Séance du
vendredi 23 mars 2018 à
14h
1re
législature -
4e
année -
13e
session -
74e
séance
PL 12213-A
Premier débat
Le président. Nous passons à l'objet suivant, soit le PL 12213-A. Le rapport est de M. Python, à qui je donne la parole.
M. André Python (MCG), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il y a quelques mois la loi sur les taxis est entrée en vigueur et a fait apparaître une aberration, dans la mesure où elle interdit aux taxis qui ne transportent pas de client d'utiliser les voies réservées aux bus et taxis pour rejoindre leur station, ce qui pose problème pour offrir un service de qualité notamment à la gare, où le retour à la station s'effectue par le passage sous voie de Montbrillant. Deux projets de lois ont donc été déposés pour corriger cela: le PL 12185 du MCG - dont le premier signataire est mon estimé ex-collègue Pascal Spuhler - le 27 septembre 2017 et le PL 12213 des socialistes - dont le premier signataire est M. Thomas Wenger - le 6 novembre 2017. Au début des travaux, le PLR et le PDC ne voulaient absolument pas modifier la loi sur les taxis qui venait d'entrer en vigueur. Suite à de longs débats pour faire admettre qu'une modification était nécessaire et trouver une solution au problème, c'est le projet de loi qui nous occupe aujourd'hui qui a été choisi par la commission. Il a été amendé par le département et au final il revient quasiment au même que le projet de loi du MCG. En conclusion, la commission ayant trouvé la majorité nécessaire pour corriger la loi sur les taxis, je vous recommande de soutenir ce projet qui est bénéfique aux taxis ainsi qu'à leurs utilisateurs. Je vous remercie.
M. Thomas Wenger (S). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, j'aimerais juste vous dire quelques mots sur ces deux projets de lois - dont l'un émane de Pascal Spuhler, on l'a rappelé, et l'autre du groupe socialiste - qui visent à améliorer les conditions de travail des chauffeurs de taxi. En effet, la loi qui a été votée contient une espèce d'anomalie, dans la mesure où elle prévoit que les taxis peuvent utiliser les voies de bus et taxis seulement s'ils transportent un client, mais pas lorsqu'ils répondent à une commande ou retournent à une station. Ils se retrouvent donc coincés dans les bouchons, ce qui leur fait perdre du temps et de l'argent, mais ce qui fait bien sûr aussi perdre du temps aux clients qui ont commandé un taxi. Les socialistes ont par conséquent déposé ce projet de loi pour modifier cela. Je tiens du reste à saluer le travail de la commission et à remercier les commissaires: ils ont rapidement avancé sur ce projet de loi, qui se retrouve aujourd'hui aux extraits parce qu'il y a une large majorité pour le soutenir.
Les socialistes ont toujours été favorables à ce que les chauffeurs de taxi disposent de bonnes conditions de travail... (Remarque.) ...notamment par le biais d'une motion déposée par ma collègue Salima Moyard, puis tout au long des travaux concernant cette loi sur les taxis et véhicules avec chauffeur. On se réjouit donc que les taxis puissent proposer une offre de transport public complémentaire, si l'on veut, aux bus, trams et autres transports publics. Merci beaucoup. (Quelques applaudissements.)
M. Bernhard Riedweg (UDC). Si l'on adopte ce projet de loi, les chauffeurs de taxi pourront utiliser les voies de bus pour effectuer des courses professionnelles, mais cette utilisation des voies de bus ne sera valable que s'ils transportent des clients, répondent à une commande ou rejoignent une station de taxis. Ils ne pourront donc pas le faire s'ils prennent leur service, rentrent chez eux ou vont faire des commissions.
Les contrôles ont été renforcés depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur les taxis; 24 policiers ont été formés à la nouvelle législation, et un contrôle dure une trentaine de minutes par chauffeur. Les TPG se sont montrés coopératifs quant au fait que les taxis utilisent en tout temps les voies réservées aux transports en commun aux endroits où la mention «Taxi» ou «Taxis exceptés» est spécifiquement indiquée - ce qui représente environ 30% des voies réservées aux transports publics.
On compte environ 1300 taxis dans le canton, un nombre qui devrait baisser à 1100 pour atteindre le numerus clausus; les chauffeurs de taxi bénéficient de l'usage accru du domaine public contre un émolument de 1400 francs par année qu'ils paient actuellement. Rassurons-nous tout de même: les chauffeurs ne travaillent pas tous en même temps ni aux mêmes endroits. Il semble qu'en pratique, on ne devrait pas craindre d'engorgements sur les voies de bus avec les mesures prévues par ce projet de loi, ni une péjoration de la vitesse commerciale des TPG. On doit réfléchir en termes d'intérêt général, mais aussi d'intérêt social et économique des taxis. Il faudra faire un bilan au bout de deux ans pour voir comment les choses ont évolué et, le cas échéant, prendre les mesures nécessaires afin d'améliorer la situation, étant précisé que le département peut en tout temps enlever les inscriptions «Taxi» sur les voies réservées aux transports en commun. Pour toutes ces raisons, l'Union démocratique du centre votera ce projet de loi. Merci, Monsieur le président.
M. Christian Zaugg (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, une loi, une très bonne loi avait été présentée au début de la législature, et nous l'avions votée. Elle établissait clairement deux catégories de taxis - les taxis proprement dits et les limousines - et énonçait que les taxis étaient un service public. Elle leur donnait l'autorisation d'utiliser les couloirs de bus comme des aires de stationnement devant la gare ou l'aéroport, nous l'avons votée, et c'était véritablement une bonne loi. En revanche, la loi qui a été adoptée ensuite est absolument désastreuse. Il y a effectivement la question des couloirs de bus qui est une absurdité, parce que quand on commande un taxi, on ne veut pas attendre une demi-heure ! Il est évident qu'il ne faut pas que le taxi se perde dans le trafic: il doit pouvoir arriver à l'heure devant son client. Mais ce n'est pas tout... (Brouhaha.)
Le président. Un instant, s'il vous plaît ! Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande un peu de silence !
M. Christian Zaugg. Oui, un peu de silence... Sinon on doit parler très fort ! Il faudra encore détricoter la loi, parce qu'il y a toutes les dispositions relatives à Uber, cette entreprise qui instaure une concurrence totalement déloyale. Ce n'est pas possible ! Des plaques du canton de Vaud ou de France voisine, des chauffeurs qui ne paient pas la TVA, qui n'ont pas de charges sociales, et je ne sais quoi encore, même si le SECO a récemment dénoncé tout cela. Alors oui, nous voterons les conclusions de la commission des transports; c'est une bonne disposition, il faut rétablir l'utilisation des couloirs de bus par les taxis, mais le combat n'est pas terminé ! Merci.
M. Pascal Spuhler (HP). Mesdames et Messieurs les députés, je suis assez satisfait d'entendre aujourd'hui les propos qui sont tenus sur les différents bancs alentour. En effet, Monsieur le président, lors des travaux en commission et du vote au sujet de la loi sur les taxis, la plupart des partis ici s'étaient érigés contre la possibilité pour les taxis d'utiliser les voies de bus tout au long de leurs activités, et c'est avec peine - en tout cas pour ma part - que nous avions voté cette loi avec ces restrictions. Aujourd'hui, la petite bévue de ce parlement est réparée, M. Wenger l'a très bien expliqué tout à l'heure, comme d'ailleurs le rapporteur, que je félicite. Effectivement, les deux projets de lois allaient dans le même sens et visaient à rendre à César ce qui appartient à César, c'est-à-dire à permettre aux taxis d'utiliser les voies de bus comportant l'inscription «Taxi», qui n'est évidemment pas là pour décorer les rues... Le PL 12185 que j'avais déposé était un peu plus large d'esprit, tandis que le projet des socialistes était un peu plus restrictif dans la manière dont il était présenté, mais en fin de compte le département a formulé un amendement qui a en quelque sorte réuni les deux projets de lois, et la proposition finale que nous retrouvons dans le PL 12213-A - soit le texte dont nous parlons maintenant - me convient très bien, puisqu'elle reprend ce que je proposais moi-même dans mon projet de loi. Je précise du reste, Monsieur le président, que je retire le PL 12185; il n'a effectivement plus lieu d'être dans la mesure où, comme je viens de le dire, nous retrouvons l'esprit de mon projet de loi dans celui que nous allons voter maintenant et que je vous invite à accepter, Mesdames et Messieurs les députés.
M. François Lance (PDC). Au moment du dépôt de ces deux projets de lois, le groupe PDC était réticent à l'idée de modifier la loi sur les taxis quatre mois après son entrée en vigueur. Il craignait effectivement que la réintroduction de l'utilisation des voies de bus par les taxis à vide n'altère la vitesse commerciale des véhicules TPG. Le département nous a cependant assurés que ce ne serait pas le cas et que s'il y avait des problèmes spécifiques il pourrait, en collaboration avec les TPG, restreindre l'accès des voies de bus aux taxis en modifiant le marquage.
Vu le contenu des auditions des représentants des chauffeurs de taxi et de la présidente de l'ATE, Mme Mazzone, ainsi que la position des conseillers d'Etat Luc Barthassat et Pierre Maudet, tous deux favorables à cette modification, le groupe démocrate-chrétien votera finalement ce projet de loi sans enthousiasme, mais sera attentif au fait que la vitesse commerciale ne soit pas altérée par cette mesure. Pour une fois - et c'est à relever - que Mme Mazzone, M. Wenger ainsi que les conseillers d'Etat Luc Barthassat et Pierre Maudet sont sur la même longueur d'onde, nous n'allons tout de même pas nous opposer à ce projet de loi !
Des voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Spuhler, il est pris bonne note que vous retirez le PL 12185. La parole est à M. Buschbeck.
M. Mathias Buschbeck (Ve). Je vous remercie, Monsieur le président. J'aimerais juste dire brièvement, pour briser cette belle unanimité qui se dessine, que les Verts s'opposeront à ce projet de loi, ce qui n'empêchera pas ce Grand Conseil de voter en sa faveur. Pourtant, suite à cela, rien ne sera réglé pour les principaux utilisateurs des voies de bus que sont les transports en commun. En effet, vous avez passé cette législature et la précédente à ajouter de nouveaux utilisateurs sur les voies de bus, bien moins légitimes que les taxis, et on en voit aujourd'hui la conséquence, quoi qu'en dise le département: la vitesse commerciale en ville a diminué et a ainsi réduit l'attractivité des transports publics, car pour que tout le monde circule, il faut des transports publics plus efficaces - je le répéterai chaque fois que je le pourrai, pour ceux qui ne prennent pas la parole aujourd'hui - ça fait partie des conditions-cadres de notre économie. Les Verts resteront donc cohérents: il ne doit y avoir aucun nouvel utilisateur autre que les transports publics sur les voies de bus tant que ne sera pas respecté l'article 2, lettre a, de la loi sur le réseau des transports publics, qui stipule que la vitesse commerciale d'un bout à l'autre de la ligne doit être supérieure à 18 km/h. Je vous remercie.
M. François Baertschi (MCG). En préambule, j'aimerais juste apporter une petite précision: le deuxième projet de loi, qui vient d'être retiré, émanait du groupe MCG; il avait été préparé collectivement par le groupe MCG puis porté par l'un de ses membres qui a maintenant choisi d'aller sur d'autres rives, ce qui est son choix et sa liberté.
Mais pour en revenir au sujet, il est certain que le MCG est inquiet, très inquiet de la situation dans laquelle se trouvent actuellement les taxis. Quand on voit notamment la concurrence scandaleuse de la société multinationale Uber, qui paie ses impôts à l'étranger - de l'autre côté de l'Atlantique, d'ailleurs - et qui engage un nombre important de travailleurs frontaliers sous-payés, ce qui crée un dumping scandaleux pour les chauffeurs de taxi, on s'aperçoit que c'est une situation inacceptable, et il faudra que lors de la nouvelle législature on ne fasse pas que se payer de mots mais qu'on agisse sur cette question, parce que malheureusement il y a eu une défaillance collective et nous n'avons pas réussi à attaquer la société Uber, ce qui est scandaleux. Il faudra véritablement se donner les moyens, sans faire de vaines promesses, d'obtenir des résultats en chassant la société Uber de Genève, parce que nous ne pouvons pas garder une société qui appauvrit les Genevois. Pensons à tous ces pauvres chauffeurs de taxi qu'on va envoyer à l'aide sociale, ces chauffeurs de taxi qu'on est en train de ruiner... Qu'est-on en train de faire ? On ne peut pas se permettre d'ignorer une partie importante de notre population ! Nos successeurs dans quelques semaines, dans quelques mois, devront intervenir dans ce domaine, parce que ce n'est pas à nous de le faire, il est trop tard pour agir sur ces questions-là. Mais aujourd'hui la situation devient vraiment inquiétante et nous ne pouvons pas laisser les résidents genevois se faire voler leur travail par des frontaliers et par une société sans vergogne, qui garde tous ses bénéfices à l'étranger. C'est le désastre de la mondialisation, et nous ne pouvons pas, nous ne voulons pas le cautionner. (Quelques applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Michel Ducret (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, heureusement que M. Baertschi ne conduit pas un taxi, parce qu'il serait dans le mur avec des dérapages comme il vient d'en faire, totalement hors sujet ! Il est question de l'utilisation des voies réservées aux bus, alors restons dans le sujet, s'il vous plaît. La vérité, c'est que le groupe PLR ne s'opposera pas à cette proposition mais reste très dubitatif, et ce qu'il attend du département, c'est une surveillance extrêmement serrée de ce qui va se passer sur ces voies de bus. En effet, aux heures de pointe - c'est-à-dire lorsqu'on en a le plus besoin - elles sont aujourd'hui déjà particulièrement encombrées à de nombreux endroits de notre ville par des véhicules de type taxis, deux-roues, véhicules de livraison, etc. Tout cela se cumule et engendre des minutes de retard qui coûtent une fortune à notre collectivité, car ça n'a l'air de rien - un petit pois par-ci, un petit pois par-là - mais l'addition de tous ces éléments a un prix, Mesdames et Messieurs, et on doit le payer par la suite avec les subventions en faveur des TPG, le coût de nos transports publics et le manque d'attractivité qu'entraîne leur manque de performance. Nous accepterons donc cette proposition, mais nous invitons vraiment les départements concernés - puisqu'il y en a deux - à être extrêmement attentifs, à lutter contre les abus et à corriger le tir chaque fois que ce sera nécessaire, afin d'avoir des transports publics efficaces. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, je vous signale quand même que nous avons discuté de cet objet pendant près de quatorze minutes alors que nous sommes à la séance des extraits... Nous passons maintenant au vote.
Mis aux voix, le projet de loi 12213 est adopté en premier débat par 60 oui contre 10 non et 1 abstention.
Le projet de loi 12213 est adopté article par article en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 12213 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 58 oui contre 10 non et 1 abstention.