Séance du
jeudi 14 décembre 2017 à
14h
1re
législature -
4e
année -
10e
session -
51e
séance
PL 12176-A
Premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous abordons maintenant le PL 12176-A, c'est-à-dire le projet de budget 2018. Je prie les rapporteurs de bien vouloir s'installer à la table centrale. Le temps de parole est de cinq minutes pour chaque rapporteur, chaque groupe et pour le Conseil d'Etat. Monsieur Velasco, rapporteur de majorité, c'est à vous.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je suis en effet rapporteur de majorité, mais je tiens à préciser que j'ai été désigné par le président de la commission des finances, personne ne s'étant porté volontaire pour cette tâche.
M. Pierre Vanek. Ça se comprend !
M. Alberto Velasco. Cela dit, j'assume cette responsabilité. Mesdames et Messieurs, vous avez toutes et tous reçu ce rapport et vous avez pu constater que... (Brouhaha.) Monsieur le président, soit on a du silence, soit on arrête tout de suite !
Une voix. C'est nous qui décidons !
M. Alberto Velasco. Alors faites régner le silence !
Le président. Gardez votre calme, Monsieur, allez-y tranquillement.
M. Alberto Velasco. Mais dites aux membres du PLR qu'ils peuvent tenir leur caucus à l'extérieur de la salle ! Au départ, le Conseil d'Etat avait présenté un déficit de 261 millions qui est ensuite passé à 186 millions, notamment en raison d'une réévaluation des rentrées fiscales de 100 millions et d'autres éléments qui ont fait que, à la suite des travaux de commission, l'excédent de charges a été réduit de 74 millions.
Ce rapport contient la liste des amendements votés. Certaines propositions ont été acceptées, d'autres pas. Parmi les plus importantes, citons une baisse de 1 million à la nature 30, 3 millions de moins pour le Grand Théâtre, 1 million de moins pour les honoraires des conseillers externes, de même que - vous avez assisté au débat tout à l'heure - le maintien des annuités à raison de 10 millions et 9 millions environ, soit une vingtaine de millions. Par ailleurs, ce budget comporte à peu près 300 postes supplémentaires: 184 postes nouveaux et 114 postes autofinancés. L'ensemble des politiques publiques a été accepté, et je vais maintenant vous donner quelques indications quant au déroulement de nos travaux.
C'est une majorité qui a adopté ce projet de loi, Mesdames et Messieurs, mais une majorité très hétéroclite, pourvue d'intérêts tout à fait divers. On a vu par exemple le PDC consentir à toutes les coupes proposées par le PLR; le MCG, lui, a soutenu ce budget parce qu'il voulait se montrer très institutionnel, bien que les questions liées à la police l'aient tout de même ennuyé. Pour nous, le centre gauche, certains éléments étaient rédhibitoires, comme la restitution des annuités, la subvention de 30 F pour l'assurance-maladie, la diminution de 1% imposée de manière illégale aux entités subventionnées l'année passée. Ces aspects ayant été intégrés, nous avons décidé que ce projet pouvait être voté, même s'il ne correspond pas au budget que nous aurions désiré - mais enfin, il est nécessaire pour la fonction publique et les subventions.
Les débats ont porté fondamentalement sur les coupes de postes. J'ai lu un article du «Temps» aujourd'hui, dans lequel notre cher collègue Cyril Aellen indique que la gauche déploie toute son énergie pour que les fonctionnaires soient payés davantage, mais pas pour que les prestations soient augmentées. Mais enfin, nous voudrions évidemment que les prestations soient augmentées, mais c'est vous qui les refusez, chers collègues, en voulant réduire le nombre de postes, en faisant en sorte que les emplois nécessaires ne soient pas accordés. L'hôpital, par exemple, n'a pas obtenu tous les postes demandés... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...comme l'IMAD, où il en manque environ deux cents, d'après les besoins qui nous ont été communiqués.
Mesdames et Messieurs, si nous n'avons pas le nombre d'emplois nécessaires, si les fonctionnaires ne sont pas payés convenablement, vous conviendrez que les prestations aux citoyens ne seront pas les mêmes, c'est évident ! Quand les gens sont stressés, quand il n'y a pas suffisamment de personnel dans certains services pour assumer les tâches, eh bien la qualité des prestations n'est pas au rendez-vous.
Le président. Vous prenez sur le temps de votre groupe.
M. Alberto Velasco. Or, comme vous le savez, une fonction publique qui n'est pas rémunérée convenablement, c'est une fonction publique qui, tôt ou tard, versera dans la corruption. Alors oui, nous tenons à ce que les fonctionnaires soient rétribués comme il faut ! Monsieur le président, j'aurais encore beaucoup de choses à dire, mais je laisserai mon cher camarade de parti prendre le relais tout à l'heure. Merci.
M. Jean Batou (EAG), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de budget 2018 se présente sous un jour extrêmement inquiétant. Vous connaissez le proverbe amérindien qui dit que mille coupures font une hémorragie ? Eh bien on est dans ce cas de figure: si chaque coupure, prise individuellement, peut être relativisée, la somme de toutes les coupures provoque aujourd'hui la colère, pas seulement de la fonction publique, mais aussi des usagers.
Genève est l'un des cantons où la croissance des charges est la plus faible depuis 2005. Ce n'est pas Jean Batou qui le dit, ce n'est pas le groupe Ensemble à Gauche, c'est M. Pierre Béguet, responsable des finances de l'Etat. Pour 2018, la Confédération prévoit une croissance de 2,5%, le canton du Valais de 3,3%, celui de Vaud de 2,5%, et Genève de 1,9%. Mais il s'agit en réalité de 1,3%, la différence entre 1,3% et 1,9% représentant le supplément que nous versons au titre de la péréquation intercantonale. En comparaison nationale, nous faisons donc preuve d'une maîtrise exceptionnellement dure de la croissance des charges. Pourquoi ? Parce que de 2015 à 2018, le Conseil d'Etat a pris 93 mesures au détriment des prestations et de la fonction publique, grâce auxquelles il a prévu d'économiser 584 millions à l'horizon 2019. Ce sont 584 millions au détriment des hôpitaux, de l'université, de l'IMAD, de l'Hospice général, des EMS, et j'en passe.
Dans le plan financier quadriennal 2018-2021, ce même Conseil d'Etat annonce 30 mesures supplémentaires pour un montant de 301 millions, mais tient tout à fait secrètes celles qu'il destine à la fonction publique - preuve d'un courage exceptionnel ! Ce que nous savons, c'est que notre gouvernement - espérons qu'une équipe différente lui succédera - prévoit des économies à hauteur de 900 millions à l'horizon 2021.
Or «PME Magazine» - vous savez, ce journal que je lis chaque mois - donne la note de six sur six au Conseil d'Etat genevois - non, je suis injuste, il attribue cette note à M. Serge Dal Busco, grand argentier. (Applaudissement.) Oui, vous pouvez l'applaudir, ce n'est pas toujours le cas dans les rangs de la droite ! «PME Magazine», donc, rend hommage au canton de Genève pour une couverture des charges très rigoureuse, la maîtrise des dépenses courantes, des investissements autofinancés et la réduction de la dette. Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, cette performance saluée par le journal des petites et moyennes entreprises a un prix, et ce prix est porté par l'ensemble de la population et par les salariés de la fonction publique.
Vous remarquerez que le PLR manque à notre table cette année, on se sent un peu seuls. L'an dernier, au nom du PF 17 - enfin, de la RIE III, plus exactement - il avait modéré le ton; cette année, sans doute au nom des élections du 15 avril et du mois de mai, il se fait plus discret dans son opposition au budget, budget qui est malgré tout salué par «PME Magazine» et soutenu par une majorité de droite ou du centre de ce parlement, et qui va probablement passer la rampe, sauf accident. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
Que se passe-t-il dans ce canton ? Le modèle social genevois, dont on était fier, est à la dérive. Les besoins augmentent plus vite que la population. La précarité a des conséquences sur les besoins de formation. Prenez le budget de la politique publique A, par exemple: ce sont le suivi éducatif et le soutien aux familles plus l'éducation spécialisée...
Le président. Monsieur Batou, vous prenez sur le temps du groupe.
M. Jean Batou. Je vais en prendre un bout, merci. ...qui progressent rapidement, ce qui montre que la formation est sous pression, parce qu'elle doit répondre à une société qui se transforme.
Les inégalités, c'est aussi la pauvreté. Je m'étonne beaucoup du silence dans lequel le rapport du Conseil d'Etat sur la pauvreté à Genève du mois d'août a été accueilli dans cette enceinte: très peu de commentaires et, à mon avis, très peu de lectrices et de lecteurs. Eh bien lisez-le, relisez-le, mettez-le sur votre table de chevet, parce que ce rapport est probablement l'une des meilleures choses qu'a faites le Conseil d'Etat pendant cette législature - enfin, ce n'est pas lui qui l'a fait, mais au moins l'a-t-il commandé ! Vous y découvrirez - essayez de réfléchir à ce que ça signifie concrètement - que plus de 30% de la population est en risque de pauvreté, que 65 000 personnes sont à l'aide sociale, que les familles monoparentales sont particulièrement touchées, que les working poors sont nombreux et qu'une partie croissante des citoyens renoncent à des soins médicaux pour des raisons financières.
De l'autre côté, chez les privilégiés, un tiers des plus grosses fortunes de Suisse sont établies à Genève. Achetez-vous l'édition «Les 300 plus riches de Suisse» de «Bilan» et placez-la sur votre table de nuit, à côté du rapport sur la pauvreté ! On y lit donc qu'un tiers des plus grosses fortunes de Suisse vivent à Genève. Si vous laissez de côté les forfaits fiscaux et que vous ne prenez que les millionnaires qui déclarent aux impôts leurs revenus et leur fortune - on m'a accusé de parler des millionnaires à partir d'un million, alors prenons ceux qui possèdent plus de 10 millions, vous conviendrez qu'ils sont tout de même dans une bonne situation - vous apprenez que cette dernière décennie, leur nombre a augmenté chaque année de 6%, 6% de plus chaque année ! Et on nous parle de bouclier fiscal parce que les millionnaires s'en vont ! En 2014 - c'est la dernière année documentée par les statistiques - leur fortune a crû de l'équivalent du budget du canton de Genève ! Je parle de la fortune des millionnaires possédant plus de 10 millions qui ne disposent pas d'un forfait fiscal. Ces chiffres méritent d'être connus par la population.
Ensemble à Gauche appelle à changer de cap. Genève a les moyens d'une tout autre politique, d'une politique sociale audacieuse. La population de Genève, c'est un tiers de celle du Pas-de-Calais - je n'ai exprès pas pris d'exemple en France voisine pour ne pas énerver certains de nos collègues ! - et son produit intérieur brut est une fois et demie supérieur à celui du département français. C'est quand même extraordinaire qu'un canton aussi riche, qui a un PIB de près de 50 milliards, ne puisse pas mener une politique sociale audacieuse. Le creusement des inégalités devrait provoquer une hausse des recettes fiscales, parce que, dans un système d'impôts progressifs, ce creusement implique une hausse plus que proportionnelle des impôts sur les nantis. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la majorité de droite de ce Grand Conseil s'évertue depuis plusieurs années à réduire l'imposition des privilégiés.
L'évasion fiscale n'a pas été sérieusement combattue, le Conseil d'Etat commence à faire les premiers efforts maintenant seulement. Quant à l'emprunt de plus de 2 milliards de francs pour sauver la Banque cantonale de Genève, jamais le Conseil d'Etat ne s'est préoccupé de le récupérer pour alimenter la politique sociale. Le bouclier fiscal pour les multimillionnaires a été introduit en 2009... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...la baisse de la taxation des dividendes en 2011 et, aujourd'hui, on nous propose de mettre en oeuvre le PF 17, c'est-à-dire la réduction de moitié de la fiscalité des grandes entreprises ! Cerise sur le gâteau, le PLR a l'audace de venir proposer ici...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Jean Batou. ...une baisse du centime additionnel d'un demi-point, ce qui ne va profiter qu'aux plus riches, puisque le centime additionnel...
Le président. Monsieur, c'est terminé, je suis désolé.
M. Jean Batou. ...est négligeable pour les pauvres. Bien, je vais m'arrêter là... (Le micro de l'orateur est coupé. Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur. Allez-y, Monsieur Lussi, mais attention: quand je coupe le micro, ça fait le buzz !
M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, après cette magistrale intervention, et pour mieux fixer le contexte de notre compréhension réciproque, sachez que je serai le seul réel rapporteur de minorité durant ces débats sur le budget 2018.
M. Alberto Velasco. Le seul de droite !
M. Patrick Lussi. En effet, nous avons d'un côté le premier rapporteur de majorité, et de l'autre le rapporteur de majorité plus plus plus... (Rires.) ...dit de minorité, qui a utilisé ce subterfuge de notre procédure pour s'exprimer davantage, alors que son propos baigné de suaves circonvolutions n'est aucunement en opposition avec celui tenu par le rapporteur dit de majorité - et qui est vraiment de majorité, lui.
Mesdames et Messieurs les députés, nous assistons à l'affrontement de deux concepts: celui, présenté par la majorité, de l'utopie, de ceux qui dépensent sans compter, faisant fi des recettes qui deviennent pourtant chiches, et celui des pragmatiques observateurs des réalités économiques et des rentrées fiscales à venir, non uniquement guidés par l'avidité de les augmenter, et qui considèrent que le seuil de tolérance au prélèvement confiscatoire dans la fiscalité est déjà franchi.
Car au-delà des dogmes politiques de chacun, il y a une réalité universelle: on ne peut pas, sans danger, dépenser indéfiniment plus que ce que l'on gagne. On me rétorquera que c'est différent s'agissant des finances d'un Etat, qui peut recourir à l'emprunt; certes, mais il y a un bon et un mauvais endettement. Si les vertus de l'endettement pour des raisons d'investissements ne sont plus à démontrer, s'endetter pour payer les charges excédentaires, comme ce fut la pratique ces dernières années, conduit en revanche à creuser la dette de façon bien trop importante. Revenus prévus: 8 150 511 000 F; dette moyenne: 11 900 000 000 F. Notre dette représente donc 146% des revenus annuels - vous apprécierez !
Vous avez sans doute constaté comme moi, à la page 4 du rapport, l'abus d'argumentation permis par la mise en page des chiffres. Je cite: «A la suite des travaux de la commission, l'excédent des charges a été réduit de 74 934 395 F.» Il s'agit là d'une illusion créée par une succession d'additions et de soustractions, car les montants inscrits dans ce rapport sont implacables: charges de fonctionnement présentées au budget: 8 293 524 135 F; charges de fonctionnement après travaux de la commission: 8 340 938 628 F. Les travaux de la commission des finances ont donc fait augmenter les charges de 47 414 493 F, quelle excellence ! Cela permet au rapporteur de majorité d'écrire, au haut de la page 6, que «les investissements nets à hauteur de 726,6 millions ne seront pas autofinancés et que par conséquent la dette augmentera [...]».
M. Alberto Velasco. C'est honnête, c'est honnête !
M. Patrick Lussi. Mesdames et Messieurs les députés, depuis 1990, date à laquelle elle était à zéro sous la bonne gestion du conseiller d'Etat radical Ducret, la dette n'a cessé de plonger ! Pouvons-nous continuer dans cette voie ? Il y a peut-être des options différentes, mais une même conclusion: non, nous devons revenir à davantage de rigueur et d'équilibre, et surtout ne pas dépenser plus que ce que nous gagnons, car cela nous mènera droit dans le mur.
J'ai entendu tout à l'heure quelqu'un dire qu'il fallait respecter les gens. Il est déjà arrivé que certains Etats ne puissent plus payer les salaires, créant ainsi du chômage; chez nous, ce n'est pas encore pour demain, mais si nous perdons de vue cet élément, nous commettons une erreur dramatique, et ce également pour ceux que nous défendons. De même, pouvons-nous remettre en fin de législature un tel budget à ceux qui vont nous succéder ? Notre minorité pense que non. Pour cette raison, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous invitons à refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur. Je suis désolé, Monsieur Vanek, mais le temps de votre groupe est épuisé. La parole va à Mme Flamand-Lew.
Mme Emilie Flamand-Lew (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, les Verts regrettent le déficit relativement important de ce budget, malgré l'actualisation de l'estimation des recettes fiscales, comme ils déplorent l'absence de réflexion et de recherche de la majorité du Conseil d'Etat s'agissant des recettes, si ce n'est via les mesures présentées avec le plan financier quadriennal, c'est-à-dire assez tardivement dans l'étude du budget. On peut notamment penser à la réévaluation de la valeur fiscale des immeubles ainsi qu'à la limitation de la déduction des primes d'assurance-maladie - déjà proposée, mais refusée par ce Grand Conseil. Toutefois, ces mesures ne pourront prendre effet que l'année prochaine au mieux, et n'auront donc pas d'impact sur ce budget.
A nos yeux, ce budget présente donc quelques défauts, mais également des qualités, raison pour laquelle nous entrerons en matière. Il prévoit notamment - cela a déjà été mentionné - des ressources supplémentaires pour le DIP, afin de répondre à l'augmentation démographique et donc à la hausse du nombre d'élèves, de même que pour l'Hospice général, qui en a bien besoin puisque le nombre de dossiers d'aide sociale ne cesse d'augmenter depuis de nombreuses années, alors que ses moyens, eux, stagnaient; dans cette situation de crise, on a enfin fini par octroyer des moyens à cette institution !
Le budget 2018 prévoit également des ressources supplémentaires pour l'IMAD qui, elle aussi, voit le nombre de ses bénéficiaires croître d'année en année et qui a l'obligation de les accepter. Des moyens ont encore été alloués aux TPG afin d'améliorer l'offre, d'appliquer la loi sur la compensation de la baisse des tarifs et, on l'espère, d'étoffer quelque peu le réseau et d'offrir à nouveau une qualité acceptable aux habitants de notre canton et de notre région. Enfin, de nouvelles ressources sont prévues pour les HUG, qui font face à une hausse constante du nombre de patients et qui devront, en 2018, faire fonctionner des infrastructures nouvellement mises en service, la troisième étape de la maternité ainsi que le bâtiment des lits Gustave Julliard, qui a ouvert ses portes cette année.
On voit que les besoins augmentent, sans conteste; il s'agit d'y répondre et de trouver des moyens pour cela. Le plan financier quadriennal, qui nous a été présenté il y a quelques semaines, prévoit un retour à l'équilibre d'ici quelques années, ce qui est de nature à nous rassurer en ce qui concerne le déficit qui grève ce budget. Nous souhaitons insister sur l'importance de renouer le dialogue entre le Conseil d'Etat et la fonction publique, il faut que les mesures prévues dans le plan financier quadriennal qui toucheront les fonctionnaires soient bel et bien négociées avec ceux-ci, et pas simplement annoncées.
A l'issue des travaux de la commission des finances, une majorité fragile s'est constituée autour de ce budget, composée de partis qui souhaitent donner à l'Etat la possibilité de fonctionner en 2018, de délivrer des prestations dans les domaines de l'éducation, de la mobilité, de la sécurité, de la santé, du social, et c'est donc dans un esprit constructif que nous accepterons l'entrée en matière sur ce projet de budget. En revanche, nous ne voterons aucun des amendements proposés par les uns et les autres afin qu'il soit accepté tel qu'issu des travaux de commission. Je vous remercie.
M. François Baertschi (MCG). Chaque année, plus de 500 millions de francs - un demi-milliard ! - manquent dans les caisses de l'Etat: 280 millions sont distribués aux communes frontalières, tandis qu'environ 300 millions nous sont pris par les autres cantons suisses au nom de la péréquation intercantonale. Sur dix ans, nous aurions pu réduire notre endettement de 5 milliards de francs ! Mais non, nous avons dilapidé 5 milliards de francs en une décennie, en raison de cet excès de générosité qui s'est accumulé au fil des générations. Aujourd'hui, les habitants de notre canton doivent se serrer la ceinture, et d'aucuns voudraient qu'ils se la serrent encore davantage en continuant à verser chaque année plus d'un demi-milliard aux communes françaises et aux cantons suisses, mais en réduisant encore plus drastiquement nos charges.
Le MCG s'y oppose résolument, nous en avons assez de payer pour les autres. Le MCG est un parti conséquent, qui défend Genève d'abord, qui défend les Genevois avant la France voisine et les autres cantons helvétiques. Dans ces conditions difficiles, il ne faut pas écouter les sirènes destructrices de celles et ceux qui disent non à tout, qui veulent détruire la qualité de vie des habitants. Le canton de Genève ne peut pas être géré par le système dit des douzièmes provisionnels, ce serait un aveu d'échec. Un Etat doit fonctionner sur la base d'un budget choisi démocratiquement, telle est la conviction du MCG. Nous sommes choqués par l'irresponsabilité et le manque de sens de l'Etat de certains. Maintenant, il convient de se détacher de la politique politicienne et de ne penser qu'au bon fonctionnement de notre république.
A la fin de l'été, le Conseil d'Etat a voté à l'unanimité le projet de budget qu'il nous propose. Rappelons que ce gouvernement comprend une majorité de quatre élus PLR-PDC, groupes qui n'ont pas montré jusqu'ici une attitude constructive dans le but d'établir une majorité solide qui accepterait un budget crédible: ils privilégient le dogme et l'idéologie. Le groupe PLR, en particulier, pris d'un sentiment schizophrénique, se distancie totalement de ses représentants au Conseil d'Etat, démontrant ainsi son incapacité à gouverner, comptant sur d'autres partis de ce parlement pour prendre les responsabilités qu'il n'a pas le courage d'assumer.
Le MCG a toujours été clair: il votera le budget 2018, parce que Genève ne peut pas se permettre une crise qui aurait des conséquences catastrophiques. L'heure n'est plus aux caprices ni aux états d'âme. En commission, nous avons fait des propositions d'améliorations, certaines ont d'ailleurs été reprises, mais la nécessité d'obtenir une majorité solide a réduit notre marge de manoeuvre, reconnaissons-le.
Cela étant, malgré des rentrées fiscales moroses, ce budget prévoit des éléments positifs. Ainsi, une action déterminée sera menée contre la fraude sociale afin de garantir des prestations à ceux qui en ont réellement besoin. Voilà une action de bon sens qui mérite d'être soulignée. Quant à la politique de préférence cantonale, elle permet que 65% à 70% des employés soient engagés au travers de l'office cantonal de l'emploi, ce qui réduit le taux de chômage. Cette politique doit être poursuivie et développée sans défaillir.
Si de trop nombreux partis de ce Grand Conseil défendent les travailleurs frontaliers, certains faisant même recours devant les tribunaux pour contester des décisions démocratiques, le MCG continuera à s'opposer, seul contre tous, à l'afflux des travailleurs frontaliers et à leurs avantages indus. Nous voterons le budget 2018, car nous pensons avant tout au bien de la République et canton de Genève, et nous en appelons à la plus large coalition, nous vous demandons d'accepter l'entrée en matière.
Des voix. Bravo !
M. Stéphane Florey (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, le projet de budget 2018 représente la démesure. Dernier budget de cette législature, il est le reflet de quatre années d'immobilisme de la part d'un Conseil d'Etat sclérosé, se complaisant dans une atmosphère dénuée de tout réalisme. Envolé le discours de Saint-Pierre pavé de bonnes intentions, oubliées les restructurations promises de même que les économies ! C'est également un budget de complaisance: dans l'espoir de ménager la chèvre et le chou, notre gouvernement essaie désespérément de faire croire au bien-fondé de ce qu'il propose.
Or la réalité est tout autre. Ce budget ne tient pas compte des besoins réels de la population. Pour satisfaire le plus grand nombre, l'Etat subventionne tout et n'importe quoi, tout en essayant de réduire les prestations à la population, d'augmenter les impôts et autres taxes; incapable de contenir ses charges, il ne cesse de croître et d'engager à tour de bras. Mais pour qui et pour quoi ? La population n'est pas dupe, elle se rend bien compte que l'Etat n'est plus à son service, que c'est même tout le contraire. Au final, c'est notre qualité de vie qui en pâtit: une fiscalité qui est la plus élevée du pays, une école médicalisée d'où l'on ressort totalement désorienté, une mobilité qui fait qu'à terme, marcher à reculons sera plus rapide, une immigration qui reste incontrôlée, des logements pour les populations migrantes plutôt que pour nos enfants, des personnes au chômage ou à l'aide sociale qui ne trouvent pas de travail.
Adopter un tel budget ne ferait que couper le Conseil d'Etat de ses responsabilités. On ne peut plus accepter de recourir à l'emprunt pour financer les investissements et de laisser la dette repartir à la hausse. Le Conseil d'Etat doit sortir de cette spirale infernale, l'Etat doit se restructurer. En outre, il n'est pas raisonnable de voter un budget déficitaire à moins de six mois des élections et d'en laisser les conséquences au futur gouvernement. Le système des douzièmes provisionnels reste encore la meilleure solution.
Pour toutes ces raisons, l'UDC, parti de droite raisonnable et responsable, refusera l'entrée en matière de ce budget irréaliste qui ne correspond à aucun besoin, à aucune attente de la population, et vous invite à faire de même. Ayons le courage politique de dire non à la démesure en rejetant ce projet de loi ! Je vous remercie de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur. J'ai le plaisir de saluer à la tribune notre ancien collègue, M. Jean-Marc Odier ! (Applaudissements.) La parole est à M. Forni.
M. Jean-Luc Forni (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le parti démocrate-chrétien est amer face au projet de budget tel que sorti de commission. Disons-le d'emblée, il ne satisfait ni le PDC ni bon nombre de partis présents dans ce parlement, mais pour des raisons différentes; il ne satisfait pas davantage le Conseil d'Etat, et plus particulièrement son ministre des finances, Serge Dal Busco, qui a toujours milité contre le déficit et considère que ce projet est à la limite supérieure de ce qui est admissible. Il est évident que ce budget, dont les charges ont été alourdies, n'est plus celui du gouvernement.
Pourtant, le projet consensuel soutenu par un Conseil d'Etat unanime avait tout pour remporter l'adhésion d'une majorité parlementaire, il s'agissait d'un pacte budgétaire pacifié. Malgré la décision irréfléchie d'une majorité de ce plénum d'alourdir davantage les finances de l'Etat, par exemple avec la compensation du déficit des TPG, ce projet de budget se voulait un nouveau départ, il compilait toutes les demandes des départements au prix d'un déficit de plus de 430 millions, réduit à 260 millions grâce à l'arbitrage, à l'abnégation et à la persévérance de Serge Dal Busco, avec en prime une amélioration des prévisions de rentrées fiscales de 160 millions. C'était sans compter les échéances électorales de 2018.
A la commission des finances, une majorité hétéroclite composée des partis de gauche et du MCG a balayé d'un revers de main le pacte budgétaire proposé par le Conseil d'Etat. Pire, cette majorité a davantage creusé la dette en offrant l'annuité complète à la fonction publique, faisant fi, comme à son habitude, d'éventuels conflits d'intérêts personnels. Ainsi, les fonctionnaires, dont le parti démocrate-chrétien respecte l'engagement et salue le travail, se retrouvent une fois de plus instrumentalisés et invités malgré eux à ces bacchanales budgétaires. Or les contribuables genevois, qui en paient le prix, attendent de nous des choix cohérents.
Quelle est l'entreprise privée déficitaire, Mesdames et Messieurs, qui augmente le salaire de ses collaboratrices et collaborateurs ? Il faut dire qu'une partie de la fonction publique, certes minoritaire, se montre régulièrement insatiable et ingrate, soutenant des revendications excessives. Les travailleurs et travailleuses de la Poste ou encore d'ABB apprécieront certainement le choix de cette majorité hétéroclite de notre Grand Conseil de favoriser en priorité, encore et toujours, les seuls collaboratrices et collaborateurs de l'Etat. Avec une augmentation des charges de quelque 2,5%, 291 emplois supplémentaires et un déficit qui atteint actuellement 180 millions, on ne peut assurément pas parler de budget d'austérité, comme le prétendent la gauche et le MCG, c'est de la pure malhonnêteté rhétorique.
La logique voudrait que le PDC, fort de ces constatations, refuse l'entrée en matière sur ce budget. Toutefois, conscients de notre attachement gouvernemental et de notre responsabilité politique, nous la voterons. Genève ne peut pas se permettre d'affronter sans budget les défis à venir, notamment le PF 17, SCORE ou encore la CPEG. Le bilan financier de la législature qui s'achève est positif, et il est important de saluer les efforts de notre magistrat qui a dû se battre pour réduire les appétits insatiables de certains départements, peu enclins à réfléchir à des économies ou à une rationalisation.
Rappelons que les comptes 2014, 2015 et 2016 ont été globalement excédentaires, et ce sans diminution des prestations, que la dette a diminué de 900 millions entre fin 2014 et fin 2016, alors qu'elle n'avait cessé d'augmenter depuis 2010, et que l'IDHEAP a décerné la première place suisse à Genève en matière de gestion financière ! Mesdames et Messieurs les députés, nous pouvons nous réjouir du travail accompli par le Conseil d'Etat, et plus particulièrement par notre ministre des finances, Serge Dal Busco.
Après le vote d'entrée en matière, nous adopterons systématiquement tout amendement visant une diminution des charges et susceptible de nous rapprocher du budget initial du Conseil d'Etat. En fonction de l'évolution des débats et des décisions qui seront prises aujourd'hui et demain, le parti démocrate-chrétien réservera sa décision quant à l'acceptation définitive du budget, qui n'est pas encore acquise, contrairement à ce que l'on pourrait entendre ou croire. Nous ne voterons pas un budget à n'importe quel prix, qu'on se le dise.
La Bruyère a écrit: «Après l'esprit de discernement, ce qu'il y a au monde de plus rare, ce sont les diamants et les perles.» Espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que ce Grand Conseil, avec tout ce qu'il renferme de vanité, d'ambition et de traîtrise, parvienne à lui donner tort le temps d'une session. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
M. Patrick Saudan (PLR). M. Batou a indiqué que 30% de la population genevoise était en risque de pauvreté. Or selon le rapport sur la pauvreté paru en novembre 2016, ce chiffre est de 18,7%, et il n'y a que 13,6% des Genevois qui reçoivent des prestations d'aide sociale. Je pense qu'on ne peut pas dire n'importe quoi dans cet hémicycle. Merci.
Une voix. Très bien !
Une autre voix. Merci beaucoup !
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. de Sainte Marie pour quatre minutes trente.
M. Romain de Sainte Marie (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le parti socialiste ne se réjouit pas de ce projet de budget...
Une voix. Bien au contraire !
M. Romain de Sainte Marie. En effet, ce n'est pas un budget de gauche, ce n'est pas le budget rêvé du parti socialiste. Son entrée en matière devrait toutefois être votée grâce à une majorité de circonstance, à laquelle le parti socialiste se joint par responsabilité vis-à-vis des Genevoises et des Genevois. Aujourd'hui et demain, nous aborderons la question des prestations à la population qui fait face à des défis toujours plus importants, notamment dans les domaines de la formation, de l'aide sociale, de l'accessibilité à la santé.
Ce projet était mal parti pour le groupe socialiste, car le Conseil d'Etat prévoyait une coupe dans les subsides à l'assurance-maladie, coupe qui a heureusement été rectifiée par un projet de loi. Notre gouvernement avait également décidé de ne pas verser l'annuité complète à la fonction publique; là encore, cette mesure a été corrigée - on vient de le faire tout à l'heure - par la majorité du Grand Conseil, qui s'est par ailleurs engagée à revenir rétroactivement sur les coupes effectuées l'année passée à l'endroit des entités subventionnées. Autant d'éléments qui nous ont permis de rejoindre cette majorité de circonstance afin d'entrer en matière sur le budget.
J'ai entendu parler de l'augmentation des charges entre le projet initial et celui sorti de commission, dont la croissance passe de 1,9% à 2,45%; le PDC relaie la voix de son conseiller d'Etat et affirme que cette hausse constitue une limite maximum. Mesdames et Messieurs, je vous invite à lire l'étude publiée récemment par le parti socialiste sur les dépenses publiques et à analyser d'un peu plus près l'évolution des charges à Genève en comparaison avec l'ensemble des cantons suisses, plus particulièrement les cantons romands. Eu égard aux facteurs socio-économiques et sociodémographiques, nos dépenses publiques sont parfaitement normales ! En effet, proportionnellement à sa richesse, notre canton se situe en avant-dernière place pour les dépenses publiques. S'agissant du loyer au mètre carré, Genève est en deuxième position des cantons les plus chers, tout comme en matière de primes d'assurance-maladie; par ailleurs, Genève est le troisième canton qui connaît le taux le plus important de personnes à l'aide sociale, et le deuxième qui connaît le plus de chômage en Suisse. A droite, vous qualifiez les dépenses publiques de conséquentes, mais les besoins sont là, ils sont réels. Notre population est vieillissante, notre population s'appauvrit, et si l'Etat ne fait pas preuve de responsabilité pour garantir les prestations, qui le fera ? Personne.
Mesdames et Messieurs de la droite, l'amendement que vous présentez visant une baisse du centime additionnel est purement irresponsable quand on pense au déficit croissant, à la dette qui se creuse. Le parti socialiste ne se réjouit ni de la dette ni du déficit de 185 millions, mais il assume les responsabilités qui sont les siennes. Quand vous proposez une baisse du centime additionnel, vous amplifiez le déficit, vous accentuez la dette et vous aggravez la crise des recettes que l'on connaît dans ce canton, due aux différentes baisses d'impôts auxquelles il a été procédé depuis une dizaine d'années.
Le problème est réellement là, les dangers à venir sont nombreux, le PF 17 se profile et pourrait engendrer une perte massive de recettes fiscales. Mesdames et Messieurs, les socialistes voteront l'entrée en matière sur ce projet de budget, contrairement au parti qui est pourtant membre du gouvernement, qui refuse depuis plusieurs années les différents budgets et qui affiche au grand jour son manque de responsabilité - je parle évidemment du PLR. (Applaudissements.)
M. Cyril Aellen (PLR). J'espère ne pas me montrer trop discret au goût de M. Batou - vous transmettrez, Monsieur le président. Oui, Monsieur Batou, un tiers des plus grosses fortunes du pays sont à Genève; oui, Monsieur Batou, le département du Pas-de-Calais comporte 1,5 million d'habitants, c'est-à-dire le triple du canton de Genève. Mais, Monsieur Batou, vous avez oublié la suite: le budget du Pas-de-Calais s'élève à 1,76 milliard, alors que celui de Genève est de 8,4 milliards - permettez-moi de penser que l'un est lié à l'autre.
Vous avez fait grand cas d'un article paru dans «PME Magazine», je m'en réjouis. Il se trouve que je l'ai lu moi aussi, mais que j'ai été un peu plus attentif que vous. J'ai en effet réalisé qu'on parlait du budget 2016, celui qui correspond en réalité au budget 2015 voté par le PLR. Chaque printemps, Monsieur Batou, j'ai pris le rapport de majorité pour dire combien le Conseil d'Etat était un bon gestionnaire. Oui, chaque année, le PLR est venu expliquer devant cette enceinte que le Conseil d'Etat gérait parfaitement les deniers publics, conformément au budget qui lui avait été alloué.
Cela étant, Mesdames et Messieurs, permettez-moi, au nom du PLR, de dire que le budget 2018 a été fortement péjoré par la majorité de ce Grand Conseil, qu'il ne va pas dans la bonne direction et que cela ne nous convient pas. Partant, nous ne le voterons pas. Les charges augmentent de façon importante, plus vite que le produit intérieur brut, plus vite que la population, plus vite que l'indexation.
J'entends bien votre propos: puisque les besoins augmentent - la représentante des Verts le disait - il faut trouver les moyens d'y répondre. Eh bien non: si les besoins augmentent, il faut s'interroger sur les raisons, sur les conditions-cadres qui sont les nôtres, et faire en sorte qu'ils n'augmentent plus afin que... (Remarque.) Je n'ai interrompu personne ! ...chacun puisse subvenir à ses propres besoins dans un canton où il fait bon vivre. Voilà la politique défendue par le PLR, ce n'est pas une politique de l'assistanat accru !
Dans les mêmes bouches, on entend le discours suivant: «Rendez-vous compte du nombre de millions que l'on consacre à l'aide sociale, c'est bien la preuve que la population est pauvre !» Et puisqu'on donne beaucoup de millions et qu'elle est pauvre, il faut en donner davantage encore ! Voilà votre langage, voilà votre discours, ce n'est pas le nôtre, ce n'est pas notre vision de la société.
Une voix. On avait compris !
M. Cyril Aellen. Genève - vous transmettrez à M. Romain de Sainte Marie, Monsieur le président - est le canton qui, sur un plan étatique, consacre le plus de charges par tête d'habitant, voilà la réalité. Dans le même temps, c'est celui dont le taux de chômage est - presque, il a raison - le plus élevé de Suisse; le deuxième, très exactement. C'est également un canton où la pauvreté est importante et où les loyers sont chers alors qu'ils sont le plus contrôlés de tout le pays, probablement de toute l'Europe. C'est encore le canton où l'assurance-maladie est l'une des plus chères du pays, peut-être de toute l'Europe. Comme quoi, les dépenses accrues de la collectivité n'ont pas d'incidences sur ces problématiques; ce n'est pas la garantie que le taux de chômage va baisser, que la pauvreté va diminuer, que les loyers vont être accessibles, que l'assurance-maladie sera moins chère. Non, Mesdames et Messieurs, cela se fera par une politique volontaire, avec des actions permettant à chacun d'évoluer, de s'épanouir dans notre société, de telle façon qu'on n'ait plus besoin de faire appel à l'aide étatique. Telle est la vision du PLR. (Applaudissements.)
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, chargé des finances de ce canton, j'attache une importance toute particulière à ce que l'action publique soit à la hauteur des besoins des citoyens, mais aussi des impôts dont ils s'acquittent. C'est la raison pour laquelle j'ai fait de la maîtrise des finances publiques et de la dette l'une des priorités de mon action. Pourquoi ? Parce qu'une bonne santé financière, c'est ce qui permet d'assurer durablement les prestations d'une collectivité. Il faut maîtriser les dépenses aujourd'hui afin d'être en mesure de financer les besoins de demain.
Et des besoins, il y en a, il faut l'admettre: il y en a dans les domaines de la mobilité, de la formation, de la sécurité, ou encore en raison de l'allongement de la durée de vie. Tous ces défis ne pourront être relevés qu'à condition que notre canton continue à créer de la richesse, maîtrise sa dette et gère ses prestations publiques avec encore plus d'efficience.
Des finances publiques saines ne sont toutefois pas une fin en soi, elles constituent un moyen, celui de disposer d'une marge de manoeuvre suffisante. Même si les intérêts de la dette ont diminué ces dernières années, ils représentent aujourd'hui encore l'équivalent ou presque de la subvention annuelle aux TPG ou du coût de construction de trois cycles d'orientation. Il ne faut pas l'oublier, ces 200 millions de francs par année pourraient être utilisés à d'autres fins. J'ai la conviction, et le Conseil d'Etat également, que la problématique du déficit doit se régler pour l'essentiel par la remise en cause d'un certain nombre de dépenses, et non par une hausse d'impôts, comme le préconisent certains.
Depuis mon entrée en fonction, je m'emploie sans relâche, épaulé par mes collègues du Conseil d'Etat, à maîtriser les charges publiques, et ce avec des résultats encourageants et avérés - cela vient d'être rappelé par plusieurs d'entre vous, je le relève avec plaisir - puisque la dette a diminué de presque un milliard en trois exercices - nous l'atteindrons peut-être à la fin de celui-ci - et que les mesures d'efficience mises en oeuvre depuis 2015 par le gouvernement ont permis d'améliorer durablement le résultat de 450 millions par année. Si nous n'avions pas fait cela, Mesdames et Messieurs, le déficit du projet de budget 2018 friserait les 700 millions de francs ! Enfin, et c'est finalement ce qui importe en matière de finances publiques, les trois exercices bouclés sous ma responsabilité ont globalement dégagé un résultat excédentaire, malgré le ralentissement de la conjoncture, malgré la provision de pratiquement un demi-milliard que nous avons dû constituer pour notre caisse de pension.
Ce bilan financier est le résultat d'une gestion déterminée, calme, sereine et constante dans l'effort, une gestion saluée, certains l'ont rappelé, non pas par une publication - excellente, du reste - destinée aux PME, mais par une étude universitaire, celle de l'IDHEAP qui, après avoir placé le canton de Genève à la traîne pendant de nombreuses années, vient de lui décerner la palme en matière de gestion des finances publiques en Suisse. Nous en sommes naturellement très contents, même si on peut émettre quelques doutes quant à la manière dont ce genre de classement est établi. A cet égard, je constate que les esprits chagrins qui relativisent aujourd'hui ce résultat sont les mêmes qui le critiquaient vertement lorsque nous nous baladions en queue de classement ! Cet effort constant dans le contrôle des dépenses a ainsi permis de répondre aux besoins de notre population, et ce en dépit d'un tassement inquiétant des rentrées fiscales.
Mais il y a également un problème - on a entendu des critiques à ce sujet dans cette assemblée: le Conseil d'Etat n'a pas toujours obtenu la marge de manoeuvre dont il aurait souhaité disposer, il faut le reconnaître, simplement parce qu'une majorité de ce Grand Conseil était d'un avis différent. Je reste déterminé, et le Conseil d'Etat avec moi, à maîtriser les charges pour éviter d'aboutir au déclenchement du mécanisme de frein au déficit, qui conduirait le peuple à devoir choisir entre une hausse d'impôts et une baisse des prestations. Même s'il est parfois plus commode de s'en remettre à l'avis des citoyens, je considère qu'en tant qu'élus, nous avons le devoir de prendre nos responsabilités; c'est précisément ce que fait le Conseil d'Etat en procédant à des arbitrages pour que nous ne nous retrouvions pas dans une telle situation de crise.
En même temps, le Conseil d'Etat a choisi de maintenir les investissements à un niveau élevé, ce que le projet de budget 2018 traduit parfaitement, parce que la maîtrise de notre dette ne doit pas se faire à leur détriment. Au cours de cette législature, la moyenne des investissements a atteint près de 650 millions de francs, ce qui est pratiquement le double de ce que nous connaissions il y a dix ans, et le budget 2018 s'inscrit dans cette même tendance. Tous les efforts déployés, Mesdames et Messieurs, qui n'ont pas permis de réduire la dette comme nous aurions pu le faire ces dernières années, justement parce que nous avons décidé d'investir, placeront notre canton en très bonne position pour les décennies à venir. Si ma détermination et celle du Conseil d'Etat demeurent intactes, nous sommes également conscients des limites de l'exercice budgétaire auquel vous allez mettre fin, je l'espère, au terme de ces deux jours.
Le projet de budget déposé en septembre était issu de très longs mois de travaux et d'arbitrages effectués au sein du Conseil d'Etat pour diminuer le déficit, dont je n'ose même pas vous dire à combien il s'élevait au début de cette année - le chiffre a été indiqué tout à l'heure par l'un d'entre vous. Ce montant de plusieurs centaines de millions, nettement supérieur à celui que l'on connaît aujourd'hui, était totalement inacceptable, voire irresponsable. Le Conseil d'Etat a donc assumé sa responsabilité et mené un important travail d'arbitrage afin de le ramener à un niveau plus acceptable et raisonnable, avec une hausse des charges à 1,9%. J'avais fixé la barre des 2% comme étant la limite à ne pas dépasser; ce fut difficile, mais nous y sommes parvenus, nous avons rempli notre rôle. Le vôtre, maintenant, est d'examiner ce budget, puis de le voter.
Je regrette vivement, comme le Conseil d'Etat, que la commission des finances ait choisi d'alourdir la croissance des charges durant ses travaux en la portant à presque 2,5%, plutôt que de soutenir pleinement les efforts du Conseil d'Etat. Nous en prenons acte, mais je me dois de signaler que ceux qui ont fait ce choix ont pris un risque, celui d'être déconnectés de la réalité et des enjeux économiques de notre canton.
La responsabilité du Conseil d'Etat - je terminerai par là - consistait à préparer un budget, et celui dont vous êtes saisis est susceptible de recueillir une majorité. En déposant ce projet, le Conseil d'Etat avait déclaré qu'il n'était ni satisfaisant ni réjouissant, et force est de constater qu'il l'est encore un peu moins tel que présenté aujourd'hui. Je considère en effet que nous sommes à la limite supérieure de ce qui est admissible, et si cette limite devait être dépassée, il ne le serait plus. Or si j'en crois les déclarations des groupes, le budget ne serait plus soutenu par la majorité si cette limite était dépassée, ce qui engendrerait aux yeux du Conseil d'Etat d'autres risques, bien réels eux aussi.
Au final, vous l'aurez compris, rien n'est très réjouissant, mais ce budget est à mettre en perspective avec un bilan financier de la législature écoulée somme toute satisfaisant, et c'est dans cet esprit que le Conseil d'Etat vous invite à entrer en matière et à le voter. Merci de votre attention. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. A présent, j'ouvre la procédure de vote sur l'entrée en matière de ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 12176 est adopté en premier débat par 61 oui contre 33 non.