Séance du
vendredi 25 novembre 2016 à
16h
1re
législature -
3e
année -
10e
session -
56e
séance
M 2165-A
Débat
Le président. Ce point est classé en catégorie II, avec quarante minutes de temps de parole. Les rapporteurs de majorité et de minorité sont remplacés respectivement par MM. Romain de Sainte Marie et Bertrand Buchs. Monsieur de Sainte Marie, vous avez la parole.
M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Je remplace - un peu au pied levé - M. Deneys pour le rapport de majorité sur cette proposition de motion étudiée par la commission de l'économie il y a déjà un certain temps. Je dois d'abord dire aux députés qu'il est important d'observer que les invites de la motion ont été complètement modifiées par un amendement général. Ces invites se trouvent aujourd'hui à la page 43 du présent rapport de majorité.
Concrètement, ce texte résulte de problèmes croissants liés aux commerces de dépannage dits «dépanneurs». La question a été soulevée à juste titre par le MCG et entendue par une majorité de la commission, même si les invites ont été considérablement voire complètement modifiées... (Brouhaha.) Ce bruit est assez désagréable ! (Le président agite la cloche.) Les différentes associations des Pâquis comme l'ADEP et la SURVAP ont fait un recensement: aujourd'hui, dans ce quartier, on compte plus de 47 dépanneurs ! Même si le quartier a une densité extrêmement importante en habitants, cette densité est sans rapport avec un nombre aussi élevé de dépanneurs ! Cette croissance est assez fulgurante, puisque, toujours d'après ces mêmes habitants des Pâquis, chaque fermeture de commerce dans le quartier est suivie de l'ouverture d'un dépanneur, ce qui est difficile à comprendre. On a pu le voir lors des diverses auditions: même M. le conseiller d'Etat Pierre Maudet s'étonnait d'une telle croissance, avec des chiffres d'affaires qui laissent perplexe et dont on a du mal à comprendre en vérité comment et où ils sont réalisés. C'est une des problématiques concernant ces commerces, parmi d'autres. Il y a d'une part les importantes ventes d'alcool effectuées après 21h - donc de façon illégale... (Brouhaha. Le président agite la cloche. Un téléphone portable sonne.) Et il y a un téléphone qui sonne !
Une voix. Réponds !
M. Romain de Sainte Marie. Bertrand, réponds ! On peut se poser des questions sur cette loi interdisant la vente d'alcool après 21h, acceptée en votation populaire, et considérer qu'aujourd'hui, il y a peut-être, et même certainement, un manque de lieux de vie nocturne qui pousse toujours beaucoup de personnes, des jeunes principalement, à aller chercher de l'alcool chez ces dépanneurs.
De plus, je l'ai relevé avant, il est surprenant de voir que les arcades d'artisans ferment à cause de loyers excessivement élevés pour ce quartier, des loyers qui augmentent encore, pour être remplacées par ces dépanneurs qui, étrangement, arrivent à réaliser des chiffres d'affaires très élevés et peuvent payer ces loyers et se permettre de s'installer aux Pâquis, malgré le nombre déjà très important de commerces similaires. Cela pose véritablement la question du blanchiment d'argent effectué par un grand nombre de ces dépanneurs, sans qu'on veuille en faire le procès, puisqu'on ne peut en être sûr.
On le voit, il y a un problème lié à la vente d'alcool après 21h, à cause des diverses nuisances que cela peut entraîner dans le quartier. Il y a aussi le problème du blanchiment d'argent, et encore celui du travail en famille, avec ces commerces ouverts sans limitations horaires, dans le cadre du travail familial. Comment savoir s'il s'agit bien de la famille qui travaille ? Pierre Maudet l'avait soulevé en commission, il y a même des problèmes de travail au noir et de traite d'êtres humains dans ces commerces ! On le voit, il y a un problème général autour de ces commerces.
Par conséquent, une majorité de la commission, sous l'impulsion des socialistes, a décidé de modifier les invites. Reprises, ces invites vont désormais dans le bon sens. Le rapporteur de minorité disait que beaucoup avaient prétendu que cela ne mangeait pas de pain: c'est bien vrai, Monsieur le président ! Cela ne mange pas de pain, en effet, de sensibiliser les propriétaires d'immeubles et les régies au thème de la cohésion sociale du quartier et à la nécessité de favoriser les commerces de proximité, avec des artisans boulangers, des coiffeurs, des teinturiers. Il s'agit de donner aux différents corps de gendarmerie les moyens d'intervenir sur place, de répertorier les personnes qui travaillent dans ces commerces - cela concerne l'aspect du travail au noir et de la traite d'êtres humains, qui est extrêmement important aussi. Je dirai qu'il s'agit aussi de donner tous les moyens nécessaires pour contrôler les types d'activités, afin de résoudre ces problèmes. C'est pourquoi la majorité de la commission vous invite à voter cette motion telle qu'amendée à la commission de l'économie.
M. Bertrand Buchs (PDC), rapporteur de minorité ad interim. La minorité vous demande de refuser cette proposition de motion, simplement parce qu'elle ne mange pas de pain, comme l'a très bien dit le rapporteur de majorité. Cette motion était toutefois intéressante à étudier en commission, pour voir les problèmes qui pouvaient se poser. Le problème principal, c'est le blanchiment d'argent. Est-ce que ces commerces de dépannage sont là uniquement pour blanchir de l'argent sale ? Est-ce qu'ils emploient des gens au noir ? Est-ce qu'il y a une traite d'êtres humains ? Nous sommes extrêmement inquiets par rapport à ce genre de choses, mais je pense que le département de M. Maudet a compris le problème et ce département a déjà les moyens pour intervenir. Le département ne va pas attendre que le parlement vote une motion pour intervenir par rapport à ce problème qui est bien connu. C'est à lui de le faire ! Cela a été discuté, les problèmes ont été mis en avant et le département de M. Maudet intervient.
On ne pouvait pas voter cette motion telle quelle parce que les premières invites allaient à l'encontre de beaucoup de lois fédérales et du droit supérieur. Il a donc fallu écrire d'autres invites et proposer un amendement général. Or, une des invites va quand même encore contre la loi fédérale sur la protection des données: ce n'est pas acceptable pour la minorité. Nous, nous faisons confiance au conseiller d'Etat, M. Maudet, et à son département. Il est déjà bien au fait de ce problème, il fait attention à tous ces problèmes d'ouvertures de magasins et de dépanneurs. Il n'y a pas besoin de rappeler au Conseil d'Etat ce qu'il doit faire !
Mme Sarah Klopmann (Ve). Je ne suis pas d'accord de dire que cette motion ainsi amendée ne mange pas de pain. Au contraire, elle mange du pain, mais du mauvais pain, un pain aux relents de préjugés et d'a priori. Déjà, on demande de lutter contre la présence de commerces qui pourraient servir de paravents à des activités illicites, illégales, en ayant évidemment bien admis que ces commerces-là, ce n'étaient que les dépanneurs de quartier. Il y a donc un énorme préjugé, avec un argument qui catégorise a priori certains commerces avec beaucoup plus de suspicion que d'autres commerces. On ne sait pas pourquoi, mais de manière inégalitaire, on affirme que dans ces commerces-là il y a plus de trafic que dans les autres.
Ensuite, on voudrait aussi répertorier l'ensemble des personnes qui travaillent dans ces commerces. Là, c'est encore pire, parce qu'en plus de juger - a priori - que des commerces sont illégaux, on décide aussi de ficher soudainement l'employé d'un dépanneur, alors qu'on ne déciderait jamais de ficher des employés de cinémas ou de restaurants ou autres. Je suis complètement surprise que les socialistes décident de ficher des employés qui travaillent dans un certain type de commerces, parce qu'ils ont des préjugés sur lesdits commerces ! Oui, évidemment, la police doit lutter contre tous les commerces qui servent de paravents à des activités illégales ou qui blanchissent de l'argent. C'est logique ! Toutefois, la seule chose qu'il faudrait faire, c'est aller dans tous les commerces dans lesquelles la police a jugé qu'il y avait peut-être un problème en suivant certains critères connus d'elle et pas simplement en se reposant sur des jugements à l'emporte-pièce pour décider que tel ou tel commerce est problématique. La traite d'êtres humains aussi est quelque chose d'extrêmement grave, mais il faut simplement que la brigade puisse aller travailler là où cette traite d'êtres humains a lieu et pas qu'elle perde son temps dans les commerces que nous, Grand Conseil, lui aurons indiqués comme cibles.
Surtout, j'ai un peu de mal à comprendre comment on peut dire en même temps que ces commerces posent problème puisqu'ils génèrent du bruit et du va-et-vient parce qu'il y a trop de clientèle, et qu'il est étonnant qu'ils parviennent à payer leurs loyers alors qu'il n'y a jamais de clients et que ceci serait la preuve qu'ils blanchissent de l'argent ! Il faudrait savoir: soit il y a trop de clients et ça dérange, soit il n'y en a pas et il y a éventuellement blanchiment d'argent ! En tout cas, affirmer les deux en même temps me paraît fallacieux ! J'aimerais encore dire en tant qu'ancienne habitante des Pâquis que ces commerces de dépannage m'ont toujours été très utiles. Je les utilisais souvent et ils animaient les rues, ce qui ne me déplaisait pas quand je rentrais toute seule le soir !
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Pierre Vanek (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, cette motion nous pose quelques difficultés. D'abord, elle met en effet le doigt sur un problème réel et nous soutenons la position des représentants de la SURVAP qui ont été entendus en commission et qui ont dit les ennuis que posait la prolifération de dix, vingt, trente, quarante voire cinquante de ces dépanneurs. Ils représentent le degré zéro du commerce, avec des cigarettes, de l'alcool et deux ou trois trucs qui ne servent pas à grand-chose; le degré zéro du commerce auquel nous ramènent en quelque sorte l'exercice de la libre concurrence et la main du marché en la matière ! Eux ont plaidé au nom des habitants pour des commerces de proximité: un boucher, un charcutier, un teinturier, un boulanger. C'est une situation un peu idyllique et villageoise qu'il faudrait défendre, mais qui ne sera pourtant pas défendue par les mesures proposées dans cette motion.
Ce qu'il faudrait faire, c'est aller à l'encontre de ce degré zéro du commerce auquel on arrive par la concurrence: il faudrait en effet tordre un peu le bras - de manière démocratique - à la liberté du commerce et de l'industrie... (Commentaires.) Il faudrait un peu planifier cela, il faudrait que la Ville ait le tiers ou la moitié des arcades à disposition dans le quartier, qu'elle mette la main dessus, par des moyens légaux bien sûr ! Que ces arcades soient à disposition de la municipalité et qu'un conseil de quartier débatte de ce qu'il faut comme commerces, qu'on décide de manière collective comment doivent être peuplées ces rues. Il y a un réel problème et cette motion a le mérite de mettre le doigt dessus.
On écrit premièrement que le Conseil d'Etat doit «mieux contrôler [ces] établissements»: bah, bien sûr, avec la première invite, on peut demander au Conseil d'Etat de mieux contrôler ces établissements. «Sensibiliser les propriétaires d'immeubles [...] à la problématique de la cohésion sociale du quartier et à la nécessité de favoriser la présence de commerces» diversifiés: ça, sur la sensibilité des propriétaires immobiliers au fait qu'ils devraient louer leur bien immobilier en fonction du bien commun, ça, Mesdames et Messieurs les députés et Monsieur le rapporteur du PS, c'est un rêve, c'est un mythe ! Non, il ne faut pas les sensibiliser, les propriétaires immobiliers, il faut un tout petit peu - pour le moins - les pousser ! Et si possible les contraindre pour mettre leurs biens au service du bien commun ! Ensuite, sur les «moyens ad hoc» et les «tenues adaptées aux différents corps de gendarmerie»: non, sérieusement, Mesdames et Messieurs les députés, là, on sombre dans le «tatillonnage» un tout petit peu excessif. Moi, je pense que Pierre Maudet, avec toutes les qualités et les défauts que je lui prête régulièrement, est en mesure de résoudre le problème des tenues adaptées des agents des différentes polices pour qu'ils fassent leur travail !
Le président. Trente secondes, Monsieur le député !
M. Pierre Vanek. Ce n'est pas forcément à notre parlement de se préoccuper des tenues, des barbes, des moustaches ou des plumes que se mettent ici ou là les corps de police. Maintenant, la dernière invite, ça ne va pas ! «Lutter contre la présence de commerces dont les activités pourraient servir de paravent à des activités illicites et/ou illégales.» Mesdames et Messieurs, mais qu'est-ce que c'est que cette attaque frontale contre le secteur bancaire ?
Le président. C'est terminé, Monsieur le député.
M. Pierre Vanek. Contre les traders ! Contre...
Le président. C'est terminé, Monsieur le député ! (Commentaires.)
M. Pierre Vanek. Bon !
Une voix. Bonne nuit !
M. André Pfeffer (UDC). D'une part, les considérants de cette motion sont tout à fait légitimes, une pétition en a attesté. Deux associations nous disent que le quartier des Pâquis s'enfonce: il y a de plus en plus d'insalubrité et, avec l'augmentation des ventes d'alcool, de gens qui boivent dans la rue; l'ambiance est de plus en plus mauvaise. D'autre part, cependant, les invites posent problème. Comme le disent les opposants, elles sont partiellement redondantes et contraires au droit supérieur. Heureusement, le Conseil d'Etat est déjà intervenu. Sans surprise, il connaît la situation et, comme toujours, a déjà prévu de mettre en vigueur l'une des invites. Est-ce une forme de communication ou une marque de fabrique ? Le groupe UDC ne le sait pas, mais salue avec grande satisfaction cette réactivité ! Pour terminer, le groupe UDC trouve tout à fait légitimes les considérants de cette motion et aussi tout à fait légitimes les arguments des opposants, mais grâce à la réaction du Conseil d'Etat, le groupe UDC accepte cette motion. Il l'accepte également suite à l'amendement socialiste créant de nouvelles invites. Cette motion permettra au Conseil d'Etat de découvrir ce problème encore un peu plus et, de ce fait, le Conseil d'Etat prendra certainement une mesure supplémentaire.
M. Roger Deneys (S). Je remercie M. de Sainte Marie d'avoir pu pallier mon absence provisoire dont je vous prie de m'excuser - nous siégions à la CEP, juste à côté. J'aimerais quand même relever deux choses ici. D'abord, aujourd'hui, est-ce que la situation est satisfaisante aux Pâquis ? La réponse est non, la réponse est clairement non ! En commission, à la question de savoir si l'existence de ces épiceries posait problème, on a entendu le maire de Genève, M. Barazzone, nous répondre - page 32 du rapport - «que ce n'est pas le cas et qu'il faut simplement agir en cas de besoin, ce qui se fait actuellement». Tout va très bien, Madame la marquise: voilà la réponse de M. Barazzone ! Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, j'espère que notre Grand Conseil sera un peu plus lucide quant à la situation actuelle aux Pâquis ! Parce que nous avons entendu les commerçants, nous avons entendu les habitants et il ne s'agit pas d'auditions qui datent d'il y a trois ans, il s'agit d'auditions relativement récentes; et c'est bien parce que les problèmes persistent que cette motion a été amendée. Alors on peut critiquer, évidemment, la forme de l'amendement qui a été formulé, trouver qu'il est peut-être ambigu et qu'il stigmatise l'ensemble de ces commerçants - ce qui n'est pas le cas - mais ce qui est clair, c'est qu'en commission, les Verts ont voté cet amendement et ont voté cette motion amendée pour de bonnes raisons. On sait qu'aujourd'hui la situation n'est pas satisfaisante et il faut encourager le Conseil d'Etat à agir davantage.
Concernant le fait de répertorier les employés, ça ne tombe pas du ciel, Mesdames et Messieurs les députés ! Aujourd'hui, cette disposition vient du fait que ce sont les entreprises familiales qui peuvent ouvrir jour et nuit. Donc, si vous ne vérifiez pas l'existence de familles supposées gérer ces commerces, eh bien, ils ne doivent pas être ouverts ! Réponse du conseiller d'Etat Maudet ? Ah, c'est compliqué de vérifier l'identité des Chinois... (Rires.) Ça figure aussi dans le rapport, à la page 37 ! C'est la réponse du Conseil d'Etat aujourd'hui, pour faire appliquer la loi ! C'est tout simplement surréaliste ! Le conseiller d'Etat Maudet a besoin de cette motion pour agir davantage et je vous invite à la voter telle qu'amendée. (Applaudissements.)
M. Pascal Spuhler (MCG). Chers collègues, vous n'êtes pas sans savoir que j'habite dans le quartier qui, justement, compte le plus grand nombre de ces fameux dépanneurs dont on a parlé jusqu'à maintenant. Effectivement, il y a près d'une cinquantaine de ces commerces. La motion ne veut pas dire que tous ces dépanneurs sont malhonnêtes: il faut bien que vous reteniez en premier lieu ce principe. Il s'agit de gens qui travaillent, qui sont corrects, mais, malheureusement, comme dans toute profession, il y a des gens qui ne le sont pas. Et le problème, il est là ! Il y a aussi le problème de la prolifération. A chaque commerce qui ferme, hop, c'est un dépanneur qui apparaît ! Et la problématique est réelle vu que ceux-ci travaillent vingt-quatre heures sur vingt-quatre, comme l'a dit M. Deneys, et, par principe, selon le système de l'entreprise familiale. Je m'étonne que le département ait autant de problèmes pour vérifier, même si ce sont des Chinois, des Afghans ou des personnes d'autres nationalités. Les noms ne sont peut-être pas aussi communs que les nôtres, mais il y a quand même moyen de contrôler si ces gens font partie de la même famille et peuvent effectivement travailler dans ce commerce vingt-quatre heures sur vingt-quatre. La problématique soulevée avec cette motion n'est donc pas à négliger. Le problème est que ces gens-là - certains d'entre eux - sont malhonnêtes: ils vendent de l'alcool toute la nuit, ce qui attire évidemment une faune...
Une voix. Ils vendent à des jeunes !
M. Pascal Spuhler. On me le précise, je le confirme également. Ils vendent donc sans sélection réelle de la clientèle ! Déjà que c'est interdit au-delà de 21h, en plus ils vendent même à des jeunes ! Ça attire une faune assez variée, bigame... (Commentaires.) ...bigarrée, pas bigame, autour de ces commerces ! Ça fait du bruit, ça cause des incivilités et ça empêche les honnêtes gens de dormir ! On se retrouve avec un problème à résoudre aujourd'hui. Comment réussir à contrôler ?
Présidence de Mme Christina Meissner, première vice-présidente
On nous dit que la motion a été amendée, qu'il y a eu un consensus en commission, en tout cas de la majorité, pour amender cette motion et la rendre plus compatible. On nous demande de prévoir des uniformes adaptés, mais je pense que c'est surtout le service du commerce qui doit être adapté puisque ce sont - à la base - les inspecteurs du service du travail qui contrôlent ces magasins. Je voudrais juste vous rappeler qu'à titre personnel, j'ai pu expérimenter des contrôles de nuit avec certains inspecteurs du service du commerce. A l'époque, il y a seulement quelques années d'ailleurs, le chef s'est fait violemment agresser lors d'un contrôle dans un de ces magasins. Ce n'est pas évident, parce que ce ne sont pas des policiers; ce sont des fonctionnaires, qui font leur travail de contrôle. Il faut aussi comprendre que forcément, ils n'ont pas envie d'être tout seuls la nuit, à 3h du matin. Evidemment, s'ils se font accompagner la nuit par la police, c'est beaucoup moins discret. Le département doit peut-être réfléchir aux modes et aux méthodes de contrôle, parce qu'un simple inspecteur fonctionnaire qui va contrôler risque d'être violemment pris à partie. En l'occurrence, le pauvre, j'ai une pensée pour lui, il avait été blessé grièvement.
La présidente. Il vous reste vingt secondes.
M. Pascal Spuhler. Je vais terminer, Madame la présidente. Il doit y avoir une méthode de travail autour de ces commerces afin de contrôler si d'abord les gens qui y travaillent sont de la bonne famille et si, surtout, ces commerces travaillent avec correction et honnêteté.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole au député Carlos Medeiros pour deux minutes.
M. Carlos Medeiros (HP). Merci, Madame... la remplaçante du président, on va dire ! Bon, chers collègues, je suis un peu étonné, même si, sur le principe, il y a quelques soucis, comme je l'ai dit à la commission de l'économie. Quand j'étais à la Ville, j'avais même soutenu la démarche de M. Pagani, parce qu'il essayait de trouver des solutions, ce qui n'est pas simple. D'ailleurs, j'ai vu lors de divers débats M. Maudet le dire lui-même: il n'y a pas de solution et il y a la liberté du commerce. Nous ne sommes pas - heureusement - dans une économie dirigiste: on ne peut pas dire qu'au numéro 6 on va mettre une épicerie et au numéro 8 un boucher. Ça, c'est clair et, pour une fois, je suis assez d'accord avec Mme Klopmann: il y a des préjugés assez bizarres, hein ! Moi, j'habite dans le quartier des Eaux-Vives et je connais des gens qui sont arrivés il y a une vingtaine d'années comme réfugiés, notamment des Afghans. Aujourd'hui, ils travaillent comme des malades, ils ont - entre guillemets - pris l'ascenseur social à force de travailler. Ils vivent sur place, ils mangent sur place, mais ce ne sont pas des dealers, ils ne font pas de transferts d'argent. Quand je vois certaines invites demandant de répertorier les gens qui sont là-dedans, on est où, là ? On va répertorier qui ? Bien sûr qu'il y a parfois des amalgames bizarres, mais il y a des grandes familles !
La présidente. Trente secondes !
M. Carlos Medeiros. Il y a des cousins, il y a des grands-tantes: ils travaillent en famille ! Certes, on peut faire contrôler par le département et les institutions qu'ils sont là pour travailler, mais ne faisons pas d'amalgame avec les honnêtes gens. La plupart sont des honnêtes gens qui travaillent dur pour gagner leur vie !
M. Serge Hiltpold (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, en commission, il y a eu pas mal de débats. Pour notre groupe, cette motion reflète un climat de suspicion; surtout, il y a une incompatibilité avec le droit fédéral, même si on a tenté de la rectifier avec l'amendement général. Je vais prendre les éléments de la motion un par un.
On mélange un peu avec la problématique des arcades pour les artisans et on aimerait la résoudre en interdisant les dépanneurs. Premier élément, il y a un droit de la propriété: ça dérange peut-être la gauche, mais les propriétaires sont quand même libres de louer leur bien à qui ils l'entendent ! On a fait un amalgame assez mauvais: pas forcément tous les propriétaires sont contre les petits commerces. Simplement, c'est leur liberté ! Ensuite, je suis, nous sommes fortement surpris en lisant la quatrième invite, qui demande de répertorier l'ensemble des personnes travaillant dans ces commerces. De la part de la gauche, c'est assez surprenant ! A titre personnel, en tant qu'ancien libéral, j'ai voté contre la loi sur le renseignement, pour la liberté individuelle et le respect de la personne, et je suis assez surpris de voir les partis de gauche qui soumettent dans leur texte l'idée de répertorier l'ensemble des employés. Oui, je suis pour la liberté de commerce, mais je suis aussi pour la liberté des travailleurs et des employés, afin qu'ils puissent exercer leur activité lucrative. Vous pénalisez tout simplement les employés ! Rien que pour ces raisons, je vous invite donc à refuser cette motion.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Je salue à la tribune notre ancien collègue et ancien président du Grand Conseil Pierre Losio. (Applaudissements.) Je passe la parole au député Jean-Luc Forni.
M. Jean-Luc Forni (PDC). Merci, Madame la vice-présidente. Le débat est déjà bien avancé. Le rapporteur de minorité l'a relevé, c'est une proposition de motion qui a eu au moins le mérite de sensibiliser la population sur cette problématique. Maintenant, pourquoi la confiner aux Pâquis ? Si on regarde ce qui se passe dans d'autres quartiers, à l'exemple de Plainpalais et de la rue de Carouge, vous avez probablement la même densité de dépanneurs et il faut bien voir que c'est un phénomène qui est en vogue et qui ne va pas cesser de se développer. Bien sûr, certaines connotations sont attachées à ce type de commerces et ils éveillent des suspicions, mais il faut savoir aussi qu'ils rendent service. Bien sûr qu'il y a des abus en matière de vente d'alcool, mais je crois que, comme on l'a déjà dit, les services de M. Maudet ont pris les mesures nécessaires - comme une meilleure collaboration entre les polices cantonale et municipale - même si elles sont encore insuffisantes et que tout n'est pas réglé. Le service du commerce est réorganisé et rattaché au département de M. Maudet. Peut-être qu'il manque effectivement encore de moyens ? D'autres organisations ont aussi fait des achats tests, notamment des organisations de prévention de l'alcoolisme. Peut-être que c'était juste après l'adoption de l'interdiction de la vente aux mineurs et que tous les dépanneurs n'ont pas été contrôlés. La réponse au problème est donnée actuellement par nos autorités, je crois. Elle n'est peut-être pas encore suffisante, mais on peut leur faire confiance pour intensifier encore les contrôles. Enfin, avec la dernière invite, on a parlé des aberrations vis-à-vis du droit fédéral et du droit sur la protection des données. L'amendement général dit qu'on peut espérer «lutter contre la présence de commerces dont les activités pourraient servir de paravent à des activités illicites et/ou illégales». Je m'excuse, mais c'est bien le rôle de la police dans un Etat moderne; si elle ne le fait pas, on peut se demander qui le fera. Je pense donc qu'il est inutile de le rappeler dans une motion; c'est une des missions de notre police et elle le fait ! Mesdames et Messieurs les députés, pour ces raisons, le parti démocrate-chrétien vous demande de rejeter cette motion.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole au député Roger Deneys.
M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur... Madame la présidente ! Pardon ! Je demande le vote nominal.
La présidente. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Largement, pas de problème. La parole est au conseiller d'Etat Pierre Maudet.
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Merci, Madame la présidente de séance. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais d'abord confirmer que ce sujet constitue une préoccupation depuis plusieurs années. Il est sur l'écran radar de la police et même du service du commerce. L'ennui, c'est que vous parlez ici d'auditions qui ont eu lieu en 2014 - je suis obligé de rappeler le contenu du rapport au préopinant socialiste. Ces auditions ont toutes eu lieu en 2014, à l'exception d'une, celle de M. Barazzone, en janvier 2015. On parle d'une situation rapportée il y a deux ans. Votre rythme fait qu'on discute de ce rapport maintenant, mais j'aimerais souligner ici qu'on parle d'une situation de 2014, basée sur une motion datant de 2013. Lorsqu'on parle d'événements vieux de trois ans, la moindre des choses serait peut-être de faire une mise à jour ! Si vous décidez d'adopter cette motion, je me ferai un plaisir de vous donner les chiffres à jour, qui montreront par exemple que nous avons sensiblement augmenté les contrôles. En 2015, ce ne sont pas moins de 1089 commerces de ce type qui ont été contrôlés sous l'angle de la LVEBA, la loi sur la vente à l'emporter des boissons alcoolisées. Plus de deux cents jours de fermeture ont été décidés. Comme vous le savez, Mesdames et Messieurs les députés, c'est un élément nouveau qui est essentiel: précédemment, lorsqu'on frappait les dépanneurs d'une amende, ceux-ci s'en fichaient, en substance ! Lorsque aujourd'hui on décide de sanctions administratives qui consistent en des fermetures, c'est-à-dire en une interdiction d'exploiter le commerce, avec une gradation, on commence par vingt-quatre heures de fermeture, on poursuit par quarante-huit heures, puis une semaine et on est allé jusqu'à un mois. Lorsqu'il y a un mois d'interdiction de pratique, évidemment que la sanction a un effet assez pédagogique. De ce point de vue, le bouche-à-oreille fonctionnant dans ce milieu-là, nous avons atteint des objectifs tout à fait satisfaisants en 2015 et 2016.
Je rejoins le député Spuhler sur le fait qu'on ne peut pas intervenir sur le nombre de ces établissements: la liberté économique est un principe consacré en droit fédéral et en droit cantonal et nous interdit d'intervenir sur la nature du commerce, un peu comme dans le débat sur la clause du besoin. En revanche, je peux vous assurer qu'aujourd'hui la situation s'est nettement améliorée, les associations de quartier le disent. L'application stricte du principe de l'offre et de la demande fait qu'il n'y a plus besoin d'autant de dépanneurs, dès lors que ceux-ci sont contrôlés strictement en ce qui concerne la vente d'alcool au-delà de 21h, notamment auprès des jeunes, cette question de santé publique étant un point essentiel pour une majorité de ce Grand Conseil.
Un dernier élément ne figure pas dans le rapport puisque je n'ai pas été auditionné à nouveau là-dessus: nous pratiquons avec mon collègue Mauro Poggia ce que l'on appelle des achats tests, comme la loi fédérale nous y autorise. Nous avons fait une conférence de presse là-dessus l'année passée. Ces achats tests se révèlent extrêmement utiles puisque nous avons constaté depuis le début de l'année une décrue substantielle de ces ventes après 21h, ce qui montre que les contrôles produisent leur effet. Finalement, c'est plus praticable que les amendes pécuniaires.
Pour toutes ces raisons, comme il l'avait fait en commission, le Conseil d'Etat vous invite à rejeter ce texte qui, au pire, enfonce une porte ouverte. Au mieux, il sera considéré comme un élément nous permettant de vous rendre un rapport à ce sujet. Par ailleurs, une fois n'est pas coutume, je rejoins M. Vanek sur les considérations vestimentaires relatives au personnel qui effectue les contrôles. Notre souci est d'assurer la sécurité de ce personnel, même si, en principe et par définition, les achats tests sont effectués par des gens en civil. La police peut intervenir, mais l'effet est évidemment limité si elle intervient en uniforme. De notre point de vue, de telles considérations n'ont rien à faire dans ce genre de motion, raison pour laquelle nous vous invitons plutôt à rejeter celle-ci.
La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous rappelle que le vote nominal a été demandé. Le vote est lancé.
Mise aux voix, la proposition de motion 2165 est rejetée par 44 non contre 41 oui et 6 abstentions (vote nominal).