Séance du
vendredi 4 novembre 2016 à
18h
1re
législature -
3e
année -
9e
session -
52e
séance
PL 11564-A
Premier débat
Le président. Nous traitons le point suivant, soit le PL 11564-A, en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de M. Alberto Velasco, à qui je cède la parole.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, ce projet de loi a pour objectif de codifier une profession qui n'était pas réglementée jusqu'à présent. Comme pour toute profession qui offre des prestations à la société, l'Etat doit s'assurer que celles-ci soient convenables et, pour cela, il est normal qu'il exige un certain savoir-faire, édicte des règles et en vérifie la mise en conformité. Voilà pourquoi le Conseil d'Etat a prescrit ces règles et vous les propose dans ce projet de loi.
En commission, certains groupes ont émis l'idée qu'il ne fallait pas réglementer, qu'il fallait laisser s'exercer la liberté du commerce; en l'occurrence, il n'y a pas de problème puisque, comme vous le savez, il n'y a pas de monopole dans cette branche: toute entreprise ou tout citoyen qui veut créer une entreprise en la matière peut le faire. Le Conseil d'Etat demande seulement que ce soit réglementé, que ce soit conforme à la réglementation qu'il dépose ici.
Pour le reste, Mesdames et Messieurs, il s'agit d'un projet de loi très sensible puisqu'il concerne l'activité des pompes funèbres, qui s'inscrit dans un cadre d'hygiène publique, de rites et de traditions hautement sensibles. Il est souhaitable que nos proches, quand ils rendent leur dernier soupir, puissent être enterrés convenablement et dans la dignité qu'ils méritent, ce qui ne s'est pas toujours révélé être le cas dans certaines situations que nous avons connues. Mesdames et Messieurs, je vous invite à voter ce projet de loi.
M. Eric Leyvraz (UDC). Le cimetière et les pompes funèbres, c'est un sujet particulier qui nous touchera tous. Les jeunes n'y pensent évidemment pas trop - c'est si lointain ! - mais pour ma part, à mon âge où l'ombre de la grande faucheuse pointe sur la colline, je me dis: que nous reste-t-il, pauvres mortels, face à l'inéluctable, si ce n'est un peu d'humour et de dérision ? A Genève, depuis des lustres, trois entreprises de pompes funèbres se partagent le gâteau, si j'ose dire, tout ronronne dans le meilleur des au-delàs possibles, dans la tranquillité - il faut en effet reconnaître que, dans ce domaine, le service après-vente est peu sollicité.
Or voilà qu'une entreprise rustique des montagnes neuchâteloises débarque en cassant les prix, en voulant mettre la mort à portée de tous. Branle-bas de combat, on accuse cet intrus de tous les maux: les familles seraient maltraitées, les défunts manqueraient de respect, on voudrait les ensevelir dans des cercueils en carton, c'est tout juste si on ne lui reproche pas de vouloir ressusciter les clients ! On s'aperçoit alors qu'il n'existe pas de règlement officiel pour le métier d'entrepreneur de pompes funèbres, et tout ce qui a si bien marché pendant si longtemps devient tout à coup impensable; vite, une loi, vite !
L'UDC n'est pas contre l'établissement d'un cadre légal pour cette profession singulière, mais on ne nous enlèvera quand même pas de la tête l'idée que cette loi sur la paix des familles et des défunts est surtout là pour enterrer la concurrence; nous restons donc sur un sentiment très mitigé. L'UDC ne montera pas au créneau, elle n'enclenchera pas la vitesse de la contestation, mais elle restera cependant au point mort et s'abstiendra lors du vote.
M. François Lance (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, cette modification de la loi sur les cimetières s'est imposée de par le fait que certaines entreprises de pompes funèbres à bas prix fournissaient des prestations laissant à désirer. Il est donc apparu nécessaire à l'Etat de se doter de moyens permettant de mieux cadrer l'activité des pompes funèbres à Genève. Ce projet de loi vise principalement à soumettre à autorisation l'exploitation des entreprises de pompes funèbres en lieu et place du simple système d'annonce actuellement prévu par la loi. Nous ne pensons pas que ce projet de loi contribuera à protéger les entreprises déjà en place, il s'agit plutôt de prévoir un cadre législatif pour ces sociétés confrontées à la douleur des familles et des proches afin que leurs prestations soient dignes de cette situation.
Il est à noter que, pour les mêmes raisons, le parlement jurassien vient d'accepter une motion demandant au gouvernement de mettre en place un cadre législatif dans ce domaine. Pour le groupe démocrate-chrétien, il est nécessaire d'instaurer un cadre légal afin d'éviter les dérives constatées, qui peuvent choquer à jamais les familles dans le deuil et embarrasser les collaborateurs des cimetières qui assument leur travail correctement. Le groupe démocrate-chrétien votera les deux amendements proposés par le PLR et, en tous les cas, acceptera ce projet de loi.
M. Yves de Matteis (Ve). Je vais simplement ajouter un élément à ce qui a déjà été dit par M. Lance: lors de nos travaux de commission sur ce projet de loi particulièrement bien rédigé, j'ai été très surpris parce que je pensais qu'une telle réglementation existait déjà. A mon sens, ne pas disposer de cadre légal représente un véritable manque s'agissant d'un sujet aussi sensible, à savoir les funérailles, le deuil des familles, et ce manque qui devait absolument être comblé l'a en l'occurrence très bien été par l'administration qui a rédigé ce projet de loi.
En ce qui concerne les deux propositions d'amendements du PLR à l'article 9A, alinéa 3, les Verts accepteront l'ajout mais refuseront par contre la suppression d'une partie du texte. Pour nous, il va de soi que la préoccupation sociale envers les familles mentionnée dans le texte actuel ne consiste pas en un accompagnement social des personnes, il s'agit plutôt d'être sensible à la détresse des proches, par exemple en ne leur enjoignant pas d'acheter des cercueils hors de prix s'ils ont des moyens réduits. Globalement, vous l'avez compris, les Verts accepteront ce projet de loi avec l'amendement du PLR. Merci, Monsieur le président.
Mme Simone de Montmollin (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, le PLR est d'accord sur le fond quant à la nécessité de mieux cadrer ce qui ne l'est pas suffisamment pour l'instant afin de tenir compte des changements qui s'opèrent dans le domaine des pompes funèbres et de pouvoir continuer à assurer aux familles un service digne dans le respect de la déontologie qui sied à ce type d'activité. Dans ce but, le département prévoit de modifier les conditions requises pour exploiter une entreprise de pompes funèbres et de passer du système de déclaration actuellement en vigueur à un système d'autorisation sous conditions, parmi lesquelles figurent celle de disposer d'une formation ou d'une expérience suffisante et celle d'exercer en respectant les règles et usages professionnels. L'Etat devra donc préciser par voie réglementaire les exigences en matière de formation et d'expérience et définir en quoi consistent ces règles et bons usages professionnels afin de pouvoir contrôler leur bonne application et, le cas échéant, sanctionner les contrevenants. C'est pour cela qu'à notre avis, la loi doit être absolument claire à ce propos et ne pas instaurer d'ambiguïté.
Le PLR s'était opposé à ce PL en commission justement parce qu'il manquait de précision sur quelques points et générait un certain flou. Nous avons donc déposé deux amendements; le premier consiste en l'ajout du principe de concertation, car comme il est ici question de donner à l'Etat la tâche de définir la manière dont les professionnels devront exercer leur métier pour pouvoir, le cas échéant, les sanctionner, il est essentiel que ceux-ci soient associés à la démarche de définition de ces bons usages, l'Etat n'ayant pas véritablement de compétences professionnelles en la matière. Voilà pourquoi nous avons déposé cet amendement visant à ajouter la mention de la concertation avec les milieux concernés.
Le second consiste en la suppression d'un amendement adopté en commission qui indique: «Le titulaire de l'autorisation et son personnel doivent exercer leur activité [...] avec une préoccupation sociale envers les familles ou les proches directs». A notre sens, la notion de préoccupation sociale introduit une confusion. Il convient en effet de distinguer ce qui relève de l'action sociale, donc d'une tâche propre aux collectivités publiques, de ce qui a trait au comportement des entreprises: s'il s'agit de donner une tâche sociale aux entreprises de pompes funèbres, la LTr s'en charge déjà, il n'y a pas lieu d'inscrire cela dans cette loi-ci, et s'il s'agit de fixer des règles déontologiques de comportement, ce qui semble être l'objet de cet ajout, alors celles-ci doivent figurer dans les règles et bons usages afin que l'Etat puisse opérer son contrôle en toute transparence.
Le président. Il vous reste trente secondes, Madame la députée.
Mme Simone de Montmollin. Nous proposons donc de supprimer cette partie de la phrase, c'est l'objectif de notre deuxième amendement.
En conclusion, nous pensons que mieux contrôler le secteur des pompes funèbres à Genève est devenu nécessaire, mais nous rappelons que cette activité ne constitue pas un service public au sens strict, quand bien même elle mérite un certain contrôle de l'Etat. Ce contrôle doit rester proportionné et en adéquation avec les réalités de la pratique. C'est la raison pour laquelle le PLR a déposé ces deux amendements et vous remercie de les soutenir.
M. François Baertschi (MCG). C'est à l'initiative du groupe MCG que la notion de préoccupation sociale a été introduite dans cette loi. Pourquoi ? Parce que quand une famille qui ne dispose pas nécessairement de gros moyens est dans la peine - en effet, il n'y a pas que des riches et des ultra-riches dans ce monde, il y a aussi des gens avec de petits moyens qui se retrouvent face à la mort, ce qui nous arrive à tous à un moment ou à un autre - elle ne doit pas se retrouver avec des difficultés supplémentaires, qui s'additionnent à la peine. Nous avons essayé de l'articuler d'une manière large, d'une manière à inciter à aller dans la bonne direction, d'une manière non contraignante, qui ne crée pas de bureaucratie et aille dans le sens de ce que peuvent penser certaines sociétés de pompes funèbres.
A titre personnel, je me suis retrouvé une fois dans une situation où une entreprise de pompes funèbres regrettait amèrement qu'une commune ait supprimé la gratuité des obsèques. Cette société privée disait que ça l'aidait beaucoup pour accompagner certaines familles avec peu de moyens, pour ne pas les mettre en difficulté, pour leur permettre de faire ce qui doit être fait dans ces moments difficiles, et je ne comprends pas qu'on puisse s'opposer à ça. Quand j'entends le groupe UDC dire que notre proposition relève d'une société hyperprotégée, je ne sais pas, j'ai un peu de mal à voir ça; je me dis que si on a ne serait-ce qu'un reste d'humanité, on doit penser à ces familles et à ces proches qui sont dans la peine, on doit avoir un minimum de délicatesse envers eux. Il me semble donc que c'est la moindre des choses que de laisser cet élément qui ne crée pas de contrainte bureaucratique, c'est une idée à laquelle chacun peut adhérer, à commencer par les sociétés de pompes funèbres. Aussi, je vous demande de garder en l'état ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Bernhard Riedweg pour une minute quinze.
M. Bernhard Riedweg (UDC). C'est noté, Monsieur le président, merci. L'Etat doit remettre de l'ordre dans ce marché organisé en oligopole en le réglementant tout en protégeant les trois principales entreprises dont la plus importante est le service des pompes funèbres de la Ville de Genève, qui traite deux tiers des décès dans le canton, exploite quatre cimetières et deux centres funéraires ainsi qu'une entreprise de pompes funèbres.
La société funéraire «low cost» L'Autre Rive, créée en 2013, ne paie pas de loyer et ses employés travaillent bénévolement, directement à la sortie de l'hôpital; elle ne s'occupe pratiquement pas des familles, les cercueils sont de mauvaise taille, n'ont pas de poignées, doivent être portés par des proches et les corps ne sont pas mis en bière selon le règlement en vigueur. Lorsque la loi sera adoptée, il s'agira de modifier le règlement en prévoyant...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Bernhard Riedweg. Oui ! ...soit un brevet fédéral, soit une expérience dans la branche d'au moins cinq ans afin de s'assurer des compétences et des qualifications des opérateurs. L'Union démocratique du centre s'abstiendra sur ce projet de loi. Merci, Monsieur le président.
Mme Isabelle Brunier (S). Le groupe socialiste était globalement satisfait de la loi telle que sortie de commission, donc il la votera en tous les cas. Concernant les deux amendements proposés par le PLR, il acceptera l'ajout mais refusera la suppression.
Une voix. Très bien.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, les règles de déontologie et de bonne conduite s'appliquent généralement quand il s'agit de prévenir les abus de faiblesse, et lorsque le deuil frappe une famille ou des personnes, celles-ci se retrouvent souvent dans un état de grande fragilité, il faut donc véritablement les protéger contre tout risque d'abus de faiblesse. Ainsi, nous ne soutiendrons pas l'amendement qui demande de supprimer la notion de préoccupation sociale envers les familles et les proches directs. En effet, il est important que les entreprises de pompes funèbres puissent informer les proches de la possibilité de la gratuité, ne serait-ce que pour tenir compte de la situation objective de ces derniers; il est également important que ce ne soit pas uniquement une préoccupation bassement ou excessivement mercantile qui les pousse à acquérir le cercueil le plus cher s'ils ne peuvent au final pas se le permettre. Ce serait injuste, ce serait un abus de faiblesse. C'est pourquoi il nous semble important que les professionnels de la branche soient investis de cette préoccupation sociale et qu'elle soit fixée dans la loi.
J'aimerais simplement rappeler, puisqu'on nous dit que pour toutes les questions sociales les gens n'ont qu'à aller voir les services sociaux, que toute personne touchée par un deuil n'est pas forcément en contact avec un service social, qui plus est aujourd'hui, compte tenu de la surcharge: il n'est pas sûr que si elle se dirigeait vers un service social, celui-ci puisse l'accueillir et l'informer. Voilà pourquoi nous soutiendrons le premier amendement qui propose une meilleure concertation avec les milieux concernés, ce qui nous paraît une évidence, mais vous invitons en revanche à refuser le deuxième. Merci de votre attention.
Le président. Je vous remercie, Madame la députée, et donne la parole à M. Alberto Velasco, qui dispose encore d'une minute.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur. Merci. Permettez, Monsieur le président, que j'informe M. Leyvraz que les auditionnés étaient d'accord avec ce projet de loi en général et que les entreprises elles-mêmes voulaient des dispositions encore plus restrictives que celles mises en place par le Conseil d'Etat. Je crois donc, Monsieur Leyvraz, que vous devriez pouvoir voter ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, j'invite l'hémicycle à se prononcer sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 11564 est adopté en premier débat par 85 oui (unanimité des votants).
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. A l'article 9A, alinéa 3, nous sommes saisis de deux amendements qui nous ont été présentés tout à l'heure par Mme la députée de Montmollin et que je vais à présent mettre aux voix. Le premier consiste à ajouter la notion de concertation avec les professionnels. L'alinéa dans son entier serait alors libellé comme suit:
«Art. 9A, al. 3 (nouvelle teneur)
3 Le titulaire de l'autorisation et son personnel doivent exercer leur activité dans le respect des législations fédérale et cantonale ainsi que des règles et usages professionnels définis en concertation avec ces derniers avec une préoccupation sociale envers les familles ou les proches directs. Il est interdit aux entreprises de pompes funèbres ou à leurs employés d'offrir leurs services sur la voie publique et de démarcher à domicile.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 78 oui et 6 abstentions.
Le président. Le second amendement vise à supprimer le segment de phrase suivant: «avec une préoccupation sociale envers les familles ou les proches directs».
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 54 non contre 35 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, l'art. 9A (nouvelle teneur) ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, l'art. 12 (nouveau) est adopté.
Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté, de même que l'art. 2 (souligné).
Troisième débat
La loi 11564 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 11564 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 76 oui et 11 abstentions.