Séance du
vendredi 25 novembre 2016 à
16h
1re
législature -
3e
année -
10e
session -
56e
séance
M 2298-A
Débat
Le président. Nous abordons le point suivant de l'ordre du jour en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à M. Christian Frey, rapporteur de majorité.
M. Christian Frey (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cette motion propose d'affecter tout ou partie des surfaces de l'actuelle Usine, haut lieu de la culture genevoise, au logement de familles de réfugiés syriens. Elle entend par la même occasion mettre fin aux nuisances que subit le quartier concerné... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...à cause de l'Usine. Pour ce faire, elle demande à l'Etat de Genève de réquisitionner ces locaux qui se trouvent sur le territoire de la Ville de Genève et appartiennent à celle-ci. Il s'agirait donc d'une sorte d'expropriation. La majorité de la commission des affaires sociales vous propose de rejeter cette motion pour les raisons suivantes: tout d'abord, parce que l'Etat de Genève n'a pas le pouvoir d'exproprier le propriétaire de ces locaux; il faudrait que l'initiative vienne de celui-ci, c'est-à-dire de la Ville de Genève elle-même. Ensuite, parce que sous prétexte d'accueillir des familles de réfugiés syriens, ce texte vise en réalité à régler des comptes avec le collectif de l'Usine, probablement suite à un certain nombre de déprédations commises. Enfin, parce que les aménagements nécessaires à l'accueil de familles de réfugiés syriens seraient extrêmement coûteux et longs à réaliser. Pour toutes ces raisons, la majorité de la commission des affaires sociales vous propose de refuser cette proposition de motion. Je vous remercie.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de minorité. Nous avons quelque peine à comprendre la position de la gauche: elle nous demande toujours d'accueillir des migrants, de montrer une solidarité et des possibilités d'accueil envers des personnes en difficulté. On sait tous les problèmes que rencontre le canton actuellement pour trouver des structures suffisantes pour les réfugiés, en particulier ceux provenant de Syrie. Nous avons là une proposition tout à fait concrète, celle d'installer, de donner un lieu adéquat à ces migrants... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...c'est-à-dire l'Usine, haut lieu où d'ailleurs se sont préparées quelques manifestations, nous a-t-on dit, de «No borders», «No frontières», enfin, d'associations qui ont occupé à une certaine époque le centre culturel du Grütli. Ce serait donc tout à fait logique qu'au lieu que ce soit le centre du Grütli qui accueille ces migrants, on les accueille au sein de l'Usine. Ça montrerait aussi une volonté de partage, d'ouvrir son coeur aux personnes en difficulté. Nous comprenons donc très mal qu'il y ait une opposition face à cette proposition et qu'on ne veuille pas y donner suite. A notre sens, ce serait quelque chose de tout à fait précis, un engagement de l'Usine et d'autres personnes. Nous sommes surpris que le collectif de l'Usine n'ait pas lui-même proposé d'accueillir ces migrants du fait qu'ils disposent d'un nombre quand même considérable de mètres carrés et qu'ils ont la possibilité d'héberger ces personnes. Pour le MCG, ça paraît tout à fait normal qu'on fasse ce genre de choses. Nous vous demandons donc de soutenir la présente motion.
M. Bernhard Riedweg (UDC). Est-ce que la culture doit être prioritaire par rapport à l'accueil de réfugiés ? On pourrait se poser la question si ce lieu de culture qu'est l'imposant bâtiment de l'Usine, administré par son collectif sous la forme d'un centre alternatif autogéré ayant un statut non lucratif - lieu qui connaît souvent des débordements tant bruyants que musclés - pourrait être affecté partiellement à accueillir des familles de réfugiés et de requérants d'asile déboutés. Cela demanderait des travaux conséquents. Cette motion suggère un compromis consistant en la transformation du bâtiment de l'Usine, propriété de la Ville, qui abriterait alors d'une part au rez-de-chaussée des locaux destinés à des manifestations culturelles - où seraient exploitées également des buvettes - et d'autre part aux deux étages supérieurs des logements occupés par des migrants. (Remarque.) Les motionnaires estiment que cela contribuerait à diminuer les risques de débordements et permettrait de loger une petite partie des 5,9% de réfugiés attribués à notre canton. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Le voisinage, qui recherche le calme nocturne, verrait d'un bon oeil la fermeture de l'Usine, qui est affectée à la culture alternative, regroupe actuellement 18 associations et engendre des incivilités et des nuisances sonores du fait de noctambules alcoolisés se manifestant bruyamment au petit matin. Les habitants de ce quartier préféreraient-ils les nuisances de l'Usine à une population importante de réfugiés dans ce quartier ?
La réquisition par le Conseil d'Etat de ce lieu de culture pour l'attribuer à des immigrants ne peut être envisagée pour l'heure et cela même pas sur la base d'un règlement provisoire. Pour ce faire, il faudrait qu'une loi soit déposée, car il s'agit d'une procédure d'expropriation qui répond à des règles particulières relevant du droit fédéral. L'Union démocratique du centre vous demande de ne pas entrer en matière sur cette motion car elle est irrationnelle; de plus, une cohabitation est irréaliste à l'Usine car le temps de réalisation des travaux de transformation serait trop long; enfin, la Ville de Genève s'investit déjà beaucoup pour l'accueil des migrants au travers de la gérance immobilière. Merci, Monsieur le président.
M. Patrick Saudan (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, hier, nous avons traité une proposition de motion qui nous demandait d'édifier des logements sur le golf de Cologny. Aujourd'hui, nous en avons une qui nous demande d'installer des réfugiés à l'Usine. Qu'est-ce que nous aurons demain ? Une proposition de motion pour construire par exemple la patinoire sur le parvis de la cathédrale ? (Exclamations.) Une proposition de construire le nouveau dépôt des TPG dans le parc des Eaux-Vives ? Mesdames et Messieurs les députés, on peut s'amuser à faire un florilège des motions les plus incongrues, mais je crois qu'il faut savoir raison garder et faire correctement notre travail. Au PLR, nous avons une unité de doctrine: nous ne déposons pas de textes qui n'ont pas d'unité de matière, comme celui-ci qui mélange deux thèmes dépourvus de tout lien, celui des réfugiés et celui de l'Usine; nous ne déposons pas de textes juridiquement irrecevables, comme celui-ci, et enfin nous ne déposons pas de textes politiquement irréalisables. (Remarque.) C'est pourquoi vous comprendrez que le PLR n'entrera pas en matière sur ce texte.
M. Jean-Luc Forni (PDC). Le parlement genevois va bientôt se prononcer sur une modification de la loi sur l'asile acceptée par la commission des affaires sociales, qui permettrait dans ce cas de figure peut-être à l'Etat de Genève ou à l'Hospice général de réquisitionner des bâtiments communaux d'intérêt public ou appartenant aux collectivités. Potentiellement, ce cas de figure pourrait devenir réalité un jour ou l'autre. Mais soyons sérieux, je crois que la situation dans le domaine de l'asile est en train de se détendre - peut-être provisoirement - et que d'autres possibilités pourront être utilisées par l'Etat de Genève avant de réquisitionner des hauts lieux de la culture. Mon collègue Saudan vient de le dire, on pourrait tout à fait installer un village de tentes de réfugiés sur le golf de Cologny ou sur la plaine de Plainpalais, ou au Grand Théâtre, effectivement; on pourrait réquisitionner le Grand Théâtre ou le Victoria Hall...
Une voix. Ou les arbres de Plainpalais !
M. Jean-Luc Forni. ...mais soyons sérieux, évitons la provocation et donnons à ce grave problème des réfugiés toute la considération et le respect qu'il mérite. Je vous remercie.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, cette motion pourrait être une plaisanterie, si ce n'est qu'elle ne prête pas à rire. Par la voix du rapporteur de minorité, le MCG évoque l'hospitalité, la générosité, belles choses s'il en est, mais en fait, on a l'impression que le MCG règle ses comptes avec l'Usine. S'il ne s'agissait que de réquisitionner des lieux culturels pour loger des réfugiés, pourquoi n'avoir pensé qu'à l'Usine ? Cela vient d'être dit, il y avait d'autres lieux, on en a évoqué quelques-uns en commission. (Remarque.) Donc, finalement...! Mais le MCG et l'UDC sont prêts à héberger des réfugiés, ça, c'est la seule bonne nouvelle de tout ce processus. Le problème est que pour cela, ils demandent simplement qu'on expulse les activités de l'Usine des locaux qu'elle occupe. Cela n'est pas acceptable. En effet, quel est le titre de cette proposition de motion ? «Pour une Usine accueillante, humanitaire et ouverte sur le monde». Peut-on dire qu'aujourd'hui, l'Usine n'est pas accueillante, humanitaire, ouverte sur le monde ? Eh bien si, c'est le cas, nous l'affirmons. Laissons l'Usine remplir son office, laissons l'Etat essayer de trouver des réponses au problème lancinant de l'accueil des requérants d'asile. Nous vous invitons à soutenir ce qu'on vous proposera, lorsque le moment sera venu, et à faire en sorte que les conditions de logement des requérants d'asile soient améliorées, mais pas au détriment d'autres. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme la députée Marie-Thérèse Engelberts pour une minute trente.
Mme Marie-Thérèse Engelberts (HP). Merci, Monsieur le président. Face à cette motion, j'hésite entre un gag du 1er avril d'un côté, et d'un autre, à prendre au sérieux la proposition et à analyser les responsabilités respectives des communes et du canton. Mais j'hésite aussi entre la provocation et, peut-être plus grave, le cynisme, qui s'adresse aussi bien aux jeunes, qui participent à la culture alternative - heureusement - qu'aux migrants qui ont vécu mille et une vicissitudes. Je trouve cela affligeant. Finalement, pourquoi n'avez-vous pas pensé aux différents bureaux qui sont libres, dans notre ville de Genève et dans le canton ? Je crois qu'il y en a beaucoup, et vous êtes bien placés pour nous dire lesquels sont libres ! (Remarque.) Sur un tel sujet, il aurait été courageux de votre part de faire preuve d'une certaine élégance. Je crois que vous l'avez oublié. Je vous remercie, Monsieur le président.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, on l'a dit, mais je le répète rapidement, cette motion oppose un lieu culturel ouvert à un jeune public au besoin d'hébergement des personnes qui demandent l'asile. Elle mélange des débats qui ont eu lieu au Municipal de la Ville de Genève et de pseudo-compétences du Grand Conseil. Pour moi, elle montre la vision du MCG sur la gestion publique: opposer des populations, régler des comptes vis-à-vis des groupes et des entités qui ne sont pas d'accord avec ses thèses, en essayant ici de passer en force alors que le droit ne le permet pas. J'aimerais à ce propos citer une phrase du rapport: «M. Poggia indique qu'aujourd'hui le Conseil d'Etat ne peut pas réquisitionner l'Usine, même sur la base du règlement provisoire. Il explique qu'il faudrait qu'une loi soit déposée pour le faire, car il s'agit d'une procédure d'expropriation qui répond à des règles très particulières, et que cela relève du droit fédéral.» A ce jeu-là, je pourrais ajouter: oui, on pourrait profiter des travaux du Grand Théâtre pour que le Grand Conseil aille siéger là-bas, et comme on aura des travaux ici, on pourrait prévoir que l'Hôtel de Ville serve à héberger des requérants d'asile, etc. Toujours est-il que c'est dommage, et dommageable, d'utiliser à travers un texte tel que celui-ci les besoins de populations qui ont vécu, comme il a aussi été dit, des guerres, des conflits, et qui recherchent paix et asile; c'est à ça qu'on doit penser et c'est pour ça qu'on doit être prêt à entrer en matière sur le projet de loi qui est en cours d'étude en commission, pour octroyer une place respectable et respectée aux gens qui viennent demander asile chez nous et dont les conditions de vie sont impossibles. Mesdames et Messieurs, le parti socialiste vous demande bien évidemment de rejeter cette motion.
Mme Frédérique Perler (Ve). Pour le groupe des Verts, je dirai que bien évidemment nous partageons largement ce qui a été dit jusqu'ici en opposition à cet objet. En effet, le titre trompeur de cette proposition de motion recouvre beaucoup de cynisme, ce qui est parfaitement navrant. Ce texte oppose deux populations, on l'a déjà dit, celle du monde culturel et celle des réfugiés; ce n'est pas correct de la part du MCG. Nous dire que cette motion propose une solution simple alors qu'elle est simpliste, nous faire croire qu'elle propose des solutions alors que celles-ci sont impraticables, juste pour faire parler d'eux, sourire et s'amuser... Le moins qu'on puisse dire, c'est que le MCG n'a vraiment peur de rien, tout est fait pour qu'on parle de lui. Les arguments du rapporteur de minorité sont vraiment peu convaincants et ne sont que pure provocation. Ma foi, nous, le groupe des Verts, constatons que ce n'est pas la contradiction qui les étouffe. Je vais m'arrêter là car je crois, Monsieur le président, que ce serait une très bonne chose que l'on puisse voter sur cette motion et passer à un autre texte. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme la députée Danièle Magnin. (Le micro de Mme Danièle Magnin ne s'enclenche pas.) Utilisez le micro de M. Voumard ! (Mme Danièle Magnin essaie le micro de M. Jean-Marie Voumard, qui ne s'enclenche pas non plus. Mme Danièle Magnin se déplace vers un autre micro qui marche. Exclamations.)
Mme Danièle Magnin (MCG). Super, merci beaucoup ! Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous savez que j'ai ce qu'on appelle une double casquette: je suis conseillère municipale de la Ville de Genève... (Exclamations.) ...et cela depuis dix ans ! Depuis dix ans, j'ai siégé notamment à la commission des pétitions, et j'ai traité, comme les autres commissaires, et comme tout le Conseil municipal, des doléances des gens qui habitent tout autour de l'Usine. Il me revient le sang, l'urine, les défécations dans les allées, il me revient tout le bruit, il me revient aussi cette masse de gens tout au bord de l'eau, prête... peut-être pas à prendre feu, mais à monter les tours un peu rapidement. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Dans le fond, l'Usine était bien une usine, elle comporte toute sorte d'espaces et de locaux; certains de ces locaux sont utilisés pour être des ateliers, d'autres sont des lieux de concert, de restauration et de boisson: il me semble que cela peut effectivement être transformé en logements. (Remarque.) Pour les personnes qui devraient être relogées, j'aimerais dire que, puisque Mme Salerno, conseillère administrative de la Ville de Genève notamment chargée du logement et des finances, a pu reloger tous les gens qu'elle a virés... (Remarque.) ...des ateliers de la rue du Vélodrome... (Remarque.) ...et tous ceux qu'elle a virés des Grottes, elle pourrait sans doute reloger les gens qui se trouvent à l'Usine. C'est pour ça que, vu aussi que la plaine de Plainpalais est en train d'être complètement restructurée par M. Pagani - nous nous exprimerons d'ailleurs à ce sujet... (Commentaires. Le président agite la cloche.) ...à propos des arbres de la plaine de Plainpalais, ce week-end - je vous suggère pour ma part de mettre les réfugiés à l'Usine... (Commentaires.) ...et les gens s'adonneront à leur art dans des salles provisoires que l'on pourrait sans aucune peine édifier sur l'immense espace désertique et rose de la plaine de Plainpalais... (Commentaires.) ...vu que tout le milieu ne sert strictement plus à rien depuis que c'est devenu le gorrh de Pagani. (Remarque.) Je vous invite, bien entendu, à voter cette motion, merci !
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Marc Falquet pour une minute.
M. Marc Falquet (UDC). Merci, Monsieur le président. C'est bizarre, la position de la gauche: elle a refusé l'audition des milieux alternatifs et de l'Usine ! Je suis sûr que les milieux alternatifs seraient favorables à une telle proposition. Vous nous faites un procès d'intentions; c'est vous qui avez les idées de travers, ce n'est pas nous ! Nous, nous avons accepté en commission d'auditionner l'Usine, c'est la gauche qui a refusé; alors il ne faut pas venir nous raconter des histoires. Concernant le fait de placer un centre de migrants dans la cathédrale Saint-Pierre: non, en effet, non, par contre on pourrait déposer une proposition de motion pour rendre la cathédrale à l'Eglise catholique ! Ça, ce serait une proposition qu'on pourrait déposer. (Commentaires. Le président agite la cloche.) Concernant l'accueil de l'Usine, je m'excuse, mais lorsque nos enfants se déplacent à l'Usine, ils sont très bien accueillis, il y a au moins cinquante dealers aux alentours qui les accueillent en toute impunité le vendredi et le samedi...
Le président. C'est terminé, Monsieur le député !
M. Marc Falquet. C'est ça, le véritable problème ! Merci beaucoup. (Commentaires.)
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Eric Stauffer pour une minute trente.
M. Eric Stauffer (HP). Merci, Monsieur le président. (Brouhaha.)
Le président. Un instant, Monsieur le député ! (Le silence se rétablit.) Vous pouvez poursuivre.
M. Eric Stauffer. Mais quel silence religieux ! Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion, bien que très provocatrice et, je dirais même, infantile à certains égards, évoque deux problématiques. Evidemment, il faut la refuser, parce que si on l'accepte, le problème qui va se poser, c'est qu'on va causer à nouveau des manifestations et des déprédations dans notre canton. Cependant - et c'était l'unique but de mon intervention - j'invite le Conseil d'Etat à bien réfléchir et à essayer de régler les deux problématiques: celle des réfugiés, qui est un vrai problème, et celle de l'Usine. Je ne vais pas vous rappeler que le commerce dont j'étais actionnaire - je ne le suis plus - a été détruit neuf fois en quatorze mois, ce qui est parfaitement inacceptable; que des gens veuillent faire entendre leur point de vue, je pense que c'est très bien, ça fait partie de la démocratie, mais qu'on vienne s'en prendre au bien d'autrui, peu importe qui c'est - que ce soit le Grand Théâtre avec de l'huile de vidange ou un commerce - ça, c'est inacceptable. Et j'invite le Conseil d'Etat à bien réfléchir et à se demander si le lieu de l'Usine est bien approprié à la culture alternative. Evidemment, politiquement, il faudrait avoir le courage de déplacer ce lieu; je n'ai jamais été contre la culture alternative, mais peut-être pas à cet endroit-là. J'aimerais rappeler que les deux seuls politiciens - chacun à son niveau, bien entendu - qui ont été fustigés et qui étaient cités dans les tags sur les murs sont le conseiller d'Etat Pierre Maudet et moi-même, parce que nous avons osé...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Eric Stauffer. Je vais conclure. ...parce que nous avons osé dire que peut-être l'Usine n'était pas au bon endroit. Mais je vous demande simplement de réfléchir: est-ce que pour le bien de nos concitoyens et la sérénité du centre-ville, ce lieu est approprié ? J'ai terminé.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de minorité. On voit que le politiquement correct est encore très majoritaire dans cette assemblée. On ne veut pas soulever des questions importantes. Il est tout à fait logique d'envoyer des migrants sous des écoles - selon quelle logique ? Peu de personnes appartenant au monde politique crient là-contre, alors que quand on fait une demande comme celle-ci, qui est somme toute très modeste, parce qu'il ne s'agit pas de vider l'Usine pour y placer des migrants, mais simplement de demander à l'Usine de faire preuve d'un esprit d'accueil, une valeur tout à fait humaniste... (Commentaires.) ...qui est tout à fait dans la tradition de notre civilisation... On peut les accueillir de manière modérée, parce qu'un accueil modéré est toujours la meilleure des choses, il ne s'agit pas d'un accueil massif, nous n'avons jamais demandé un accueil massif à l'Usine, nous avons demandé un accueil modéré. Nous remarquons qu'apparemment, tous les groupes sauf le MCG s'opposent à un accueil modéré de migrants dans ce lieu-là. (Commentaires.)
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. François Baertschi. Merci, Monsieur le président. Nous serons donc très curieux de voir la suite des prises de position de chacun de ces groupes quand il s'agira de dire - car c'est la porte ouverte au fait de ne pas accueillir de migrants... On peut dire aux Genevois: n'accueillez pas de migrants, puisqu'on ne veut pas faire un minimum d'efforts à tous les niveaux. On ne peut que donner raison aux habitants de toutes les communes...
Le président. C'est terminé, Monsieur le député.
M. François Baertschi. ...qui refusent d'avoir des migrants. C'est ainsi que je comprends...
Le président. C'est terminé, Monsieur le député !
M. François Baertschi. Merci, excusez-moi. Je serais intarissable, mais je me tairai selon votre injonction.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Le rapporteur de majorité veut-il s'exprimer ? (Remarque.) Vous avez une minute vingt.
M. Christian Frey (S), rapporteur de majorité. Ce sera amplement suffisant, Monsieur le président, merci. Ce texte mélange deux problèmes qui sont réels à Genève: d'une part le fait d'avoir des lieux actifs dans le domaine de la culture - l'Usine en fait partie, et de plein droit; il faut absolument non seulement la maintenir, mais aussi lui donner les moyens d'animer - d'animer ! - cette ville qui du reste a un côté calviniste trop prononcé. Par ailleurs, le canton de Genève, la ville et toutes les communes genevoises doivent contribuer à accueillir des personnes qui ont dû fuir leur pays, des réfugiés, des familles, mais aussi des personnes seules. Dans le cadre de ce texte, on mélange ces deux thèmes qui tous deux sont capitaux pour notre République et canton de Genève. C'est en raison de ce mélange qu'il faut clairement le refuser. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je salue la présence à la tribune de nos anciens collègues MM. Etienne Membrez et Jean-Claude Dessuet. (Applaudissements.) Mesdames et Messieurs les députés, la parole n'étant plus demandée, je vous invite à voter sur cette proposition de motion.
Mise aux voix, la proposition de motion 2298 est rejetée par 59 non contre 11 oui et 3 abstentions.