Séance du
jeudi 23 novembre 2017 à
20h30
1re
législature -
4e
année -
9e
session -
47e
séance
PL 12210
Premier débat
Le président. Nous passons à la deuxième urgence, le projet de loi 12210. (Brouhaha.) Vous avez la parole, Monsieur Deneys, mais nous attendons deux secondes que ça se calme un peu. (Un instant s'écoule.)
M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, une fois de plus, le parti socialiste dépose un projet de loi qui vise à geler le bouclier fiscal pour deux années consécutives, 2018 et 2019. (Brouhaha.) Ce projet de loi envisage un certain nombre de mesures afin de générer des recettes supplémentaires pour le canton de Genève. Il s'inscrit dans le cadre... (Brouhaha.) Monsieur le président !
Le président. Je ne sais pas ce qui se passe ce soir ! Il y a franchement un brouhaha... Je ne sais pas si la neige va tomber, mais on se croirait dans une course d'école ! Mesdames et Messieurs, si vous voulez discuter, vous sortez; vous connaissez les principes ! S'il vous plaît, écoutez la personne qui parle. Un peu de respect pour vos collègues ! Merci, Monsieur le député.
M. Roger Deneys. Merci, Monsieur le président. L'idée de ce projet de loi est donc de générer des recettes fiscales supplémentaires dans une période budgétaire difficile. Et nous, socialistes, sommes particulièrement surpris de constater que ce Grand Conseil ne souhaite pas étudier cette proposition à la commission fiscale, comme cela se fait pour l'ensemble des projets de lois de nature fiscale. Générer plus de 100 millions de recettes fiscales supplémentaires quand on a un déficit annoncé de plus de 200 millions - certes, réduit avec les récents amendements du Conseil d'Etat, mais restant néanmoins à plus de 150 millions... Il est peut-être quand même pertinent de chercher des solutions pour rétablir l'équilibre. En plus, Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi vise une suspension du bouclier fiscal, pas son abolition ! Alors ne pas l'étudier... C'est très clair: les socialistes reviendront à la charge, et nous pouvons déjà vous annoncer que si vous ne voulez pas étudier cette proposition, le soutien des socialistes au projet de budget 2018 est remis en cause ! (Exclamations. Applaudissements.) Parce qu'il faut aussi savoir, Mesdames et Messieurs les députés, que le projet de budget, à la commission des finances, dépend aujourd'hui beaucoup de la position des socialistes - malheureusement, peut-être, pour certains. Les socialistes lui sont plutôt favorables, mais quand il faut faire face à des dépenses supplémentaires, soutenues par exemple par le MCG, eh bien, ils voient le déficit s'accroître sans qu'on apporte la moindre solution à ce problème de recettes fiscales, dont Genève manque aujourd'hui ! Et dire que le bouclier fiscal est une horreur, c'est tout simplement indécent ! Une personne qui a 100 millions de fortune imposable aurait, à 1% de taxation de sa fortune, un revenu de 1 million. On va dire qu'avec le bouclier fiscal on l'impose à 600 000 F: il lui reste 400 000 F par année pour vivre, Mesdames et Messieurs les députés !
Une voix. C'est un scandale !
M. Roger Deneys. Ce qui fait 33 000 F par mois ! Et c'est ça qui est indécent, aujourd'hui, à Genève, quand on supprime des subsides d'assurance-maladie de 30 F ! C'est tout simplement indécent ! Notre canton a besoin de recettes fiscales supplémentaires ou alors tout le monde va devoir le payer, parce que la dette s'accroît et que les prestations sociales diminuent. Mesdames et Messieurs les députés, il faut simplement étudier sérieusement ce projet de loi à la commission fiscale ! (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Ronald Zacharias (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, il y a une espèce de fixation sur le bouclier fiscal: l'homme de gauche doit se dire qu'allant de défaite en défaite, il ira jusqu'à la victoire finale ! Parce que ce qui finira par arriver, je pense, c'est qu'on aura un point fixe sur le sujet ! Vous vous souviendrez que les renvois en commission de mes deux projets de lois - d'une part sur la réforme du bouclier fiscal mais également sur le désassujettissement de l'outil de travail - ont été interprétés, d'ailleurs à juste titre, comme un signe d'apaisement en vue de la très cruciale échéance du PF 17. Le parti socialiste les a, lui, interprétés comme un signe de faiblesse et il revient un mois après avec le même projet de loi, qui viole de manière outrancière nos droits fondamentaux et nos valeurs fondamentales. (Protestations.) Je rappelle, Mesdames et Messieurs les députés, que le bouclier fiscal induit un taux de prélèvement de 82% sur le revenu imposable. C'est le minimum ! Vient s'ajouter à cela le rendement notionnel de 1%; s'il n'est pas réalisé, on a des bordereaux de revenu imposable qui vont au-delà de 100%. Est-ce raisonnable ? Bien évidemment que non ! Et cela avec le bouclier; imaginez un instant qu'il soit supprimé ! Imaginez un instant qu'il soit supprimé !
J'ai réfléchi, et je me dis que le seul remède à ces attaques continuelles, c'est le dépôt d'un projet de loi qui prévoit qu'un texte similaire ne peut pas être déposé pendant un délai d'un an au minimum. (Remarque.) Et en sanction de cette violation, si par ailleurs le texte viole de manière grossière nos droits fondamentaux et notre ordre juridique - notamment, en l'occurrence, le droit de propriété - le groupe parlementaire qui en est responsable pourra, sur décision majoritaire de cette assemblée, être exclu du Grand Conseil... (Vives exclamations. Commentaires. Quelques applaudissements.) ...pendant une à trois séances, voyez-vous ! J'aurai le plaisir, parce que vous êtes de vrais démocrates...
Des voix. Ah ! (Commentaires.)
M. Ronald Zacharias. ...de présenter ce projet de loi par-devant la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil, et je ne doute pas de votre soutien. Cela dit, dans l'intervalle, je vous invite bien évidemment à rejeter ce projet de loi, et je vous en remercie. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Vincent Maitre (PDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, il y a à peine plus d'un mois, le 12 octobre dernier précisément, un projet de loi rigoureusement identique a été sèchement balayé par une écrasante majorité de ce plénum. Ceux qui aujourd'hui crient et en appellent à la démocratie sont précisément ceux qui la refusent lorsque celle-ci a été valablement pratiquée un mois auparavant, mais sans aller dans leur sens. Ce projet de loi le montre bien, en plus de constituer une provocation évidente, d'un amateurisme d'ailleurs assez consternant, puisqu'on y parle à la première page de prétendues recettes supplémentaires de 100 millions qui se transforment à la dernière page en 220 millions. C'est, ma foi, la preuve par l'exemple de ce que souhaite en réalité l'auteur de ce texte: tout simplement rallumer - pour autant qu'elle ait déjà existé - ou plutôt créer une guerre fiscale à la veille d'un projet absolument fondamental sur la réforme de l'imposition des entreprises, que tout le monde connaît ici: le PF 17. Celui-ci, tout le monde le sait, est absolument capital, et déposer à réitérées reprises et avec insistance de tels projets de lois, eh bien, c'est tout simplement inconscient et irresponsable ! J'appelle les quelques personnes du groupe socialiste qui ont un minimum de notions du bon fonctionnement de nos institutions et l'envie de le préserver...
Une voix. Des noms !
M. Vincent Maitre. ...à se rendre à l'évidence et à freiner un tout petit peu ce genre d'ardeurs: elles sont en fait le fruit d'une seule et unique personne qui a bien compris que les prochaines élections auront lieu dans moins de six mois ! (Remarque.) Je vous remercie.
M. Jean Batou (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, avec ce projet de loi socialiste qui revient de session en session, nous touchons un objet extrêmement important. Nous sommes dans une situation de déficit budgétaire et nous faisons des cadeaux aux privilégiés de ce canton, qu'il s'agirait, pour mon préopinant socialiste, de suspendre. C'est une proposition timide; le groupe Ensemble à Gauche est favorable à leur suppression. Selon les chiffres les plus récents de l'administration fiscale cantonale, la suppression du bouclier fiscal permettrait de faire rentrer 115 millions - vous transmettrez à M. Maitre, Monsieur le président - 115 millions dans les caisses de l'Etat. A un moment où on demande à la fonction publique, aux usagers des services publics et aux bénéficiaires des prestations sociales de se serrer la ceinture, les bancs d'en face, mais aussi certains bancs qui sont malheureusement situés sur ma gauche, feraient preuve d'une décence élémentaire en soutenant un tel projet de loi. Cela montrerait au moins que les multimillionnaires - parce que ce ne sont pas les millionnaires qui sont protégés par le bouclier fiscal, mais un certain nombre de multimillionnaires, environ 2500 - participent à cet effort demandé à l'ensemble de la population. Je vous invite donc évidemment à voter en faveur de cette suspension du bouclier fiscal.
Je constate aussi - vous transmettrez à M. Zacharias, Monsieur le président - que les droits démocratiques sont tout de suite mis en cause quand on touche aux intérêts des plus riches. J'espère qu'il réfléchira à ses menaces et les retirera très rapidement, parce que s'il s'agissait de nous empêcher de parler quand on propose de taxer un peu plus les super riches, eh bien, nous lancerions initiative sur initiative pour aller dans cette direction. Et je vous le dis, Monsieur Zacharias, nous gagnerions devant le peuple ! Merci. (Applaudissements.)
M. Stéphane Florey (UDC). Ce débat n'est pas sérieux - il a déjà eu lieu il y a une dizaine d'années, quand nous avons réformé la LIPP - mais, en plus, il est dangereux. Ce que j'aurais voulu savoir, c'est si vous avez fait une évaluation non pas de ce que ce projet de loi va nous rapporter, mais de ce qu'il va nous faire perdre. Car il est là, le danger, et je constate que vous ne l'avez toujours pas compris à ce jour. Les grandes perdantes ne seront finalement pas les personnes visées par ce projet de loi; ce sera la population qui y perdra puisqu'il y aura inévitablement moins de rentrées fiscales si un tel projet de loi entre en vigueur. D'où une énorme perte de recettes fiscales pour Genève.
Je constate toutefois que quelques-uns, au parti socialiste, commencent quand même à avoir une conscience d'un mois à l'autre puisqu'il y a moins de signataires que le mois dernier; ça, c'est réjouissant. Nous vous recommandons néanmoins, comme la dernière fois, de refuser purement et simplement ce projet de loi. Et puis on en reparlera le mois prochain, j'imagine ! (L'orateur rit. Rires.) Merci.
Le président. Merci, Monsieur. La parole est à M. Lussi pour deux minutes quarante.
M. Patrick Lussi (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il est pénible de toujours revenir sur cette sempiternelle mélodie: «Faisons payer les riches !» Mais, Mesdames et Messieurs les députés, ce sont déjà eux qui paient actuellement. S'ils n'étaient pas là, nous n'aurions pas tout ce... j'allais dire tout cet excédent social, parce qu'on peut bientôt dire que nous avons un excédent social, et c'est ça qui est dommage. Ce que je crains avec des mouvements - parce qu'on l'a déjà dit: ça a été discuté, ça a été revu, ça a été vu en plénière... Mesdames et Messieurs les députés, le bouclier fiscal n'est pas le cancer que vous prétendez. Le vrai cancer, Monsieur Deneys, puisque vous m'interpellez, c'est vous avec vos mesures, c'est vous qui faites exploser les dépenses. Qu'est-ce qui tue actuellement notre budget ? Ce sont bien les charges; j'essaie d'en parler avec lucidité, mon Dieu ! Les revenus sont là; ils ont pour le moment toujours été là ! Ils ont peut-être été trop là, ce qui vous a permis de continuer dans cette folie.
Mesdames et Messieurs les députés, n'oublions pas que Genève est le canton où la charge fiscale est la plus lourde de Suisse ! Et n'oublions pas que Genève est le canton où la charge directe des dépenses est la plus lourde de Suisse. En plus de cela, dans votre démence à vouloir toujours augmenter la charge, on est en train de dire: «Prenons chez les riches !» Mesdames et Messieurs les députés, soyons contents de prendre ce que l'on peut maintenant, parce qu'ils sont là ! N'oublions pas que ces gens sont peut-être beaucoup plus mobiles que certaines autres catégories de personnes que nous avons chez nous, et que vous n'aurez plus que les yeux pour pleurer le jour où ils partiront. Et ce qui est dommage, c'est que peut-être vous, vous pleurerez, mais ceux qui bénéficient pour le moment de subsides, ils ne les auront plus. Ceux-là vont peut-être alors se retourner contre vous et feront comme on faisait à l'époque de la Révolution française avec les charrettes qui emmenaient ceux qu'on avait crus les meilleurs: elles servaient à les emmener à la guillotine, parce qu'ils avaient trompé les gens ! Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci. Monsieur Stauffer, c'est à vous pour une minute trente - avec calme, merci.
M. Eric Stauffer (HP). Monsieur le président, je suis toujours calme ! J'ai une voix qui porte, ma foi ! Mesdames et Messieurs les députés, c'est vrai qu'un rendez-vous mensuel est pris avec le parti socialiste, qui revient sans cesse à la charge avec le bouclier fiscal. N'y voyez aucune mauvaise intention contre les gens qui ont des fortunes et paient des impôts: c'est simplement que nos amis socialistes ne savent plus quoi inventer avant les élections de 2018. Parce que c'est en fait dans ce contexte-là qu'il faut comprendre leur projet de loi. Sur le fond, vous savez bien, chers amis socialistes, qu'il faut une économie forte pour mener une politique sociale efficace. Et pour avoir une économie forte, il faut des gens qui investissent. Si vous faites fuir ces gens, il n'y a plus d'impôts payés et donc il n'y a plus de politique sociale efficace ! Je vous l'ai déjà dit dans cette enceinte, au moins trois fois: à force de convoiter l'argent du riche, vous finirez par voler celui du pauvre ! (Remarque.) Oui, je l'ai dit au moins trois fois, cher ami Roger Deneys !
Cela étant, Mesdames et Messieurs, il faut être clair. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Aujourd'hui, le canton de Genève a la chance d'avoir une économie encore florissante. Mais vous vous attelez à scier la branche sur laquelle nous sommes assis, et l'équilibre est extrêmement précaire. Vous devriez vous responsabiliser un tant soit peu, Mesdames et Messieurs du parti socialiste, et savoir que, s'il n'y a pas de gens qui paient des impôts, vous ne pourrez rien dépenser et rien inscrire dans les budgets. Genève - je conclus - pour moins...
Le président. C'est terminé.
M. Eric Stauffer. ...pour moins de 500 000 habitants a 13,5 milliards de budget: posez-vous des questions.
M. Romain de Sainte Marie (S). C'est vrai que le parti socialiste vient une deuxième fois en deux mois avec ce projet de loi, mais cela fait quatre ans - et même déjà plus de quatre ans - que j'entends les mêmes tirades imagées de M. Stauffer. Le parti socialiste revient en effet avec ce projet de loi, car il souhaite une démocratie qui fonctionne. Notre projet de loi se base sur une proposition du précédent gouvernement, faite par un Conseil d'Etat à majorité de droite, alors que David Hiler était le conseiller d'Etat chargé des finances. La situation budgétaire était alors morose, notamment en 2012 lorsque le Conseil d'Etat a proposé ce projet de loi; eh bien, la situation n'est malheureusement guère meilleure aujourd'hui. Nous nous sommes donc inspirés, c'est vrai, de cette proposition du Conseil d'Etat de la précédente législature - de droite - pour cette mesure exceptionnelle que nous proposons aujourd'hui. Nous ne demandons qu'une chose - j'entendais les critiques dire: «Mais les chiffres sont à revoir, il faut mesurer les départs possibles !» - nous ne demandons qu'une seule chose pour l'instant, c'est d'étudier ce projet de loi à la commission fiscale. C'est ça, le fonctionnement de la démocratie: laisser l'opportunité à chaque parti politique de faire étudier correctement les projets qu'il propose.
Mesdames et Messieurs, un petit peu de justice fiscale ne ferait pas de mal, ici ! En l'occurrence, j'entends la critique: «Nous sommes à l'aube d'un grand projet fiscal, le PF 17.» C'est vrai, le Conseil d'Etat vient de communiquer sur une possible entrée en vigueur du PF 17 en 2020. Le présent projet de loi n'est absolument pas une provocation et n'entre pas en concurrence avec le PF 17 puisqu'il propose une suspension pour les années 2018 et 2019; donc aucun lien avec le PF 17, qui serait pour 2020: il n'entrave en rien la possibilité de parvenir un jour, ce que j'espère, à un accord équilibré concernant le PF 17. Tout ce que nous voulons aujourd'hui, au parti socialiste, c'est qu'il y ait de la solidarité lorsque les finances du canton sont moroses, que l'on demande en effet à celles et ceux qui ont le plus de participer réellement à l'effort, en fonction de leurs moyens. Et ne venez pas nous dire que ces personnes-là, ces ultra-fortunés, partiraient ! Depuis maintenant plus d'une décennie, le canton de Genève attire chaque année de plus en plus de grandes fortunes. On le voit avec les chiffres fournis par l'administration fiscale: le nombre de millionnaires, de doubles et de quintuples millionnaires augmente d'année en année. Par conséquent, difficile de croire que ce soit le seul résultat du bouclier fiscal. Pour les deux années à venir, il faut demander que ces personnes-là mettent un peu plus la main à la poche pour garantir, encore une fois, la cohésion sociale dans notre canton. Nous pensons véritablement que c'est un projet mesuré et nous voulons l'étudier à la commission fiscale; nous demandons donc son renvoi en commission. (Quelques applaudissements.)
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, la première chose que je voulais dire, c'est que les propos du député Zacharias m'ont profondément choquée.
Des voix. Oh !
Mme Sophie Forster Carbonnier. Je pense que l'on connaît M. Zacharias et l'enthousiasme qu'il met dans la défense des plus riches contribuables de ce canton, mais empêcher un parti politique de déposer des projets de lois est scandaleux et justement antidémocratique. Vouloir expulser un parti politique légitimement élu de cette enceinte est excessif et outrancier, et j'espère que vous retirerez vos propos et que vous vous excuserez.
Ensuite, on entend ce soir beaucoup de partis regretter que les socialistes reviennent avec ce projet de loi.
Une voix. Un mois après !
Mme Sophie Forster Carbonnier. Oui, un mois après. Mais j'espère qu'ils continueront le mois prochain ! Parce qu'en fait, vous empêchez aussi ce débat démocratique: vous empêchez ce débat d'avoir lieu en commission, où un autre projet de loi sur le bouclier fiscal, au but opposé, est à l'ordre du jour. Dès lors qu'on a un autre projet de loi sur le bouclier fiscal à la commission fiscale - de votre main, Monsieur Zacharias - pourquoi ne pas traiter en parallèle celui que les socialistes ont à nouveau déposé durant cette session ? On peut bien sûr continuer ce petit jeu pendant longtemps: c'est-à-dire qu'à chaque session, vous demanderez une discussion immédiate, vous refuserez le renvoi en commission, etc. Ça donnera l'occasion à ce parlement de se faire davantage de publicité, puisque apparemment c'est ce que vous voulez. Continuons ainsi, mais je ne suis pas sûre que nous en sortions grandis.
Ainsi donc, ce soir je demande instamment - et je soutiens - ce renvoi en commission. Il est à mon sens légitime de pouvoir à nouveau étudier les chiffres, entendre le Conseil d'Etat sur sa stratégie de manière plus approfondie, et je regrette vraiment le jeu qui est joué ce soir. Les Verts demandent donc le renvoi en commission de ce projet de loi et, s'il était refusé, soutiendraient bien entendu ce texte. Je vous remercie, Monsieur le président. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Yvan Zweifel (PLR). J'aimerais rebondir sur les propos de quelques-uns de mes préopinants, à commencer par ceux de Mme Forster Carbonnier qui nous dit que l'on empêche tout débat sur le bouclier fiscal. Sauf que, toutes les deux sessions, on revient avec un sujet qui concerne le bouclier fiscal; on a donc largement de quoi en débattre. Et qu'est-ce qu'on est en train de faire ce soir ? On est précisément en train d'en débattre ! Il ne faut donc pas dire qu'on empêche le débat; empêcher le débat, ce serait justement refuser d'en discuter et expédier la chose sans même en discuter. Ce n'est pas du tout ce qu'on fait puisqu'on en débat.
J'ai entendu Mme Forster Carbonnier, comme MM. de Sainte Marie et Deneys, nous expliquer qu'il fallait absolument étudier le sujet du bouclier fiscal en commission. Pourtant, sur l'objet précédent, Mme Haller nous expliquait qu'on n'avait pas besoin de le renvoyer en commission parce que le sujet qu'on traitait était extrêmement connu. Si quelqu'un ici est capable de me dire qu'on ne connaît pas le sujet du bouclier fiscal, alors qu'il lève la main ! La réalité, c'est qu'on le connaît largement assez, on n'a pas besoin de renvoyer ce projet de loi à la commission fiscale: on en discute toutes les deux sessions, Mesdames et Messieurs, et on peut donc tout à fait prendre une décision ce soir, en toute connaissance de cause !
M. Deneys nous faisait également un petit chantage au budget en nous expliquant que si par hasard on refusait d'étudier ce projet de loi, le parti socialiste refuserait de voter le budget. Chiche, Monsieur Deneys ! Ça ne me pose absolument aucun problème ! Vous voulez refuser de voter un budget déficitaire; rassurez-vous, Monsieur le député - vous transmettrez, Monsieur le président - vous ne serez pas le seul dans cette enceinte, et je m'en réjouis ! Le même Roger Deneys nous expliquait avec ardeur - et M. Batou disait la même chose - qu'en période de déficit, il faut des recettes supplémentaires. Vous avez raison, Messieurs les députés ! Vous avez parfaitement raison ! Et qu'est-ce qu'il faut faire pour avoir des recettes supplémentaires ? Eh bien, il faut que l'Etat encaisse plus d'impôts. Comment fait-on pour que l'Etat encaisse plus d'impôts ? Eh bien, il faut plus de contribuables avec de la richesse et des revenus, il faut espérer que ceux qui sont là gagnent plus d'argent et aient plus de fortune, il faut espérer que de nouveaux riches contribuables arrivent à Genève, de manière qu'ils soient non seulement imposés directement ici, mais qu'ils créent en plus de l'emploi avec l'argent qu'ils amènent, emploi qui sera lui aussi imposé. Ça tombe bien, Mesdames et Messieurs les députés, c'est exactement ce que la majorité de droite a fait toutes ces dernières années, et pour preuve, les chiffres: de 1998 à 2016, les recettes fiscales ont augmenté de 3 milliards, soit une augmentation de 83% sur la période, alors que la population n'a augmenté que de 23% dans le même laps de temps. Les recettes fiscales ont quadruplé par rapport à l'augmentation de la population. Soit dit en passant, les charges de l'Etat - notamment du personnel - ont, elles, augmenté de 40%, c'est-à-dire deux fois plus que l'augmentation de la population. Il n'y a pas de crise des dépenses, il y a bel et bien une crise des recettes.
Des voix. C'est le contraire !
M. Yvan Zweifel. C'est le contraire, vous m'avez compris ! (Rires. Quelques applaudissements.) Il faut donc diminuer le train de vie de l'Etat et, en outre, gagner des contribuables supplémentaires. Je conclus simplement en citant Alphonse Allais qui disait: «Il faut demander plus à l'impôt et moins au contribuable.» (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur ! (Le président rit.) Monsieur Zacharias, vous avez la parole pour vingt-cinq secondes.
M. Ronald Zacharias (MCG). Merci, Monsieur le président. La gauche fait régner autour de nos meilleurs contribuables un climat de terreur qui est totalement irresponsable. (Protestations.) Mais elle a de la chance ! Elle a de la chance que la droite classique la craigne. Nous, nous avons décidé de ne plus la craindre, cette gauche ! De ne plus craindre la rue ! De ne plus craindre les référendums ! Et j'invite M. Batou à déposer son initiative en vue de la suppression du bouclier fiscal...
Le président. Merci, c'est terminé.
M. Ronald Zacharias. Ah, déjà ? Bon, tant pis. (Rires. Applaudissements.) Je vous invite à refuser le renvoi en commission.
Le président. Merci, Monsieur. (Le président rit.) La parole est à M. Catelain pour quarante secondes.
M. Gilbert Catelain (UDC), député suppléant. Merci, Monsieur le président. J'approuve les propos tenus par le PLR: nous n'avons pas de problèmes de recettes fiscales, nous avons un problème de dépenses et un problème de population. Le débat est lié au précédent: nous nous apercevons que si nous avions des résidents avec des revenus suffisants, nous n'aurions pas besoin de faire de dépenses sociales supplémentaires. Mais nous avons fait le choix, depuis 2008, d'ouvrir largement la porte à une immigration qui ne parvient pas à subvenir à ses besoins, qui coûte en dépenses sociales et ne rapporte pas les recettes fiscales correspondantes. Le débat ne devrait donc pas porter sur ce sujet-là, mais sur le problème de la population et des capacités financières de cette population que nous accueillons. Merci.
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, s'il fallait trouver un seul avantage - et c'est bien le seul que je vois - à débattre du même sujet à quelques semaines d'intervalle, c'est que ça me donne l'occasion de rappeler encore et toujours la même chose, de vous faire part, au nom du Conseil d'Etat, du même message. Mon collègue Poggia a dit tout à l'heure que le Grand Conseil faisait de la politique et que le Conseil d'Etat gouvernait; c'est cette responsabilité gouvernementale qui nous oblige à vous rappeler un certain nombre de réalités.
Je m'étonne, pour ne pas dire plus, de cette arithmétique simple, voire simpliste, que M. Deneys nous rappelle à chaque fois, en imaginant candidement que la suspension - ou la suppression, mais la suspension en tout cas - de ce dispositif permettrait simplement de récupérer les sommes qu'il imagine perdues. Mais, pour rester poli, c'est une vue de l'esprit ! Ça ne correspond pas à la réalité ! Une suspension - ce serait évidemment encore pire s'il s'agissait d'une suppression - aurait pour résultat de donner un signal véritablement catastrophique, Mesdames et Messieurs, catastrophique à ces personnes qui sont aujourd'hui à Genève, et dont il faut se réjouir que le nombre s'accroisse. Il faut s'en réjouir !
J'ai de la peine à comprendre celles et ceux qui contribuent à augmenter les charges de l'Etat - elles l'ont encore été ce soir, dans ce parlement, comme elles le sont à la commission des finances - et imaginent que l'on peut financer ces dépenses, croissantes, sans la contribution de ces personnes ! C'est incroyable d'imaginer cela ! J'aimerais bien que l'on suive un peu le précepte dont on se prévaut en tout cas ici à gauche, c'est-à-dire être plus économe. Il faut beaucoup de carburant pour faire avancer cette grosse limousine avec une grosse cylindrée qu'est l'Etat de Genève. Et ce carburant est évidemment fourni, vu la progressivité de l'impôt, par des personnes fortunées; vous le savez, Mesdames et Messieurs, je ne vais pas vous rappeler les chiffres. Si on se hasarde - et c'est vraiment une politique pour le moins hasardeuse - à donner ce signal-là, l'effet risque d'être véritablement dévastateur.
Je ne suis pas en train de me baser sur des affabulations, c'est la réalité ! C'est ce qui ressort du contact que j'ai avec les contribuables, qui ne comprennent pas - qui ne comprennent pas - qu'on puisse avoir des idées aussi hostiles à leur égard alors qu'ils sont en effet, hélas, particulièrement mobiles; c'est une réalité. Cette imposition sur la fortune étant problématique, si on vote en faveur d'une suspension du bouclier - ou, pire encore, si on l'abolit - l'effet risque d'être véritablement dévastateur, Mesdames et Messieurs, et les difficultés budgétaires que l'on connaît aujourd'hui seront largement accrues si ce signal-là est donné, quand bien même le Conseil d'Etat a présenté hier un PFQ dans lequel il indique vouloir améliorer la compétitivité de Genève en matière d'imposition sur la fortune. Alors je vous invite vraiment encore une fois, comme je l'ai fait au nom du Conseil d'Etat il y a un mois, à refuser des décisions aussi hasardeuses, aussi catastrophiques pour notre république. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons à présent...
Une voix. Vote nominal !
Le président. Vote nominal ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, c'est bon, vous êtes soutenu. Il y aura donc un vote nominal, mais on va attendre deux secondes pour que notre vieille informatique puisse suivre. (Un instant s'écoule.) Nous allons d'abord voter sur le renvoi de ce projet de loi à la commission fiscale.
Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 12210 à la commission fiscale est rejeté par 61 non contre 32 oui (vote nominal).
Mis aux voix, le projet de loi 12210 est rejeté en premier débat par 62 non contre 32 oui. (Quelques applaudissements à l'annonce du résultat.)