous sommes abstenus. Or, ce soir, c'est le retour des vieux démons, la critique de la politisation des conseils d'administration, alors que nous savons tous qu'il ne s'agit pas de ça, il s'agit simplement d'autoriser le cumul des fonctions lorsque cela paraît pertinent.
De ce point de vue là, le discours sur l'appât du gain sur certains élus, accusés de chercher à amasser des jetons de présence par-ci par-là, est une manière de remettre en question leur probité et leur motivation, ce qui n'est pas acceptable. C'est d'autant moins acceptable que les scrupules - on en appelle à l'éthique ! - sont réservés à ce conflit d'intérêts en particulier, mais n'interviennent pas, comme l'a dit M. de Sainte Marie tout à l'heure, dans d'autres cas, par exemple de conseils d'administration ou d'organes privés où les prébendes sont plutôt largement répandues. Aussi, très sincèrement, la mesure que nous voulions observer jusqu'ici dans notre position a été réduite à néant par les déclarations de ceux qui défendent le principe d'incompatibilité, et nous penchons dès lors en faveur du non à ce projet de loi.
Pour conclure, j'aimerais indiquer à M. Alder - je vous prie de lui transmettre, Monsieur le président - qui s'est référé à la longueur des travaux relatifs à la LOIDP, que s'il voulait adresser un quelconque reproche à qui que ce soit, alors qu'il le fasse à ceux qui ont consenti à renvoyer ce projet de loi là plusieurs fois à la commission législative. Nous avons examiné la LOIDP à trois reprises en plénière, nous procédons à une quatrième révision et, ne craignez rien, il y en a une cinquième dans le pipeline, puisque la commission a également travaillé sur un texte concernant la rémunération - je ne vous rappellerai pas le scandale que nous avons connu ici à propos de cette question. Compte tenu de ce que je viens d'énoncer, le groupe Ensemble à Gauche se prononcera contre ce projet de loi. (Brouhaha.)
Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Chers collègues, il y a beaucoup trop de bruit dans la salle ! Merci d'aller discuter ailleurs ou d'écouter ceux qui se donnent la peine d'argumenter. La parole est maintenant à M. le député Pierre Vanek pour une minute.
M. Pierre Vanek (EAG). Il va se donner la peine d'argumenter pendant une minute, Monsieur le président ! D'abord, concernant ce qu'a dit M. Alder sur les incompatibilités constitutionnelles, un certain nombre de fonctions proscrites aux députés figurent en effet dans la constitution, parce que ce n'est pas une chose légère que d'interdire des mandats aux élus du peuple, de leur dire qu'ils ne peuvent pas faire ceci ou cela. Les charges en question sont celle de conseiller national - vous l'avez dit, Monsieur le député - d'un mandat électif à l'étranger et, cela coule de source au regard de la séparation des pouvoirs, de magistrat.
Or là, vous voulez nous glisser quelque chose qui est manifestement de rang constitutionnel, qui a été traité par la Constituante, laquelle a défini une liste d'incompatibilités ! En un post-scriptum un peu honteux à votre travail de constituant, vous tentez d'introduire un appendice législatif à l'article 83 de la constitution. Ce n'est pas bien, Monsieur le député !
J'ai entendu un truc délirant - enfin, non, je mesure mes propos: disons surprenant - de la part de Mme Perler. Selon elle, il y a conflit parce que les députés doivent défendre l'intérêt général, tandis que les représentants d'une régie soutiennent l'intérêt de celle-ci. C'est absurde, Mesdames et Messieurs !
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Pierre Vanek. Quand on siège dans un établissement de droit public...
Le président. Nous avons bien compris, Monsieur, c'est terminé.
M. Pierre Vanek. ...on défend l'intérêt général dans le domaine particulier dont s'occupe celui-ci...
Le président. S'il vous plaît !
M. Pierre Vanek. ...c'est une évidence !
Le président. Merci. Monsieur Alder, vous n'avez plus de temps de parole. Le micro revient à M. Pfeffer.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Combattre les conflits d'intérêts est une volonté légitime que la plupart d'entre nous partagent, je le répète, mais il est ici question de déterminer si une loi se justifie en raison d'un ou deux cas problématiques qu'on cherche à punir. La réponse est non.
S'il existe réellement une incompatibilité entre les fonctions de député et d'administrateur au sein d'un institut, il faut amender la loi spécifique à l'établissement concerné. Il est contestable et même contre-productif d'édicter des interdictions tous azimuts comme le fait ce texte de loi. De ce fait, Mesdames et Messieurs, je vous propose de le rejeter.
Le président. Merci, Monsieur. Madame Magnin, vous n'avez en principe plus de temps de parole, mais je vous accorde trente secondes pour nous communiquer la conclusion qui est la vôtre.
Mme Danièle Magnin (MCG), rapporteuse de première minorité. Merci, Monsieur le président. Ma conclusion, c'est que lorsqu'on siège dans une régie publique ou au Grand Conseil, on défend l'intérêt général, et que quand un chef d'entreprise fait de la politique, est élu et siège dans différents comités, contrairement à ce qu'a dit M. Alder, il ne gagne pas d'argent, il en perd. Merci.
Le président. Merci pour votre concision. Monsieur Buschbeck, vous ne disposez plus de temps de parole non plus, mais je vous alloue les mêmes trente secondes pour conclure.
M. Mathias Buschbeck (Ve), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. J'aimerais juste revenir sur l'idée qu'on essayerait de lutter contre la représentation politique au sein des conseils d'administration. Non seulement ce n'est vraiment pas l'objet de ce débat, mais c'est justement le contraire que nous, les Verts, cherchons à faire, à savoir augmenter la représentativité en élargissant le champ des personnes s'impliquant dans la vie publique, que ce soit au Grand Conseil ou dans les grandes régies. Nous ne croyons pas à la personne providentielle qui peut cumuler l'ensemble des tâches, c'est complètement contraire à nos principes, en particulier celui de bonne gouvernance. Pour cette raison, Mesdames et Messieurs, nous vous appelons à accepter ce projet de loi.
M. François Longchamp, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, durant les 1316 jours, si je ne m'abuse, qu'ont duré les travaux de la commission législative, le Conseil d'Etat a manifesté une position constante, défendant le principe d'incompatibilité entre le mandat de député et celui d'administrateur au sein des institutions de droit public. En effet, les règles élémentaires de bonne gouvernance doivent nous amener à séparer ces deux fonctions, car le rôle qui est le vôtre en tant que députés n'est pas le même que celui attendu des personnes siégeant dans les grandes régies publiques.
Je vous rappelle, même si ce cas ne s'est pas présenté durant cette législature-ci, mais la précédente, que l'un d'entre vous, qui ne siège plus sur ces bancs, avait défendu des positions au sein du conseil d'administration des TPG qui étaient l'exact inverse de celles adoptées sur le même sujet devant ce Grand Conseil, quelques semaines plus tard. Il avait d'ailleurs tenu des propos totalement déconcertants, soutenant que son rôle d'administrateur n'était pas le même que celui de député et qu'il avait donc des opinions divergentes sur la même question en fonction du lieu où il s'exprimait !
Ces règles élémentaires de bonne gouvernance, ce sont celles que la Confédération s'est appliquées à elle-même dans le cadre des régies publiques fédérales, celles que l'OCDE a établies sous forme de recommandations aux différents pays membres qui composent cette organisation intergouvernementale, et ce sont celles que le Conseil d'Etat, respectivement - je crois que cela a été indiqué - la Cour des comptes, pour autant que ce soit un exemple, vous proposent de respecter. C'est la raison pour laquelle nous vous invitons à suivre le rapport de majorité et à instaurer un principe d'incompatibilité.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le président du Conseil d'Etat, et lance le vote sur cet objet...
Une voix. Vote nominal !
Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, nous procédons au vote nominal.
Mis aux voix, le projet de loi 12214 est adopté en premier débat par 54 oui contre 39 non et 2 abstentions (vote nominal).
Le projet de loi 12214 est adopté article par article en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 12214 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 54 oui contre 39 non et 2 abstentions (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)