Séance du
vendredi 17 mars 2017 à
18h15
1re
législature -
4e
année -
1re
session -
5e
séance
PL 11547-A
Premier débat
Le président. Nous traitons à présent le PL 11547-A en catégorie II, quarante minutes. Je passe la parole à M. Michel Ducret, rapporteur de majorité.
M. Michel Ducret (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, ce projet de loi s'inscrit dans le contexte de la diminution des revenus des Transports publics genevois engendrée par la baisse du prix des billets. Ainsi, dans l'inquiétude de pouvoir assurer un développement du réseau, le PLR avait fait une proposition visant à augmenter la sous-traitance, ce qui permet quelques économies - modestes, je tiens à le préciser - mais surtout donne plus de souplesse par rapport à l'avenir. Aujourd'hui, pour ce qui est des prestations de transport, les Transports publics genevois sont à la limite des possibilités offertes par le cadre légal actuel, et ils s'inquiètent maintenant pour l'avenir, s'agissant notamment des lignes qu'il faudra mettre en place en raison de la mise en service du Léman Express à partir de décembre 2019; il faudra en effet pouvoir aménager un certain nombre de lignes qui, certainement, devront être testées. En parallèle, on ne peut pas non plus démantibuler le réseau existant. Il faut donc un peu de souplesse pour cette période-là. Aujourd'hui, ce n'est pas possible, d'autant que la moindre augmentation des prestations sur les lignes actuellement sous-traitées - je vous rappelle qu'il y en a plus de vingt et une - se traduirait par un éclatement du plafond légal actuel, de sorte qu'on bloque maintenant quasiment la possibilité d'améliorer les prestations sur les lignes sous-traitées. Il est donc nécessaire d'augmenter cette souplesse pour l'exploitant cantonal et, dans ce sens, ce qui est essentiel, c'est de lui offrir précisément un peu de souplesse. Il se trouve qu'en commission, sur proposition du MCG, nous avons diminué de moitié l'augmentation du taux de sous-traitance présentée par le PLR; nous nous sommes effectivement mis d'accord avec une majorité autour d'une proposition diminuée de moitié, qui est à notre avis satisfaisante puisqu'elle donne, en tout cas dans un court délai, c'est-à-dire celui de la mise en service du Léman Express, la souplesse souhaitée par les proposants. Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à accepter ce projet de loi.
Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, cet objet constitue un pas de plus dans le projet mené par le PLR, que ce soit ici à Genève ou au niveau fédéral, de démantèlement des services publics et de libéralisation accrue du marché des services. Vous vous souviendrez certainement de la tentative du conseiller d'Etat Pierre Maudet de privatiser par exemple le convoyage des détenus, mais aussi de la loi fédérale en matière de santé, qui met en concurrence les cliniques privées et les hôpitaux publics dans le domaine de l'accès aux soins et de la santé. Aujourd'hui, le PLR nous propose un projet de loi pour augmenter la sous-traitance aux TPG, il s'attaque donc désormais au domaine des transports. Or ce projet ne restera bien évidemment pas sans conséquence, et cela d'abord au niveau de la qualité de ce service public et de la sécurité pour les usagers et les usagères des TPG, qui seraient prétérités dans la mesure où - je vous donne un exemple - les chauffeurs de ces entreprises sous-traitantes doivent effectuer le nettoyage de leurs véhicules, lequel ne se borne pas uniquement au lavage des travées ou des sièges, mais consiste également à vérifier les points de sécurité dans les véhicules, notamment les portes ou les freins. Vous voyez l'importance d'avoir des compétences particulières pour pouvoir le faire, or ils n'ont aucune formation en la matière.
La qualité serait elle aussi prétéritée, puisque la formation des chauffeurs de ces entreprises sous-traitantes est moins longue et de moins grande qualité que celle des chauffeurs TPG. En effet, Mesdames et Messieurs les députés, les chauffeurs TPG suivent une formation de trois mois, or devinez combien de temps dure la formation des chauffeurs des entreprises sous-traitantes ? Deux jours ! Vous imaginez bien qu'en deux jours on ne peut pas acquérir les mêmes compétences qu'en trois mois. Pourtant, vous le savez, Mesdames et Messieurs les députés, et les études le prouvent, la qualité du service est un élément absolument déterminant dans le choix du mode de transport, et si on veut encourager nos concitoyens à utiliser ce type de mode de transport, pour tous les avantages que cela comporte, eh bien on doit maintenir ce haut niveau de qualité des services de transports publics.
De plus, Mesdames et Messieurs les députés, il y a une conséquence de ce projet de loi qui serait absolument fondamentale et gravissime pour nous, c'est qu'il introduirait un système de dumping salarial à l'intérieur même du grand Etat et orchestré par lui. En effet, vous savez que le salaire des chauffeurs des entreprises sous-traitantes est inférieur de 25% à celui des Transports publics genevois, pour un travail équivalent, et encore, puisqu'il leur incombe aussi d'effectuer une série d'autres tâches, telles que - je l'ai mentionné - le nettoyage des véhicules. Et ça ne s'arrête malheureusement pas là, car les conditions de travail sont également moins bonnes pour les employés des entreprises sous-traitantes, étant donné qu'ils doivent travailler un nombre d'heures plus élevé par semaine et que l'amplitude de leurs journées de travail leur impose de commencer très tôt le matin et de finir très tard le soir, avec un temps de pause important au milieu, certes, mais leurs journées de travail sont extrêmement longues. En outre, la progression salariale est quasiment inexistante, leur temps de travail n'est pas garanti et, de ce fait, ce type d'emplois conduit à une précarisation d'une part toujours plus importante des travailleurs de notre canton, et en l'occurrence de ceux qui travaillent dans le domaine du transport. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
Mesdames et Messieurs les députés, pourquoi les lignes sous-traitées coûtent-elles moins cher ? Eh bien effectivement parce que les salaires sont moins élevés, mais le fait est que toute une série de charges financières sont et restent assumées par les TPG; c'est par exemple le cas du développement et de l'équipement des lignes, de la formation des chauffeurs, de la régulation du réseau, du contrôle des billets, de la gestion des amendes, etc. Il y a toute une série de tâches qui, même pour les lignes sous-traitées, restent de la compétence des TPG...
Le président. Vous commencez à prendre sur le temps de votre groupe, Madame la députée.
Mme Caroline Marti. Je vous remercie. ...lesquels devront continuer, même si on augmente la sous-traitance, à les assumer financièrement. Dès lors, augmenter la sous-traitance produira des économies quasiment nulles pour les TPG. Il s'agit réellement d'économies de bouts de chandelle, qui mettent à mal, comme je l'ai dit, les prestations offertes et les conditions de travail des chauffeurs.
Nous vous invitons donc, au nom de la minorité de la commission, à refuser cette augmentation de la sous-traitance, comme l'a d'ailleurs fait, et deux fois, la population par le passé, à l'occasion de propositions similaires. La minorité de la commission est déterminée à combattre ce projet de loi et, s'il le faut, elle le fera devant le peuple, dans la mesure où les syndicats ont d'ores et déjà annoncé qu'ils lanceraient un référendum. Je vous remercie.
M. Bernhard Riedweg (UDC). En automne 2014, l'objectif de ce projet de loi était de trouver une économie financière au sein des Transports publics genevois afin de pouvoir couvrir les 5 millions qui leur manquaient.
Le salaire moyen chez les sous-traitants est inférieur de 25% et leurs employés travaillent 42 heures par semaine. Malgré cela, les sous-traitants arrivent à engager du personnel à ces conditions. Il a été relevé en commission que, selon le protocole d'accord, les TPG ne font pas appel à la sous-traitance dans le but de licencier du personnel qui travaille aux TPG.
Notre parti estime que le taux de 80% du nombre de collaborateurs frontaliers employés chez les sous-traitants en relation avec les TPG est trop élevé et, de ce fait, nous n'approuvons pas l'augmentation du taux de sous-traitance de 10% à 15%. Actuellement, la loi sur les TPG prévoit un volume d'activité maximal de 10% pouvant être donné en sous-traitance, ce qui représente 41,1 millions. En réalité, la sous-traitance est utilisée à hauteur de 7,9%, soit 32,6 millions; il y a donc encore une marge de 2,1% que les TPG peuvent utiliser le cas échéant.
Il nous a été dit en commission qu'actuellement, dans le contexte de la fin proche du contrat de prestations signé avec l'Etat, les TPG n'auraient pas vraiment besoin de cette modification du taux de sous-traitance à 20% contenue dans le PL 11547, ni d'une modification à 15% comme c'est le cas dans l'amendement accepté en commission. On pourrait donc envisager de traiter à nouveau cette question du taux de sous-traitance lors du renouvellement du contrat de prestations signé entre l'Etat et les TPG dans un an et demi à deux ans, dans le cadre de la convention collective de travail signée en 2009, toujours en vigueur, entre la direction et le personnel.
En outre, suite à une formation restreinte, la qualité du service et de la sécurité des sous-traitants est remise en question, puisque les ressources manquent pour contrôler ces sociétés. Il y a aussi un risque de sous-enchère salariale de la part des sous-traitants, ce qui risque de déteindre sur les salaires actuellement payés au sein des TPG.
Pour toutes ces raisons, l'Union démocratique du centre vous demande de ne pas accepter l'entrée en matière de ce projet de loi. Merci, Monsieur le président.
M. Sandro Pistis (MCG). Le problème, au sein des TPG, c'est le manque de volonté de cette institution, qui appartient à Genève et qui devrait en priorité favoriser les nôtres avant les autres, c'est-à-dire engager en priorité des résidents pour certains postes aux TPG. Aujourd'hui, on peut constater que les Transports publics genevois seraient plutôt des Transports publics gaulois... (Rires.) On peut également remarquer que la politique des petits copains continue à se pratiquer au sein même des TPG. On parle de sous-traitance, mais ce qu'on oublie de dire, c'est que la majorité de ces sous-traitances profitent aux intérêts d'entreprises françaises, qui viennent sans souci prendre nos marchés publics. J'ai entendu dans la bouche de la rapporteuse de minorité l'expression «dumping salarial». Aujourd'hui, moi j'ai envie de dire qu'au sein des TPG il y a un dumping frontalier, mené par les frontaliers, à l'encontre des Genevois. Et ça c'est une réalité.
Une voix. Qui c'est qui fixe les salaires ? (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît !
M. Sandro Pistis. Qui fixe les salaires ? Effectivement, il y a une part de responsabilité du côté de cette institution, qui aujourd'hui est sous le monopole des frontaliers.
Pour toutes ces raisons, le groupe MCG demande que ce projet de loi retourne en commission, afin de connaître le nombre de sociétés genevoises qui travaillent pour les TPG, mais aussi le nombre de sociétés françaises qui travaillent pour les TPG au détriment des PME genevoises. Actuellement, le MCG n'est pas prêt à soutenir ce projet de loi, mais demande le renvoi en commission pour que l'on fasse la lumière sur toutes ces pratiques qui ont cours au sein même des Transports publics gaulois, au détriment des Genevois. Merci.
Le président. Je pense qu'il s'agit d'un renvoi à la commission des transports ?
Des voix. Oui !
Le président. Très bien. Puisque nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission, je passe la parole aux rapporteurs, à commencer par M. Ducret.
M. Michel Ducret (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Le PLR ne s'opposera pas à un renvoi en commission, mais il n'y a pas vraiment de faits nouveaux. Le seul fait nouveau, c'est que des partis retournent leur veste et qu'on nous assène des mensonges comme s'il s'agissait de vérités, comme d'habitude. Finalement, la seule chose valable ici, c'est de considérer cette phrase de Coluche, qui fait foi dans ce genre d'affaires: «Le syndicat, c'est fait pour donner raison à des gens qui ont tort.» C'est effectivement ce qui se passe dans le cadre de cette affaire ! On entend les arguments de la minorité qui sont simplement mensongers. Et on constatera que partout ailleurs, Mesdames et Messieurs, c'est ce qui se fait à Zurich, à Bâle, à Berne, ou à la Poste suisse, qui sous-traite à 80% ses prestations... (Commentaires.) ...que nous demandons, et qu'on nous donne en exemple des réseaux qui sous-traitent...
Le président. Il faut vous exprimer sur le renvoi en commission, Monsieur le député, s'il vous plaît !
M. Michel Ducret. Oui, Monsieur le président ! Mais bon la cause est entendue ! Alors je m'arrêterai là. Merci.
Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de minorité. Je voudrais juste dire que la minorité soutiendra ce renvoi en commission, en espérant qu'une partie de cet hémicycle pourra remettre en question certaines de ses positions et refuser ce projet de loi. Nous en discuterons très volontiers à la commission des transports.
M. Luc Barthassat, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, on ne s'oppose pas, je ne m'oppose pas au renvoi en commission de ce projet de loi, même si, comme l'a dit M. Ducret, il n'y a pas vraiment d'éléments nouveaux qui justifient ce renvoi. Actuellement, les TPG utilisent 9,2% de sous-traitants. Je ne vais pas vous donner ici le détail de qui ils sont ni d'où ils viennent, mais une chose est sûre, c'est qu'aujourd'hui et surtout demain les TPG auront besoin d'un peu de souplesse dans cette utilisation de la sous-traitance. Vous savez que dans le cadre de tout le futur réseau entre 2019 et 2023, nous aurons passablement de prestations à remplir, je pense donc que le fait d'avoir ce supplément de souplesse serait bénéfique pour les TPG. Et si on soutient cette demande de hausse de la sous-traitance, ce n'est pas pour mettre au chômage des chauffeurs TPG, ni pour les remplacer ou pour empêcher peut-être de futurs engagements. Encore une fois, nous avons besoin de ce surplus de souplesse pour pouvoir évoluer durant les années qui vont venir.
Du reste, par rapport à ce qui a été dit, il y a une chose de sûre, c'est qu'aujourd'hui les TPG eux-mêmes engagent local. Des questions à ce sujet ont déjà été posées par des députés de ce Grand Conseil et, chaque fois, la réponse qui a été donnée - ces dernières semaines encore - c'est que le nombre d'engagements en dehors de la population locale s'élève tout simplement à zéro. A zéro ! Depuis mon arrivée dans le département, on le fait avec les TPG, on le fait aussi avec la Fondation des parkings, et on travaille main dans la main avec les services de M. Poggia, qui offrent quant à eux une formation à ces chômeurs, à ces futurs chauffeurs qui sont justement au chômage, de façon qu'ils puissent exercer ces fonctions et que l'on n'engage que local. Donc, encore une fois, je ne m'oppose pas à ce renvoi en commission, et il nous permettra peut-être de vous expliquer plus en détail ce qui se fait, avec qui on le fait et comment on le fait. Mais en même temps rappelez-vous que, cette souplesse, nous en avons besoin. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons maintenant nous prononcer sur le renvoi de cet objet à la commission des travaux...
Des voix. Des transports !
Le président. Des transports ! Décidément, je veux renvoyer tous les textes à la commission des travaux, aujourd'hui, je ne sais pas pourquoi ! Je vous fais donc voter sur le renvoi à la commission des transports.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11547 à la commission des transports est adopté par 85 oui et 2 abstentions.