Séance du
jeudi 31 août 2017 à
8h05
1re
législature -
4e
année -
5e
session -
27e
séance
GR 535-A
Le président. Je prie M. Calame de bien vouloir s'installer à la table des rapporteurs pour nous présenter le dossier de grâce; merci.
M. Boris Calame (Ve), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la commission de grâce s'est réunie le lundi 28 août pour traiter la demande de grâce de M. H. P. Pour comprendre l'origine de cette histoire sordide, il faut remonter à janvier 2007: M. et Mme L. ont alors souhaité accueillir pour une période d'environ deux mois un sous-locataire en la personne de M. V., cela dans une chambre d'un appartement qu'ils louaient et dans lequel habitait leur fils M. L. Malgré les multiples demandes des parents au sous-locataire pour qu'il quitte l'appartement afin de permettre à leur fils de recevoir son propre fils, cette sous-location s'est éternisée. Les demandes orales et écrites, notamment en novembre 2008 et août 2009, sont en effet restées sans suite. Le sous-locataire aurait alors répondu qu'il était sans travail et donc dans l'impossibilité de trouver un autre logement. En octobre 2009, les parents se sont adressés par courrier au procureur général pour faire procéder à une évacuation du sous-locataire. Une conciliation a été organisée le 24 septembre 2010 auprès de la commission de conciliation en matière de baux et loyers, qui octroya alors une ultime prolongation de la sous-location jusqu'au 31 décembre 2011, moyennant une indemnité de 5500 F des locataires à leur sous-locataire si ce dernier quittait le logement avant le 1er septembre 2011. Cette conciliation avait valeur de jugement d'évacuation au 1er janvier 2012, soit près de cinq ans après la date d'emménagement du sous-locataire, M. V. Durant les quatre années de cohabitation, toutes sortes d'altercations - parfois physiques, parfois orales ou encore écrites - ont eu lieu entre le sous-locataire et les locataires, parents et fils. Cette cohabitation semble avoir été particulièrement conflictuelle, la police ayant même été sollicitée à plusieurs reprises. Au début 2010, quelques jours après une énième altercation, le locataire, M. L., est décédé d'un arrêt cardiaque. Ce dernier événement tragique a été ressenti par la mère et son fils comme une conséquence de ladite altercation.
Près d'une année plus tard, le 8 février 2011, se produisent les faits principaux qui nous occupent. Après une violente altercation dans le logement partagé, vers 23h et à la demande du voisinage, la police se rend dans l'appartement et découvre le fils qui explique avoir demandé à son ami, M. H. P., de l'aider à venir déloger le sous-locataire qui l'aurait à nouveau menacé. A l'arrivée de la police, seuls le fils et le sous-locataire sont présents. Lors de cette opération d'intimidation, le demandeur de grâce, M. H. P., et deux autres protagonistes, ainsi que M. L., le fils de la locataire, sont intervenus. Tous quatre ont agressé physiquement et menacé le sous-locataire. Ce dernier a été conduit à l'hôpital après les faits, avec pour résultat un arrêt de travail à 100% pendant quelques jours. Des rapports de police, du jugement qui s'ensuivit et de l'arrêt de recours, on peut constater que le quatuor en question n'était pas de la plus grande honorabilité. On peut notamment citer, pour certains, des faits d'agressions, de violation de la loi fédérale sur les armes et un important trafic de marijuana.
Pour en revenir à la soirée du 8 février 2011, force est de constater que le quatuor n'y est pas allé de main morte avec la victime. Après lui avoir couvert le visage et l'avoir immobilisé, c'est à une véritable bastonnade qu'ils ont procédé pour lui faire quitter l'appartement, en le rouant de coups de poing, de pied, de coude, mais aussi en lui assénant des coups de matraque et en usant d'un taser appliqué sur toutes les parties du corps, dont les parties génitales. Le sous-locataire a également fait l'objet d'étranglements et des menaces de mort ont aussi été proférées à son encontre. Le demandeur de grâce a été interpellé le 8 mars 2011 et est resté en détention préventive jusqu'au 31 mars 2011. Dans le cadre du jugement, le demandeur de grâce, M. H. P., a reconnu des faits liés à du recel et à une violation de la loi sur les armes, ainsi qu'à la consommation et au trafic de stupéfiants. Il a toutefois minimisé son action lors de la bastonnade. La justice n'a pas déterminé clairement qui, du quatuor incriminé, était le plus impliqué. Cela étant, le jugement rendu le 3 octobre 2014 précise ceci: «Sa situation actuelle est favorable, il s'investit dans sa vie familiale et a trouvé un travail. Au vu de sa faute, il sera condamné à une peine privative de liberté de 36 mois, sous déduction de la détention avant jugement. Au vu de son évolution favorable et de sa situation professionnelle actuelle, le Tribunal le mettra au bénéfice du sursis partiel, considérant que les circonstances apparaissent particulièrement favorables. La partie ferme de la peine sera fixée à 12 mois et un délai d'épreuve de 5 ans sera fixé pour la partie de la peine assortie du sursis. Il sera renoncé à révoquer le sursis en cours, la peine prononcée ce jour paraissant suffisante pour dissuader le prévenu de la récidive.» Le jugement précise également qu'«il est déclaré coupable d'agression, de lésions corporelles simples aggravées, de contrainte, de recel, d'infraction à la loi fédérale sur les armes et d'infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants». La condamnation porte sur différents faits dont la bastonnade du 8 février 2011 est le plus important.
Le demandeur, M. H. P., est bénéficiaire d'un permis C. Il vit en concubinage et est père d'une enfant de quatre ans. La naissance d'un second enfant était attendue cet été. M. H. P. souffre d'une insuffisance rénale terminale et doit être dialysé en milieu hospitalier trois fois par semaine. Il est aujourd'hui au bénéfice de l'AI. Depuis les faits et sa période de détention préventive, M. H. P. semble s'être éloigné des personnes impliquées dans les violences décrites. Le préavis de la commission, qui considère que les infractions commises sont inacceptables, est négatif. Elle estime en effet que l'acharnement et la violence dont ont fait preuve les agresseurs dans la soirée du 8 février 2011 ne peuvent être excusés. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Elle refuse par conséquent d'accorder la grâce demandée par M. H. P. Dans le cas d'espèce, la commission considère qu'il ne lui appartient pas de se prononcer sur un éventuel aménagement de la peine, le SAPEM étant mieux à même de le faire, par exemple, le cas échéant, sous la forme d'un régime de semi-détention. La commission s'est donc prononcée à la majorité pour le rejet de la grâce telle que formulée et vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à suivre son préavis. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur Calame. Mesdames et Messieurs, je vais vous faire voter sur le préavis de la commission, qui recommande le rejet de la grâce.
Mis aux voix, le préavis de la commission de grâce (rejet de la grâce) est adopté par 65 oui contre 7 non et 5 abstentions.