Séance du jeudi 23 février 2017 à 17h
1re législature - 3e année - 13e session - 69e séance

R 746-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier la proposition de résolution de Mmes et MM. François Lefort, Roger Deneys, Sophie Forster Carbonnier, Esther Hartmann, Catherine Baud, Brigitte Schneider-Bidaux, Marion Sobanek, Irène Buche, Anne Mahrer, Miguel Limpo, Bernhard Riedweg, Lydia Schneider Hausser, Prunella Carrard, Salima Moyard, Christine Serdaly Morgan, Anne Emery-Torracinta, Melik Özden : Pas de dumping salarial à l'aéroport. Pas de lock-out déguisé
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VIII des 17, 18, 24 septembre et 2 octobre 2015.
Rapport de majorité de M. Jacques Béné (PLR)
Rapport de minorité de M. Romain de Sainte Marie (S)

Débat

Le président. Nous arrivons à la R 746-A, que nous traitons en catégorie II, quarante minutes. Je passe la parole à M. le rapporteur de majorité.

M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je vais faire assez court, parce que ce texte date de 2013. Entre-temps, le conflit s'est réglé, même s'il y en a eu d'autres depuis. Le but de cette proposition de résolution était de dire clairement qu'il y avait du dumping salarial à l'aéroport. Or, toutes les auditions en commission ont révélé qu'il n'y avait pas de dumping salarial. Notamment, une audition de l'OCIRT a cité très clairement des cas précis que certains auditionnés avaient évoqués. Il n'y a donc à mon avis plus vraiment de raison de traiter cette résolution, mais j'imagine bien que dans ce parlement, ceux qui sont plus ou moins contre l'aéroport et le développement économique de notre canton vont se charger encore une fois de critiquer et les nuisances que crée l'aéroport, et les vols low-cost, et les salaires insuffisants, alors que, Mesdames et Messieurs, l'aéroport est dans un domaine très concurrentiel et que cet établissement, son conseil d'administration et sa direction prennent toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que l'ensemble des concessions qui se trouvent sur le domaine aéroportuaire se conforment au droit fédéral et aux conventions collectives de travail en vigueur. Je vous propose tout simplement, comme cela a été fait en commission, de ne pas entrer en matière sur ce texte. Je vous remercie.

M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de minorité. Je suis d'accord avec le rapporteur de majorité, M. Béné, sur un aspect: il est vrai que cette proposition de résolution date un peu; elle date d'un conflit qui a été réglé, et par conséquent, on pourrait croire qu'elle est obsolète. Or, c'est une illusion, et ce serait une erreur que de croire ça par naïveté, puisque à la lecture des invites de ce texte, on comprend à quel point il reste d'actualité en voyant... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...le nombre de conflits sociaux qu'il y a chaque année sur le site de l'aéroport. Je relis juste les deux premières invites: d'abord, «à intervenir diligemment auprès de la direction de l'aéroport afin de faire respecter les règles du partenariat social au sein des entreprises concessionnaires de l'aéroport»: je pense que c'est une volonté qu'on peut avoir en cas de conflits sociaux. Ensuite, «à agir contre les tentatives de dumping salarial pratiquées par des entreprises concessionnaires de Genève Aéroport». C'est un problème qui dépasse cette résolution, on le traite aussi à la commission de l'économie avec un projet de loi MCG qui vise à ce que les entreprises concessionnaires soient signataires de conventions collectives. Le projet de loi comporte un autre aspect: elles doivent prendre en compte la préférence cantonale, aspect critiqué même si la volonté de respect des conventions collectives est tout à fait à saluer.

Contrairement aux propos du rapporteur de majorité, on ne vient pas du tout critiquer ici l'aéroport ni les nuisances de celui-ci; au contraire, on salue le rôle de l'aéroport dans le développement et l'attractivité économiques du canton. Ce rôle-là est absolument essentiel. Il est essentiel, mais il est aussi extrêmement important à nos yeux de garantir une cohésion sociale dans notre canton. Dès lors, on ne peut accepter de voir éclater aussi fréquemment des conflits sociaux. On a connu nombre d'entreprises concernées: à Gate Gourmet, le conflit a été réglé, mais souvenez-vous aussi d'ISS Aviation ou encore de Swissport, différentes entreprises qui ont connu des conflits sociaux. Dans le cas de Gate Gourmet, d'une façon peu glorieuse, la firme a cassé la convention collective genevoise, a licencié l'ensemble des salariés pour pouvoir les mettre au régime d'une nouvelle convention collective bien moins avantageuse, signée au niveau national. Par conséquent, même si l'OCIRT signale qu'il ne s'agit pas dans le cas présent de dumping salarial, il s'agit toujours d'une baisse des salaires et d'une détérioration des conditions de travail. Dès lors, même si les invites de cette proposition de résolution peuvent paraître obsolètes au vu de sa date et du règlement du conflit, en revanche, elles possèdent un caractère que l'on peut malheureusement qualifier d'universel, puisque chaque année, comme je l'ai dit, nous avons connaissance de nouveaux conflits sociaux sur le site. Il est donc temps, pour l'image aussi de la Genève internationale - puisque l'aéroport y joue aussi un rôle - d'avoir un aéroport où les employés connaissent des conditions de travail en véritable adéquation avec le coût de la vie à Genève et non avec le coût de la vie en Suisse ou dans certains cantons qui connaissent en effet des prix bien moins élevés. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Au nom de la minorité de la commission, je vous invite donc, Mesdames et Messieurs, à accepter cette résolution.

M. André Pfeffer (UDC). Mesdames, Messieurs, le groupe UDC prend note du fait que le conflit en question a été réglé et aussi que la suspicion de dumping salarial n'est pas avérée. Nous déplorons par contre cet ancien conflit qui, à plus d'un titre, nous paraît davantage une manoeuvre pour semer le désordre ou une démonstration syndicale. Notre groupe est attaché au respect du partenariat social et aux instruments en vigueur, notamment les conventions collectives de travail. Nous relevons aussi le comportement responsable du conseil d'administration de notre aéroport, autant dans la négociation pour faire baisser ces anciennes tensions sociales que dans son attention aux nouvelles exigences qui seront appliquées aux futurs concessionnaires. Pour ces raisons, le groupe UDC ne soutient pas cette proposition de résolution. Je vous remercie pour votre attention.

M. Boris Calame (Ve). Chères et chers collègues, par la voix du conseiller d'Etat Pierre Maudet, lors d'une récente audition à la commission de l'économie, on a entendu qu'avec le développement en cours de l'Aéroport international de Genève, il faudra prochainement ouvrir de nouvelles concessions pour les services au sol. Aujourd'hui, entre les entreprises concessionnaires, la concurrence est réelle. Elle se fait malheureusement trop souvent au détriment des collaboratrices et collaborateurs desdites entreprises. Voter aujourd'hui cette résolution, même tardivement, c'est rappeler à Genève Aéroport et à ses concessionnaires que s'agissant des conditions de travail et de salaire, il y a une limite qu'il s'agit de ne pas franchir. C'est aussi un soutien aux démarches actuelles du conseiller d'Etat et des partenaires sociaux pour notamment limiter la sous-enchère salariale et faire respecter les conventions et autres usages de la branche afin de se trouver en phase avec la réalité de Genève. C'est enfin formuler à l'intention des acteurs concernés un rappel de la part de notre parlement, qui ne peut accepter à Genève des conditions de travail qui paupérisent les acteurs de notre économie et les obligent, pour certains, à demander notamment l'aide sociale, alors même qu'il serait relativement simple de garantir des conditions salariales et de travail qui soient un peu plus en phase avec la réalité genevoise. C'est rappeler aussi que ces personnes sont actives pour une prestation indispensable au bon fonctionnement de l'un de nos établissements publics autonomes. L'Etat a donc une responsabilité particulière dans le règlement des conflits sociaux qui peuvent s'y dérouler, mais aussi le devoir de les prévenir en s'assurant que les conditions-cadres nécessaires à la paix sociale soient réunies. Cette résolution doit être soutenue pour que les employés actuels et à venir de ces entreprises qui participent à l'essor de Genève soient reconnus dans leurs conditions de travail. Avec l'amendement proposé par les socialistes, les Verts voteront le renvoi de cette résolution au Conseil d'Etat... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...car elle reste pleinement d'actualité. Je vous remercie.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, il était temps de traiter ce texte déposé le 16 septembre 2013, aujourd'hui, 23 février 2017. Il était plus que temps ! A tel point, d'ailleurs, que la troisième invite doit être supprimée puisqu'elle n'a plus d'actualité. Cela étant, si on reprend cette problématique, toutes les discussions autour de Gate Gourmet et des autres entreprises sises sur le territoire de l'aéroport ont tourné autour de la question de la sous-enchère salariale. Y a-t-il ou non de la sous-enchère salariale, notamment à Gate Gourmet ? Le rapporteur de majorité a conclu, en gras dans le texte, qu'il n'y en avait pas à Gate Gourmet. Il s'est malheureusement cru autorisé à le faire en raison de la définition particulièrement restrictive de la sous-enchère salariale. Rappelons à cet égard que pour être reconnue comme telle, il faut qu'elle soit abusive et répétée. Une définition qui sonne finalement comme une licence pour méfaire avant de risquer non pas d'être sanctionné, mais simplement de devoir s'amender. Si l'on y regarde de plus près, Mesdames et Messieurs les députés, soit cette définition de la sous-enchère salariale comme abusive et répétée est un leurre, une vaste escroquerie qu'il conviendrait de corriger sans tarder, soit il faut considérer que pour obtenir une répétition permettant de conclure à la sous-enchère, il faut qu'il y ait un certain nombre d'occurrences de sous-enchère, de manière que l'on considère qu'elle a été répétée. Et donc, en l'occurrence, ce qui s'est passé à Gate Gourmet était bel et bien de la sous-enchère au sens de la définition que vous pourriez peut-être admettre un jour. En fait, il y a bel et bien eu de la sous-enchère, mais juste pas assez pour que vous le reconnaissiez.

Cela dit, rappelons les faits. La direction de Gate Gourmet a dénoncé unilatéralement la convention cantonale en vigueur dans l'entreprise pour adhérer à la convention nationale de l'hôtellerie-restauration, moins avantageuse. Elle a licencié tout son personnel pour le réengager à des conditions moins avantageuses. Cela permet à certains ici de dire la main sur le coeur que tout va bien, puisque finalement la direction a respecté la convention collective ! Ils en viendraient même à nous reprocher, à nous qui les critiquions, de ne pas leur reconnaître cette vertu. Mais quelle vertu ? Si on me vole mes chaussures et qu'on me concède une autre paire deux pointures en dessous, j'ai toujours des chaussures, mais je ne peux plus marcher. (Remarque.) Suis-je pour autant quitte avec mon voleur ? Certainement pas. Essayez de marcher avec des chaussures deux pointures en dessous de la vôtre, essayez de vivre avec un salaire... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...de quelques centaines de francs plus bas. La majorité et le rapporteur de majorité ne voient toujours pas de sous-enchère salariale. Abusif, en l'occurrence, ce cas de figure l'est sans doute. A nouveau, je le répète - pas encore suffisamment pour qu'il soit pris en considération et que l'Etat intervienne. Donc là, pas de sous-enchère salariale. Et pourtant, contrairement au Canada Dry...

Le président. Il vous reste trente secondes, Madame la députée.

Mme Jocelyne Haller. ...ça a la couleur de la sous-enchère salariale, ça en a l'amer goût, et c'est bien de la sous-enchère salariale. Dans toute cette affaire, l'attention a été détournée sur la définition de la sous-enchère salariale et par une personnalisation du conflit; une diversion qui sert les intérêts de ceux qui refusent de voir la réalité de la détérioration des conditions de travail des travailleurs.

Le président. C'est terminé, Madame la députée !

Mme Jocelyne Haller. Merci. Je dirai simplement encore que nous soutiendrons ce texte et qu'évidemment nous voterons l'amendement. Je vous remercie de votre attention. (Quelques applaudissements.)

M. Serge Hiltpold (PLR). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, notre parlement est à nouveau saisi d'une intervention qui concerne les conventions collectives de travail. Vous connaissez ma position à ce propos: ce n'est pas le rôle de ce parlement que de s'occuper de ça. Toutefois, nous avons étudié ce texte en commission. Tout d'abord, par rapport à l'intervention de Mme Haller, je préciserai que je suis quelqu'un d'assez pragmatique. Je vous invite à lire, à la page 5 du rapport, le passage sur les fameuses dégradations des conditions de travail, le dumping honteux. Je vous cite le rapport: «[...] à ce stade, les constats réalisés par l'OCIRT [...] auprès de cette société [Gate Gourmet] permettent déjà d'éclairer plus précisément la situation grâce à certains chiffres relatifs aux salaires», cette transmission des chiffres ayant été acceptée par l'entreprise: pour 62% des travailleurs, le salaire est inchangé; 28% du personnel voit son salaire augmenté en 2014 de 87 F par mois. Cela fait déjà un total de 90%. Si l'on parle de dumping, il reste 10%, c'est-à-dire douze travailleurs. Vous menez un combat syndical pour douze travailleurs, vous personnalisez une lutte intersyndicale alors que nous avons entendu à la commission de l'économie le syndicat PUSH, ce qui était très intéressant. Finalement, on est en train de débattre pour douze travailleurs ! Je crois que le parlement a autre chose à faire que traiter ce genre de texte, que les instances qui s'occupent du contrôle des salaires et des négociations sont le conseil de surveillance du marché de l'emploi, les partenaires sociaux qui font leur travail correctement, avec conviction; ce n'est pas le rôle de ce parlement que d'agir ainsi par des textes. Je vous invite donc à suivre le rapport de majorité et à rejeter cette résolution.

M. Jean-Luc Forni (PDC). Le groupe démocrate-chrétien est d'avis qu'il n'y a pas dans cette affaire de dumping salarial avéré. C'est clair que chaque année, l'aéroport et plus particulièrement certains prestataires ont des problèmes s'agissant des conventions collectives, ce qui finalement aboutit toujours à la même conclusion: la convention est reconduite, les grèves annoncées sont annulées. La direction de l'aéroport fait maintenant attention à ce que les nouveaux prestataires respectent les conventions en usage. On fait là beaucoup de bruit pour un problème qui est maintenant réglé à satisfaction, dans le respect du droit du travail et des conditions usuelles. On se trouve là face à un problème syndical plus que face à un problème de réel dumping salarial. Pour ces raisons, le parti démocrate-chrétien refusera cette résolution.

M. Thomas Wenger (S). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, cette proposition de résolution date en effet de quelques années. Mais je pense que, comme l'a dit le rapporteur de minorité, c'est quand même important de pouvoir discuter du fond de ce texte, c'est-à-dire des conflits sociaux qui malheureusement sont trop nombreux aujourd'hui à l'aéroport. Il faut peut-être rappeler que 10 000 personnes y travaillent; environ 1000 travaillent directement pour l'employeur Genève Aéroport et environ 9000 notamment pour les deux grandes sociétés concessionnaires, Dnata et Swissport si je ne me trompe. Ces gens travaillent dans la sécurité, dans le catering; ce sont des femmes, des hommes qu'on appelait à l'époque hommes de piste - quand j'étais étudiant, j'ai fait ça pendant l'été. Ce sont des travaux qui ne sont pas faciles, qui demandent beaucoup d'investissement, de force: par exemple, quand vous êtes homme de piste et que vous enlevez et mettez les bagages pour chaque avion qui arrive, ce n'est pas facile, ce sont des conditions tout de même pénibles. On ne peut pas accepter que pour ce genre d'emploi, il y ait des tentatives de dumping salarial comme ça a été le cas ou comme peut-être ça continuera d'être le cas. Je crois qu'aujourd'hui, nous sommes tous d'accord pour dire que vivre avec 4000 F bruts à Genève, vu les coûts du logement, des transports, de l'alimentation... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...c'est extrêmement difficile. Une partie des gens qui travaillent à l'aéroport sont ce qu'en bon français on appelle des «working poor», c'est-à-dire des gens qui ne peuvent pas vivre seulement avec leur salaire et ont besoin d'un complément d'aide sociale. (Brouhaha. L'orateur s'arrête de parler un instant. Remarque. Le silence revient.)

Le président. Poursuivez, Monsieur le député.

M. Thomas Wenger. Merci, Monsieur le président. Il ne s'agit donc pas, comme le représentant du PLR l'a dit, d'une discussion sur douze personnes ou sur des cas particuliers, il s'agit d'une vraie discussion sur ce qu'on veut comme conditions de travail à l'aéroport, aéroport qui est quand même une entreprise de droit public dépendant de l'Etat. La question est de savoir ce qu'on veut comme conditions de travail et ce qu'on veut comme salaire dans les entreprises concessionnaires ou qui ont un bail à l'aéroport de Genève. On nous a dit que juridiquement, c'était très compliqué d'inscrire des conditions de travail soit dans les concessions, soit, encore plus, dans les contrats de bail; des salaires minimaux, par exemple, ce n'est pas possible. Mais pour nous, c'est vraiment très important que le Conseil d'Etat, par la personne de Pierre Maudet, que l'aéroport et son conseil d'administration soient fermes sur les conditions de travail imposées dans le cadre légal qu'on peut avoir, et qu'il y ait des conditions de travail dignes pour les différentes personnes qui travaillent à l'aéroport. C'est pour ça que notamment les deux premières invites de ce texte, qui demandent au Conseil d'Etat d'intervenir «auprès de la direction de l'aéroport afin de faire respecter les règles du partenariat social», et surtout la deuxième, qui demande d'«agir contre les tentatives de dumping salarial», sont encore d'actualité, Mesdames et Messieurs. C'est pourquoi nous voterons cette résolution. Merci beaucoup.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Eric Stauffer pour deux minutes.

M. Eric Stauffer (HP). Merci, Monsieur le président. C'est un peu l'histoire de l'arroseur arrosé ! Quand j'entends la gauche qui parle de dumping salarial à l'aéroport, j'ai envie de leur dire: chers collègues de gauche, allez discuter avec vos syndicats nationaux qui ont établi les conventions collectives au niveau suisse ! Comme Genevois, je ne peux que regretter que l'ensemble du personnel d'une des sociétés de l'aéroport ait été licencié pour être réengagé sous une nouvelle convention collective nationale, avec quelques centaines de francs de moins. Mais la légalité a été respectée ! Alors si vous voulez être cohérents, allez faire pression à Berne dans vos propres partis en lieu et place de vouloir détruire l'économie genevoise, et vous verrez que le bon sens devrait vous dicter qu'une convention collective qui s'applique à Uri ou à Unterwald avec des niveaux de salaire qui sont les mêmes pour le canton de Genève, évidemment, ça ne fonctionne pas. C'est à nouveau, une fois encore, l'Etat qui doit fournir des aides par des subsides et autres artifices sociaux pour que les gens qui travaillent à plein temps arrivent à boucler leurs fins de mois. Si vous voulez être cohérents au lieu de gesticuler sur la place genevoise, allez plutôt faire du concret à Berne pour renégocier les conventions collectives au niveau national !

M. François Baertschi (MCG). Encore une fois, on se retrouve face aux graves problèmes de l'aéroport de Genève, qui concernent la sécurité, les engagements, des engagements massifs de frontaliers. Il y a aussi un problème avec le conseil d'administration de l'aéroport: malheureusement, il ne fait pas le travail qui est le sien pour régler ce genre de difficulté à l'interne. La sous-enchère salariale directe est un autre problème, l'absence de préférence cantonale de l'emploi. On sait que les frontaliers sont rois à Genève, on sait qu'on externalise dans ce secteur, dans tous les secteurs de l'aéroport qui sont sous-traités; ça pose des problèmes sans fin. Ici, c'est la suite de l'épisode, avec pas mal de retard. Il faut une amélioration de la situation. Certaines améliorations ont été apportées: la direction est intervenue auprès des sous-traitants, mais c'est insuffisant pour l'instant. Les usages actuels ne suffisent pas. Aussi longtemps qu'on n'aura pas une véritable préférence cantonale à l'aéroport comme ailleurs, cela ne marchera pas, les gens seront mal payés, les résidents genevois ne pourront pas travailler dans de nombreuses entreprises. Il faut arrêter ce massacre social et enfin s'intéresser, donner une véritable priorité à la fois aux employés, aux entreprises, aux PME genevoises pour faire en sorte que celles-ci soient privilégiées à l'aéroport. On en est loin, il y a beaucoup de travail, parce qu'on en est vraiment très, très loin.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le rapporteur de minorité Romain de Sainte Marie pour trente et une secondes. Il vous reste de plus, Monsieur le député, une minute vingt-quatre sur le temps du groupe.

M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président, ce sera suffisant. Vous transmettrez tout d'abord ceci à M. le député indépendant Stauffer, qui nous fait la leçon sur ce que devraient faire la gauche et les syndicats, qui pourtant sont réellement mobilisés pour défendre les conditions de travail dans ce canton, contrairement à M. Stauffer: le syndicat PUSH, qui n'appartient pas à l'union des syndicats suisses, qui n'est en aucun cas lié aux autres syndicats genevois, a participé, c'est vrai, à la signature de cette convention collective au niveau national. Ici, il s'agit véritablement d'un cas de dumping des conventions collectives de travail, pour ainsi dire: on adopte ici une convention collective nationale qui permet, s'agissant des conditions de travail, des exigences inférieures à celles d'une convention collective genevoise, puisque à Genève nous avons un coût de la vie plus élevé. Ce que vient de mentionner M. Stauffer, c'est exactement ce que je pensais qu'il décriait, c'est-à-dire le dumping salarial dû à la proximité avec la France. Dans le reste de la Suisse, on applique en effet des exigences moindres dans les conditions de travail, parce que le coût de la vie est inférieur; et on les applique aussi à Genève, tout ça au détriment des Genevoises et des Genevois. Il ne faut pas en vouloir aux travailleurs frontaliers, ce ne sont pas eux qui font diminuer les salaires, ce sont par contre les patrons de Gate Gourmet - dans le cas présent - qui, eux, cherchent à casser une convention collective puis à en appliquer une autre plus basse, ce sont eux qui font baisser les salaires. (Quelques applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le rapporteur de majorité pour deux minutes.

M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je souhaite intervenir sur ce qu'on vient d'entendre. Je pense qu'on pourrait voter cette résolution s'il n'y avait pas de convention collective de travail pour les concessionnaires à l'aéroport, si l'OCIRT n'existait pas et si le CSME - le conseil de surveillance du marché de l'emploi - n'existait pas non plus. Dans ce cas-là, on pourrait discuter, mais vous faites fi de ces organismes. Le partenariat social existe à Genève, et il existe aussi pour l'aéroport. Je regrette qu'on essaie d'instrumentaliser le parlement par ce type de texte, en laissant croire à des employés qui bénéficient de conventions collectives de travail mais ne sont pas satisfaits de leurs conditions de travail que, parce qu'il y a une intervention politique, on va pouvoir augmenter leur salaire. C'est faux ! C'est malheureusement faux, il faut le dénoncer et refuser cette résolution. A défaut, si on commence comme ça, le partenariat social sera beaucoup plus difficile, les entreprises vont vouloir négocier des conventions collectives de travail beaucoup plus basses, parce qu'on saura qu'il y aura des interventions politiques pour essayer de faire augmenter les minimums salariaux ainsi fixés. Cessons avec l'instrumentalisation de ce parlement et refusons très clairement cette résolution. Je vous remercie.

Des voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur le député Stauffer, vous avez la parole pour quinze secondes.

M. Eric Stauffer (HP). Merci, Monsieur le président. J'entends que les membres du conseil d'administration de l'aéroport ne font pas leur boulot: Monsieur le président, vous transmettrez, les sociétés sont privées et les concessions sont fédérales. Mais évidemment, il faut connaître le fonctionnement de nos institutions avant de raconter des âneries.

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Baertschi, je n'aime pas donner la parole après les rapporteurs, vous le savez ! Exceptionnellement, allez-y.

M. François Baertschi (MCG). Je voulais juste rappeler pour les administrateurs de l'aéroport qu'il y a l'article 24 ! (Rires.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le conseiller d'Etat Pierre Maudet.

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le dumping salarial, dont on parle ici, est assurément un sujet grave: c'est une préoccupation, et plus qu'une préoccupation, une priorité du gouvernement que de lutter pour des conditions de travail dignes, mais aussi pour des conditions de concurrence loyales. J'aimerais rappeler ici qu'aussi bien les employeurs que les employés réunis au sein du conseil de surveillance du marché de l'emploi ont à coeur de lutter efficacement contre le dumping salarial; dans ce cadre, ils ont édicté sous ma responsabilité des contrats types de travail. M. Wenger a raison de dire, comme il le faisait tout à l'heure, qu'il faut une discussion de fond. L'ennui, c'est que la discussion de fond ne peut pas avoir lieu ici, parce que les prémisses sont fausses, tout est faux ! Comme le disait un de mes anciens profs de droit, c'est tellement faux que même l'inverse n'est pas vrai ! (Rires.) C'est embêtant, parce que cette proposition de résolution est basée sur des faits qui ne correspondent pas à votre théorie; le modèle que vous développez consiste à éliminer les faits quand ils ne correspondent pas à la théorie. Or, les faits sont établis, ils l'ont été par l'OCIRT, par les tribunaux aussi, de manière très claire: nous ne sommes pas dans un cadre de dumping salarial ! On peut le déplorer, bien sûr, on peut déplorer que ça ne corresponde pas à toute la propagande qu'on a entendue à ce sujet. Mais on doit admettre aujourd'hui - parce que j'ai hérité de ce cas en décembre 2013, quand j'ai repris le secteur de l'économie et celui du marché du travail en particulier - qu'il a été réglé. Il a été réglé et si bien réglé qu'à plusieurs reprises ces derniers mois, malgré des annonces de tentatives de démarrage d'actions syndicales, à chaque fois, parce que le partenariat social fonctionne, on a pu s'entendre, faire des ajustements et trouver des solutions dans le cadre des conventions collectives de travail nationales, dans le cadre de la collaboration que nous avons avec les entreprises, avec les syndicats. Depuis trois ans que j'ai mis un terme à cette grève, qui n'était pas normale du point de vue du partenariat social, on ne fait plus face à des situations aboutissant à ces extrémités.

Ainsi, Mesdames et Messieurs, je vous invite à traiter avec sérieux, comme la commission de l'économie le fait, cette question de l'aéroport en particulier, du dumping salarial en général. Mais je vous invite surtout à refuser ce soir cette résolution, non pas pour dire que vous êtes d'accord avec la sous-enchère salariale - ça, personne ne l'est - mais avant tout, Mesdames et Messieurs, pour dire de manière très claire - vous avez passé sous silence ce point-là - qu'à travers le refus de cette résolution, on dit non à la surenchère syndicale. On a eu ici la démonstration par un syndicat d'une récupération d'un cas qui n'était pas avéré au détriment des gens qu'il était censé défendre, à leur détriment ! Car finalement, il y a eu des licenciements, et ça ne se serait pas passé ainsi, si dès le départ on avait observé les faits et si on avait respecté l'esprit du partenariat social. C'est la raison pour laquelle, pour lutter contre cet autre phénomène désagréable dans notre canton, celui de la surenchère syndicale - qui, heureusement, ne s'est pas reproduit à l'aéroport - je vous invite à sèchement refuser ce texte. (Quelques applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons passer au vote.

Une voix. Vote nominal !

Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Largement, le vote sur la proposition de résolution sera donc nominal. Je vous invite tout d'abord à vous prononcer sur l'amendement présenté par M. le député Romain de Sainte Marie, qui consiste à supprimer la troisième invite.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 80 oui contre 12 non.

Mise aux voix, la proposition de résolution 746 est rejetée par 64 non contre 30 oui (vote nominal).

Vote nominal