Séance du
vendredi 4 novembre 2016 à
16h
1re
législature -
3e
année -
9e
session -
51e
séance
PL 11803-B
Premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous abordons ce projet de loi, pour lequel l'urgence a été votée, en catégorie II, quarante minutes. Madame la rapporteure de majorité, vous avez la parole.
Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce sujet aurait pu s'appeler «retour vers le futur», mais nous n'en sommes qu'à un retour des certificats de salaire à l'AFC, et aussi à un retour en plénière de ce projet de loi qui y avait déjà fait un petit passage au printemps de cette année. Ce texte avait alors été renvoyé à la commission fiscale pour qu'on obtienne des compléments d'information. Ce travail a été réalisé: en commission, nous avons auditionné à nouveau le conseiller d'Etat, M. Dal Busco, ainsi que M. Hodel, directeur général de l'AFC, et M. Bopp, secrétaire général adjoint. Ceux-ci nous ont réexposé le bien-fondé de ce projet de loi, qui pourrait s'articuler autour des éléments suivants. D'abord, une rationalisation: si les employeurs envoient directement les certificats de salaire à l'administration fiscale, il pourrait y avoir plus de taxations automatiques et surtout moins de demandes de renseignements aux contribuables; ainsi, rationalisation du traitement des déclarations d'impôts et donc des taxations. Une sécurité, aussi, pour le contribuable: actuellement, si le certificat de salaire n'est pas envoyé par celui-ci, le cas est traité comme un rappel d'impôt, avec une amende à la clef. Si - comme le prévoit ce texte - le certificat est envoyé, que la déclaration suit, et qu'on observe une différence, cela ne sera pas traité en tant qu'amende, mais bien en tant que différence, et une correction sera simplement opérée. L'égalité de traitement pourrait aussi constituer l'un des buts de ce projet de loi: tous les contribuables seront logés à la même enseigne, avec une déclaration exhaustive de tous les revenus, ce qui n'est pas le cas actuellement. Ce n'est pas une nouvelle manière de faire pour l'AFC. En effet, 160 000 contribuables sont déjà concernés par ce principe de l'envoi direct du certificat de salaire à l'AFC: il s'agit de l'impôt à la source, qui fonctionne selon ce système. De plus, actuellement aussi, dans le cas de rémunérations sous forme de participations, les employeurs doivent envoyer directement la déclaration de ces revenus à l'administration fiscale.
On pourrait mentionner beaucoup d'autres éléments. Dans le rapport, qui est complémentaire au premier - que j'avais aussi rédigé et qui était un rapport de minorité, celui-ci étant un rapport de majorité - j'ai laissé les commentaires de manière exhaustive. Durant ces travaux, l'AFC nous a assuré à mainte reprise qu'il n'y aurait pas d'amendes ou de travail supplémentaire pour les employeurs, qui font déjà ces certificats de salaire, qui les envoient déjà aux contribuables, et qui simplement, comme pour l'AVS, devront envoyer un fichier à l'AFC, ce qui n'est pas une énorme charge, vu que le travail est de toute manière déjà fait.
Quelque chose nous semble tout de même particulier s'agissant des rapports de minorité. Ils se basent sur une argumentation à double tranchant: ils arguent du prétexte qu'il faudrait laisser une responsabilité, une relation de confiance entre le contribuable et l'administration fiscale, une liberté du contribuable pour qu'il puisse lui-même déclarer ses revenus, donc ses certificats, ses salaires; mais par ce principe-là, n'est-on pas aussi en train de protéger au fond une négligence ou, disons, un oubli volontaire que le contribuable peut faire ? A notre avis, il n'est pas opportun, au niveau de l'Etat, de baser la fiscalité et la taxation sur ce principe-là. Je pense qu'il faut aller de l'avant, que les choses se rationalisent, que cela simplifiera le travail des contribuables, n'augmentera pas le travail des employeurs...
Le président. Il vous reste trente secondes, Madame la députée.
Mme Lydia Schneider Hausser. ...et surtout, permettra à l'administration fiscale d'aller vers l'avenir, un avenir qui pourrait aussi prendre une nouvelle forme: si nous sommes d'accord sur le principe de l'envoi de ces certificats, nous, Grand Conseil, pourrions aussi être d'accord sur le principe du pré-remplissage des déclarations d'impôts, en tout cas pour les personnes qui ont adopté les e-démarches. Tout ce qui est déjà fait n'est plus à faire; ce ne serait pas mal pour les contribuables, ce serait un gain de temps pour des démarches qui, bien sûr, revêtent une certaine importance, mais ne sont pas primordiales, je pense, dans la vie de tout un chacun, surtout si le travail peut être fait, puisque tout le monde est honnête et prend la responsabilité d'être un contribuable honnête. Dans ce cas-là, ce serait un gain pour tout le monde. Merci beaucoup.
M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, avec ce projet de loi, sous couvert d'une recette hypothétique de 16 millions - totalement hypothétique puisqu'on ne peut pas la calculer, et d'ailleurs, personne ne nous a expliqué comment on aurait pu le faire - le Conseil d'Etat nous propose trois allégements. Il nous dit que grâce à ce texte, le travail du contribuable sera allégé, le travail des employeurs sera allégé et le travail de l'administration fiscale sera amélioré. Qu'en est-il, Mesdames et Messieurs, dans la réalité ? Ce n'est pas seulement le député qui vous parle, mais le praticien, celui qui tous les jours fait des déclarations fiscales pour un certain nombre de personnes physiques comme morales dans cette république. Mesdames et Messieurs, on parle d'alléger le travail du contribuable, alors que le certificat de salaire est la chose la plus facile à remplir dans sa déclaration d'impôts, puisqu'on vous y dit clairement quelles lignes du certificat de salaire il faut reporter; ce n'est donc pas cela qui est compliqué, mais, Mesdames et Messieurs, remplir d'autres choses: par exemple la déclaration des titres de bourse, des biens immobiliers, des revenus liés à une activité indépendante. Ça, c'est compliqué, et ce projet de loi ne changerait rien pour ces contribuables-là. Le contribuable devra toujours remplir sa déclaration et devra tout de même la remettre à l'administration fiscale, il n'y a aucun allégement pour le contribuable.
Pour l'employeur, il n'y a évidemment pas d'allégement, puisqu'il aura un travail supplémentaire. Il aura même une responsabilité supplémentaire, qui va l'obliger à mettre en place des contrôles, des processus supplémentaires: il devra non seulement s'assurer que le certificat de salaire soit donné, et correctement, à son employé, mais aussi à l'administration fiscale. Cela occasionnera un coût supplémentaire pour les employeurs. Il n'y a donc pas d'allégement, bien au contraire !
Pour l'administration fiscale, Mesdames et Messieurs, il n'y a pas non plus d'allégement, puisque - la Cour des comptes l'a encore dit dans son dernier rapport, qui traitait de cette administration - ce qui est compliqué, ce ne sont pas les taxations simples, celles de M. Tout le Monde, qui n'a qu'un seul revenu sur un certificat de salaire, qui passe quasi automatiquement. Non, Mesdames et Messieurs, ce sont justement les taxations plus compliquées, celles qui traitent d'éléments financiers, immobiliers et autres. A ces taxations, le projet de loi ne change absolument rien du tout ! Ainsi, il n'y a d'allégement ni pour le contribuable, ni pour l'employeur, ni pour l'administration.
Enfin, Mesdames et Messieurs, il est important de souligner aussi que ce texte ne respecte tout simplement pas le droit supérieur... (Commentaires. Le président agite la cloche.) ...en l'occurrence, la LHID, la loi sur l'harmonisation des impôts directs. Que dit cette loi fédérale ? Vous pouvez la lire, elle figure dans le rapport de minorité. (Commentaires.) L'article 42 dit clairement que c'est le contribuable, et seulement lui, qui est responsable de donner les éléments concernant sa taxation. L'article 43 dit, lui, que tous ceux qui ont un rapport contractuel - par exemple l'employeur avec son employé - doivent transmettre ces informations non pas à l'administration fiscale, mais bel et bien à l'employé qui, lui, les transmet à l'administration fiscale. La LHID n'autorise donc pas un transfert automatique de l'employeur à l'administration fiscale; on ne respecte tout simplement pas le droit supérieur.
Mesdames et Messieurs, en réalité, ce projet de loi ne vise qu'une seule et unique chose: permettre à l'administration fiscale des mesures de contrôle supplémentaires qui consistent fondamentalement à déresponsabiliser le contribuable et à transférer cette responsabilité et les coûts induits aux employeurs, ce qui n'est à nos yeux et à ceux de la minorité, et du PLR en l'occurrence, ni correct ni souhaitable.
Enfin - je terminerai là-dessus, Monsieur le président - au-delà de ces aspects techniques, il apparaît un autre aspect plus philosophique, je l'admets. (Remarque.) Nous avons la chance, en Suisse, d'avoir un rapport entre l'Etat et son administration d'un côté, et les administrés, les contribuables, nous tous, de l'autre...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Yvan Zweifel. Merci, Monsieur le président. ...un rapport de confiance... (Remarque.) ...qui passe par l'idée... Finalement, la rapportrice de majorité le disait elle-même, les gens sont honnêtes, et je suis d'accord avec elle. (Remarque.) Si les gens sont honnêtes, que vous le reconnaissez vous-même et que l'Etat le reconnaît, alors on ne doit pas instaurer de mesure de contrôle supplémentaire, qui matraque l'employeur... (Remarque.) ...avec des coûts supplémentaires pour celui-ci. Au contraire, avec ce genre de projet de loi, on va tomber dans ce qui se fait dans d'autres pays, en France et en Allemagne par exemple, où le contribuable est vu comme un tricheur à qui on envoie parfois la police...
Le président. C'est terminé.
M. Yvan Zweifel. Je prends sur le temps de mon groupe, si vous permettez, Monsieur le président.
Le président. Tout à fait d'accord !
M. Yvan Zweifel. Je termine très rapidement. Quelle sera la suite, Mesdames et Messieurs, après la transmission automatique des certificats de salaire de l'employeur à l'administration fiscale ? On demandera évidemment aux banques de transmettre - je sais que vous en rêvez - les relevés bancaires... (Commentaires.) ...on demandera aux médecins de transmettre les bulletins de santé aux employeurs, pour s'assurer que les employés coûtent moins cher aux assurances... (Commentaires.) ...on demandera aux régies de transmettre automatiquement les loyers de tout le monde... Ceci n'est tout simplement pas admissible, on ouvre une boîte de Pandore et on crée un Big Brother fiscal que nous n'acceptons pas. Mesdames et Messieurs, nous disons non à aucune facilitation, non à des recettes totalement hypothétiques, et non à un projet de loi qui ne respecte pas le droit supérieur.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. J'ai le plaisir de saluer à la tribune la présence de notre ancien collègue, M. Roberto Broggini.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Je passe la parole au rapporteur de seconde minorité, M. Christo Ivanov.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, comme il a été dit, ce projet de loi vise à déresponsabiliser les contribuables et à pénaliser les employeurs. La problématique qu'il pose est la suivante: devons-nous passer à un système où les individus, les employés, sont contrôlés à l'avance par l'AFC, ou partons-nous du principe que chacun fait sa déclaration d'impôts et est responsable de venir exposer à l'administration ses revenus, ses avoirs bancaires par exemple ? Mon préopinant l'a dit tout à l'heure, ce qui est inquiétant, c'est qu'on se dirige petit à petit, par un saucissonnage, vers une privation de nos libertés. Bientôt, nous ne serons plus qu'un numéro; personne ne bénéficiera d'une certaine indépendance vis-à-vis de l'administration. Cela a aussi été dit, il y a un gros problème de compatibilité avec la LHID, article 42, qui prévoit que le contribuable doit donner les éléments à l'AFC. Quant à l'article 43, sur l'attestation de tiers, il dit: «Les tiers qui ont ou ont eu des relations contractuelles avec le contribuable doivent lui remettre les attestations». A aucun moment la LHID ne dit que le tiers fournit directement les informations à l'AFC...
Une voix. Mais non !
M. Christo Ivanov. ...il y a donc violation du droit supérieur. (Remarque de M. Roger Deneys. Commentaires.)
Le président. Monsieur Deneys, s'il vous plaît !
Une voix. C'est important !
M. Christo Ivanov. Je pense que certains ont Alzheimer, Monsieur le président ! Vous direz à M. Deneys qu'il faut qu'il relise la loi fédérale, ça lui fera du bien, ça lui rappellera peut-être des souvenirs de son enfance, ou du moins de quand il étudiait le droit fiscal. Il s'agit donc d'un transfert de responsabilité dans la relation entre le contribuable et l'Etat, en y incluant l'entreprise. Ce projet de loi mentionne clairement qu'il s'agit de parvenir à un pré-remplissage automatique de la déclaration d'impôts: dès lors, on peut se demander si l'on ne va pas vers une généralisation de l'imposition à la source, voire, dans d'autres domaines, pour faire un parallèle, vers une déclaration automatique des banques sur les avoirs bancaires de chacun et de chacune, ou encore, à travers les médecins, des déclarations médicales. (Remarque.) Pour toutes ces raisons, la deuxième minorité vous demande de refuser ce projet de loi.
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Mieux vaut entendre ça que d'être sourd, franchement ! A propos de ce projet de loi, les rapporteurs de minorité et leurs groupes respectifs ont demandé l'audition de Me Sansonetti, grand gauchiste devant l'Eternel. Me Sansonetti est venu à la commission fiscale nous expliquer que ce projet de loi était technique, qu'il était compatible avec la loi fédérale, alors il faut arrêter de dire n'importe quoi, à moins que vous ne croyiez pas ce que dit Me Sansonetti et que vos compétences juridiques soient supérieures aux siennes, ce dont je prends note. Ensuite, cette façon de procéder existe déjà dans dix cantons suisses, et ils ne sont pas passés à l'économie planifiée, comme semble le suggérer M. Zweifel. Je pense qu'on tombe là dans un délire qui devient un peu obsessionnel.
Je vois dans ce texte trois points importants, qu'il faut souligner. Le premier est de penser d'abord à toutes les familles, à toutes les personnes qui sont taxées d'office dans le canton. Certaines, pour des raisons qui leur sont propres, qui leur sont personnelles, parce qu'elles ont des problèmes dans leur vie, ne remplissent pas leur déclaration d'impôts. Ces gens, on les taxe d'office. Or, sans information pour l'administration fiscale sur le revenu réel, on a souvent tendance à les taxer de manière trop importante, ce qui engendre des procédures extrêmement longues, extrêmement coûteuses, extrêmement douloureuses, tant pour les contribuables qui entrent dans une spirale infernale que pour l'administration qui ensuite perd énormément de temps à essayer de trouver des solutions négociées. Dans ce cas, typiquement, ce projet de loi représente une aide pour ces personnes-là, une aide directe, efficace, et je pense que tous ceux qui s'occupent de personnes à l'aide sociale pourront vous le dire. (Remarque.)
Ensuite, ce projet de loi répond aussi à une volonté de ce parlement qui n'arrête pas de nous répéter à longueur d'année: il faut que l'administration soit plus efficace, il faut que l'administration soit plus efficiente, et la Cour des comptes se penche sur l'AFC, etc., etc. Là, on a un projet de loi technique, qui facilite le travail de l'administration, un projet de loi qui aide les administrés, qui aide l'administration, et ce parlement, ou en tout cas une partie de celui-ci, se met sur les pattes arrière et refuse d'accorder à l'administration un moyen de fonctionner de manière plus efficace.
Enfin, il s'agit d'un projet de loi qui pourrait rapporter 16 millions sans augmentation d'impôts: mais on devrait tous être contents, non ? On est tous en train de grappiller des millions ici et là, de chercher des solutions, etc.; vous avez là un projet de loi qui vous rapporterait 16 millions sans augmentation d'impôts, et vous êtes tous en train de pinailler. Mesdames et Messieurs les députés, il faut maintenant voter ce texte, écouter la voix du bon sens - ce n'est pas seulement moi, il y avait aussi Me Sansonetti... (Rires.) ...je vous conseille donc d'accepter ce projet de loi !
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Stéphane Florey (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, à l'aube des années 80, dans son album «Répression», Trust chantait: «Le pays est fliqué, citoyen surveillé, le mangeur d'hommes a faim, pas sûr du lendemain.» Il dénonçait ici les agissements l'Etat français. Malheureusement, trente-six ans après, c'est à Genève que se passent les mêmes faits: flicage par l'administration, surveillance accrue du citoyen... (Remarque.) ...le mangeur d'hommes, ici le conseiller d'Etat... (Remarque.) ...a faim de nouvelles recettes, incapable de mettre en place des réformes structurelles menant à de réelles économies améliorant les finances de l'Etat. Les lendemains en deviennent réellement de plus en plus incertains. (Commentaires.) Preuve en est que le Conseil d'Etat a déjà inscrit cette mesure dans son projet de budget 2017, tellement persuadé que le contribuable est un fraudeur en puissance. Si cela n'est pas prendre le contribuable pour un voleur potentiel, alors dites-moi ce que c'est. De plus, les 16 millions de recettes supplémentaires budgétisés ne sont qu'une prévision, et donc nullement garantis. On prend même le risque de se retrouver avec un déficit si les recettes ne sont pas à la hauteur des prévisions.
Soyons clairs ! Avec un tel projet de loi, le rapport de confiance entre l'Etat et le contribuable est clairement rompu. C'est un changement de paradigme sans précédent pour notre canton. On infantilise encore un peu plus le citoyen en le privant de ses devoirs et de ses responsabilités. Un Etat qui ne fait plus confiance à ses citoyens, c'est la démocratie qui se meurt avec l'arrivée des dérives potentielles qui vont avec ce phénomène. Dès lors que le rapport de confiance est rompu, peut-on encore envisager l'avenir avec sérénité ? Permettez-moi d'en douter. Je vois déjà s'amonceler de gros nuages noirs sur la future négociation de la RIE III qui s'annonce déjà difficile. Car comment, dans ce contexte, peut-on encore faire confiance au conseiller d'Etat concernant certaines de ses déclarations notamment sur la cotisation provisoire de 0,3% censée atténuer pendant cinq ans les effets de la RIE III ? Quand on sait qu'à Genève le provisoire est plutôt fait pour durer longtemps, là aussi on peut légitimement se poser la question.
Reste encore la légalité du projet de loi vis-à-vis du droit supérieur, qui n'est de loin pas avérée... (Remarque.) ...sachant que la LHID stipule clairement que c'est l'employé qui doit remettre son certificat de salaire à l'administration fiscale et non l'employeur. On peut, là aussi, aisément en douter. Le Conseil d'Etat s'est basé sur la pratique déjà en vigueur dans d'autres cantons pour nous proposer ce projet de loi. Ce dont il n'a pas tenu compte, c'est que dans ces cantons aucun citoyen n'a déposé un recours contre cette pratique. Ce qui fait qu'en l'état, si personne ne fait recours contre une loi en vigueur dans un canton, la Confédération ne statue jamais sur la légalité dudit projet de loi.
Vous l'aurez compris, après deux renvois en commission, l'UDC reste fondamentalement opposée à ce projet de loi. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Si comme l'UDC vous voulez préserver un tant soit peu les bonnes relations entre l'Etat et les contribuables, nous vous invitons à rejeter purement et simplement ce projet de loi. Je vous remercie pour votre attention.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le MCG soutiendra ce projet de loi, mon collègue François Baertschi donnera plus de détails. Je suis assez étonné de ce que j'ai entendu de la part d'autres députés: je ne vois pas en quoi cela entame la liberté du contribuable ou la liberté des employeurs; je ne vois pas en quoi cela va occasionner des frais supplémentaires. De toute manière, ce certificat de salaire est établi par l'employeur, il en fait un exemplaire pour lui et un pour l'employé, il va en faire un troisième exemplaire qu'il glissera dans une enveloppe ou qu'il enverra par voie électronique à l'administration. (Remarque.) Je ne vois pas en quoi cela va coûter de l'argent. Qui plus est, d'autres cantons pratiquent cela, notamment le canton de Vaud, ça fonctionne très bien et personne n'a dit que c'était illégal. Je crois que c'est une mesure de bon sens. Finalement, est-ce qu'on a peur de la transparence ? Est-ce qu'on a peur que les gens trichent ? On part du principe que les gens ne trichent pas, mais ça va faciliter la vie des gens, ça va faciliter la vie de l'administration fiscale, et c'est une bonne chose. Je vous invite à voter ce projet de loi.
M. François Baertschi (MCG). Pour le MCG, il y a plusieurs éléments importants dans ce texte, en particulier un aspect social: ça aidera les gens à ne pas se retrouver pris dans des taxations d'office, qui sont mortelles, ou à avoir des taxations d'office beaucoup moins importantes. Il faut savoir que beaucoup de contribuables sont négligents à Genève et se retrouvent dans des difficultés, cela sera donc une aide pour ces contribuables. A côté de ça - parce que ce qui nous intéresse, c'est aussi que les contribuables soient traités avec bienveillance - nous avons posé deux questions en commission. La première concernait la rétroactivité: pour les employeurs, il n'y en aura pas; pour les employés, dans les cas dits bagatelle, c'est-à-dire les petites sommes, il n'y aura pas de rétroactivité, pour des questions de pratique administrative. Dans les autres cas, il y a quand même une compréhension qui peut se faire, certains aménagements, d'après ce que nous a dit le département des finances. Un autre problème était de savoir si on allait punir l'employé qui aurait oublié de faire une déclaration de salaire. Evidemment, on nous a donné certaines assurances qu'il y aurait une certaine bienveillance. Il y a des normes légales de niveau fédéral; c'est difficile que le département lui-même se porte complice de fraude fiscale, on ne le comprendrait pas. Indépendamment de ce qui peut être une politique, comment dire... invasive - on a l'impression qu'on nous montre le Big Brother et qu'on va véritablement tomber dans quelque chose d'infernal - rappelons quand même qu'il y a les contrôles AVS, qui sont très exigeants déjà pour les entreprises, également pour les employés - car il y a aussi des employés qui fraudent à l'AVS. (Remarque.) Il existe déjà tous ces éléments de contrôle. Quelque part, envoyer ces certificats de salaire, à part pour quelques cas d'employeurs, mais de moins en moins nombreux, qui le font à la main, qui n'utilisent pas un logiciel...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. François Baertschi. ...ce qui est de plus en plus rare, c'est véritablement une pratique de bonne gestion: parallèlement à l'envoi à l'administration de l'AVS, il enverra les certificats de salaire. Ça va faciliter la vie de l'administration, ça va faciliter la vie de la plupart des contribuables. Je crois que dans l'ensemble, à 90%, c'est une bonne mesure. Il y a toujours quelques négligents, mais justement, ça va lutter, ça va aider les personnes négligentes, et ça, c'est peut-être important.
Le président. C'est terminé, Monsieur le député !
M. François Baertschi. Oui, Monsieur le président. On en parlerait pendant des heures ! (L'orateur rit. Rires. Commentaires.)
Le président. Oui, mais pas ici !
M. François Baertschi. Je vois que M. Longchamp implore qu'on n'en parle pas pendant des heures. (Commentaires.) En tout cas nous allons accepter ce projet de loi et nous vous conseillons d'en faire de même. Merci, Monsieur le président.
M. Jean-Luc Forni (PDC). 40 millions: c'est, je crois, l'augmentation des recettes fiscales enregistrée par notre voisin, le canton de Vaud, lorsqu'il est passé à ce type de taxation. Alors, Mesdames et Messieurs, je me pose la question: ceux qui, dans cette salle, à longueur de séance, nous disent qu'ils ne veulent pas augmenter les impôts, qu'ils ne veulent pas augmenter les charges de l'Etat, comment s'imaginer qu'ils s'opposent à une rentrée naturelle, si j'ose dire, de ces fonds pour notre Etat ? Cela va certes permettre une meilleure prédictibilité des recettes fiscales, et on l'a vu, ça fonctionne déjà pour les travailleurs frontaliers ainsi que pour les rémunérations sous forme de participations.
Chaque fois qu'on veut s'opposer à une loi qui pourrait être intelligente, on s'en réfère au droit supérieur. Ce n'est pas seulement valable pour le domaine fiscal, on l'a vu dans d'autres domaines, notamment ceux de la prévention. Je m'étonne finalement que certains cantons, qui ont déjà passé à ce système, on l'a entendu, n'aient pas subi de recours ou n'aient pas été déboutés par des recours dans ce sens ! Je crois donc qu'il faut être un peu plus logique, un peu plus progressiste, et aller vers une redéfinition des relations entre le citoyen et son administration. Je crois que refuser le système actuel, c'est aussi refuser que l'on essaie de se porter garant de l'honnêteté de chaque contribuable. Certains oublient, c'est vrai, c'est dans le meilleur des cas par omission, pour d'autres parce qu'ils ont une relation conflictuelle avec l'administration fiscale et n'ont pas envie de tout déclarer. Doit-on vraiment se porter garant de ce type de situation ? Je ne le pense pas, notre parti ne le pense pas, et nous sommes pour aller vers une harmonisation et une facilitation.
On a dit que c'était beaucoup plus compliqué pour les employeurs: ayant été trente-cinq ans employeur, j'ai fait des déclarations pour mes employés; je pense que ce n'est pas très difficile aujourd'hui, par un simple clic, d'envoyer une copie à l'administration fiscale. Ce sera aussi beaucoup plus simple pour tous les gens que j'entends dans ma pratique actuelle être ennuyés pour remplir leur déclaration fiscale. Et je pense que ce sera aussi une simplification si un jour cette déclaration arrive à moitié remplie. Vous l'avez compris, Mesdames et Messieurs, notre parti soutiendra cette proposition et nous vous invitons à en faire de même.
M. Thomas Wenger (S). Mesdames et Messieurs les députés, on continue la série des projets de lois déposés par un Conseil d'Etat à majorité de droite - PDC, PLR - refusés par la députation PLR...
Une voix. Et l'UDC !
M. Thomas Wenger. ...et l'UDC en l'occurrence... (Remarque.) ...mais qui n'est pas représentée au Conseil d'Etat. On voit qu'il y a une incohérence entre le PLR au Conseil d'Etat et le PLR au Grand Conseil, qu'on a de plus en plus de peine à comprendre. Ce projet de loi, on l'a dit, a plusieurs avantages: le premier est d'amener une sécurité pour le contribuable; le deuxième est d'amener une optimisation du travail de l'administration fiscale. M. Zweifel - vous transmettrez, Monsieur le président - nous dit qu'il n'y a rien de plus simple, quand on remplit sa déclaration d'impôts, que d'y mettre son revenu. Si vous aviez lu le rapport - mais je suis sûr que vous l'avez fait - vous verriez qu'en fait non: «Les revenus des salariés» - c'est écrit - «sont de loin le poste où l'AFC doit faire le plus de reprises. Les statistiques pour l'année 2012 montrent que l'AFC a repris 397 millions de francs» - 397 millions ! - «d'assiette sur les 12,2 milliards de francs déclarés.» Est-ce que ça veut dire que les gens... (Remarque.) Non, d'assiette fiscale, Monsieur ! (Remarque. Le président agite la cloche.) Est-ce que ça veut dire que les gens sont tous des fraudeurs, etc. ? Non ! Ça veut dire qu'ils commettent des erreurs et que le fait que l'employeur transmette directement le certificat évitera certaines erreurs. On l'a dit aussi, cela amène une égalité de traitement entre tous les contribuables... (Remarque.) ...et cela amène un gain, Monsieur Ivanov, de 16 millions, qui n'est pas négligeable pour le budget de l'Etat.
Quand j'entends que ce projet de loi irait contre le droit fédéral, Monsieur Zweifel, c'est vraiment une blague ! Il y a dix cantons qui pratiquent cette mesure. Je vais les citer, on les trouve aussi dans le rapport: il s'agit du Jura, de Neuchâtel, de Vaud, du Valais, de Bâle-Ville, de Bâle-Campagne, de Soleure, de Fribourg, de Lucerne et de Berne. Est-ce que tous ces cantons sont des repères d'exécutifs de gauchos ?
Une voix. Oui !
M. Thomas Wenger. Est-ce que tous ces cantons sont des Big Brothers...
Une voix. Oui ! (Commentaires.)
M. Thomas Wenger. ...qui veulent fliquer le contribuable ? Bien sûr que non, et jamais aucune instance n'a déclaré ces cantons hors la loi au niveau fédéral. Je soulèverai l'interrogation suivante, Monsieur le président, pour terminer: le refus du PLR et, en l'occurrence, de l'UDC, d'un tel projet de loi, est complètement incompréhensible pour nous, socialistes, sauf si la volonté du PLR et de l'UDC est de couvrir les personnes qui omettent volontairement de déclarer leur revenu, ce qui s'appelle une fraude. Je n'ose pas imaginer que ce soit votre volonté, c'est pour cela que le PS vous propose de voter ce projet de loi et de soutenir, pour une fois, la majorité que vous avez au Conseil d'Etat. (Quelques applaudissements.)
M. Jean Batou (EAG). Chers collègues, je suis un peu étonné par ce débat: ceux qui s'opposent à cette simplification du remplissage des déclarations fiscales par la majorité des salariés se préoccupent assez peu, en général, du sort de cette majorité des salariés. Il s'agit de gens qui veulent empêcher à tout prix que l'administration fiscale fasse son travail et demande à chacun de participer selon ses moyens au financement de l'Etat. Evidemment, ces questions-là - simplification du travail de l'administration fiscale, sécurité pour les salariés qui auraient oublié de déclarer un revenu - tout ça leur importe assez peu. Le problème, c'est d'éviter par principe tout renforcement du contrôle de l'administration fiscale sur l'ensemble des revenus. Et ce ne sont pas les salariés qui fraudent le fisc, tout le monde le sait: les salariés oublient parfois de déclarer quelque chose. Ça donne passablement de travail à l'administration fiscale, et ce projet de loi permet de lui éviter du travail, d'éviter des préoccupations pour les salariés. Votre opposition, qui représente celle du milieu des fiduciaires - vous transmettrez à M. Zweifel, Monsieur le président - n'est pas une préoccupation pour l'essentiel des salariés et des retraités, mais une préoccupation pour ceux qui fraudent le fisc à hauteur de 500 millions, si j'en crois une estimation proposée par mon ami David Hiler il y a une dizaine d'années. Ces 500 millions ne sont pas en cause dans les pauvres 16 millions... (Remarque.) ...qu'on espère récupérer en évitant ces omissions. Par conséquent, je vous incite vraiment à être raisonnables, à voter ce projet de loi qui émane du pur bon sens du point de vue du fonctionnement de l'administration, du point de vue du travail que nous faisons tous... pas tous, pas tous ! la plupart d'entre nous, quand nous remplissons nos déclarations d'impôts. Ainsi, votons ce texte et parlons de choses sérieuses, c'est-à-dire de la fraude fiscale dans ce canton et des moyens de la combattre - mais ce sera pour un autre épisode des discussions de ce Grand Conseil. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Cyril Aellen pour trois minutes.
M. Cyril Aellen (PLR). Merci, Monsieur le président. Est-ce que ce projet de loi va rapporter de l'argent ? Probablement oui. Est-ce qu'il va décharger l'employeur ? Assurément non. Le problème est ailleurs. Le problème est qu'il s'agit d'une externalisation des services des agents de l'Etat à des privés, en l'occurrence les employeurs... (Eclats de rire appuyés. Commentaires.)
Une voix. Là, il n'aurait pas dû le dire !
Une autre voix. Il faut nationaliser toutes ces entreprises ! (Rires. Commentaires. Le président agite la cloche.)
M. Cyril Aellen. ...qu'évidemment, ça va donner un pouvoir supplémentaire aux employeurs vis-à-vis de leurs employés... (Rires.) ...desquels ils seront tenus... (Rires. Commentaires.) Monsieur le président !
Une voix. C'est comme les détenus, le convoyage !
Le président. Ça ne dépend que de vous, Mesdames et Messieurs les députés. (Remarque.) Merci.
M. Cyril Aellen. Il est évident que c'est la première étape d'autres requêtes qui seront adressées aux employeurs. Ceux-ci se réjouiront probablement de pouvoir obtenir très licitement et de façon contrainte un certain nombre de données sur leurs employés, ce qui leur permettra probablement de prendre des mesures en violation avec ce que le parti libéral défend...
M. Gabriel Barrillier. Le PLR !
M. Cyril Aellen. ...la sphère privée des individus. Le PLR, oui - je ne pensais pas au parti, mais à l'esprit, Monsieur Barrillier. (Exclamations. Commentaires. Le président agite la cloche.) Je vais être plus radical dans mes propos ! Il est évident que je suis extrêmement surpris que les défenseurs des employés ne se préoccupent pas de cette situation et de ce déséquilibre. Je lisais dans la presse de ce jour des plaintes quant à l'attitude de certains régisseurs qui demandaient au moyen de questionnaires des informations qu'on considérait comme relevant de la sphère privée; cette fois-ci, il s'agit des employeurs, avec le soutien de la gauche.
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Stéphane Florey pour deux minutes.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. J'aimerais simplement inviter le député Baertschi - vous lui transmettrez mon invitation - à lire la loi sur les effets et l'application des lois, A 2 10. C'est tout simple. Je me pose la question: est-ce qu'il a vraiment bien compris l'objet du projet de loi dont nous parlons ? Parce que s'il en vient à poser des questions sur la rétroactivité alors que ça n'a absolument rien à voir, on peut vraiment se demander ce qu'il a compris de ce sujet. Cette loi contient un article unique qui dit: «La loi ne dispose que pour l'avenir; elle n'a point d'effet rétroactif.» S'il en vient à poser ce genre de questions, on peut se demander finalement s'il a bien compris de quoi on parlait. Personnellement, j'en doute fortement. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme la députée Sophie Forster Carbonnier pour trente secondes.
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Merci, Monsieur le président. Ce ne sera pas nécessaire d'en rajouter. J'avais juste une question que vous transmettrez à MM. Cyril Aellen et Stéphane Florey. J'entends bien vos grandes préoccupations sur le respect de la sphère privée; qu'avez-vous voté sur la LRens ?
Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur François Baertschi, je suis désolé, vous n'avez plus de temps de parole. Monsieur le député Romain de Sainte Marie, pour une minute !
M. Romain de Sainte Marie (S). Merci, Monsieur le président. C'est quand même assez surprenant d'entendre que par respect de la protection de la sphère privée, le PLR légitime ici le manque de transparence, on peut même parler de fraude fiscale. C'est intéressant, j'ai toujours entendu les arguments inverses à propos de la vidéosurveillance ! On dit à ce propos: la vidéosurveillance est une excellente chose, les gens qui n'ont rien à se reprocher peuvent marcher tranquillement dans les rues tout en étant filmés. (Commentaires.) Finalement, j'ai envie de renverser cet argument à l'intention du PLR: les honnêtes contribuables et les honnêtes entreprises qui n'ont rien à se reprocher pourront continuer à fonctionner normalement...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Romain de Sainte Marie. ...cela va simplement faciliter le travail de l'administration fiscale cantonale. Je vous rappelle que nous avons eu un rapport de la Cour des comptes sur le sujet; à la fin de l'année 2015, l'AFC n'a pu traiter que 63 000 dossiers sur 280 000: c'est dire le retard qu'a aujourd'hui l'administration fiscale cantonale dans le traitement des dossiers. Ce projet de loi aura un effet extrêmement positif en la matière, c'est-à-dire qu'il apportera davantage d'efficience à cette administration et facilitera les contrôles, ce sera un gain de transparence avant tout. Bien évidemment, il apportera aussi un peu de sous dans les caisses de l'Etat pour les prestations publiques. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député François Baertschi pour trente secondes.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Pour répondre à l'interrogation du député Florey, en effet, l'absence de possibilité de rétroactivité émane d'une loi datant de 1800 environ, qui nous a été rappelée par M. Bopp. Il fallait quand même avoir la confirmation qu'elle soit encore appliquée et applicable: c'est ce qui nous a été dit en commission suite à une interrogation que nous avions. C'était pour répondre à ses questions existentielles !
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Une des raisons pour lesquelles il faut rejeter ce projet de loi, c'est qu'aujourd'hui on parle des certificats de salaire, mais demain, ce seront les extraits de comptes bancaires de chacun et de chacune qu'il faudra produire. (Commentaires.) C'est une réalité. Ce projet de loi est le retour de Big Brother, c'est une réalité ! (Commentaires. Le président agite la cloche.) Ceux qui nous parlent de démocratie, vous vous asseyez dessus quand ça vous arrange ! (Commentaires. L'orateur s'arrête de parler.)
Le président. Merci, Monsieur le député. (M. Christo Ivanov s'exprime hors micro.) Pas d'agressivité, s'il vous plaît ! (Commentaires.) Monsieur le député, moins d'agressivité, s'il vous plaît ! Vous avez la parole.
M. Christo Ivanov. A un moment, il y a des limites, Monsieur le président, il ne faut pas exagérer ! Ça m'a coupé la chique, mais ce n'est pas grave ! (Exclamations.) Pour répondre à notre collègue M. Forni qui évoque l'impôt à la source des frontaliers, je vous rappelle que je suis un petit patron qui effectivement prélève l'impôt à la source, et je vous rappelle qu'il n'y a pas que les frontaliers qui sont imposés à la source, mais aussi les permis B. Ça m'étonne de vous, M. Forni, qui avez été patron d'une entreprise. Ensuite, j'ai entendu des arguments sur la taxation d'office pour les gens qui, disons, ne déclarent pas. Mais enfin, ceux qui ne déclarent pas, c'est qu'ils n'ont pas de revenus ! Et s'ils n'ont pas de revenus, ils n'ont pas de certificat de salaire, donc ils sont taxés d'office ! Ça paraît tellement évident !
Une voix. Mais non ! (Commentaires.)
M. Christo Ivanov. Comment, mais non ? Mais si !
Une voix. Mais non ! (Exclamations. Commentaires.)
M. Christo Ivanov. Mais non ? Mais si ! (Hilarité. Commentaires.) Monsieur Zweifel ! Evidemment, si vous ne gagnez rien, vous n'allez rien déclarer ! Enfin. Le contribuable genevois n'est pas un fraudeur, c'est une évidence, il s'agit dans cette affaire d'une infantilisation des citoyens de ce canton. Il n'y a aucun argument réaliste pour soutenir cette privatisation latente qui nous attend, et demain une imposition à la source. Voilà ce qui nous pend au nez.
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Christo Ivanov. Les entrepreneurs et les chefs d'entreprise feront le travail et nous allons vers une imposition à la source, c'est une évidence. Le contribuable, dans bien des cas, par l'intermédiaire de l'imposition à la source - je l'ai dit tout à l'heure - envoie déjà la déclaration de salaire de ses employés, mais nous ne sommes pas là pour contrôler nos employés. Chacun est libre de faire ce qu'il doit faire, il envoie sa déclaration de salaire et l'employeur n'est pas là pour faire le travail à double. Par conséquent, il faut rejeter ce projet de loi. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe encore la parole à M. le député Pierre Vanek pour une minute dix-sept.
M. Pierre Vanek (EAG). Merci, Monsieur le président. J'en aurai pour moins d'une minute, je serai extrêmement bref - vous me connaissez. (Rires.) C'est pour corriger une erreur matérielle commise par François Baertschi à l'instant. Il parlait de la non-rétroactivité des lois. Nul n'est censé ignorer les lois, on peut pardonner à l'un ou à l'autre d'entre nous d'ignorer la date de telle ou telle loi. La loi sur les effets et l'application des lois, qui porte le numéro A 2 10 du recueil systématique de la législation genevoise, n'est pas de 1800 environ; elle est du 14 ventôse an XI ! (Exclamations.) De l'an XI du calendrier révolutionnaire, et je m'en félicite, Monsieur Baertschi ! (Rires. Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le rapporteur de première minorité.
M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur de première minorité. J'ai encore du temps, Monsieur le président ?
Le président. Une minute trente, Monsieur le député.
M. Yvan Zweifel. Ah, ça va bien ! (Exclamations.) Merci, Monsieur le président. Je profite de cette minute trente pour répondre à un certain nombre d'interrogations ou de commentaires que j'ai entendus par-ci par-là. D'abord, pour ceux qui font un parallèle avec l'impôt à la source: sachez, Mesdames et Messieurs - ceux qui sont patrons, comme M. Forni, devraient le savoir - que lorsque vous faites une déclaration d'impôt à la source, l'employeur est rétribué; il reçoit de l'argent pour ça... (Remarque.) ...et c'est normal ! Pourquoi est-ce qu'on le rétribue ? Parce qu'on sait que ça a un coût pour lui. Ici, c'est exactement la même chose: on sait très bien que faire ceci amènera un coût supplémentaire pour l'employeur... (Commentaires. Le président agite la cloche.) ...mais on ne prévoit aucune rétribution en échange. Il n'y a donc aucun parallèle à faire avec l'impôt à la source.
Mme Forster Carbonnier nous dit qu'il y a dix cantons qui le font déjà. Très bien. Si je sais bien compter, ça veut dire qu'il y en a aussi seize qui ne le font pas - c'est aussi une raison, n'est-ce pas ? (Rires.)
Certains ajoutent que ça va faciliter le travail de l'administration. Je vais me répéter, Mesdames et Messieurs, je suis désolé de le faire ! L'administration fiscale va recevoir le certificat et de l'employeur et de l'employé. Elle va recevoir le certificat à double. (Remarque.) En rien, Monsieur Batou - vous transmettrez, Monsieur le président - son travail ne sera facilité. Le contribuable devra toujours remplir sa déclaration. Ce projet-là ne prévoit pas de pré-remplissage.
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Yvan Zweifel. Donc, Monsieur le député - vous transmettrez, Monsieur le président - ça ne va faciliter en rien le travail ni des contribuables ni de l'administration, et encore moins des employeurs qui devront payer sans être rétribués. Mesdames et Messieurs, il faut s'opposer à ce projet et s'opposer au nouveau slogan de la nouvelle majorité non pas du Conseil d'Etat, Monsieur Wenger, mais de ce parlement - puisque le MCG, le Mouvement des citoyens de gauche, vous a rejoints - il faut s'opposer à son nouveau slogan... (Remarque.) ...«Big Brother is taxing you» ! (Commentaires. Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur le député Flury, vous n'avez plus de temps de parole, je suis désolé. Je passe la parole à Mme le rapporteur de majorité pour trente secondes.
Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président, je serai rapide. Je réponds à quelques interventions. D'abord, M. Zweifel nous dit que cela représente beaucoup plus de contrôle de l'Etat. Il ne s'agit pas de plus de contrôle de l'Etat, on le voit. En réalité, je pense, l'opposition vient plus de ce que le PLR en particulier... Un changement structurel est demandé, qui permettra une plus grande efficience de l'Etat, mais pour certains ce n'est pas possible, parce qu'on touche à un domaine intouchable, que ce soit pour des augmentations ou des changements juste d'organisation, comme c'est le cas ici. Ce domaine est la fiscalité. La fiscalité...
Le président. Il faut terminer, Madame la députée !
Mme Lydia Schneider Hausser. ...est un épouvantail pour une partie de ce parlement, et c'est déplorable. La LHID...
Le président. C'est terminé, Madame la députée, je suis désolé !
Mme Lydia Schneider Hausser. C'est terminé, bon, ben voilà !
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, pourquoi le Conseil d'Etat vous a-t-il présenté ce projet de loi ? Tout simplement parce qu'il est frappé au coin du bon sens, bien évidemment ! C'est certainement ce qu'ont pensé nos collègues à des périodes diverses dans dix autres cantons, et pas des moindres - la liste en a été donnée il y a quelques instants. Tous les cantons romands, Mesdames et Messieurs, plus des cantons alémaniques qu'on ne peut pas soupçonner de dérives... comment dirais-je ? gauchisantes, appelons-les ainsi: Berne, Lucerne, les deux Bâle, etc. (Remarque.) C'est frappé au coin du bon sens ! C'est parfaitement conforme, Mesdames et Messieurs, malgré les dénégations qu'on a entendues... J'ai entendu de mes propres oreilles un avocat fiscaliste réputé nous indiquer qu'il n'y avait aucun problème de compatibilité avec le droit supérieur. Les avantages sont multiples, on ne voit que des avantages. (Commentaires. Le président agite la cloche.)
Monsieur Zweifel, je peux aussi me targuer d'avoir été un chef d'entreprise durant vingt-cinq ans, avant d'avoir l'honneur d'exercer la belle fonction qui est la mienne aujourd'hui; je peux me targuer d'avoir rempli des déclarations d'impôt à la source. Ce n'est pas du tout le même travail, Monsieur Zweifel: il faut remarquer que faire des décomptes d'impôts à la source, ce n'est pas du tout le même travail que d'éditer un certificat de salaire qu'on édite de toute façon... (Remarque.) ...et qu'il suffit, dans le cas d'espèce, avec cette proposition, d'envoyer à l'administration fiscale. Ce n'est pas du tout la même chose. Je peux vous garantir que pour la plupart, pour l'écrasante majorité des employeurs genevois, cette opération supplémentaire qui serait requise ne va pas générer de travail en plus; je parle avec la conviction de l'expérience. Par ailleurs, en ce qui concerne nos contribuables, les salariés, je ne vais pas revenir sur les multiples avantages. Il y en a un qui est très important: l'aspect social, relevé par plusieurs d'entre vous. Les taxations d'office ont des effets dévastateurs sur beaucoup de personnes, et évidemment, cette proposition que nous faisons permettra de réduire considérablement ce problème. S'agissant des employeurs, je ne vais pas m'étendre davantage. Vu le travail et vu les prestations actuellement fournis dans le cadre des déclarations en particulier, ce n'est que très marginalement qu'un impact - si toutefois il existe - aura lieu pour les employeurs.
Qu'en est-il de l'administration, Mesdames et Messieurs ? A la commission fiscale - je m'adresse en particulier à Monsieur Ivanov - le directeur général de l'administration fiscale, auditionné à deux reprises, s'est exprimé de manière extrêmement claire: il a dit qu'il y aurait des gains d'efficacité, d'efficience absolument évidents. C'est quand même particulier d'entendre de votre part que vous pensez que ce ne sera pas le cas. Si on ne fait pas confiance à notre directeur général quand il nous dit que l'organisation du travail en serait améliorée... Personnellement, j'en suis absolument convaincu. Cette efficience, elle se traduit à plusieurs niveaux: on va pouvoir accroître le taux de déclarations faites de manière automatique; on améliore la productivité de cette administration; on évite des corrections qui portent sur une assiette de plus de 400 millions - on ne parle pas de soustraction volontaire, mais de négligence, probablement, d'oublis ou autres phénomènes de cette nature-là. C'est de plus d'efficacité qu'on va bénéficier, et je m'étonne vraiment, le Conseil d'Etat s'étonne d'entendre à la fois des critiques - souvent justifiées d'ailleurs - à propos de l'efficacité et de l'efficience de l'administration, et dans le même temps, lorsqu'on propose des mesures comme celle dont nous traitons aujourd'hui, qui précisément vont dans ce sens et qui ne coûtent pas un centime supplémentaire, d'entendre d'autres critiques, en tout cas parmi ceux qui se sont exprimés contre ce projet de loi, qui par ailleurs sont souvent les mêmes qui fustigent le manque d'efficacité de l'administration. En l'occurrence, on va améliorer de manière très concrète l'efficacité de cette administration.
Un dernier élément sur un sujet auquel je sais que vous êtes particulièrement sensibles, Monsieur Ivanov notamment: on peut faire l'hypothèse que ce projet de loi ait comme effet direct - mais ce n'est pas l'objectif visé en premier lieu par le Conseil d'Etat, les objectifs sont ceux que je viens de vous énoncer - une lutte contre une forme de soustraction fiscale. Sachez également, et n'oublions pas, que l'établissement du revenu sur la base des certificats de salaire est un élément déterminant, en particulier pour le calcul des prestations sociales. Le fait d'obtenir ces informations de manière complète, fiable, permettra également d'être plus précis, plus juste, d'assurer une égalité de traitement pour le calcul des prestations sociales. A mon avis, c'est un élément auquel les opposants à cette loi devraient prêter une attention particulière. Parmi ces opposants, on entend souvent dire qu'à Genève, il y a un pourcentage important de personnes qui ne paient que peu ou pas d'impôts; je peux imaginer que l'application de cette loi conduira aussi à agrandir le cercle des contribuables, ce qui, vous en conviendrez, est une excellente chose. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, animé d'un pragmatisme évident, le Conseil d'Etat vous recommande d'approuver ce projet de loi. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite maintenant à vous prononcer sur ce projet de loi.
Une voix. Vote nominal !
Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Vous l'êtes, nous passons donc au vote nominal.
Mis aux voix, le projet de loi 11803 est adopté en premier débat par 56 oui contre 32 non (vote nominal).
La loi 11803 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 11803 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 57 oui contre 32 non.