Séance du
jeudi 3 novembre 2016 à
17h
1re
législature -
3e
année -
9e
session -
48e
séance
PL 11345-A et objet(s) lié(s)
Premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au PL 11345-A et à la M 2148-A, objets qui seront traités conjointement. Nous sommes en catégorie II, quarante minutes. Je donne la parole au rapporteur de majorité, M. Serge Hiltpold.
M. Serge Hiltpold (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la commission de l'économie a consacré neuf séances à une problématique réelle qui a touché le canton de Genève, à savoir la question de la rémunération des stages, et à la proposition du parti socialiste de rendre ces stages rémunérés. Pour les commissaires qui ont participé aux travaux, cela paraît clair. Pour le reste des députés, je pense qu'il est nécessaire d'apporter quelques clarifications sur les trois types de stages, dont certains posent problème et d'autres ne posent pas problème. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Je vous rappelle quelles sont ces différentes catégories de stages: la première comprend les stages prévus dans le cadre d'une formation certifiante, par exemple dans le cadre d'études d'architecture, ou les stages nécessaires pour entrer dans la formation d'éducateur de la petite enfance. La commission des mesures d'accompagnement compétente pour ce type de dossiers a considéré ces stages comme non problématiques. La deuxième catégorie est celle des stages d'insertion professionnelle, qui relèvent de la LACI, l'AI et de l'aide sociale. La question de la rémunération ne relève pas de la compétence de la commission des mesures d'accompagnement, car elle est prévue dans un dispositif légal. La CMA considère ce type de stages comme non problématique. Reste enfin ce qui constitue le coeur du débat, et c'est un point sur lequel nous ne devons pas déraper et sur lequel nous devons rester focalisés, à savoir les stages considérés comme un premier emploi et dont les situations doivent être analysées avec objectivité. Tous ces éléments sont rappelés en page 6 de mon rapport.
Nous avons soulevé au cours des nombreuses auditions la problématique suivante: on peut relever - vous me direz, de manière très simpliste - qu'il y a eu des problèmes au sein de certaines associations - je ne vais pas créer de polémique - et au sein d'organisations internationales qui utilisaient effectivement des stagiaires, mais ces dernières n'entrent pas dans le cadre légal, puisqu'elles font partie d'un autre système de droit. L'élément capital et fondamental que j'aimerais mettre en avant au nom de la majorité, c'est tout d'abord l'élément de la liberté contractuelle. Cet élément est fondamental et c'est ce qui est au coeur des relations de travail. L'analyse de la majorité est qu'il faut cesser de légiférer pour tout, afin de ne pas péjorer les stages, mais qu'il faut les encadrer. Et c'est là toute la divergence en termes de conception politique entre la majorité et la minorité: pour la majorité, l'analyse fine des stages jugés problématiques ne relève pas d'une compétence de ce parlement, mais doit faire l'objet d'une surveillance à confier aux partenaires sociaux, dans le cadre du CSME - c'est-à-dire le Conseil de surveillance du marché de l'emploi, institué en tant que commission tripartite - représenté de façon paritaire par les syndicats, le patronat et l'Etat. C'est ce que nous appelons le tripartisme et c'est ce que la majorité défend.
Il est vrai que j'ai un petit peu tardé à déposer ce rapport, parce que j'ai une forte confiance en ce tripartisme et que, depuis lors, heureusement, cette solution m'a donné raison et je vous invite vraiment à lire l'annexe 6 du rapport complet...
Le président. Trente secondes, Monsieur le rapporteur.
M. Serge Hiltpold. ...dans lequel vous trouverez des critères clairs permettant de lutter contre les abus dans les stages et cela est fondamental. Les critères sont les suivants - c'est vraiment très court pour parler d'une problématique pareille - et je cite: «Les situations de stages qui ne correspondent pas aux critères précités sont considérées comme des premiers emplois. Toutefois, l'analyse de situations particulières par la sous-commission compétente du CSME, dans laquelle sont représentés syndicats et organisations patronales, est possible. Une entreprise dont la pratique en matière de stage serait considérée...»
Le président. Monsieur le rapporteur, vous prenez sur le temps du groupe.
M. Serge Hiltpold. Parfait. «...comme problématique a, par ailleurs, le droit de solliciter son audition par cette même sous-commission. Les conséquences pour une entreprise qui pratique des stages qui ne correspondent pas aux critères ci-dessus sont les suivantes: si l'entreprise est liée par une convention collective de travail (CCT), un contrat-type de travail (CTT) ou les usages, la procédure de mise en conformité est du ressort des commissions paritaires en ce qui concerne les CCT, respectivement de l'OCIRT ou de l'inspection paritaire des entreprises (IPE) en ce qui concerne les CTT ou les usages. D'éventuelles décisions peuvent être prononcées par la commission paritaire ou l'OCIRT. [...] Le CSME...», exemple de tripartisme par excellence, «...estime que le système ainsi mis en place permettra de lutter efficacement contre les abus et d'éviter une dégradation des conditions de travail dans le domaine des stages.»
Donc, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à soutenir la majorité, à étudier les annonces de stages qui sont faites dans l'annexe 6 et à refuser le projet de loi et la proposition de motion.
M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, le rapporteur de majorité l'a très bien dit, effectivement, la situation des stages à Genève est problématique - non seulement à Genève, mais aussi partout en Suisse et également en Europe. Cette façon de faire explose depuis quelques années. Il y a quinze ans, on ne trouvait pas une telle proportion de stages et il est vrai que cette problématique est une des conséquences de la libre circulation des personnes difficilement maîtrisée en raison d'un manque de mesures d'accompagnement. Cette situation est très simple et s'observe d'une façon évidente: vous regardez les offres d'emploi et vous constatez que, pour les profils junior, il est partout demandé trois à cinq années d'expérience professionnelle minimum. Ces trois à cinq années d'expérience professionnelle minimum, comment s'acquièrent-elles ? Comment sont-elles effectuées ? Elles s'acquièrent aujourd'hui par des stages et c'est cela qui est problématique. Certains de ces stages sont rémunérés, certains peuvent être effectués dans de plus ou moins bonnes conditions, mais beaucoup sont très faiblement rémunérés, voire pas rémunérés. C'est cela qui est problématique, parce qu'on retrouve des jeunes... (Remarque.) ...qui sortent de formation et qui, pendant ces trois à cinq années, enchaînent de temps en temps des stages d'une durée de six mois, d'une année, et c'est une véritable précarité que nous amenons à la jeunesse aujourd'hui à Genève. Ce projet de loi vise à empêcher ce développement néfaste pour la jeunesse.
Comme le rapporteur de majorité, M. Hiltpold, l'a très clairement expliqué, l'OCIRT a permis, grâce à ce projet de loi et au débat que nous avons tenu, de cadrer très clairement ce qu'est un stage. On l'a vu, un stage est possible dans le cadre d'une formation - s'il est rémunéré d'une façon ou d'une autre, par exemple pour l'université par des crédits ECTS, si c'est un prérequis en matière de formation, comme pour la HETS - ou s'il s'inscrit dans le cadre d'une réinsertion sociale ou professionnelle. En revanche, tout ce qui sort de ces deux éléments n'est que stage sauvage, c'est en réalité un contrat de travail et cela dépend du droit du travail. Par conséquent, un stage, même rémunéré, si le salaire est inférieur à 2500 F, est en réalité un cas de sous-enchère salariale. Aujourd'hui, c'est véritablement là que réside le problème et le parti socialiste souhaite le régler en légiférant.
Alors, il est vrai que l'OCIRT et le département ont apporté des éléments et, M. Hiltpold l'a mentionné juste avant, un travail a été fourni. Je pense que ce point est positif. Mais aujourd'hui, le travail fourni repose sur un vide juridique et il faudra le combler. Il est nécessaire de le combler dès aujourd'hui, avec ce projet de loi dans un premier temps, puis certainement avec de futurs projets de lois qui définiront en détail dans la loi ce qui est acceptable pour un stage selon les critères mentionnés, et de faire référence au droit fédéral pour le reste. On ne peut plus accepter aujourd'hui cette pratique.
J'entends le rapporteur de majorité dire qu'on ne peut pas légiférer sur tout... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...mais, à titre personnel, je pense que, lorsqu'un grand nombre de jeunes se retrouve dans cette situation de précarité et d'instabilité pendant plusieurs années à cause des stages, en effet, il faut légiférer ! Il faut légiférer parce que, par principe de responsabilité, on ne peut pas rester insensibles et les bras croisés face à cette situation. Ce soir, nous, Grand Conseil, devons prendre une décision, faire un choix et interdire cette pratique qui est simplement dégradante pour la jeunesse et qu'on ne retrouve pas nécessairement dans d'autres pays où les entreprises font, je dirais, peut-être preuve d'une plus grande responsabilité en matière de formation et d'acquisition d'expérience professionnelle pendant les premières années. Je vous invite donc à accepter ce projet de loi.
M. Jean-Luc Forni (PDC). Le parti démocrate-chrétien a bien entendu à la fois les arguments du rapporteur de majorité et ceux du rapporteur de minorité et, malgré cela, le PDC reste un peu sur sa faim quant à l'issue des travaux parlementaires et au fait que ces deux objets, le projet de loi et la motion, seraient simplement rejetés. En effet, c'est clair, le problème reste entier dans certains secteurs de l'économie, ceux où il n'existe pas de convention collective, là où certains stages sont peu, voire pas rémunérés; ce sont souvent, hélas, comme on l'a entendu de la bouche du rapporteur de minorité, des stages de premier emploi.
Une voix. Et les avocats ?
M. Jean-Luc Forni. Le PDC ne s'opposera pas au rejet du projet de loi 11345, que nous ne trouvons pas assez cadré, pas assez explicite, trop flou et sans conditions-cadres. En revanche, nous allons vous proposer de renvoyer en commission la motion qui lui est associée, afin d'obtenir un consensus solide sur ce problème épineux. Nous saluons bien sûr les critères clairs élaborés par le département de M. Maudet. Toutefois, nous pensons qu'un cadre un peu plus strict devrait quand même être associé à ces critères, qui laissent la possibilité d'une large appréciation dans un certain secteur dérivant de l'économie. Si cette proposition de renvoi de la motion en commission est rejetée, nous proposerons un amendement général que vous avez reçu, qui reprend certaines invites de la motion 2148 et qui en supprime certaines autres. La motion, telle que modifiée par notre amendement, invite le Conseil d'Etat, je cite, «à proposer un modèle de convention de stage cantonale pour les stages hors formation professionnelle ou académique» - c'est ce que proposait la première invite de la motion initiale - puis ensuite, «à instaurer une durée maximale de stage en cas de stage non rémunéré» et, enfin, «à confier...» directement «...la surveillance de ce marché des stages à l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail (OCIRT)». Je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés, de soutenir ces propositions constructives. (Un instant s'écoule.)
Le président. Monsieur le rapporteur de minorité Boris Calame, je vous présente toutes mes excuses: je vous ai oublié ! (Commentaires.) Je cède donc le micro à M. Calame, rapporteur de minorité sur la motion.
M. Boris Calame (Ve), rapporteur de minorité. C'est terrible, si vous m'oubliez déjà ! C'est terrible ! Je vous remercie, Monsieur le président. C'est intéressant, le rapporteur de majorité a cité un extrait d'un communiqué de presse du DSE qui fait mention d'une décision du Conseil de surveillance du marché de l'emploi, qui constate notamment, je cite, que «les demandes de permis de travail pour des stages ont beaucoup augmenté ces dernières années. Des dénonciations parviennent régulièrement à l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail (OCIRT) concernant des situations de stages problématiques». Un certain nombre de décisions et d'options ont donc été prises. En fait, ce qu'on comprend dans ce communiqué, c'est que les demandeurs de permis de travail pour des stages seront maintenant mieux protégés que les résidents ou les nationaux de par les obligations qui sont données aux demandeurs. Je ne peux que souscrire à la proposition du PDC de renvoyer en commission la motion dont je suis rapporteur de minorité, pour qu'il y ait, pour le moins, une précision et peut-être une audition du CSME, afin de clarifier cette situation. Je vous remercie.
Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, le parti socialiste avait déposé ce projet de loi en janvier 2014 face au constat de la situation actuelle inacceptable et insoutenable pour les jeunes qui effectuent des stages proprement ou improprement dits. (Commentaires.) La multiplication de ces stages - improprement dits - se passe dans le cadre d'une précarisation générale du marché du travail et en particulier pour les jeunes. En effet, beaucoup de jeunes et notamment de ma génération - j'en connais beaucoup, nombre de mes amis étant passés par là - enchaînent des stages peu ou pas rémunérés; éventuellement, ils arrivent à décrocher un contrat à durée déterminée, et puis malheureusement, bien souvent, ces différents stages et CDD sont entrecoupés de périodes de chômage. Cela engendre une situation assez dramatique pour ces jeunes parce que, Mesdames et Messieurs les députés, comment vivre sans revenus ? Comment vivre avec un stage non rémunéré, quand vous n'avez pas la possibilité d'avoir un autre travail source de revenus accessoires parce que vous êtes engagé en stage à 100%, que vous n'avez plus la possibilité d'accéder à des éventuelles aides pour des étudiants, puisque vous n'êtes plus étudiant, et que vous n'avez pas forcément la possibilité d'avoir une aide financière de vos parents ? Avec cette multiplication des faux stages, on assiste malheureusement à un développement de la forme la plus criante d'exploitation dans le monde du travail, puisque ce sont des jeunes, le plus souvent formés, qui travaillent, font bénéficier les entreprises de leurs compétences, mais qui ne touchent pas de salaire, ou alors qui touchent un salaire qui ne leur permet pas de vivre. Et puis, Mesdames et Messieurs les députés, au-delà de la précarisation de ces jeunes travailleurs, les stages s'insèrent dans une problématique plus large de sous-enchère salariale et de concurrence déloyale pour les entreprises qui, elles, jouent le jeu et paient décemment leurs stagiaires.
Comme l'a rappelé M. de Sainte Marie, parallèlement au traitement de ce projet de loi et de cette proposition de motion, l'OCIRT a annoncé une nouvelle définition de ce qui est un stage et de ce qui n'en est pas. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Merci, Monsieur le président. C'est assez simple: les stages constituent une première expérience de travail qui se fait dans le cadre d'une formation certifiante ou dans le cadre d'un programme de réinsertion, et c'est tout ! Toutes les autres formes d'expérience professionnelle sont des emplois, peut-être des premiers emplois, mais des emplois tout de même, qui sont soumis aux règles du marché du travail.
Par ailleurs, dans le cadre des auditions en commission, la CGAS, la Communauté genevoise d'action syndicale, a tenu à replacer la problématique des stages dans un contexte plus large de la précarisation des travailleurs. Elle a constaté une augmentation non seulement du dumping salarial... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...mais aussi de ce qu'on appelle le travail atypique, c'est-à-dire les contrats à durée déterminée, l'intérim, le travail sur appel et les stages. Face à cette injustice que doivent supporter beaucoup de Genevoises et Genevois, en particulier les jeunes, malheureusement, certains vont chercher des réponses et des solutions dans des discours rapides et réducteurs qui recherchent des boucs émissaires, en l'occurrence les frontaliers ou les employés qui, prétendument, piqueraient le travail des Genevois. Ça, c'est faux, je le conteste ! Si actuellement, les employés, les salariés, les jeunes, etc., souffrent sur le marché du travail...
Le président. Trente secondes, Madame la députée.
Mme Caroline Marti. Je vous remercie. ...c'est parce que les milieux économiques ne jouent pas le jeu. Ils ne jouent pas le jeu des mesures d'accompagnement et de la protection des travailleurs, ils traînent les pieds quand on leur demande d'étendre les CCT, ils refusent le salaire minimum, ils refusent d'encadrer plus strictement les stages et, ce faisant, les milieux économiques plantent les petites graines du repli identitaire, du repli sur soi et, en ce sens, ils sont autant responsables...
Le président. C'est terminé, Madame la députée.
Mme Caroline Marti. ...de ce repli sur soi que celles et ceux qui distillent des...
Le président. C'est terminé.
Mme Caroline Marti. ...discours de rejet. Je vous remercie.
M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, dire que ce projet de loi doit être simplement balayé d'un revers de main et qu'il ne mérite pas d'être étudié serait une erreur dans laquelle l'UDC ne tombera pas. Il est certain que le problème des jeunes étudiants et des jeunes diplômés qui sortent d'études et qui ont malheureusement de plus en plus de peine à trouver un emploi doit nous préoccuper. Par ailleurs, le fait que quelques abus aient effectivement été commis - le plus bizarrement parlant, on constate que c'est souvent dans le milieu de la presse qu'on trouve ces stages non rémunérés et pas forcément dans les entreprises ! - est préoccupant. (Commentaires.)
Mais, Mesdames et Messieurs les députés, penser que rien ne se fait et croire à ce que les signataires de ce projet de loi, le parti socialiste, cherchent à nous faire croire, c'est aussi une erreur. On s'aperçoit que de nombreux dispositifs sont en place, notamment ce fameux dispositif auquel je crois que notre démocratie tient, à savoir le tripartisme dans les décisions. La commission des mesures d'accompagnement - sous-commission du CSME - a défini trois catégories de stages; l'une d'elles pose peut-être problème, mais elle est examinée périodiquement justement par cette instance, raison pour laquelle il nous semble superflu et déplacé de vouloir encore ajouter une couche supplémentaire et de suivre ce projet de loi. En effet, nous sortons là des canaux auxquels nous sommes habitués et auxquels, en tout cas en ce qui concerne l'Union démocratique du centre, nous tenons. S'il n'y avait rien en place, nous n'adopterions pas cette position, mais franchement, il me semble que là, nous tombons dans la surenchère. Certes, il s'agit d'un problème réel, mais dire qu'il n'est pas traité, que rien ne se fait et que rien n'est opérationnel pour le moment est aussi une erreur, raison pour laquelle l'Union démocratique du centre vous recommande de rejeter tant le projet de loi que la motion qui y est associée. Je vous remercie.
M. François Lefort (Ve). Voilà deux objets qui attaquent le problème de l'exploitation des stagiaires, phénomène qui se répand de façon épidémique en Suisse, comme il s'est répandu d'ailleurs en Europe ces dernières années. Deux objets: un projet de loi et une motion, le premier demandant contrôle et rémunération pour ces stages non rémunérés, le second demandant la création d'une convention de stage validée par l'OCIRT pour les stages hors des formations académiques et professionnelles qui, eux, sont encadrés et conventionnés. Cette motion demande également une indemnité minimale et impose une validation de la formation par les stages.
Ces deux objets proposent en fait le minimum possible sur lequel on pourrait se mettre d'accord ce soir afin d'interdire les stages non rémunérés, stages qui se développent de façon épidémique et pour lesquels les mêmes moyens ont été mis en place en Europe, parce que les autres pays n'ont pas eu d'autres moyens que ceux que nous vous proposons ce soir avec ces deux objets. Ne pas le faire, ne pas faire ce que nous vous proposons ce soir par ces deux objets, c'est décevoir notre jeunesse, c'est continuer de la décevoir et, surtout, c'est laisser financer des entreprises peu sourcilleuses - celles qui ne rémunèrent pas les stages - par les parents de ces jeunes stagiaires non rémunérés, parce que vous comprenez bien que, lorsque l'on effectue des stages non rémunérés pendant six mois à un an, il faut bien que quelqu'un vous entretienne ! Et ce sont les parents qui entretiennent ces jeunes et ce sont finalement les parents qui subventionnent des entreprises qui se goinfrent de stages non rémunérés ! Cette situation est un scandale ! (Commentaires.) Refuser d'y mettre fin sera non seulement un manque de courage de votre part - mais nous y sommes habitués ! - ce sera un manque de courage, bien sûr, mais ce sera aussi un scandale de plus ! Ce sera un scandale ! Si vous n'acceptez pas de mettre fin aux stages non rémunérés, le message que vous laisserez passer ce soir aux entreprises qui pratiquent le stage non rémunéré en cascade - souvenez-vous du cas de cette entreprise genevoise qui, pendant des années, n'a eu que des stagiaires en cascade et qui n'avait qu'un seul employé ! - est le suivant: «Continuez de pratiquer le stage non rémunéré et donc la sous-enchère salariale, continuez d'exploiter ces jeunes et laissez leurs parents vous financer !» - parents qui, bien sûr, aimeraient certainement autre chose pour leurs enfants ! (Commentaires.)
A présent, concernant la proposition du PDC - une proposition toute mâtine - de renvoyer la motion en commission, les Verts bien sûr la soutiendront, comme ils soutiendront la demande d'amendement présentée par le PDC, si par hasard la motion n'était pas renvoyée en commission.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, le vocable de stage permet de nombreuses choses, notamment un certain nombre d'abus. On a vu aussi qu'il existe un certain consensus pour exclure de la catégorie des situations problématiques les stages qui ont une visée de formation ou de réinsertion. J'aimerais juste attirer votre attention sur le fait que les choses ne sont pas aussi simples et que la frontière n'est malheureusement pas aussi claire entre les situations d'abus et celles qui ne le sont pas. Entre autres en matière de réinsertion, j'ai souvent été confrontée à des situations où on demandait à des gens dans la restauration de travailler gratuitement durant quinze jours, en période d'essai, sous peine de ne pas obtenir un poste. On voit aussi dans les processus de réinsertion des personnes qui travaillent un à deux mois, voire trois, gratuitement, toujours dans l'espoir d'obtenir un poste. Pendant cette période-là, je vous prie de croire que les gens assument entièrement cette fonction et délivrent des prestations qui sont immédiatement utiles pour le lieu pour lequel ils travaillent. Il existe encore le travail gratuit auquel on soumet un certain nombre de personnes en processus de réinsertion et qui dure des mois, voire des années, sans que ces personnes ne soient payées, et à propos duquel on prétend qu'il s'agit d'un stage de réinsertion, alors que c'est une réinsertion durable, puisque finalement le processus qui devait aboutir à un résultat ne fait que perdurer; ainsi, on institutionnalise le travail gratuit.
On le voit bien, la question des stages est une question sensible qui mérite en effet un regard attentif. Tout à l'heure, le rapporteur de majorité parlait de liberté contractuelle. La liberté contractuelle existe effectivement, mais il faudrait quand même relever que, dans une situation de tension du marché de l'emploi telle que celle que nous connaissons actuellement, il y en a qui sont singulièrement plus égaux que d'autres dans la liberté contractuelle ! Enfin, s'agissant des abus en matière de stages, certaines instances sont effectivement aujourd'hui en situation de veille, contrôlent lorsqu'elles le peuvent les situations et tentent de les signaler, voire d'y remédier. Simplement, veiller et surveiller, c'est bien, mais légiférer et avoir les moyens de faire appliquer la loi, c'est mieux. Si on veut que ces instances tripartites puissent surveiller et veiller à ce qu'il n'y ait pas trop d'abus, il faut qu'elles aient les moyens de le faire. C'est pourquoi nous soutenons à la fois le projet de loi et la proposition de motion et nous vous invitons à en faire autant.
Mme Sandra Golay (MCG). Le MCG reconnaît les bonnes intentions de ce projet de loi. Malheureusement, il nous paraît inopportun de légiférer en l'état. Jusqu'à présent, on croirait que toutes les entreprises qui proposent des stages ne le font que pour en tirer un bénéfice. En réalité, ces stages permettent souvent à des jeunes personnes de se former et donnent aussi l'opportunité aux entreprises de transmettre des savoirs spécifiques. Toutefois, nous reconnaissons qu'il existe parfois effectivement des abus dans certaines branches, c'est pourquoi, malgré le fait que nous allons rejeter ce projet de loi, nous allons soutenir la proposition du PDC du retour en commission de la motion.
M. Jacques Béné (PLR). Les partisans de ce projet de loi ont perdu pour le salaire minimum, ont perdu pour le RBI, ont perdu pour l'initiative 1:12, et aujourd'hui on essaie à nouveau de nous proposer un projet de loi totalement inique. (Remarque.) Il a été dit très clairement que les stages sont valables s'il s'agit de la formation certifiante et de l'insertion professionnelle. Tout le reste, Mesdames et Messieurs, c'est un contrat de travail ! Le PLR est favorable à l'application des lois; or les lois sont appliquées, le CSME a émis des directives, il suit de manière attentive et avec une observation renforcée ce qu'il se passe dans les stages. Il n'y a absolument aucune raison de légiférer, d'autant plus, et cela a été relevé en commission, que cette loi telle qu'elle est proposée ne règle strictement rien: vous ne mettrez pas un terme aux stages non rémunérés de cette manière-là ! Le seul moyen, Mesdames et Messieurs, c'est le tripartisme, c'est la dénonciation des abus, ce sont des cas concrets qui sont soumis aux lois en vigueur, qu'elles soient cantonales ou fédérales. Ces déclarations de bonnes intentions destinées à essayer à nouveau, comme certains le voudraient, de nous mettre sur la voie d'une économie planifiée... (Remarque.) ...ne servent strictement à rien ! Mesdames et Messieurs, pour le PLR, c'est une évidence, ce qui a été mis en place par le CSME fonctionne, il faut continuer à dénoncer les abus, c'est une très bonne chose. C'est un leurre de penser que ce projet de loi changerait quoi que ce soit. Nous vous invitons à refuser le projet de loi et à ne surtout pas renvoyer cette motion à la commission de l'économie. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député François Baertschi pour trois minutes.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Je serai rapide. Depuis tout à l'heure, je n'entends parler que d'abus, d'éléments négatifs, de bureaucratie, du fait de vouloir à tout prix mettre des contraintes, alors que ce qu'il faudrait faire, c'est mettre de la liberté, c'est faire confiance aux jeunes et à la majorité des entreprises qui jouent le jeu quand elles permettent à des jeunes d'entrer dans la voie professionnelle, parce que c'est aussi ce que permet un stage. Alors bien sûr, il y a des abus, mais il ne faut pas voir les abus qui sont minoritaires par rapport à la grande majorité des cas où... Tout récemment, un restaurateur m'expliquait... (Remarque.) ...qu'il n'engageait pas de stagiaires, parce que son équipe est trop petite; pour lui, quand il le fait, c'est un effort, cela a un coût, c'est une charge. Il n'y a pas que des escrocs et des exploiteurs ! Il y a aussi des gens qui veulent faire connaître une profession, qui pensent que des jeunes pourraient être leurs enfants et qui pensent qu'il faut aussi donner une chance à ces enfants, la chance d'entrer dans le milieu professionnel; c'est aussi cela, le stage.
Alors à force de vouloir tout réglementer et tout quadriller, on prend une voie infernale ! Non ! Il faut laisser un peu de liberté, laisser des portes ouvertes à ces jeunes qui sont enfermés dans des systèmes de formation qui souvent ne les amènent nulle part ou dans de mauvaises directions. Il faut leur laisser la porte ouverte au marché de l'emploi et non pas... Alors certains ont besoin de plus de temps que d'autres. Il est sûr que, quand on a des stages d'un, deux ou trois ans, non rémunérés ou rémunérés misérablement, s'il ne s'agit pas de stages de formation, cela relève de l'escroquerie. Il faudrait peut-être trouver d'autres procédés pour essayer de s'attaquer à ces abus, mais j'ai l'impression que, même avec les dispositifs existants, on va trop loin ! On dégoûte les entreprises, on dégoûte les petits patrons, on dégoûte les artisans d'engager et de permettre à des jeunes de s'insérer dans la voie professionnelle. J'aimerais vraiment faire un appel à la liberté; il est certain que nous allons soutenir le retour en commission de la motion pour essayer de l'étudier mais, de grâce, arrêtons avec ces visions ultra-bureaucratiques ! Arrêtons ! Laissons un petit peu d'air à la vie professionnelle et donnons des chances aux jeunes ! (Remarque.)
Une voix. Bien dit !
M. André Pfeffer (UDC). La problématique de légiférer et fixer des règles pour ces divers types de stages ainsi que la diversité des situations des stagiaires ont déjà été évoquées. Je souhaite uniquement rappeler les dangers et les risques de tout vouloir régler via une loi. Regardons la différence entre notre économie et celle de nos voisins: le fait de posséder un code de travail beaucoup plus souple et le fait que nos sociétés aient beaucoup moins de contraintes que celles de nos voisins constituent bien entendu les raisons qui font que nos jeunes en formation, nos étudiants et nos stagiaires ont de grandes chances de trouver un emploi. Merci de m'avoir écouté.
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Romain de Sainte Marie, je suis désolé, vous n'avez plus de temps de parole. La parole revient à M. le député François Lefort pour une minute vingt.
M. François Lefort (Ve). Merci, Monsieur le président. J'ai entendu ce soir que la loi actuelle est suffisante pour contrer les abus. C'est curieux, c'est justement parce qu'il y a des abus qui ne sont pas contrés que nous proposons et que nous soutenons ces deux objets ce soir ! Ce que nous proposons n'est pas une vision bureaucratique, mais la sauvegarde que nous devons à la jeunesse, et vous n'en voulez pas. Alors évidemment, la seule solution, c'est... A la jeunesse, qui certainement nous écoute très rarement, que pouvons-nous lui dire, puisque vous n'avez pas voté cette sauvegarde ? Nous pouvons lui dire seulement: n'acceptez jamais de stages non rémunérés ! Refusez les stages non rémunérés que certains vous proposent et, de cette façon-là, il n'y aura plus d'abus. (Remarque.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'est plus demandée; nous passons donc au vote de l'entrée en matière sur ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 11345 est rejeté en premier débat par 55 non contre 27 oui et 1 abstention.
Le président. Avant de vous libérer pour le repas, je souhaite encore vous faire voter sur la proposition de M. Jean-Luc Forni de renvoyer à la commission de l'économie la M 2148-A.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de motion 2148 à la commission de l'économie est adopté par 52 oui contre 35 non et 3 abstentions.