Séance du
jeudi 16 mars 2017 à
17h
1re
législature -
4e
année -
1re
session -
1re
séance
E 2385
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons à l'élection d'une ou d'un président du Grand Conseil et je cède la parole à M. Florey.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, j'ai le plaisir de vous présenter comme candidat une personne d'expérience, sage parmi les sages, qui est également l'un des plus anciens députés de notre parlement. C'est un candidat apprécié de ses collègues, toujours aimable et courtois, jamais hautain, et respectueux des institutions. Mais il sait aussi se montrer ferme et imperturbable quand la situation l'exige. Il saura mener nos débats avec dignité et représenter notre parlement avec l'honneur que confère la lourde charge de président du Grand Conseil.
On notera qu'il a été un fervent défenseur du projet de loi concernant la rénovation et la transformation de l'Hôtel de Ville, avec ses collègues anciens présidents du Grand Conseil. Il a su convaincre une large majorité de son groupe, contre son méchant chef de groupe qui y était opposé, ce qui prouve que c'est aussi un excellent négociateur. Pour la petite histoire, les deux compères dont il est question n'en ont gardé aucune rancoeur, préférant aller boire un verre à la buvette pour fêter la victoire du premier et savourer la défaite du second.
On relèvera en outre qu'il a déjà été président du Grand Conseil. Sur ce point, je tiens à préciser qu'il ne s'agit nullement d'un précédent, car jusqu'au milieu du siècle dernier, il n'était pas rare que la même personne soit élue à la présidence plusieurs années de suite, jusqu'à six fois pour les plus téméraires. Le vrai précédent résulterait du fait de ne pas l'élire à ce poste et de mettre à sa place une personne indépendante, ne représentant aucun parti de ce parlement. En effet, selon nos sources, jamais aucun des 26 parlements cantonaux n'a élu un ou une députée qui ne représentait pas de parti, afin de ne pas créer de problèmes institutionnels.
Vous l'aurez compris, il a toutes les qualités requises, il connaît les rouages de la maison, il est donc parfaitement préparé pour reprendre le flambeau et saura mener à terme cette dernière année de la première législature 2013-2018, une année particulière et parfois compliquée, puisqu'il s'agit aussi, outre la gestion des affaires courantes, d'assurer une bonne transition vers la législature suivante.
En conclusion, pour le respect du tournus, que l'UDC a toujours observé, et pour la bonne marche de nos travaux, je vous remercie de voter pour notre excellent candidat. Vous l'aurez tous reconnu, il s'agit d'Eric Leyvraz. Merci de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Eric Leyvraz, est-ce que vous acceptez cette proposition ?
M. Eric Leyvraz. Oui, Monsieur le président.
Le président. J'en prends acte, merci. Madame Christina Meissner, vous avez la parole.
Mme Christina Meissner (HP). Merci, Monsieur le président. Il y a deux ans, la majorité du parlement m'a élue deuxième vice-présidente. L'an dernier, une majorité du parlement m'a élue première vice-présidente du Grand Conseil. Aujourd'hui, j'ai acquis le sentiment d'avoir rempli mon mandat au plus près de ma conscience et d'avoir mérité la confiance que vous m'avez accordée en m'apportant vos suffrages deux années de suite. Dans la continuité logique des mandats que le Grand Conseil a jusqu'à ce soir toujours respectée, c'est en tant que première vice-présidente que je me porte candidate à la présidence de cette assemblée. En me portant candidate à la présidence, c'est aussi le vote du parlement, qui m'a portée là où je suis, que je respecte. Certes - et ce n'est un secret pour personne - l'année parlementaire qui s'achève n'a pas été une sinécure pour moi, mon parti ayant décidé de m'exclure du fait que j'avais accepté la première vice-présidence. Je suis aussi consciente qu'en me présentant en tant que députée indépendante, nous nous trouvons dans une situation non seulement inédite, mais très exceptionnelle. Cependant, être indépendante présente également des avantages pour tous: un président se doit d'être au-dessus de la mêlée afin de représenter tous les députés sans parti pris et d'arbitrer en parfaite neutralité. Je pourrais être la présidente à même de vous représenter tous auprès des Genevois. Ce serait également un choix novateur, porteur d'espoir pour beaucoup, à un moment où notre république est confrontée à de réels défis économiques, sociaux et environnementaux, et où elle doit oser se réinventer et trouver des solutions dépassant les schémas classiques.
Les candidatures précédentes avaient également une connotation symbolique forte, et c'est dans le même état d'esprit que je m'en remets à vos suffrages ce soir, en tant que femme et au nom des femmes. En m'élisant à la plus haute charge du Grand Conseil, vous donneriez un signe fort aux Genevoises et aux Genevois. Cela fait en effet plus de dix ans qu'aucune femme n'a eu l'honneur d'être la première citoyenne, alors qu'elles représentent un quart de ce parlement, et plus de 50% de la population de ce canton. En dernière année de la première législature de notre nouvelle constitution, il serait temps de se souvenir que l'égalité des chances et des droits, que cette nouvelle constitution souligne à raison, doit aussi se concrétiser dans les faits. Vous en avez la possibilité ce soir. Je vous remercie donc de confirmer par votre vote la confiance que vous m'avez témoignée lors des deux précédentes élections. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Mesdames et Messieurs, la parole n'étant plus demandée, nous prenons acte de ces deux candidatures, à savoir celles de M. Eric Leyvraz et de Mme Christina Meissner. Nous allons procéder au vote, je vous prie dès lors de regagner vos places afin que les huissiers puissent distribuer les bulletins; je vous remercie d'ailleurs de rester à vos places jusqu'à ce que ces derniers aient fini de les ramasser. Je vous rappelle que le premier tour a lieu à la majorité absolue des bulletins valables, y compris les bulletins blancs. Je signale que pendant toute la procédure de vote, les photographes et la télévision sont priés de ne pas filmer ni de prendre de clichés. Je vous en redonnerai l'autorisation tout à l'heure. Je vous remercie et prie les huissiers de bien vouloir distribuer les bulletins. (Les députés remplissent leur bulletin de vote.)
Les votes sont terminés. Les huissiers vont récolter les bulletins de vote. Je vous prie de conserver vos places ! Merci. (Quelques instants s'écoulent.) Le scrutin est clos. Tous les bulletins ayant été ramassés, j'invite Mme Marti ainsi que les scrutateurs et scrutatrices à bien vouloir se rendre à la salle Nicolas-Bogueret afin de procéder au dépouillement. En attendant le résultat de l'élection, je suspends la séance.
La séance est suspendue à 17h33.
La séance est reprise à 17h41.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous prie de regagner vos places, nous reprenons la séance.
Résultats de l'élection d'une ou d'un président-e du Grand Conseil:
Bulletins distribués: 95
Bulletins retrouvés: 95
Bulletins nuls: 4
Bulletins valables: 91
Majorité absolue: 46
Bulletins blancs: 5
Est élu: M. Eric Leyvraz (UDC), avec 56 voix. (Exclamations. Applaudissements.)
Obtient des suffrages: Mme Christina Meissner (HP), 30 voix. (Applaudissements.)
Le président. Je prie M. Eric Leyvraz, président élu, de me rejoindre au perchoir. (M. Jean-Marc Guinchard embrasse M. Eric Leyvraz et lui remet un bouquet de fleurs.)
Discours de M. Jean-Marc Guinchard, président sortant
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le président du Conseil d'Etat, Madame et Messieurs les conseillers d'Etat, Mesdames, Messieurs, servir et disparaître. Servir, je pense l'avoir fait durant ces treize mois de présidence du Grand Conseil de la République et canton. Disparaître, le mot n'est pas tout à fait exact: en réalité, je rentre dans le rang et rejoins avec plaisir l'ensemble de mes collègues et les membres de mon groupe.
Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, ces treize mois de présidence ont été pour moi certes une lourde charge, passablement chronophage, mais aussi une période merveilleuse, que j'ai savourée avec plaisir et - disons-le - avec gourmandise, jusqu'à ce soir. Le bilan que je vais vous présenter ne sera pas une avalanche de statistiques relevant le nombre de représentations, de prises de parole, ou encore de participations à des assemblées, à des inaugurations ou à toutes autres manifestations auxquelles le président du Grand Conseil est invité. Je souhaite simplement ce soir, avec vous, partager les sentiments que j'ai ressentis durant cette période.
La fonction de président du Grand Conseil est triple: préparer les sessions et gérer administrativement les différents problèmes qui peuvent se poser sur le plan juridique ou relationnel au niveau des groupes ou des députés, gérer les sessions - ce qui n'est pas la partie la plus simple, comme vous le savez - et enfin représenter le Grand Conseil à diverses occasions qui sont soit incontournables, soit habituelles, soit improvisées.
S'agissant de la première activité, la préparation des sessions, je tiens à relever la qualité du travail fourni par l'ensemble des collaborateurs et collaboratrices du secrétariat général. Le président de notre parlement peut se vanter de pouvoir compter sur un personnel compétent, pointilleux, respectueux de l'institution et soucieux de préserver le président.
Dans ce cadre, un regret: ne pas avoir réussi à pacifier les relations internes d'un groupe parlementaire. Certes, d'aucuns diront que cette activité ne rentre pas dans les prérogatives du président, mais j'ai eu à coeur de tenter quelque médiation afin de ramener le calme, avec obstination, sautant d'une séance à l'autre comme un chimpanzé de liane en liane, au risque de me casser la margoulette, comme l'aurait écrit, de façon plus poétique, M. Gustave Flaubert.
Quelques satisfactions à relever, toutefois: le raccourcissement définitif des séances du vendredi, le renvoi des propositions de motions directement en commission, ce qui a produit des effets à chaque session, avec un ordre du jour qui tend à se réduire, ainsi que la reprise de la diffusion de nos débats sur Léman Bleu par décision de la chaîne. Il reviendra bien sûr au futur Bureau élu ce soir de déterminer le soutien à apporter à cette publicité accrue de nos débats, dans un but de promotion du civisme. Enfin, vous découvrirez prochainement quelques propositions de modifications de notre LRGC, notamment pour le débat budgétaire.
Concernant ma deuxième sphère d'activité, la gestion des sessions proprement dites, je pense pouvoir relever que ces sessions se sont déroulées avec un peu plus de calme, ce dont je vous suis évidemment reconnaissant. Lors de mon discours d'investiture, j'avais dit souhaiter un peu plus de rigueur, de discipline, de respect. Les choses se sont améliorées, certes, mais je peux déplorer encore certaines prises de position violentes, parfois insultantes, qui n'amènent rien au débat et font la part belle aux attaques personnelles plutôt qu'à la recherche du bien commun et du compromis.
Mesdames et Messieurs les députés, très chers collègues, je vous soumets quelques pistes pour améliorer la qualité de notre travail «afin de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées». J'évoquerai d'abord la qualité des textes qui nous sont soumis. Je déplore que, trop souvent, ces textes de motions, de projets de lois, se réfèrent à une actualité immédiate et perdent totalement de leur pertinence après deux ou trois mois. Pour chaque texte que nous déposons, nous devons nous poser deux questions: dans quelle mesure contribue-t-il au bien commun ? Quelle est la vision d'avenir que je compte proposer ? Les textes de lois que nous avons à traiter devraient être des pédoncules - si vous me passez cette comparaison botanique - portant en eux la promesse d'une belle floraison au service de la communauté. Or, trop souvent, les textes de lois, qui devraient se vouloir des normes générales et abstraites, explosent en une turgescence assez incompréhensible qui nécessiterait d'être équeutée et deviennent quasiment des règlements d'application.
Reste à cet égard un regret: le Grand Conseil doit fixer des lignes stratégiques; l'opérationnel appartient au Conseil d'Etat. Cette règle simplement constitutionnelle et institutionnelle n'est malheureusement pas assez respectée. C'est l'occasion pour moi, dans ce contexte, de remercier les membres du Conseil d'Etat, avec qui j'ai eu d'excellents contacts, sans exception, pour leur collaboration et le respect qu'ils ont toujours porté à l'institution que j'ai représentée durant ces quelques mois. Je rappelle du reste, comme j'aime le faire, que les conseillers d'Etat sont nos invités et qu'à ce titre nous leur devons le respect dû à des invités, la réciproque étant bien entendu également attendue.
Venons-en maintenant, si vous me le permettez, à la troisième partie de cette belle fonction: la représentation de notre parlement cantonal sur le terrain. J'ai voulu privilégier cette année les contacts avec les milieux associatifs, culturels, sociaux, sanitaires, sécuritaires et sportifs, au même titre que j'ai, comme mes prédécesseurs, favorisé les contacts entre la Genève internationale et notre société locale. J'ai eu le bonheur de faire des rencontres exceptionnelles, enrichissantes, avec des gens absolument superbes, conscients de leurs responsabilités, dévoués, entreprenants et soucieux du bien commun. Avoir été associé par le Conseil d'Etat aux rencontres avec des chefs d'Etat ou de gouvernement, d'où qu'ils soient, et avoir reçu des collègues ou des parlementaires d'autres régions et pays constitue bien évidemment à chaque occasion une émotion forte et un honneur pour notre cité.
J'ai eu en outre le bonheur de travailler avec des jeunes, en particulier par le biais du Parlement des jeunes genevois, de l'association suisse des parlements de jeunes, ainsi que de leur représentation internationale. J'ai découvert des jeunes qui seront probablement assis sur nos sièges d'ici quelques années, sérieux, enthousiastes, critiques, constructifs et soucieux de ce que nous devons aussi garder à l'esprit: la recherche du bien commun. Pour les avoir vus travailler, dans un silence quasi religieux, et dans un esprit très constructif, je me demande si nous ne devrions pas, modestement, prendre exemple sur eux et descendre un peu de notre piédestal ou de ce que nous considérons comme tel.
Enfin, je souhaitais partager avec vous le dernier élément de cette très belle expérience: la modestie. On pourrait penser en effet que le fait de revêtir les habits de premier citoyen de ce canton pourrait avoir pour conséquence de prendre la grosse tête. Eh bien non, chers collègues, je peux vous le dire, la présidence de notre parlement est une belle leçon de modestie. Une anecdote: lors des promotions de l'été passé, au moment où les autorités prennent place dans le parc des Bastions afin de voir défiler les élèves des classes de la ville, une petite fille s'est arrêtée devant moi et m'a demandé si j'étais vraiment le président du canton. Je ne voulais pas faire la distinction entre président du Conseil d'Etat et président du Grand Conseil... (Rires. Remarque.) ...afin de ne vexer personne, je lui ai donc répondu que oui - c'était plus simple ! - et nous avons discuté un moment. Peu après, son regard s'est porté sur mon huissier et, là, elle m'a de nouveau regardé droit dans les yeux et m'a dit: «Toi, tu es peut-être le président, mais lui, c'est le prince.» (Rires.) Belle réponse, Mesdames et Messieurs les députés, qui me permet de rappeler - et vous savez que je tiens à ce texte - l'exhortation qui nous est lue à chaque ouverture de séance lors de chaque session et qui nous rappelle le côté éphémère de notre fonction, plus ou moins longue selon les durées de vie des députés ainsi que les aléas et résultats des élections.
Quelques mots encore de notre rôle. Dans ce parlement, on entend souvent à gauche, et parfois à l'extrême droite, d'ailleurs, la notion de solidarité et de redistribution. A droite, c'est la responsabilité individuelle qui est invoquée. La responsabilité individuelle sans solidarité produit des exclus et la solidarité sans responsabilité produit des assistés. Notre parlement, dans la droite ligne de l'esprit de Genève, peut réaliser une synthèse du meilleur de la droite et de la gauche. Emmanuel Levinas nommait cette double exigence «la responsabilité pour autrui». La responsabilité n'est pas seulement pour soi, écrivait-il, elle est initialement pour un autre.
Mesdames et Messieurs les députés, je tiens à vous réitérer ce soir mes remerciements tout d'abord pour m'avoir porté à la présidence de ce Grand Conseil, parce que c'est une expérience unique, inoubliable, et ensuite pour la qualité générale de vos travaux. J'adresse aussi mes remerciements à notre sautier et à son adjointe, qui ont pris leurs marques de façon élégante et efficace, avec l'aide notamment de l'ensemble des collaboratrices et collaborateurs du secrétariat général, à qui je souhaite réitérer ici mon attachement, mon admiration, ma reconnaissance et mon amitié. Mes remerciements vont également aux membres de la fonction publique, secrétaires généraux, secrétaires adjoints, conseillers, attachés, directeurs, toutes fonctions confondues, qui sont auditionnés régulièrement et qui participent activement aux travaux de nos commissions. Je salue ici la qualité des services rendus par ces grands serviteurs de l'Etat, que je remercie. Je transmets encore mes remerciements à mes collègues du Bureau, dont l'élection étrange il y a un an a quelque peu bouleversé les traditions de notre parlement, mais sur qui j'ai pu compter et qui m'ont gratifié de leur appui, permettant ainsi des débats sereins et constructifs. Mes remerciements vont enfin et surtout à ma famille, à mes proches et à mes amis pour leur soutien et leur appui constants - non exempts de critiques, d'ailleurs; ils m'ont accompagné durant cette période avec beaucoup de compréhension et d'empathie.
Merci à toutes et tous pour cette magnifique opportunité, et que vive notre République et canton ! Je vous remercie.
Une voix. Bravo ! (Longs applaudissements. L'assemblée se lève.)
Le président. Je vous remercie, je suis très touché ! Je cède maintenant la présidence à M. le président élu Eric Leyvraz.
Présidence de M. Eric Leyvraz, président
Le président. Nous passons à l'hommage à M. Jean-Marc Guinchard et je donne la parole à M. Vincent Maitre.
M. Vincent Maitre (PDC). Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, on mesure en général l'expérience et la longévité d'un sautier, et donc sa valeur et sa qualité, au nombre de présidents qu'il ou elle a connus. Eh bien à l'inverse, si l'on se base sur la même échelle de valeur, peu de présidents peuvent se vanter d'avoir connu plusieurs sautiers. Jean-Marc, cher président - cher ex-président, désormais - tu es de ceux qui auront eu le privilège de connaître deux sautiers et de siéger sur la plus haute marche de ce perchoir pendant treize mois, ce qui est aussi une exception puisque, comme chacun le sait ici, un mandat régulier et normal ne dure lui que douze mois.
C'est dire la dimension et l'envergure que tu auras su, par tes seules qualités, donner à la fonction présidentielle tout au long de cette année. Tout le mérite t'en revient, sois-en chaleureusement remercié et félicité. Félicité parce que, en reprenant ton discours d'investiture prononcé il y a donc un peu plus d'une année, je me suis rappelé, ou plutôt j'ai relu ces phrases sous forme de voeux que tu formulais et que tu souhaitais sous ta présidence. Tu espérais et invitais le parlement, ce parlement, à garder sa gouaille, son effronterie et son impertinence, tout en précisant bien entendu - et ce sont tes mots - que la gouaille ne voulait pas dire l'irrespect, que l'effronterie ne signifiait pas l'insulte et que l'impertinence n'avait rien à voir avec l'impolitesse. Mon cher Jean-Marc, ce sont assurément des valeurs qui te sont propres que celles relayées par tes voeux, par ces quelques phrases, c'est-à-dire une certaine subtilité, une certaine finesse quant à l'attitude à adopter dans un hémicycle comme celui-ci. En effet, des qualités qui te sont propres ont été unanimement reconnues, je crois, par ce parlement, ce qui a enrichi d'autant ton mandat. Nous avons par exemple pu toutes et tous compter sur ton impartialité, ton intégrité, ta probité et ta capacité à prendre le recul et la hauteur nécessaires pour revêtir comme il se doit le costume présidentiel de ce Grand Conseil, c'est-à-dire celui du premier citoyen.
Premier citoyen, tu l'as évoqué, c'est une lourde tâche dans un canton comme celui de Genève, qui joue un rôle absolument prépondérant sur la scène internationale. A ce titre, tu as parfaitement représenté Genève sur le plan international auprès des autorités diplomatiques, auprès des autorités politiques étrangères, tout au long d'un agenda extrêmement chargé et extrêmement prenant, mais que tu as toujours accompli à la perfection. Sois-en une fois encore remercié !
Du haut de ton perchoir, tu as également su, lorsqu'il le fallait, apaiser, rassembler ce parlement et ses membres lorsque les débats avaient tendance à s'envenimer ou à s'échauffer - peut-être est-ce dû, et tu aimes à l'évoquer régulièrement, à tes origines fribourgeoises - en nous rappelant aussi souvent que faire se peut, à nous citoyens - citadins, pardon ! - du bout du lac, que parfois les solutions, le consensus et la recherche de compromis se faisaient dans le respect et dans le calme, et qu'à défaut de ces qualités que de nouveau tu incarnes parfaitement, il n'était pas possible d'avancer en politique et de faire avancer ce canton. C'est toujours très subtilement que tu savais nous rappeler, d'ici ou ici, que tes origines étaient de là-bas et qu'elles impliquaient en tout cas de ta part un certain recul et une certaine prise de distance absolument nécessaires au bon fonctionnement de ce parlement.
Mon cher Jean-Marc, le groupe démocrate-chrétien regrette aujourd'hui de perdre un président, mais se réjouit assurément de retrouver un collègue. A titre tout à fait personnel également, je me réjouis de te réaccueillir et de partager à nouveau les mêmes bancs avec toi, à un niveau bien plus terrestre, chez nous, en bas, parmi le commun des mortels. Je te félicite encore une fois, de la part du PDC, et te remercie de ton engagement sans faille tout au long de cette année. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Pierre Vanek.
M. Pierre Vanek (EAG). Merci, Monsieur le nouveau président, et félicitations pour votre élection ! Monsieur l'ancien président, je serai bref dans ces hommages qui vous sont adressés, parce que je sais que vous appréciez particulièrement la concision de mes prises de parole.
Dans votre discours d'investiture, au moment où vous avez été nommé, vous avez cité votre affection - et vous l'avez redit ici - pour l'exhortation qui ouvre nos travaux, que voici: «Prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.» Vous avez indiqué combien vous appréciiez cette exhortation, parce qu'elle rappelle que le pouvoir que nous avons dérive du peuple et qu'il nous a été confié de manière partielle et momentanée, et qu'elle a pour vocation de nous rendre - vous le disiez dans votre discours d'entrée en fonction - modestes et conscients du fait que ce pouvoir est éphémère.
Vous avez pris à partie - mais c'est un malentendu entre nous - certains députés qui selon vous moquaient cette exhortation. Il se trouve que ces députés, c'était en l'occurrence moi durant une partie de cette législature, mais c'est une tradition que je tenais d'un député radical, à savoir John Dupraz, qui faisait cela de manière systématique par le passé, et cette interpellation consistant à dire, suite à l'exhortation, que ce n'est pas ce qu'elle a fait de mieux - et je regrette que vous l'ayez mal pris, Monsieur le président - s'inscrivait précisément dans cette idée de modestie. En fait, bien entendu, nous représentons très très imparfaitement le peuple qui nous a confié les destinées de cette république, d'abord parce que la participation aux élections lors desquelles nous avons été élus est modeste - ce n'est pas le peuple tout entier - et ensuite parce que cette assemblée ne représente pas vraiment de manière adéquate, du point de vue de sa composition, la population genevoise. Mme Meissner l'a évoqué tout à l'heure, la représentation des femmes, par exemple, est parfaitement inégale et peu satisfaisante, et je pourrais lister encore bien d'autres défauts de ce Conseil qui est le nôtre... (Remarque.) Les chauves, me souffle-t-on, sont surreprésentés à la tribune ! Mais enfin c'est justement une conséquence du fait que nous sommes une assemblée où les vieux bonshommes sont statistiquement un peu trop présents.
Je pense qu'il est donc bien de mettre le doigt sur les limites de cette représentation du peuple et d'avoir beaucoup de modestie. D'ailleurs, nous allons les uns et les autres nous battre sous peu dans des sens parfois différents, pour que précisément le peuple et la patrie qui nous a confié ses destinées soient mieux représentés dans cette enceinte. C'est une quête qui n'a pas de fin, mais c'est l'essence de la démocratie, et de ce point de vue là c'est aussi une bonne chose que nous ayons des mécanismes de démocratie directe ou semi-directe - que nous avons du reste améliorés récemment - qui permettent au peuple de corriger, le cas échéant, les petits défauts des textes que nous votons dans cette enceinte.
Donc encore une fois, je crois que s'il y a eu un malentendu sur la forme, eh bien sur le fond de ce que reflète cette exhortation - et pour ma part, le petit complément que j'y mets - nous sommes d'accord et je m'en félicite. Je pense que si ce n'est pas ce que la patrie a fait de mieux en confiant à cette assemblée ses destinées, en revanche, ce que le parlement a fait en vous confiant la direction de ses travaux pendant ces treize mois, c'est... Si je disais que c'est ce que nous avons fait de mieux au cours de cette législature, Antoine Barde, qui est là, risquerait de se vexer, or vous savez que je n'entends pas vexer qui que ce soit en ce moment ! Quoi qu'il en soit, vous avez été un bon président, et vous êtes doté de qualités personnelles que vous avez pu révéler et mettre en oeuvre dans cette charge: des qualités de diplomatie, de courtoisie, mais aussi d'autorité, d'intelligence, bref... Et de mansuétude, puisque vous avez toléré mes dépassements réguliers du temps de parole ! D'ailleurs, Eric Leyvraz commence à montrer que ça va changer et qu'il va serrer la vis ! Je vais donc aller vers la conclusion de mon discours, en indiquant aussi, sur un plan matériel plus concret, que vous avez institué une nouveauté relative, en tout cas telle que je l'ai moi-même vécue, de concertation avec l'ensemble des chefs de groupe et la présidence du Grand Conseil. C'était dû à des circonstances particulières, mais indépendamment de celles-ci, je pense que cet aspect de concertation est une innovation utile que vous avez introduite et que je mets au crédit de votre passage à la présidence. Et je souhaiterais d'ailleurs que votre successeur en reprenne le flambeau ! Sur ces quelques brèves paroles, je vous présente, Monsieur le désormais député, mes meilleurs voeux pour la suite de votre carrière parlementaire. (Applaudissements.)
Mme Christina Meissner (HP). Monsieur le président, je vous présente mes félicitations. Ne vous en faites pas, je m'en remettrai ! Si vous le permettez, je vais m'adresser à l'ex-président, en tant qu'ex-vice-présidente. «Ta vice», comme tu disais, cher Jean-Marc, qui t'a côtoyé et épaulé durant plus d'une année. Elle fut enrichissante, pleine de défis, et j'ai beaucoup appris grâce à toi. Entouré d'un Bureau un peu particulier, tu t'en es bien sorti; tu as agi avec respect envers chacun, calme, fermeté et justesse. Merci.
Sous ton air sévère, tu caches un grand coeur et un bec à bonbons, comme tu te décris toi-même. Après l'année des nounours Haribo - mais où est-il, notre président Barde ? - nous avons vécu l'année chocolat du président Guinchard. Non seulement il y en avait toujours à portée de main au perchoir, mais tu as été jusqu'à organiser un concours de la douceur. Cette année, il n'y a pas que Versoix qui fêtera le chocolat, nous pourrons aussi goûter avec délice à l'Eclair du président du Grand Conseil, fruit de l'inventivité de deux apprenties pâtissières.
Je terminerai en disant que tu as su donner un sens réel et entier à la fonction de président. Comme moi, tu rentres dans le rang pour retrouver ta liberté de parole. Nul doute que tu sauras la mettre à profit dans l'intérêt des saines causes qui te sont chères et que tu défendras de plus belle. Merci. (Applaudissements.)
Mme Sarah Klopmann (Ve). Monsieur le président, je m'adresserai également à Jean-Marc, si vous le permettez. Jean-Marc, tu as été un président travailleur, qui a toujours eu à coeur de nous faire avancer, à tel point que tu ne nous laissais jamais manger les lundis à midi, et j'ai beaucoup râlé, tu le sais. Pourtant - on l'a déjà dit plusieurs fois ici - tu es très gourmand, au point que tu as été prêt à goûter des dizaines et des dizaines d'éclairs au chocolat pour finalement avoir ton Eclair du président, qui était d'ailleurs vraiment succulent.
Tu as aussi été un président sérieux, mais toujours disposé à faire un petit trait d'humour ici et là. Preuve en est ton traditionnel gag de fin de séance: «Et maintenant nous allons passer au point suivant...» La salle poussait alors des exclamations de protestation, et là tu ajoutais: «...c'est-à-dire à la fin de la séance !» Ah ah ah ! Ça marchait chaque fois, c'est ça qui est fort avec ces gags à répétition ! Je te félicite d'avoir réussi à surprendre à tous les coups l'ensemble de la salle !
J'admire aussi ta volonté pacificatrice, qui t'a amené à rencontrer plusieurs fois les chefs de groupe, notamment pour éviter que cette élection d'aujourd'hui ne vire à la farce que nous avons connue l'année passée. Tu as prôné plusieurs fois le respect du tournus établi, et j'espère vraiment que tu es parvenu à convaincre aujourd'hui ton groupe et ton alliance de cette volonté.
Bref, Jean-Marc, tu as été un président bosseur, impartial, rassembleur et surtout, surtout, toujours vraiment sympa, ce dont les Verts te remercient beaucoup. (Applaudissements.)
Une voix. Très bien !
Une autre voix. Bravo !
M. Romain de Sainte Marie (S). Monsieur le nouveau président, je vous présente également toutes mes félicitations pour votre élection, mais cette fois-ci je m'adresserai au nouvel ancien président de ce Grand Conseil. On a dit que vous étiez un président impartial. Je ne suis pas d'accord ! Un président qui nous amène dans un fief PDC... (Exclamations.) ...qui nous amène dans une abbaye, celle de Hauterive, en plein débat sur les questions de laïcité, qui prend donc le risque de conduire les députés dans un lieu de silence, ce qui est encore plus osé, c'est un président qui ose et qui prend certains risques, mais ce voyage s'est malgré tout extrêmement bien passé. Vous êtes un président dont on a naturellement qualifié la hauteur: en tant que grand député, physiquement parlant, Jean-Marc Guinchard fait évidemment partie de la hauteur de ce parlement, mais bien sûr au deuxième sens de ce terme tout comme au premier !
Il est évident que la présidence de Jean-Marc Guinchard, votre présidence, restera dans l'histoire, mais non pas pour cette hauteur, non pas pour les effets de concertation et de dialogue, que j'ai pu apprécier en tant que chef de groupe, ainsi que cette recherche du bien commun. Non - on l'a évoqué précédemment - votre présidence restera dans l'histoire pour votre éclair, l'Eclair du président du Grand Conseil, puisque cette confiserie restera année après année et qu'on se souviendra toujours de votre initiative, de votre bec à bonbons ! Certes, je suis déjà le troisième à mentionner - et peut-être y en aura-t-il encore après moi - cet effet intemporel qui restera collé à votre image, Monsieur l'ancien président, mais, vous voyez, j'ai manqué pour une fois d'un peu d'anticipation et j'ai appuyé sur le bouton un peu trop tard, si bien que finalement je ne m'exprime qu'après coup sur cet Eclair du président.
Encore une fois, au nom du groupe socialiste, je vous remercie pour cette excellente présidence du Grand Conseil. On sait que la tâche n'est pourtant pas facile, mais vous l'avez accomplie avec brio, ce dont nous vous remercions une nouvelle fois. (Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). Monsieur le nouveau président, je vous présente d'abord mes félicitations pour votre brillante élection, et je vais maintenant m'adresser à Jean-Marc Guinchard. Vous m'en excuserez par avance, Monsieur Guinchard, mais vous me faites un peu penser à un coucou, c'est-à-dire à cet oiseau qui se met dans le nid d'un autre. En effet, vous étiez là-haut, dans votre petit nid, qui était prévu à l'origine pour le MCG; nous avons toutefois eu quelques petits problèmes - je ne sais pas comment les qualifier - d'aiguillage ou plutôt de nidification, pour rester dans cette image, et vous avez pris ce nid. (Brouhaha.) Je ne le cacherai pas, quelques-uns de chez nous vous en ont donc un peu voulu au début pour cette raison, mais sans revenir sur les conditions de cette élection d'il y a une année, parce que c'est du passé, le groupe MCG reconnaît que vous avez su vous placer à la hauteur de la fonction de président - c'est-à-dire plus haut que les conseillers d'Etat, mais enfin, c'est la tradition qui veut cela - laquelle vous permet d'avoir ce superbe emplacement.
Nous tenons à vous féliciter de vous être montré respectueux de tous les groupes, ainsi que d'avoir su gérer convenablement des situations de crise, en particulier l'élection de représentants hors parti au Bureau du Grand Conseil. Nous approuvons tout à fait votre préoccupation de placer les institutions et les intérêts des citoyens au-dessus des combats politiques. Ces combats politiques sont certes nécessaires, mais ils doivent être arbitrés impartialement et avec habileté, ce qui fut le cas sous votre présidence, nous devons le reconnaître. Au nom du groupe MCG, je tiens donc à vous souhaiter un bon retour parmi nous. (Applaudissements.)
Mme Nathalie Fontanet (PLR). Monsieur l'ancien président, cher Jean-Marc, le groupe PLR tient à te remercier pour cette année de présidence, que tu as su gérer avec fermeté, mais avec quand même une certaine sensibilité. Notre groupe a beaucoup apprécié tes tentatives d'anticiper les problèmes et de gérer les gros dossiers par la convocation des chefs de groupe à des séances finalement assez régulières, pour essayer de trouver des solutions. Nous avons aussi estimé que dans ta fermeté tu étais juste et que tu réservais un bon accueil aux critiques; certaines t'ont été adressées, mais tu as toujours répondu de façon positive, ce qui a été extrêmement apprécié. Nous nous réjouissons de te retrouver parmi nous et de t'accueillir à nouveau dans notre cénacle, parmi les simples députés. Merci, Monsieur l'ancien président. (Applaudissements.)
M. Stéphane Florey (UDC). Cher Jean-Marc, le groupe UDC te remercie et te félicite d'avoir présidé cette année assez spéciale et difficile. Il est vrai que ce Grand Conseil t'avait mis dans une situation un peu particulière, mais tu as su la gérer avec brio, ce dont nous te félicitons. Pour ma part, j'ai particulièrement apprécié les échanges que nous avons eus aux séances du Bureau et des chefs de groupe, et ce qui m'a fait le plus plaisir, c'est que j'ai senti chez toi un bon sens de l'humour, ce qui est aussi une qualité bénéfique pour un président. J'ai bien apprécié les petites piques - mais jamais méchantes - que nous nous sommes envoyées durant ces séances, et je me permettrai de t'en lancer une dernière: bienvenue à la maison, et bon retour sur terre ! (Rires.) Je te remercie. (Applaudissements.)
Discours de M. Eric Leyvraz, nouveau président
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, les personnes à la tribune ayant déjà été saluées, je tiens d'emblée à vous remercier vivement pour votre confiance, que je m'appliquerai à honorer avec fierté. Je veux également m'associer aux bravos adressés à notre président sortant pour ses treize mois passés à nous diriger avec compétence, conviction et un réel plaisir qui a transparu dans son activité et ses initiatives, comme celle, fort sympathique, de créer une pâtisserie avec l'école des boulangers. Bec à miel comme lui, j'aurais plaisir à continuer ce qui devrait devenir une tradition ! Cher Jean-Marc, merci, et bienvenue au club, très exclusif, des Présid'antan !
Me voici pour la seconde fois au perchoir. Les Romains disaient: bis repetita placent, les choses répétées plaisent. On dit en français - et là ne vous inquiétez quand même pas trop - jamais deux sans trois... (Exclamations.) Il y a eu une époque où être réélu à la présidence du Grand Conseil était chose courante. Certains l'ont été plusieurs fois, tel M. Alfred Vincent, qui a assumé six présidences ! La dernière réélection avant la mienne a été celle de M. Paul Guerchet - je salue sa mémoire - en l'an de grâce 1942. Les mauvaises langues diront que c'est à peu près quand je suis né... Chaque âge a ses petits avantages, aussi à 70 ans l'expérience m'apporte un début de patience - j'en avais besoin - et me permet de relativiser les mauvaises passes et de dire merci aux bons moments de la vie, car on prend conscience de l'instant, on ressent au plus profond de son être combien file rapidement la flèche inexorable du temps. Qui mieux que Jules Supervielle, nommé par ses pairs prince des poètes, a su exprimer ses sensations temporelles ? Je pense entre autres à ce poème, «La Fable du monde», qui me parle avec réalisme et dont voici un extrait:
«Encore frissonnant
Sous la peau des ténèbres,
Tous les matins je dois
Recomposer un homme
Avec tout ce mélange
De mes jours précédents
Et le peu qui me reste
De mes jours à venir.»
Mais revenons à notre sujet ! Chers collègues, la dernière année de la législature est un peu particulière, car elle se termine avec l'élection d'un nouveau Grand Conseil. Elle nous impose un devoir moral, un devoir de courtoisie envers cette future députation, celui de ne pas laisser le sol de la maison jonché de scories antiques. Il nous faudra balayer le salon des projets de lois, la chambre des motions et la cuisine des pétitions. Je viendrai donc régulièrement ennuyer, que dis-je, martyriser les chefs de groupe pour qu'ils vident leurs fonds de tiroir, modèrent leur appétit de projets de lois et leur soif de motions ! Le rêve de tout président est d'arriver à la dernière plénière avec un ordre du jour non pas de vingt pages, mais qui tienne sur une feuille A4. Et si l'on privilégiait l'efficacité ? Reconnaissons que personne ne peut reprocher à notre parlement un manque d'imagination dans la variété des objets qu'il aborde. Plusieurs exemples me viennent à l'esprit, mais il y en a un, ancien, qui m'a spécialement plu, et on peut imaginer combien haletantes les télévisions de Suisse attendaient le résultat de notre vote quand nous avons traité ici en plénière d'un panneau de basket tombé dans un préau d'école ! Nous fêtons les 100 ans du dadaïsme, mais rien ne nous force à des exploits surréalistes !
Dans ce registre de l'efficacité, j'aurai besoin de votre aide pour corriger une dérive qui s'est peu à peu installée: le président donne la parole aux députés, mais il y a une inversion des rôles s'il doit encore gérer ce temps de parole. Que de fois il répète: «Il vous reste trente secondes», «Il vous reste dix secondes», «C'est terminé», puis encore «C'est terminé»... J'ai visité d'autres parlements, et je n'ai jamais vu cela. Par exemple en Galice, patrie de notre ancienne présidente Loly Bolay, que je salue, c'est trois minutes d'intervention par personne, pas trois minutes et une seconde. Avec plusieurs collègues, nous avons assisté en octobre, au parlement du Québec, à la séance des questions-réponses: quarante-cinq secondes par député pour l'opposition, une minute quinze pour la majorité, et quand le président se lève, cela coupe les micros, et personne ne crie au déni de démocratie, comme je l'ai déjà entendu dans cette enceinte. La plupart d'entre vous savent adapter leur discours aux minutes imparties. Pour les spécialistes des prolongations, comme tout le monde tapote allégrement sur son portable durant les séances, je rappelle que ce maudit instrument comporte une fonction chronomètre. Alors si on annonce qu'il leur reste une minute trente, qu'ils la mettent en marche et calibrent leur intervention, sans rappels du président. Ce qui est possible ailleurs doit l'être aussi chez nous ! Et franchement, quand il reste à un groupe dix secondes, il devrait en faire cadeau à un fonds que l'on nommerait «Sauvons les secondes perdues», et le parti le plus généreux serait félicité en fin d'année... Pour visualiser ce temps de parole, il existe un excellent système: une barre lumineuse passant du vert au rouge. Nous tâcherons de nous en procurer une.
Je me permets aussi de rappeler à certains conseillers d'Etat, avec tout le respect que je leur dois, que si le règlement ne limite pas la longueur de leurs discours, quand nous avons par exemple un débat en catégorie II, avec trois minutes par groupe, il n'est pas très fair-play de leur part d'en prendre quinze ! La concision est un volet de l'efficacité.
Chers collègues, notre agenda est chargé; nous allons traiter cette année de sujets de la plus haute importance pour l'avenir de notre communauté et de ses finances, je pense à la réforme de l'imposition des entreprises, au problème lancinant de la caisse de pension de l'Etat et, gardons espoir, car cet enjeu est majeur, à SCORE, la nouvelle grille salariale des fonctionnaires, l'arlésienne du Conseil d'Etat.
Quand arrivent des élections, je sais que les egos enflent comme la grenouille de la fable, je sais que les partis ressortent les vieux grimoires qui enseignent comment éliminer un adversaire sans laisser de trace, il est donc indispensable de garder à l'esprit pourquoi nous avons été élus et ce qu'attend la population de ce Grand Conseil. Nous devons écouter - oui, Monsieur Vanek - avec encore plus d'attention notre belle exhortation, notamment sa deuxième invite: «[...] et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées».
Mesdames et Messieurs les députés, je n'ai dans le fond qu'un seul souhait, partagé par toutes et tous ici, j'en suis persuadé: que l'amour que nous portons à notre république guide nos débats ! Merci de votre attention, vive Genève et vive la Suisse ! (Longs applaudissements.)