Séance du
vendredi 27 avril 2018 à
16h
1re
législature -
4e
année -
14e
session -
81e
séance
PL 12002-A
Premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs, nous allons aborder le dernier objet de notre législature.
Des voix. Oh !
Le président. Nous sommes en catégorie II, quarante minutes, pour traiter le PL 12002-A qui repasse pour la dixième fois devant notre Grand Conseil ! Le rapport de majorité est de Mme de Montmollin; pour la minorité, dernier feu d'artifice de M. Bernhard Riedweg, rapporteur ! (Rire.) Madame de Montmollin, c'est à vous.
Mme Simone de Montmollin (PLR), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Chers collègues, le PL 12002 date d'octobre 2016. Il souhaite introduire un principe d'exemption qui permettrait aux communes de renoncer à l'accueil de requérants d'asile sur leur territoire - et ce même si des possibilités existent - moyennant une compensation financière. Il prévoit également que les modalités seraient définies par voie réglementaire.
Cet objet trouve son origine en 2016, année de forte pression migratoire durant laquelle plusieurs mairies ont soutenu des projets d'intégration de l'Hospice général en lui versant différentes sommes d'argent sur une base volontaire. Les auteurs de ce texte estimaient, eux, que ces contributions financières pouvaient être considérées comme une compensation afin de se soustraire à l'obligation d'accueillir des requérants d'asile, lesdites communes n'ayant pas de centre d'accueil sur leur territoire. Or, les travaux de la commission, qui se sont déroulés tout à fait normalement, avec de nombreuses auditions, ont permis de clarifier le contexte de ces versements et de conclure qu'il n'y avait absolument aucune contrepartie ni volonté des municipalités concernées de se soustraire à l'accueil de requérants. Les règles en matière d'accueil sont en effet extrêmement claires, extrêmement strictes, et leur mise en oeuvre scrupuleusement respectée par l'Hospice général qui est chargé de la coordination en matière d'asile. En 2015, une task force a d'ailleurs été constituée afin de faciliter cette mise en oeuvre. Il ressort donc que le seul critère - à l'exclusion de tout autre - est celui de la disponibilité de terrains ou de bâtiments sur le territoire. Sur les quinze terrains identifiés, cinq ont été retenus pour une analyse fouillée et des demandes d'autorisation de construire ont été déposées. Sur les cinq communes concernées, trois ont fait opposition, ce qui a considérablement retardé les travaux.
S'agissant des versements effectués par différentes mairies, ils ont été faits de manière tout à fait volontaire, ponctuelle et sans contrepartie, afin d'apporter un complément aux budgets cantonaux et de répartir ainsi l'effort d'intégration. Les besoins en matière de prestations d'aide aux migrants sont en effet importants et fluctuants; c'est dans ce cadre que certaines communes ont apporté une contribution financière afin de soulager les budgets et d'améliorer ces conditions d'intégration.
En conclusion, il n'y a pas eu d'arrangement occulte, il n'y a donc pas lieu de légiférer. La majorité estime que l'introduction d'un principe d'exemption permettant aux municipalités de ne pas accepter de structures d'accueil sur leur territoire moyennant une compensation financière créerait un clivage entre communes aisées et communes moins riches, ce qui est tout à fait contraire au principe d'égalité de traitement que ce projet de loi souhaite par ailleurs faire respecter. C'est la raison pour laquelle la majorité n'est pas entrée en matière. En revanche, cette même majorité est convaincue que l'effort d'intégration doit pouvoir être réparti judicieusement entre toutes les communes et que les réflexions initiées dans ce sens depuis la création de cette task force doivent être poursuivies entre les différents partenaires cantonaux et communaux. Vous aurez donc compris que la majorité refuse l'entrée en matière et que nous vous encourageons à faire de même. Je vous remercie.
M. Bernhard Riedweg (UDC), rapporteur de minorité. L'objectif de ce projet de loi présenté par l'Union démocratique du centre est de déterminer si les principes de la légalité et de l'égalité de traitement entre les communes sont respectés et de codifier la pratique dans le cadre de l'accueil des requérants d'asile, des migrants et des réfugiés. En 2017, plus aucun requérant d'asile ne devait dormir dans un abri de la protection civile car cela est inadapté pour des séjours de longue durée. Or, faute de places dans les hébergements en surface, 300 migrants logeaient dans cinq structures souterraines il y a encore peu de temps. Suite à des oppositions d'habitants aux projets de foyers pour requérants, la fermeture des abris de la protection civile dans les municipalités est reportée de deux ans. Dans plusieurs communes, des voisins de futures constructions ont lancé des pétitions et les Conseils municipaux ont rédigé des résolutions avec des préavis défavorables. Aujourd'hui, six projets de foyers sont en phase de réalisation à Thônex, Genève, Onex et Lancy entre autres, pour un total de 1500 nouvelles places. Ce sont des constructions modulaires qui seront installées pour une période de dix ans.
Récemment, le Grand Conseil a autorisé le canton à réquisitionner des bâtiments et des terrains «en cas de situation d'urgence en matière d'asile, si aucune autre possibilité d'hébergement n'est disponible immédiatement ou à court terme», mais seuls des objets appartenant à des collectivités sont concernés. L'Hospice général héberge de plus en plus de personnes à l'hôtel, certains y restent parfois des années à prix d'or: ils sont logés à l'hôtel pour 4340 F par mois, soit 140 F par jour pour une famille composée d'un père et de ses enfants. En 2015, la durée moyenne de séjour à l'hôtel était de dix-neuf mois, et 25% des personnes qui y étaient logées y vivaient depuis plus de deux ans. Environ 600 personnes étaient logées à l'hôtel en 2015. Cette solution a bénéficié à 1400 personnes; leur nombre a doublé en dix ans. Toujours en 2015, la facture d'hôtel de l'Hospice général s'élevait à 15,5 millions de francs. Vingt-sept hôtels ont signé une convention sur le prix par nuit des chambres pour des personnes à l'aide sociale, soit 80 F pour un occupant; pour cinq personnes, l'Hospice général paie 195 F en moyenne. Au vu de ce qui précède, la minorité de la commission vous demande d'accepter le projet de loi qui nous est soumis. Merci, Monsieur le président. (Un instant s'écoule.) Monsieur le président, j'ai terminé. (Un instant s'écoule.) Monsieur le président, j'ai terminé.
Le président. Merci, Monsieur, j'essaie d'arrêter le chronomètre ! Monsieur Velasco, une petite seconde pour que le chronométreur soit prêt et qu'on ne vous mange pas des secondes. (Un instant s'écoule.) Allez-y, Monsieur Velasco.
M. Alberto Velasco (S). Merci, Monsieur le président. Tout d'abord, nous sommes totalement en accord avec le rapport de majorité et, évidemment, nous le soutenons.
Je suis étonné des chiffres que notre collègue vient de nous donner; je n'en comprends pas la raison. Que voulez-vous ? Qu'on gaze ces personnes ? Elles sont sur notre territoire et il faut s'en occuper, Monsieur ! Et quand il n'y a pas de logements, il y a les hôtels. C'est regrettable, mais il se trouve qu'il n'y a pas de logements. Et vous remettez cela en question ! Vous parlez du principe d'égalité, mais à l'UDC, le principe d'égalité est à géométrie variable ! Vous voulez que l'on consulte les communes d'abord, n'est-ce pas. Mais on est en république, Monsieur ! Et la république, c'est ça: le Grand Conseil légifère pour la république et s'il a décidé que chaque commune devait apporter sa contribution à l'accueil des réfugiés, eh bien, les communes doivent respecter la loi républicaine, Monsieur ! Ce n'est pas parce qu'une mairie a plus de pognon qu'une autre...
Le président. Adressez-vous à moi, s'il vous plaît, c'est mieux. Merci.
M. Alberto Velasco. Il m'a regardé, Monsieur le président, c'est pour ça ! (Rires. Commentaires.) Il était en face de moi donc je ne pouvais pas... J'étais séduit ! J'étais séduit par son regard !
Le président. Mais moi aussi, je vous regarde, cher Monsieur ! Je vous regarde ! (Le président rit.)
Des voix. Oh ! (Commentaires.)
M. Alberto Velasco. Je reprends, Monsieur le président, pour dire que le principe d'égalité veut que quand une loi républicaine impose une répartition dans les communes, celles-ci doivent effectivement l'accepter en toute égalité. Ce n'est pas parce qu'une mairie a plus d'argent qu'une autre qu'elle pourrait, comment dire, acheter la liberté de ne pas recevoir ces intrus ! Comme vous le dites dans le quatrième paragraphe de votre rapport, cher collègue: «Dans le cadre du dispositif d'accueil pour les requérants d'asile ou les migrants, il pourrait être envisagé une éventuelle contribution financière communale en lieu et place d'une mise à disposition par la commune d'un terrain ou d'un emplacement adéquat.» Et puis pour les communes qui «doivent supporter des centaines de prétendus réfugiés dans leur entourage», «les voisins craignent des nuisances et le trafic de drogue». Vous considérez là que tous les réfugiés sont des trafiquants de drogue et des importuns, quoi ! Il n'y a pas de subtilité ! Mais c'est une population qui a les mêmes problèmes que la population suisse, Monsieur; il y a aussi des drogués suisses et il faut s'en occuper.
Concernant la drogue, Monsieur le président, parlons-en ! Pourquoi est-ce que certains de ces réfugiés s'adonnent à la drogue ? Parce qu'on leur interdit de travailler. On leur interdit de travailler et on ne leur donne que quelques francs par jour ! Dans une société de consommation où des articles incroyables, disons, abondent dans toutes les vitrines ! Eh bien, oui, ces gens-là se disent: «Et pourquoi pas nous ?» Et ils s'adonnent au trafic, ce qui est effectivement inadmissible, mais c'est la seule activité qu'on leur permet. C'est malheureusement la seule activité qu'on leur permet ! Parce que si on leur permettait une autre activité, si on leur permettait de suivre une formation - comme en Allemagne, où on a mené des expériences - il n'y aurait pas de problème, Monsieur !
Ce n'est donc pas ça, le problème, Monsieur et cher collègue; le problème, c'est qu'il faut que les communes se répartissent justement l'accueil de ces êtres humains - je ne les appellerai pas «réfugiés» mais «êtres humains» - nos homologues, qui ont traversé une mer ou dont les enfants sont morts pour pouvoir venir jusqu'en Suisse. Après toutes ces souffrances, vous voulez quoi de plus ? Vous voulez qu'on les stigmatise ? Vous voulez qu'on se plaigne de dépenser encore de l'argent pour eux ? Ce sont nos homologues, Monsieur ! Ils ont une couleur de peau différente mais ce sont nos homologues ! Je remercie donc infiniment la rapporteure de majorité, et vous enjoins, chers collègues, de refuser ce projet de loi qui va contre la légalité républicaine. Merci. (Quelques applaudissements.)
M. François Lance (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, le but de ce projet de loi est de permettre à des communes de payer une taxe d'exemption afin d'éviter d'accueillir sur leur territoire des logements pour requérants d'asile et, selon les dires de ses auteurs, d'assurer une égalité de traitement entre municipalités. Comme cela a été dit, l'accueil des requérants d'asile est une compétence cantonale et l'Etat s'appuie sur les mairies pour mettre en oeuvre cette politique d'accueil. A ce sujet, le président de l'ACG a rappelé en commission le principe de l'autonomie communale et insiste sur le fait qu'un dialogue entre les mairies et l'Hospice général est central pour trouver des solutions. D'autre part, les disponibilités de terrains ou de bâtiments sont très diverses dans les communes; il existe de facto une disparité. Les mesures d'intégration sont déterminantes pour assurer un accueil adéquat et la collaboration étroite entre l'Hospice général et les municipalités est importante - Vernier et Anières sont citées en exemple.
Le projet de loi risquerait d'augmenter le fossé entre les communes riches et les communes pauvres, et donnerait par ailleurs des prérogatives décisionnelles aux mairies dans un domaine où seul le canton est compétent. Les municipalités doivent partager les efforts, et des réflexions sont en cours. Dans cette optique, l'Hospice général a pris l'initiative de proposer à certaines mairies de participer à l'effort d'intégration; il ne s'agit en aucun cas d'un mécanisme d'exemption mais d'un effort ponctuel supplémentaire et volontaire. Rappelons que de nombreuses communes n'ont pas de terrains cantonaux sur leur territoire alors que, comme cela a été dit, le seul critère qui existe pour la répartition des requérants d'asile est celui de la disponibilité de places d'accueil. Le risque de ce projet de loi est qu'il permettrait aux communes de renoncer à l'accueil de requérants d'asile sur leur territoire quand bien même les possibilités existeraient. Pour toutes ces raisons, le groupe démocrate-chrétien s'opposera à ce projet de loi et vous invite à en faire de même.
M. Yves de Matteis (Ve). Le coeur de ce projet de loi consiste à donner aux communes la possibilité de se soustraire au devoir de solidarité en s'abstenant d'accueillir sur leur sol des centres d'hébergement de requérants d'asile, pourvu qu'elles soient suffisamment riches pour se permettre de payer une taxe supplémentaire. C'est ici déjà que le bât blesse: l'ensemble de nos institutions, de nos assurances sociales et de l'aide attribuée aux plus vulnérables sont basées sur le principe de solidarité. Le premier alinéa du premier article du titre I de notre constitution genevoise, approuvée par une majorité du peuple, le dit aussi, je cite: «La République de Genève est un Etat de droit démocratique fondé sur la liberté, la justice, la responsabilité et la solidarité.» Le préambule de la Constitution suisse l'affirme également: les premiers mots de son préambule disent que le peuple et les cantons suisses sont, je cite, «résolus à renouveler leur alliance pour renforcer la solidarité, la démocratie, l'indépendance et la paix dans un esprit de solidarité et d'ouverture au monde». En demandant que certaines municipalités puissent simplement se dispenser d'accueillir des réfugiés en payant suffisamment cher, cet objet bafoue, foule aux pieds, méprise et renie ces valeurs intangibles que sont la solidarité et l'ouverture au monde, qui figurent aussi parmi les principales valeurs de nos constitutions suisse et genevoise. En deux mots, ce projet de loi foule aux pieds l'esprit de Genève.
Mais ce texte pose aussi un autre problème en permettant à certaines communes riches d'échapper à leur devoir et en obligeant d'autres mairies moins fortunées à le remplir. Il instaurerait une inégalité de traitement qu'il semble très difficile de cautionner. Cette solidarité doit donc être maintenue, et je ne suis pas le seul à le penser: en plus de la grande majorité des membres de la commission, qui ont refusé l'entrée en matière, même les municipalités les plus fortunées sont également de cet avis. Je citerai en exemple ma commune d'origine, qui est aussi la commune d'origine de ma famille, Anières...
Une voix. Ah ! (Remarque.)
M. Yves de Matteis. ...qui, tout en étant l'une des plus riches de Genève, voire de Suisse, héberge depuis très longtemps un centre de requérants d'asile accueillant actuellement 300 personnes en moyenne sur une population totale de 2532 habitants. Les réfugiés composent donc 12% de la population d'Anières, ce qui représente plus d'une personne sur dix. Cette commune est un exemple - j'en profite pour saluer son maire qui est présent parmi nous - et nous ferions bien de nous inspirer de cet exemple plutôt que de semer la division et la haine de l'autre par le biais de tels projets de lois. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
M. Raymond Wicky (PLR). Mesdames et Messieurs, chers collègues, «un pour tous, tous pour un» ! Telle est la devise de notre pays ! Je suis en définitive un petit peu étonné que nos amis de l'UDC ne l'intègrent pas dans la démarche. «Un pour tous, tous pour un» signifie qu'on est là pour s'entraider, qu'on est là pour s'appuyer et qu'on est là également pour échanger et, d'une certaine manière, rendre autant que possible toutes les opérations bénéfiques. Au vu de ce qui précède, il n'est pas question pour le groupe PLR de soutenir une démarche telle que celle qui se trouve cristallisée dans ce projet de loi, qui permet en définitive, comme le disait bien un préopinant longtemps avant moi, de simplement délier bourse pour être totalement dégagé de certaines obligations. Il est clair que le système en place à la Confédération détermine les clés de répartition, et les cantons doivent ensuite mettre à exécution l'accueil de ces personnes qui sont dans des situations précaires. Il est de ce fait normal qu'à Genève nous soyons tous solidaires ! D'autant plus - d'autant plus - que la configuration de notre territoire fait que les terrains disponibles ne sont pas pléthoriques d'une part ni extensibles d'autre part. Malgré l'étalage de chiffres, et j'ai bien reconnu M. Riedweg à cet étalage, ces chiffres n'ont en définitive - pardon, cher collègue - pas grand-chose à voir avec le projet de loi, qui demande d'exonérer certaines communes sur la base du paiement d'un émolument. Forts de ces différentes considérations, nous ne pourrons pas entrer en matière sur ce projet de loi. Merci de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur. J'ai le plaisir de saluer à la tribune notre ancien collègue M. Guillaume Sauty. (Applaudissements.) La parole est à M. Girardet.
M. Jean-François Girardet (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, ce projet de loi - on l'a dit - vise à ce que les communes puissent se soustraire à leur devoir d'accueil des requérants en payant une redevance ou une taxe d'exemption. Mais le MCG souhaite que ce soit le Conseil d'Etat qui s'occupe de la question. Celui-ci a déjà constitué une task force pour faire le travail de répartition de ces requérants dans les communes, et celles-ci sont régulièrement consultées. Avec cette consultation, le gouvernement a pu trouver des solutions pour accueillir les réfugiés qui nous sont imposés par la Confédération. Le MCG souhaite que le Conseil d'Etat continue dans cette optique de partager sa préoccupation pour que les requérants soient accueillis dans les meilleures conditions. Il l'a fait notamment à Meyrin, où il était prévu que la commune accueille des requérants célibataires - notamment des jeunes - dans des conditions difficiles: il s'agissait d'ouvrir un abri de la protection civile. Il y a eu une pétition, contre cet accueil et contre les conditions de cet accueil. Le conseiller d'Etat en a tenu compte puisqu'il a aujourd'hui renoncé à accueillir ces requérants dans cet abri de Bellavista. Nous faisons donc confiance au magistrat chargé de cette question pour qu'il fasse preuve de bon sens, bon sens qui a prévalu jusqu'à présent. Nous renoncerons à prendre parti pour ou contre ce projet de loi et nous nous abstiendrons. Je vous remercie.
M. Patrick Lussi (UDC). C'est extraordinaire d'entendre «un pour tous, tous pour un»; rien pour nous, tout pour les autres ! On pourrait aussi le dire comme cela. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi provient simplement d'une différence que vous niez: celle qu'il y a entre les belles théories qu'on entend ici et la réalité du terrain - les gens venaient, dans les communes, et des pétitions sont parties ! Alors que s'est-il passé ? Pourquoi ce projet de loi ? Je sais, c'est toujours facile de taper sur l'UDC avec, comment dirais-je, cette aura que nous avons en disant: allez, il faut absolument massacrer tout le monde ! Mesdames et Messieurs les députés, quand vous regardez les chiffres de l'Hospice général - et le conseiller d'Etat Mauro Poggia n'est pas en cause - à l'époque du dépôt de ce texte, quelques communes... C'est marrant, on a parlé de la laïcité hier soir, eh bien, ce n'était pas la bonne approche: on aurait dû parler d'allégeance, ça aurait fait plus plaisir à M. Lance. Parce qu'il y a eu des actes d'allégeance qui se sont exprimés par des versements: 45 000 F par Genthod, 48 000 F par Cologny, 120 000 F par Collonge-Bellerive, 90 000 F par Vandoeuvres. Je ne dirais pas que cela s'est fait en catimini, mais ça s'est quand même fait discrètement. Il a même été proposé d'avoir un médiateur.
Mesdames et Messieurs, le but de ce projet de loi est simplement de demander au Conseil d'Etat d'établir un règlement pour rendre cette pratique un peu cohérente. Contrairement à vos belles paroles, ce n'est pas uniquement pour que les mairies riches puissent être dispensées en payant une certaine somme, mais pour que toutes les communes soient traitées équitablement sur l'intégralité du territoire de la République et canton de Genève. Mesdames et Messieurs les députés, nous vous entendons et je pense que d'autres personnes vous entendent aussi - surtout celles qui signent les pétitions, qui font des rassemblements; nous comprenons que pour des motifs théoriques, pour des motifs autres, on oublie ce qui se passe sur le terrain. On oublie simplement que - on l'a quand même dit - tout le monde ne peut pas aller partout; un effort doit être fait et des communes sont contraintes d'en avoir pour des questions de terrain disponible. Le but était d'avoir un règlement du Conseil d'Etat, pas un règlement de l'UDC, pour niveler un peu tout cela. Mais nous entendons tout ce qui se dit; ce n'est pas bien grave puisque la majorité pléthorique va dire le contraire et, mon Dieu, on sait que la majorité a toujours raison. Surtout quand elle a tort ! Merci.
M. François Longchamp, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat vous invite à refuser ce projet de loi. Il vous invite à le refuser parce que nous devons garder comme seul critère d'attribution des requérants la disponibilité des terrains; on ne peut pas aborder ces règles-là sous l'angle de l'urbanisme.
Deuxièmement, Monsieur Riedweg, introduire les principes que propose votre projet de loi finirait par avoir exactement l'effet inverse, celui que l'on constate d'ailleurs en France avec les obligations financières liées aux logements sociaux: on finit par payer pour ne pas en avoir, et de la même manière, les communes qui en auraient les moyens finiraient par payer pour ne pas accueillir de requérants.
Enfin, Monsieur Lussi, un point doit être souligné quant à l'exemple que vous avez cité, celui des contributions volontaires des mairies: elles se font précisément sur une base volontaire, à la demande de l'Hospice général. Une demande dont on pourrait d'ailleurs ironiser qu'elle fleure bon les dames patronnesses du XIXe siècle plutôt qu'une politique moderne d'intégration du XXIe - mais les communes sont autonomes et libres de faire des dons à l'Hospice général si elles le souhaitent. On ne peut pas, de ce don, inférer une exemption de l'obligation d'accueillir des requérants d'asile sur leur sol, raison pour laquelle nous vous invitons à refuser ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à vous prononcer sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 12002 est rejeté en premier débat par 63 non contre 9 oui et 15 abstentions.