Séance du
mardi 15 mai 2018 à
17h
2e
législature -
1re
année -
1re
session -
1re
séance
Allocution du doyen d'âge
Allocution du doyen d'âge, M. Christian Zaugg
Le président. Mesdames et Messieurs les députés,
Monsieur le président du Conseil d'Etat,
Madame et Messieurs les conseillers d'Etat,
Chers amis,
Je commencerai par vous dire tout l'honneur qui m'est fait ce soir de présider cette séance d'ouverture du Grand Conseil. Je suis heureux de pouvoir le faire encore dans cette salle puisque, comme vous le savez, le Grand Conseil va très bientôt déménager à l'UIT avant de revenir, bien sûr, dans une salle rénovée et totalement transformée.
Permettez-moi tout d'abord de vous dire quelques mots, Mesdames et Messieurs les députés, pour vous adresser mes félicitations pour votre élection. Elle est méritée car le peuple a toujours raison, mais elle est surtout tout à fait méritée car vous avez consenti à des efforts et à donner de votre temps pour siéger aujourd'hui dans cette enceinte. Je souligne en passant la motivation et la ténacité exceptionnelle dont les membres de mon groupe ont fait preuve, alors même que les médias nous annonçaient perdants. Ce succès - car atteindre et dépasser le quorum était en l'occurrence un succès - a été dû à beaucoup de présence sur les stands et à d'interminables séances de tractage. J'en profite pour saluer les membres de ma composante, le DAL, qui se trouvent à la tribune du public, et en particulier Corinne Khaouchi qui est en chaise à la salle des Pas-Perdus et qui va prochainement disputer à Plainpalais, du 24 au 27 mai, les Special Olympics en équitation. Mais fi des appartenances politiques, j'aimerais partager cette élection avec l'ensemble des députés présents qui en ont fait tout autant. Bravo donc à toutes et à tous !
Je mesure tout l'honneur de présider cette séance du Grand Conseil qui m'échoit ce soir, moi qui, bien que né à Berne, suis un peu un Suisse de l'étranger puisque j'ai vécu quelques années à Paris avec ma mère, ma soeur et mon père, diplomate qui travaillait à l'ambassade de Suisse de la rue de Grenelle - mon père qui, tombé malade, n'a pu hélas prendre par la suite son poste à Rome où il avait été nommé consul. J'aimerais vous dire aussi l'émerveillement que j'ai eu en découvrant Genève, cette ville magnifique, lumineuse, à taille humaine, entourée du Jura, des Alpes, au bord du lac Léman qui s'étale langoureusement à ses pieds comme une mer intérieure.
Je me suis permis de m'adresser à vous, au début, en parlant d'amitié et je l'ai fait en toute conscience car nous savons tous, quel que soit le côté de l'hémicycle où l'on se trouve, que rien n'empêche des liens amicaux de se tisser. C'est un sentiment désintéressé que je partage avec plusieurs d'entre vous et tant mieux, car l'amitié se situe fort heureusement au-dessus de toutes ces contingences. Cette amitié, je l'ai connue au fil de ma vie et en particulier dans ma carrière passée d'alpiniste, car je ne me suis pas contenté de contempler le Salève et les Alpes. Une vie, disais-je, parsemée d'aventures, qui m'a permis de gravir à peu près toutes les aiguilles de Chamonix avec ma petite soeur Catherine qui, alors âgée de seize ans, suivait les pas de son grand frère au Grépon ou sur la face sud de l'Aiguille du Midi avec, figurez-vous, les encouragements de notre mère. Une vie qui m'a permis de gravir de nombreux quatre mille et une bonne quarantaine de sommets mondiaux en Afrique, dans les Andes, souvent avec mon beau-frère Quentin, au Pamir et dans l'Himalaya - dont le redoutable Ama Dablam.
C'est d'ailleurs dans les Andes du Pérou, en réalisant un film avec Raymond Médard dans la Cordillera Blanca, que j'ai rencontré, il y a une trentaine d'années, mon épouse Cecilia qui est aujourd'hui présente à la tribune et que je tiens ici à remercier de son soutien indéfectible. J'en dis tout autant de mes deux fils: Daniel et Dorian - Daniel, qui m'a suivi sur les arêtes vertigineuses des Andes, et Dorian, le plus jeune juge de la république, qui remplit son mandat à la Chambre d'appel et de révision de la Cour de justice. Parlant de mon épouse Cecilia, c'est elle qui, pleine d'inquiétude, avait dû attendre sur le tarmac en juillet 1990 mon retour du Pamir alors que j'étais rescapé avec d'autres clubistes de la terrible avalanche du pic Lénine, consécutive à un tremblement de terre au Nanga Parbat qui avait fait plus de quarante morts, dont les regrettés Philippe et Marc Scherrer et trois membres soviétiques de mon équipe parés du titre de «Léopard des neiges». L'aventure ne s'était d'ailleurs pas arrêtée là, car il avait fallu, dans un bus rafistolé, gardé par un soldat de l'Armée rouge armé d'une kalachnikov, traverser toute la chaîne de l'Altaï sous les balles des Ouzbeks et des Kirghizes alors en guerre. Et comme j'évoque cette période de ma vie, je remercie, par delà les années, André Chavanne, qui m'avait fait confiance ici en me permettant de prendre un congé exceptionnel pour aller au Népal, ou là en m'accordant un feu vert sans faille pour mener des activités de varappe au Salève avec mes élèves ou des étudiants, sous l'autorité du regretté Jean Juge. Je regrette, en passant, que les enseignants d'aujourd'hui n'aient pas la même liberté, car j'ai pour ma part eu le loisir d'organiser tous les camps de ski et de montagne possibles. J'en parle car quelques ombres administratives planent en ce moment sur les camps de ski, et c'est bien dommage - je pense en particulier aux enfants défavorisés des quartiers populaires.
Toutes ces aventures et ce passé me permettent de me réjouir de constater que de nombreux jeunes ont été élus députés, en commençant par notre benjamine du parlement, que je félicite et à qui je souhaite une très brillante carrière au Grand Conseil ! J'en dis tout autant à Stéphanie Valentino, nouvelle jeune élue au sein d'Ensemble à Gauche, et à d'autres encore. Je suis également heureux de constater que la proportion des femmes a progressé, même si on est encore et toujours très loin de la parité. Et c'est un euphémisme ! Nonobstant, attention à ne pas tomber dans certains excès vis-à-vis notamment des aînés, qui, dans de nombreuses sociétés traditionnelles en Afrique, en Asie ou en Amérique latine, conservent un rôle social proportionnel au poids de leur expérience. Chacun comprendra.
Alors oui, tous et toutes ensemble, de dix-neuf à septante ans, oeuvrons pour que Genève efface la précarité, pour que notre canton construise des logements en grand nombre afin de répondre à une demande récurrente et insistante de la population, pour que les meilleures solutions soient mises en place en vue de résoudre les problèmes de mobilité et pour que le petit et le grand Etat - tous nos EMS, dont on a bien parlé récemment, l'IMAD, l'Hospice général et les HUG - retrouvent tous les moyens financiers leur permettant de remplir pleinement leur mission ! Une Genève juste et solidaire; une Genève ouverte sur le monde; une Genève qui ne stigmatise personne selon son genre ou son orientation sexuelle; une Genève qui accueille, comme le veut son rôle international; une Genève qui favorise la culture et le sport; une Genève, enfin, où la nature garde ses droits, un espace qui préserve sa faune et sa flore tout en se développant harmonieusement, et surtout une Genève qui ne laisse personne - je dis bien personne - au bord du chemin ! Il s'agit là d'un pari difficile, mais retenons que tout est possible - car oui, tout est possible - et qu'il suffit de le vouloir ensemble. C'est le souhait que je fais ce soir en souhaitant bonne chance à ce Grand Conseil. Vive Genève, vive la Suisse ! (Applaudissements. Les deux huissiers quittent la salle.)