Séance du
vendredi 23 septembre 2016 à
18h
1re
législature -
3e
année -
7e
session -
42e
séance
PL 11709-A et objet(s) lié(s)
Suite du premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons notre débat sur les taxis avec les objets liés PL 11709-A, PL 11710-A, PL 11707-A et PL 11708-A. Je précise par souci de transparence que même si nous ne parvenons pas au terme de notre pensum, je ne prolongerai pas la séance au-delà de 20h. Suite à l'intervention respective des deux rapporteurs de tout à l'heure, je donne la parole à M. le député Pascal Spuhler...
M. Bernhard Riedweg. C'est à moi, Monsieur le président !
M. Pascal Spuhler. C'est à M. Riedweg d'abord.
Le président. Ah, pardon... (Un instant s'écoule.) Mais non, c'est bien le tour de Pascal Spuhler.
M. Bernhard Riedweg. Non, c'est le mien !
Le président. Non !
M. Bernhard Riedweg. Ah bon !
M. Pascal Spuhler (MCG). Merci, Monsieur le président. Vous me voyez moi aussi un peu surpris car j'avais vu le bouton du micro de M. Riedweg s'allumer avant le mien, mais ce n'est pas très important. (Remarque.) Mesdames et Messieurs, ce projet de loi sur les taxis dont on parle ce soir, j'aurais plutôt envie de l'appeler projet de loi PPDC, c'est-à-dire plus petit dénominateur commun. Il s'agit d'un projet mammouth sur lequel nous avons travaillé pendant des mois et des mois. Quand je l'ai reçu, en tant que président de la commission des transports, au mois de septembre... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...j'étais optimiste: j'envisageais de le boucler d'ici la fin de ma présidence; or mon successeur a dû s'y atteler également et travailler encore de nombreux mois dessus. Pourquoi plus petit dénominateur commun ? Parce qu'étant donné le nombre de personnes, d'associations, d'entités et de professions concernées, ce projet de loi représente peut-être la solution qui rassemblera le plus de monde.
Comme on vous l'a dit, un certain nombre de projets de lois sur les taxis ont déjà été faits et il y en a encore un qui traîne dans les limbes de l'administration car il n'a jamais été mis en application, ceci bien qu'il ait été voté par ce parlement. Aujourd'hui, il faut qu'on trouve une solution globale car on a des taxis jaunes, des taxis bleus, Uber, des VTC et toutes sortes d'autres variantes qui ne satisfont pas. Si on veut remettre les clients de taxis au centre des intérêts, alors on doit trouver une solution. Cette solution consiste d'abord à réunir les taxis à bonbonne bleue et ceux à bonbonne jaune au sein d'un seul et même organisme et à leur permettre un usage accru du domaine public, puis à regrouper sous une autre bannière le reste des transporteurs, qu'il s'agisse de véhicules de transport avec chauffeur, de limousines de luxe, de voitures Uber ou d'autres encore.
Ce soir, on va discuter de nombreux éléments en relation avec ces projets de lois. Je le répète encore une fois, il faut unifier ce secteur professionnel, et nous avons reçu bon nombre d'associations en commission, notamment celles de chauffeurs. Rien que pour les taxis jaunes, on compte déjà plusieurs associations, lesquelles ne sont pas toutes d'accord sur un même principe. Nous avons reçu les chauffeurs de taxis bleus, les chauffeurs de Transport Handicap - il fallait aussi les inclure - les chauffeurs professionnels de limousine, et je pense que nous avons trouvé des solutions. Je n'aimerais pas que ce débat se focalise sur la nouvelle catégorie de taxis, à savoir Uber, et qu'on ne parle plus que de ça, parce que ce n'est pas le vif du sujet. Certes, il fallait un point de vue sur la question et, à cet égard, on a auditionné un éminent professeur américain - ce fut d'ailleurs une audition très intéressante et assez exceptionnelle puisqu'on l'a effectuée via Skype, lui étant à New York et nous dans la salle de commission ! Mais voilà, la solution en ce qui concerne Uber n'est pas encore trouvée puisque cette problématique se déploie à l'échelle mondiale, et vous savez aussi bien que moi que d'autres sociétés du même acabit investissent le marché aujourd'hui.
Moult amendements vous seront proposés tout au long du débat; le MCG va en suivre quelques-uns, ceux qui apportent des améliorations à la loi, une loi que nous avons voulue équitable. Cependant, quand on parle de restreindre l'usage du domaine public - je vous rappelle que nous avons autorisé l'utilisation des voies TPG - parce qu'on estime qu'il faut laisser la priorité aux TPG, ça me dérange un peu. Les chauffeurs de taxi doivent être efficaces, ils doivent se rendre d'un point A à un point B le plus rapidement possible, faute de quoi il ne sert à rien de s'offrir une course en taxi, on peut tout aussi bien prendre les transports publics. Par une petite majorité, la commission a retiré le droit préalablement délivré aux chauffeurs d'emprunter les voies de bus lorsque leur véhicule est vide, et je trouve ça dommageable pour ces professionnels qui, à l'heure actuelle, utilisent à peu près 30% des voies de bus pour exercer leur métier et restent sur le domaine public le reste du temps. Il est dommage de leur retirer cette possibilité quand ils vont chercher un client ou, pourquoi pas, s'ils transportent un objet pour un client, parce que c'est leur métier. Restreindre cette autorisation, c'est les rendre moins efficaces, ce qui est dommageable tant pour les usagers que pour ces professionnels qui tirent quand même souvent la langue face à la concurrence dont on a parlé, c'est-à-dire Uber et autres diffuseurs du même type. Je souhaiterais qu'on se penche sur cette question et qu'on en revienne à la situation antérieure, soit à un usage accru et permanent du domaine public pour les taxis et pas seulement quand ils sont avec un client - l'amendement sera déposé le moment venu.
Présidence de Mme Christina Meissner, première vice-présidente
Par ailleurs... (Un instant s'écoule.) Excusez-moi ! Oui, on relève aussi un problème avec la liste d'attente pour l'autorisation d'exploiter un taxi, d'exercer en tant que chauffeur. Actuellement, il y a des chauffeurs indépendants, des taxis bleus - ils exercent en tant que taxi mais avec une certaine limitation dans l'utilisation du domaine public - des entreprises avec des chauffeurs employés, et puis il y a ceux qu'on appelle les baux à ferme, c'est-à-dire qu'ils possèdent une licence de professionnel mais pas de véhicule propre, ils louent leur taxi. Environ 500 personnes figurent aujourd'hui sur cette liste d'attente pour l'obtention de la licence, et certains attendent depuis plus de sept ans ! Sept voire huit ans ! Il faudra faire attention à ça quand on réunira les bleus et les jaunes sous la même bannière. En effet, on risque de créer certaines frustrations chez des gens qui sont en tête de liste, proches de l'obtention de leur patente et qui, tout à coup, se verraient passer devant - excusez-moi du terme ! - par toute une ribambelle de bleus. Ce serait un peu saumâtre, donc on doit trouver une solution. Cette solution n'est pas encore vraiment établie sur le papier, elle sera probablement trouvée par voie réglementaire mais il faut quand même qu'on en discute. Plusieurs options sont possibles: va-t-on procéder par paquets de cent, dans l'ordre, va-t-on mettre tous les bleus ou tout le monde, va-t-on fixer un délai ? Diverses possibilités ont déjà été évoquées dans les travées, reste à trouver la bonne. Je crois sincèrement que si on incluait les 500 personnes inscrites sur la liste...
La présidente. Il vous reste quinze secondes.
M. Pascal Spuhler. Je vais essayer de terminer, Madame la présidente, merci. Si on incluait les 500 personnes inscrites sur la liste - bleus, baux à ferme et employés y compris - et qu'on temporisait pour les nouvelles demandes durant quelques années, on arriverait sans doute à une solution puisque, chaque année, on le sait, un certain nombre de patentes sont abolies ou arrivent à échéance. Voilà, je reviendrai évidemment sur ces amendements au cours du débat, Madame la présidente, mais je voulais juste insister sur la nécessité de mener une réflexion sur cette problématique qui n'a pas été abordée en commission.
M. Bernhard Riedweg (UDC). Tous les acteurs, qu'ils soient économiques ou politiques, se rendent compte que l'actuelle loi sur les taxis n'est plus du tout adaptée à la situation sur le terrain. Il faut rappeler que ce secteur professionnel est encadré par l'Etat; or le politique et le droit accusent un retard systématique sur les réalités économiques. La présence d'Uber en dépit des lois helvétiques constitue un exemple manifeste de ce constat, et on ne peut pas empêcher ce prestataire de services d'exercer son activité dans notre canton.
La loi qui prévaut actuellement date de 2005, contient 62 articles et a été en partie invalidée par les tribunaux; les projets de lois sur les taxis qui sont maintenant soumis au vote du Grand Conseil ne contiennent plus que 47 articles pour le PL 11709, qui oeuvre à une simplification de la législation cantonale - cela semble être un réel progrès ! - et 6 articles pour le PL 11710, qui traite des dispositions fiscales liées au paiement de la taxe permettant aux chauffeurs l'usage accru du domaine public - ces dispositions doivent être présentées dans un projet de loi distinct. Il est à noter que le projet de loi 11710 pourrait faire l'objet d'un référendum facilité. Les PL 11709 et PL 11710 qui nous sont soumis peuvent être qualifiés de plus consensuels possible et consacrent l'idée du service public. L'objectif de ces nouvelles lois est de créer un vrai complément au service public, de remettre le client au centre du marché, de simplifier la situation pour les usagers et de préparer la profession à faire face à une concurrence loyale qui augmentera drastiquement, ceci afin d'améliorer la qualité du service.
Le nouveau texte établit deux catégories de véhicules: la première comprend les taxis de service public, qui seront protégés par un numerus clausus et bénéficieront de l'accès privilégié aux voies de tram et de bus à l'aéroport et à la gare ainsi que du droit de se faire héler. En contrepartie, les chauffeurs devront s'acquitter de taxes annuelles et seront soumis à des contrôles stricts. La seconde catégorie se compose des voitures de transport avec chauffeur - dites VTC - et regroupe les chauffeurs professionnels titulaires du permis de transport professionnel de personnes. Ce qui doit différencier les VTC des chauffeurs de taxi est la qualité du service, faute de quoi l'établissement de deux catégories distinctes n'a pas lieu d'être. Sur les 138 amendements rédigés par les diverses associations et les sociétés de taxis qui nous sont parvenus en commission, seuls 39 ont été acceptés tels quels, les 99 autres ayant été refusés par les commissaires.
La volonté politique du département est de limiter le nombre de taxis pour des raisons d'ordre public de même que pour maintenir l'équilibre par rapport aux voitures de transport avec chauffeur. La limitation du nombre de taxis se fait en échange de l'autorisation d'un usage accru du domaine public. Les conducteurs de taxis jaunes et bleus actuels auront une carte professionnelle de chauffeur de taxi tandis que les conducteurs de limousine auront une carte de chauffeur VTC. Seuls les chauffeurs de limousine n'auront pas la possibilité de devenir chauffeurs de taxi. Le nombre de taxis, qui s'élève aujourd'hui à 875 jaunes et à 245 bleus, paraît correspondre aux besoins du marché, même si le ratio relativement à la population genevoise demeure difficile à déterminer. S'agissant des limousines, 530 chauffeurs possèdent une carte professionnelle, mais ceux-ci ne sont pas considérés dans le cadre du numerus clausus. Actuellement, 1750 chauffeurs sont autorisés dans le canton. Le numerus clausus, qui concerne l'usage accru du domaine public, a l'avantage de garantir aux chauffeurs un certain nombre de courses. En effet, la présence d'un trop grand nombre de taxis serait problématique car la demande n'est pas extensible. L'introduction d'un numerus clausus pour les taxis nécessite la création d'une autre catégorie de chauffeurs professionnels, libres de toute limitation.
Ces nouvelles dispositions permettent de préserver l'emploi des chauffeurs et de maintenir l'équité d'une part, mais aussi de promouvoir l'économie et de nouveaux postes d'autre part. Elles visent l'égalité ainsi que des conditions de travail loyales et permettent à plusieurs chauffeurs d'utiliser une même voiture, ce qui réduit les coûts d'exploitation ainsi que le parc automobile. Par ailleurs, elles donnent à l'Etat une réelle capacité de sanctionner en prévoyant toute une série d'amendes précises en cas de non-respect des règles. Si les règles sont claires, on peut poser des interdits, les appliquer et porter les amendes devant les tribunaux, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Selon les contrôles effectués, 30% des véhicules - tous confondus - seraient en infraction. Le nouveau texte des projets de lois contraint les chauffeurs de taxi à accepter toutes les courses - en particulier à l'aéroport - ce qu'ils ne font pas nécessairement à l'heure actuelle quand ils jugent les distances trop courtes.
Quelques points délicats ont été soulevés, notamment la recommandation émise par la COMCO d'introduire la mise au concours des concessions d'usage accru du domaine public pour assurer la conformité à la loi sur le marché intérieur. Par ailleurs, l'implémentation d'un tarif maximal uniforme pour un même trajet au sein des centrales, qui est incompatible avec la loi sur les cartels, pourrait causer un problème, le risque étant que les acteurs du marché déposent des recours contre les projets de lois. La COMCO veut que la concurrence s'équilibre, aussi les critères d'attribution d'une autorisation d'usage accru du domaine public ne doivent pas empêcher la concurrence. S'agissant des limousines, les conditions de l'examen pour les chauffeurs, qui porte sur les connaissances théoriques et pratiques de la topographie de la ville et du canton, ont été augmentées de façon importante. Cet examen, qui nécessite l'apprentissage par coeur de 600 rues, connaît actuellement un taux d'échec d'environ 80%.
Enfin, il faut encore ajouter, concernant le projet de loi 11710, qu'il y a un risque de référendum à 500 signatures. Compte tenu de l'hétérogénéité du secteur des taxis et des intérêts contradictoires en présence... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) ...la loi qui vous est proposée, Mesdames et Messieurs les députés, ne satisfera pas tout le monde. Ces nouvelles dispositions restent très fragiles et pourraient se voir contestées par les associations de chauffeurs de taxi. L'Union démocratique du centre votera les PL 11709 et 11710, qui seront amendés, de même que l'abrogation prévue par les PL 11707 et 11708. Merci, Madame la vice-présidente.
M. Thomas Bläsi (UDC). Je voudrais présenter un petit historique, parce qu'on fait quand même abstraction d'un certain nombre de projets de lois et il convient de replacer le débat dans son contexte. Somme toute, nous courons aujourd'hui après l'arrêt ASPASA de 1953, qui avait entériné le principe de deux catégories de taxis. La loi de 2005 telle que proposée avait obtenu un vote à l'unanimité et le soutien total des milieux professionnels. Si elle n'a finalement pas pris corps, c'est exclusivement parce que les moyens n'ont pas pu être mis en place pour les contrôles, malgré les avertissements répétés d'un certain nombre de commissaires de la commission des transports dont on n'a pas tenu compte; un échec, donc.
Le 30 juin 2009, le projet de loi 10513 du conseiller national Yves Nidegger a été déposé; il est, à l'heure actuelle encore, gelé et en déshérence à la commission des transports alors même qu'il réglait la plupart des problèmes qu'avait rencontrés la loi de 2005. Avec le nouveau Conseil d'Etat vint ensuite le projet de M. Unger qui, lui, avait décidé de ne pas réunir les catégories de taxis mais de créer une centrale unique; encore une fois, un échec total, qui n'a pu être appliqué.
Aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés, nouveau magistrat, nouveau projet, nouvelle tentative que l'UDC ne saurait qu'appeler de ses voeux dans une situation compliquée voire - il faut rendre cela au conseiller d'Etat - plus compliquée que par le passé puisqu'une nouvelle catégorie de chauffeurs et de nouvelles entreprises se sont immiscées dans le marché. Cependant, comme mes préopinants l'ont dit, cette loi est fragile. C'est la raison pour laquelle l'UDC dépose un certain nombre d'amendements - huit au total - pour lui donner un maximum de chances, éviter des référendums ou des recours qui, dans l'état actuel du texte, sont totalement inévitables et nous mèneraient droit à un nouvel échec. Nous vous présenterons nos amendements au fur et à mesure de la deuxième lecture et vous demandons de les accueillir avec bienveillance. Merci, Monsieur le président, merci, chers collègues.
La présidente. Madame la présidente, plutôt ! (Commentaires.) Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Murat Julian Alder.
M. Murat Julian Alder (PLR). Je vous remercie, Madame la présidente. Je voudrais tout d'abord, au nom du groupe PLR, adresser nos plus sincères remerciements à M. le député Jean Romain qui a rédigé un rapport de plus de 600 pages et qui a réussi à nous le résumer ici en seulement huit points, lesquels constituent l'essentiel de ce projet de loi. Je ne peux malheureusement pas en dire autant du rapporteur de minorité dont les propos m'ont fait penser à un célèbre homme politique gaulois originaire de Hongrie - ou alors hongrois originaire de Gaule - qui avait jadis tenu le discours suivant: «C'est pas parce que vous voulez renverser la table que vous descendez de la voiture dont vous vous abstenez de choisir le chauffeur» !
Blague à part, je dois dire que j'ai eu de la peine à comprendre le propos du rapporteur de minorité, parce que l'objectif de ce projet de loi est précisément d'offrir un cadre légal à la réalité dans laquelle Genève évolue aujourd'hui en matière de transport individuel, avec d'une part un service public confié aux chauffeurs de taxi et d'autre part un service de nature privée accompli par les VTC. Ces deux modes de transport sont parfaitement complémentaires - c'est d'ailleurs déjà une réalité - parce qu'ils obéissent à des besoins différents.
Mais j'aimerais en définitive rappeler un aspect fondamental de ce projet de loi, qui avait déjà été soulevé lorsqu'il a été présenté il y a une année, à savoir que ce texte n'est pas là pour faire plaisir aux taxis ou à Uber, ni d'ailleurs à un quelconque autre opérateur de transport ou diffuseur de courses; il est d'abord là pour assurer les conditions d'une concurrence saine et efficace et faire baisser les prix et vise en premier lieu l'intérêt des usagers. C'est parce que nous pensons en premier lieu aux utilisateurs de ces moyens de transport que nous souhaitons que ce projet de loi fasse l'objet d'une entrée en matière et qu'il soit voté sans aucun des amendements proposés à l'exception de ceux, techniques, présentés par le rapporteur de majorité. Je vous remercie de votre attention.
Présidence de M. Jean-Marc Guinchard, président
M. François Lance (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe démocrate-chrétien relève l'excellent travail du département ainsi que celui de la commission, laquelle a examiné ce dossier ardu de manière approfondie durant de nombreux mois en trouvant le plus souvent des compromis entre groupes politiques s'agissant de certains articles extrêmement sensibles. Nous ne pouvons prétendre que ce projet est parfait, mais il essaie à tout le moins de prendre en compte l'ensemble des composantes et des sensibilités de ce monde professionnel particulièrement complexe, de mettre en valeur la profession tout en laissant une certaine liberté de concurrence. Le plus important, dans ce débat, est de prendre en considération les attentes des usagers des taxis à Genève mais également celles des visiteurs qui arrivent dans notre canton. Les taxis publics sont une vitrine pour Genève. Or il faut se rendre à l'évidence: aujourd'hui, chaque fois que nous parlons des taxis à Genève, peu importe au sein de quel cercle, nous entendons des témoignages hélas trop souvent négatifs sur leurs services.
Une large majorité de la commission a finalement voté ces différents projets de lois, ce qui démontre une volonté d'aller de l'avant pour trouver des solutions dans l'intérêt de tous. Le groupe démocrate-chrétien souhaite ardemment que cette loi soit votée par le Grand Conseil puis entre en vigueur rapidement parce que les citoyens genevois, en particulier les utilisateurs de taxis, attendent des améliorations visibles. Nous désirons également que les taxis publics ainsi que les VTC, qui représentent différents modes de transport, deviennent de véritables partenaires et non des concurrents. En outre, ce projet de loi tient compte de la situation actuelle avec l'entrée de nouveaux opérateurs sur le marché et l'évolution des habitudes des usagers, notamment des plus jeunes qui se tournent vers de nouveaux modèles.
Si nous estimons ce texte équilibré, nous sommes également bien conscients qu'il est fragile et ne se trouve pas à l'abri de potentiels référendums ou recours. Il faut donc tout faire pour qu'il entre en vigueur dans les plus brefs délais, quitte à l'ajuster après une première période de mise en oeuvre. Le groupe démocrate-chrétien entrera en matière sur ces différents projets de lois et examinera bien entendu tous les amendements déposés, en rappelant que chaque article a déjà été étudié de manière minutieuse en commission et que certains amendements suggérés par les milieux professionnels risquent de déséquilibrer complètement le projet de loi. (Quelques applaudissements.)
Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, en préambule et au nom du groupe socialiste, je tiens à remercier notre collègue Salima Moyard pour tout le travail qu'elle a effectué sur ce dossier, d'abord par le dépôt d'une motion, ensuite par un suivi très assidu de ces projets de lois en commission. Elle ne peut pas être parmi nous ce soir, mais je pense que son travail doit être salué. Mesdames et Messieurs, c'est le cas de plusieurs d'entre nous, voilà trois ans que nous avons commencé à siéger dans ce Grand Conseil et nous en sommes déjà à notre deuxième loi sur les taxis - cela dit, je pense qu'on est à peu près dans la moyenne étant donné les multiples lois sur ce sujet votées ces dernières années. S'il y a une chose que le parti socialiste ne réfute pas, c'est la nécessité de légiférer à ce propos, comme en témoigne notamment la motion présentée par Mme Moyard en son temps.
Le secteur du transport de personnes a passablement évolué ces dernières années: on constate l'apparition de nouveaux acteurs qui prennent une place importante et nous nous trouvons face à l'obligation d'adapter notre législation pour pouvoir préserver les intérêts de tous et pacifier une configuration relativement conflictuelle. Aujourd'hui, la situation est insatisfaisante; l'arrivée sur le marché de nouveaux opérateurs - citons Uber parmi d'autres - a provoqué une concurrence accrue et une détérioration non seulement des conditions dans lesquelles les chauffeurs de taxi exercent leur profession mais également de leurs conditions de vie puisque leur niveau de revenu a considérablement baissé; ils sont de plus en plus nombreux à devoir faire appel à l'aide sociale pour subvenir à leurs besoins. Mesdames et Messieurs les députés, en tant qu'autorité politique, on ne peut pas rester inactif face à cet état de fait !
On observe de surcroît l'émergence de nouvelles technologies qui, si elles facilitent le lien entre prestataires et clients, donnent également lieu à de nombreux effets pervers: pensons notamment à l'état de dépendance des chauffeurs vis-à-vis de l'entreprise qui se cache derrière ces applications. Lors des débats à la commission des transports, on a appris que dans la majorité des cas, une forte commission est prélevée par l'entreprise sur le prix des courses, que celle-ci manifeste de très grandes exigences à l'égard de ses chauffeurs, et, de ce fait, il est faux de croire que ces nouvelles sociétés ne font que servir d'intermédiaire entre un client et un prestataire; en réalité, elles créent une nouvelle catégorie de travailleurs qui sont de faux indépendants: sous couvert d'une indépendance professionnelle, ils sont dans les faits employés d'une multinationale. Cette situation, Mesdames et Messieurs, risque de faire tache d'huile et de toucher d'autres professions - c'est déjà le cas dans les domaines de l'hôtellerie et du nettoyage. Des pans entiers de secteurs risquent d'être démantelés, d'anciens salariés devenant de petits indépendants très fortement en concurrence les uns avec les autres, ce qui détériore leurs conditions de travail mais également de vie. Nous devons lutter vigoureusement contre cette évolution du contexte économique ! Ce d'autant plus que la situation actuelle n'est pas satisfaisante non plus pour le public; parmi différents aspects, on peut par exemple noter la confusion entre les taxis jaunes, les taxis bleus et les autres modes de transport privé. Je pense qu'il est nécessaire de clarifier les choses.
Au cours des travaux de commission, le parti socialiste s'est fixé trois lignes politiques. Tout d'abord, la protection des travailleurs: il s'agit de leur assurer des conditions de travail dignes et des revenus décents; ensuite, l'amélioration d'un service qui se veut complémentaire au service public en matière de transport, aujourd'hui offert par les TPG; et finalement, la garantie de l'accessibilité de ce service à toutes et tous, en particulier aux personnes à mobilité réduite et aux familles. Mesdames et Messieurs les députés, pour nous, socialistes - et pour toutes et tous, d'ailleurs - la marge de manoeuvre a été très restreinte en raison du cadre légal fédéral, notamment sur des questions de protection des travailleurs. En effet, le cadre juridique est extrêmement strict là-dessus: on constate une protection passablement dogmatique et quasiment absolue de la liberté économique et du libre marché dans la législation fédérale. Face à ces différents paramètres, nous avons dû apprendre à jongler pour pouvoir avancer et tenter d'améliorer cette loi dans le sens des trois axes que je viens de mentionner, et c'est dans cet esprit-là que nous travaillerons ce soir encore. Nous entrerons en matière sur ce projet de loi puis nous déposerons des amendements, dont certains que nous avions déjà déposés en commission, puis un amendement supplémentaire dont nous vous parlerons tout à l'heure. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
M. Mathias Buschbeck (Ve). Je vais être bref, parce que ces différentes propositions ont été étudiées pendant 23 séances de commission - des travaux qui ont duré quarante-neuf heures ! - pour être enfin adoptées par 14 des 15 commissaires. C'est dire si les Verts sont satisfaits du travail en profondeur réalisé sur ce projet de loi et qui a abouti à un large consensus. Voilà pourquoi nous sommes relativement surpris de voir la tournure que prennent les débats aujourd'hui et de nous retrouver confrontés, alors que tout a été dit, à une kyrielle d'amendements qui remettent en cause l'équilibre général de la loi.
Les Verts vous appellent à soutenir le projet tel que sorti de commission - moyennant peut-être la correction de quelques erreurs de plume - car il simplifie la situation actuelle des taxis à Genève en créant moins de catégories, en tenant compte des nouvelles réalités et surtout en y apportant des réponses, par exemple l'obligation du domicile fiscal des entreprises de VTC en Suisse. C'est le maximum que nous pouvions faire au regard de la loi sur le marché intérieur: nous obtenons que les multinationales qui veulent exercer chez nous y paient leurs impôts.
Enfin, les nombreux amendements déposés démontrent que personne n'est entièrement satisfait de cette loi - c'est d'ailleurs sans doute la preuve qu'il s'agit d'une bonne loi puisqu'elle ne satisfait intégralement personne - à l'exception peut-être de ceux qu'on n'entend pas, ceux pour qui la loi a finalement été faite, à savoir les utilisateurs de taxis qui, eux, verront leur vie facilitée grâce à elle. Adopter cette nouvelle loi, c'est donc mettre en avant le bien public, et c'est pour cette raison que les Verts l'accepteront avec enthousiasme. Je vous remercie.
Une voix. Bravo ! (Quelques applaudissements.)
M. Stéphane Florey (UDC). Tout d'abord, j'aimerais préciser un certain nombre de choses. Cette loi, somme toute, ne satisfait que ceux qui y croient, et il n'y a plus grand monde ici qui y croie. Ce que je comprends pour ma part, c'est que c'est de guerre lasse que la commission des transports a finalement voté ce projet de loi alors qu'il reste certains problèmes à régler, et c'est la raison pour laquelle les amendements qui vous seront proposés tout à l'heure sont importants: ils tendent à augmenter un tant soit peu la satisfaction de l'ensemble des personnes concernées de façon à éviter tout recours ou référendum potentiel.
Maintenant, je voulais davantage intervenir sur l'utilisation des voies de bus. Idéologiquement, je devrais vous dire que personne n'est autorisé à les emprunter excepté les transports publics, mais ce serait vous mentir, ce serait mentir à tout le monde, aux taxis, à la population, parce qu'en réalité, les taxis ne dérangent pas les bus. En effet, quand vous arrivez à un carrefour ou à un feu, des dispositions sont là pour obliger les taxis à sortir des voies de bus et favoriser les transports publics, ce qui fait qu'ils ne dérangent personne. Non, en tant que conducteur de bus, on est bien plus dérangé par les cyclistes, voilà le grand problème ! Il n'existe aucune installation pour les vélos dans les carrefours et aux feux afin qu'ils ne dérangent pas les transports publics, et quand vous avez un cycliste qui roule devant vous à 10 kilomètres-heure, qui se retourne en vous regardant et en rigolant bêtement, eh bien ne me parlez pas de vitesse commerciale ! Quand vous faites 500 mètres à 20 kilomètres-heure, vous n'êtes pas aussi performant que si un taxi roule devant à la même vitesse que vous sans vous déranger.
Voilà la réalité aujourd'hui, et c'est pourquoi il est important que cette disposition demeure dans le projet de loi, il faut aussi tenir compte des besoins de la population. Les taxis sont à considérer comme un service, peut-être pas public comme l'a dit M. Vanek mais tout du moins un service à la population, et pour qu'il soit performant, il faut que ça marche dans les deux sens, c'est-à-dire que quand une personne appelle un taxi, elle n'ait pas à attendre une heure parce que le véhicule en question est coincé dans les embouteillages, tout comme, quand elle se trouve dans le taxi, elle puisse arriver rapidement à destination. C'est ce qu'il est important de considérer dans ce débat, ce n'est rien d'autre - on en reparlera tout à l'heure en examinant les amendements. Les taxis représentent un service à la population auquel nous devons, si nous voulons le conserver, accorder toutes les ressources possibles. Je vous remercie.
Une voix. Très bien !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Pierre Gauthier... qui n'est pas là, donc elle va à M. Bertrand Buchs.
M. Bertrand Buchs (PDC). Oui, merci, Monsieur le président. Nous tenons à ce que cette loi soit acceptée parce que c'est une loi en faveur des utilisateurs de taxis, c'est une loi pour la population. Jusqu'à maintenant, toutes les lois sur les taxis ont été acceptées en commission, on a passé des heures et des heures à en discuter et puis, brusquement, quand on arrive en plénum, la majorité qui était énorme s'effrite. Pourquoi ? En raison de pressions exercées par certaines catégories de taxis sur les députés pour que ceux-ci suivent leur volonté. Or ce n'est pas une loi des taxis, ce ne sont pas les taxis qui vont dicter la loi qu'on va voter, c'est une loi pour les usagers.
Nous, les usagers de taxis, nous voulons que la situation soit améliorée parce que celle qui prévaut à l'heure actuelle est à la limite du scandale, et je peux vous dire que les gens qui viennent de l'extérieur sont fâchés par les taxis genevois, ils sont vraiment fâchés ! Si on part du principe qu'il s'agit d'un service public, comme ça a été dit, eh bien honnêtement ce service public n'est pas offert à la population aujourd'hui. Cette loi qui a été discutée et négociée en commission est une bonne loi, elle doit être votée et on ne doit surtout pas accepter les amendements qui ont été redéposés, à l'exception des amendements techniques, faute de quoi on se retrouvera dans la même situation qu'avec la loi sur la mobilité: à la dernière minute, on revient pour nous dire que le TCS n'est pas d'accord et qu'il faut modifier la loi, pourtant issue d'un consensus. Les membres de l'UDC nous refont le même coup parce qu'ils ont écouté certains chauffeurs de taxi. Je vous remercie.
Des voix. Bravo !
M. Thomas Wenger (S). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, comme ça a été dit, on a beaucoup, beaucoup travaillé lors des travaux en commission, on a beaucoup posé de questions, beaucoup débattu. Je remercie également les représentants du département de Pierre Maudet qui étaient là tout du long, qui nous ont énormément aidés en nous apportant des réponses. On a vraiment essayé d'éclairer nos prises de décision et je crois qu'on a réussi à le faire en grande partie. Pour l'instant, cette loi a été votée en commission; on verra la suite de nos travaux ici. Je pense qu'il ne faut pas croire que parce qu'on a longuement débattu en commission, on arrive ici et que tout est figé, qu'il ne faut surtout pas accepter d'amendements. Certains éléments peuvent être rediscutés et acceptés en dernière minute si ça ne change pas fondamentalement l'esprit de la loi tel que trouvé par consensus - enfin, ce terme n'est peut-être pas encore à utiliser maintenant, on verra si un consensus subsiste à la fin.
Mesdames et Messieurs, il s'agit d'un dossier très complexe. A un moment donné, il faudra se poser la question suivante: la situation actuelle est-elle meilleure que celle qui aura cours si notre Grand Conseil vote cette loi ? La situation actuelle, ça a été relevé par certains d'entre vous, c'est la jungle ! Aujourd'hui, le domaine des taxis et du transport avec chauffeur, c'est vraiment la jungle: vous avez des petits, des gros, des faibles, des forts, des rapides, des lents, des gentils, des méchants, des polis, des malpolis... (Commentaires.) Oui, c'est un peu comme dans ce parlement ! Vous avez des gourmands, qui essaient de manger les autres, vous avez ceux qui se mettent en meute, soit pour mieux manger l'autre, soit pour se défendre, bref, c'est une vraie jungle ! Placez dans cette jungle un smartphone et la situation devient totalement incontrôlable. C'est ici qu'on en est aujourd'hui, on est loin de l'esprit du «Livre de la jungle» où tout le monde essaie de travailler ensemble, c'est plutôt chacun pour soi dans une situation de concurrence acharnée et destructrice.
On a essayé, ma collègue Caroline Marti l'a mentionné, d'apporter un certain nombre d'améliorations dans cette nouvelle loi, notamment s'agissant des conditions de travail des chauffeurs. En effet, à l'heure actuelle, les conditions de travail des chauffeurs de taxi sont très difficiles, de plus en plus difficiles: on parle de journées de dix heures pour n'effectuer parfois que quelques courses, de travail de nuit ou tôt le matin, de clients et de trajets qui changent tout le temps, ce n'est vraiment pas simple pour eux. Dès lors, nous voulions introduire dans ce texte des éléments pour améliorer leurs conditions de travail. Evidemment, chaque fois qu'on essayait d'amener quelque chose, on se retrouvait confronté à la loi fédérale sur le marché intérieur, à la liberté de commerce; on a également eu droit aux commentaires de la COMCO qui déploie manifestement plus d'énergie dans le débat sur les taxis à Genève que celle qu'elle devrait employer à examiner le duopole de Coop et Migros ou encore les tarifs Swisscom, avec lesquels... (Cris à l'extérieur de la salle.)
Une voix. Ce sont les fans ! (Rires.)
M. Thomas Wenger. Les fans, oui ! ...avec lesquels Swisscom s'engraisse depuis de nombreuses années ! Dans ces cas-ci, la COMCO ne s'agite pas beaucoup mais quand il s'agit de la loi sur les taxis, c'est tout autre chose: la COMCO est venue en commission nous expliquer un certain nombre de choses et nous a dit en gros: «Si vous mettez ceci, ça ne va pas, si vous mettez cela, ça ne va pas non plus.» A tout prendre, j'estime que chacun d'entre nous, en tant que membre du Grand Conseil, et tous ensemble, en tant qu'entité délibérative, nous pouvons être souverains s'agissant de l'élaboration d'une loi.
Cette loi consacre plusieurs avancées. Tout d'abord, la fin de la distinction entre taxis jaunes et taxis bleus. Mesdames et Messieurs, tout le monde l'aura déjà vécu à un moment donné: on prend un taxi jaune qui utilise les voies de bus, puis - surtout si on est un touriste et qu'on ne connaît pas le système - on prend un taxi bleu qui n'emprunte pas les voies de bus - cela bien sûr dans l'hypothèse où il respecte la loi, ce qui n'est souvent pas le cas. S'il prend les voies de bus, alors il ne respecte pas la loi, mais s'il ne les prend pas, le client se retrouve coincé dans les bouchons alors que la mention de taxi figure tout de même sur la bonbonne, même si elle est bleue ! Ajoutons encore que ces taxis bleus ne devraient pas être hélés, mais s'il vous arrive d'en héler - faites l'essai ce soir si vous le voulez - vous verrez qu'ils s'arrêtent tous, sans parler du fait qu'ils utilisent en partie les voies réservées aux bus. Cette loi signe la fin de cette problématique et de la distinction entre taxis jaunes et taxis bleus. Dorénavant, les taxis seront tous jaunes...
Une voix. Ou violets !
M. Thomas Wenger. Peu importe la couleur, il s'agira de taxis de service public qui bénéficieront de l'usage accru du domaine public, c'est-à-dire des voies de bus, de stations, du droit d'être hélé ainsi que d'une zone privilégiée à l'aéroport. Tout cela représente un avantage concurrentiel certain par rapport à la deuxième catégorie instaurée, celle des VTC. Encore faut-il, pour instituer cet avantage concurrentiel en faveur des taxis, que la loi soit respectée par les VTC, y compris bien entendu par les véhicules d'Uber et de toute autre entreprise analogue, ce qui n'est pas non plus le cas aujourd'hui. Voilà pourquoi on a déposé un amendement dans ce sens et qu'on a beaucoup insisté afin que le département de M. Maudet accroisse le contrôle de l'application de cette loi; c'est vraiment important pour que ce système constitué de taxis dits de service public et de VTC fonctionne. On pourrait encore citer divers progrès et éléments qu'on a ajoutés dans cette loi, mais je crois qu'on y reviendra de toute façon lors des discussions sur les différents amendements. Je vous remercie de votre attention.
M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, je ne vais pas me répandre en longs panégyriques, j'ai moi aussi apprécié le soutien et le travail mentionnés par M. Wenger, nous nous rejoignons là-dessus. J'aimerais simplement répondre à mon préopinant M. Buchs en indiquant, Mesdames et Messieurs, que si vous avez le courage d'aller fouiller dans les archives, vous verrez que le 30 juin 2009, l'UDC déposait le PL 10513 surnommé projet de loi Nidegger. Ce texte, sous l'ère Unger et surtout en raison d'un certain avis de droit, avait été qualifié d'anticonstitutionnel; quelques années après, alors que M. Maudet a pris le relais, il est considéré comme constitutionnel.
On nous dit qu'on fait de l'électoralisme, du clientélisme; pourquoi pas ? Tout le monde en fait ! Je tiens simplement à vous dire que les modifications que nous allons vous proposer proviennent de ce projet de loi 10513. Si nous avions eu le courage - enfin, peut-être pas le courage mais du moins la clairvoyance - de l'étudier lorsqu'il a été présenté, nous n'en serions pas là aujourd'hui avec ce nouveau texte. Certes, nous avons dit ce que nous en pensions, nous l'avons discuté en commission, il a été présenté par M. le conseiller d'Etat Pierre Maudet; mais on aurait peut-être six ans d'avance sans les soucis qu'on a maintenant si le travail avait été fait à l'époque. Je ne peux que vous inciter à accepter l'entrée en matière ainsi que les amendements qui vous seront proposés.
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de minorité. Je vais juste émettre quelques rapides observations. Mathias Buschbeck a dit sa surprise de voir que tout à coup, après cinquante ou je ne sais plus combien d'heures de travail en commission et l'émergence d'un certain consensus, le débat reprenne et que des amendements soient déposés. Mais ce n'est pas surprenant, et c'est bien là le fond du problème, à savoir que le modèle qu'on essaie d'appliquer à la réalité est problématique. Sans ça, on ne serait pas en train de voter une autre loi deux ou trois ans après la précédente, Michel Ducret n'en serait pas à sa cinquième, sans parler de celle que notre ami Patrick Lussi ressort de son carton à chaussures - enfin, il ne la ressort pas mais il l'évoque... (Remarque.) Pardon ? Non, elle n'a pas été retirée, elle est simplement reléguée au fond du tiroir de la commission que j'ai l'honneur de présider, elle n'a pas été retirée et il l'évoque, ce qui est normal car il y a un problème.
Sur le fond, je plaide pour un paradigme différent, qui serait en fait un paradigme de service public. Il y a un réel souci avec cette loi sur les taxis présentée comme promouvant un service public efficace et de qualité. C'est fascinant: un magistrat PLR a inventé un service public sans un centime de capital public, aucune propriété publique et aucun contrôle public, excepté un certain nombre de réglementations ! Or la réglementation est précisément carentielle en raison d'une volonté libéralisée d'inventer ce concept de diffuseur de courses en faveur de l'entreprise Uber, Uber qui pose des problèmes. Oui, Uber pose des problèmes ! Un député - pas de gauche - est venu me voir et m'a dit qu'il y avait d'autres gangsters qu'Uber dans cette affaire. Bien sûr, d'autres patrons posent problème et d'autres activités d'exploitation en la matière sont discutables et critiquables, mais le problème, avec Uber, c'est qu'il s'agit d'un modèle derrière lequel se bousculent au portillon des milliards de capitaux et qui tend à faire disparaître la notion de salarié.
En effet, il y a des problèmes s'agissant des contrats de travail. Or la manière de définir un contrat de travail représente un enjeu essentiel parce que le droit des travailleurs et des travailleuses dépend de cette qualification: le salarié a droit à un préavis en cas de licenciement, à des vacances, au paiement de son salaire en cas de maladie, à la moitié au moins des cotisations sociales - tout cela selon les dispositions fédérales de la loi sur le travail. Avec Uber, on constate une tentation, qui s'étend d'ailleurs à d'autres secteurs - je crois que Caroline Marti a évoqué cette question - de faire apparaître le salarié comme un partenaire indépendant et de le soustraire ainsi au droit du travail; cette sorte d'auto-entrepreneuriat, comme on le qualifie, constitue la plupart du temps une forme d'emploi précaire: le pseudo-indépendant est un véritable exploité qui ne bénéficie d'aucune garantie de revenu et qui doit assumer seul son affiliation aux assurances sociales, le paiement des cotisations, etc. Uber illustre cette tendance de façon emblématique, ce qui mérite qu'on s'en occupe particulièrement sérieusement parce qu'elle préfigure des problématiques qu'on retrouvera dans d'autres secteurs. Voilà pourquoi vous trouverez, dans mon rapport de minorité, le lien vers un avis de droit du professeur d'université bâlois Kurt Pärli, commandé par Unia et publié sur son site. Cela dit, il n'y avait pas forcément besoin d'aller chercher cet avis de droit puisque la CNA ou Suva, la caisse nationale d'assurance-accidents, a pris une décision à ce sujet - il me semble que c'était ce printemps - en considérant que, du point de vue des assurances sociales, les chauffeurs d'Uber étaient des employés.
Il faut prendre cette problématique en compte, et la loi telle qu'elle a été élaborée ne le fait pas. Ce n'est pas un procès d'intention que fait Pierre Vanek à l'endroit de Pierre Maudet et de son département, mais j'aimerais quand même citer l'avis de droit du professeur Andreas Auer, dont nous avons été saisis et que mon ami Jean Romain connaît par coeur - bon, lui le cite à décharge en justifiant la possibilité d'agir ainsi. Je vais citer textuellement pour le Mémorial - Murat Alder citait Nicolas Sarkozy, je pense qu'Andreas Auer est plus pertinent dans le cas présent. Le point 53 de cet avis de droit indique: «La restriction à la liberté» - il s'agit bien ici de liberté économique - «que comportent l'obligation et l'interdiction précitées» - c'est-à-dire l'obligation de s'annoncer et la restriction consistant à confier les courses uniquement à des chauffeurs agréés - «est fort légère, à tel point», dit le professeur Auer, «qu'il est difficile de concevoir une mesure moins restrictive excepté l'absence de toute réglementation.» On est donc dans l'homéopathie législative en matière de réglementation, et c'est le professeur Auer, qui s'y connaît bien, qui le dit.
Malheureusement, je n'ai pas d'amendement à déposer qui va régler tout ça et mettre tout le monde d'accord, mais certaines propositions vont dans le bon sens du côté du parti socialiste. Toujours est-il qu'il reste ce problème que la commission n'a pas empoigné et sur lequel ce Grand Conseil passera comme chat sur braise s'il vote l'entrée en matière puis adopte le projet de loi tel quel, ainsi que l'appellent de leurs voeux un certain nombre de nos collègues autour de cette table. Pour ma part, je vous incite à y aller tranquillement; si c'est pour refaire une loi tous les trois ou quatre ans, il ne sert à rien de précipiter le mouvement aujourd'hui et de se retrouver dans deux ans et demi ou trois ans - je n'y serai peut-être plus mais d'autres y seront - à en refaire une autre. Soyons prudents ! Je n'ai pas eu la réponse à une question qui avait été posée, à savoir la manière dont on bride Uber. Mathias Buschbeck a indiqué qu'on se trouvait confronté aux limites du droit fédéral; à mon avis, il y a moyen, en s'appuyant sur les éléments que j'ai évoqués comme la Suva et l'avis de droit, de trouver des dispositions un peu moins libérales en la matière que celles qui nous sont proposées par le projet de loi de Pierre Maudet et de son département.
M. Jean Romain (PLR), rapporteur de majorité. Le petit tour de chauffe a montré que nous étions déjà bien entrés dans certains aspects du débat, beaucoup plus que ce que l'on pourrait attendre s'agissant d'un simple vote d'entrée en matière. Ce que j'ai pu remarquer d'intéressant, dans ce tour de chauffe, c'est qu'au fond chacun était sous un drapeau et avait déjà annoncé ce que serait le prochain combat: le combat social, le combat philosophique de M. Vanek qui se demande pourquoi on fait une loi, le combat des uns, le combat des autres. Somme toute, chacun a le droit de s'exprimer, et ce ne sont pas les amendements qui nous feront peur, nous les discuterons après et nous les discuterons franchement.
En revanche, je ne peux pas laisser dire que c'est de guerre lasse que la commission des transports a voté à 14 sur 15 ce projet de loi; cela signifierait que le scrutin aurait été arraché par la fatigue, la lassitude, et l'expression fait fi du travail, des débats, de l'apport du département et des auditionnés; c'est ne pas reconnaître ce qui s'est passé. De plus, cette contestation émane d'un député qui ne siégeait même pas à la commission. Non, soyons sérieux ! D'ailleurs, les deux représentants de l'UDC n'ont semblé ni las ni en guerre; tout au contraire, M. Riedweg a bien souligné tout à l'heure l'aspect profond et important du travail et a même exprimé sa satisfaction.
Et puis, pour terminer, ce n'est pas de guerre lasse non plus que j'ai écrit le rapport de majorité mais dans un tout autre esprit, cet esprit même qui a conduit 14 des 15 commissaires à approuver ce projet de loi. Ce n'est pas de guerre lasse que ça s'est passé, nous avons travaillé longtemps, nous avons essayé de trouver une solution, nous avons auditionné des gens. Le débat est maintenant ouvert et je vous conseille évidemment, comme le PLR, comme ceux de la majorité qui se sont prononcés, d'approuver l'entrée en matière sur ce projet de loi.
Des voix. Bravo ! (Quelques applaudissements.)
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, en quittant son poste, mon prédécesseur Pierre-François Unger m'a livré un certain nombre de dossiers chauds en me disant: «S'il y en a bien un qui te fera particulièrement plaisir et animera tes soirées de réflexion et de commission, c'est celui sur les taxis: une vraie charrue à chiens !» Il aurait pu ajouter: à chiens méchants, dans certaines circonstances - mais je n'irai pas jusque-là. Il est vrai qu'il s'agit d'un dossier particulièrement complexe, particulièrement intéressant, et j'aimerais - c'est mon premier message - remercier la commission parce qu'elle a empoigné ce dossier de façon positive. Il s'agit d'un dossier intéressant parce qu'il oblige à un certain dosage. En effet, s'il y a un principe de liberté économique, il y a également une volonté de service public; s'il y a une profession à respecter, laquelle vit des heures difficiles, il y a aussi une modernité qui nous confronte, avec l'arrivée des smartphones, à de nouvelles réalités. Je souhaite donc saluer le travail exemplaire de la commission qui, au gré de cinquante heures de séance et 615 pages de rapport, a véritablement su trouver un chemin de crête - on verra si on peut encore modestement améliorer le texte avec quelques amendements, mais je crois pour ma part qu'il faut essayer de préserver le plus possible l'équilibre résultant de la commission, qui s'est coltiné ce travail difficile et exigeant, parce que non seulement - plusieurs d'entre vous l'ont souligné - le statu quo n'est pas possible, mais en plus - et je reprends à mon compte le propos de M. Wenger de tout à l'heure - la situation actuelle est une vraie jungle.
Nous vivons sous l'empire d'une loi de 2005 qui a été partiellement amputée par des décisions du Tribunal fédéral, ainsi que M. Bläsi l'a rappelé, et il n'est plus possible de fonctionner avec cette loi-là, notamment parce qu'elle ne correspond pas à la réalité des temps. Je le reconnais, Monsieur Vanek, les deux lois votées par ce parlement en 2014, quelques mois avant l'irruption - intempestive, souffleront certains - de ce nouvel acteur qu'est Uber, sont d'ores et déjà «ringardisées» par l'avènement de la transition numérique que nous connaissons dans tous les domaines de la société. Il faut saluer le fait que votre parlement ait accepté de suspendre deux lois qu'il avait pourtant votées en 2014, mais cela commence à faire long, Mesdames et Messieurs. Revenons sur le centre de mon propos de ce soir: la crédibilité. Il est important de mettre un terme à ce statu quo qui ne peut plus durer, à cette situation délicate dans laquelle deux lois votées il y a deux ans et demi demeurent suspendues dans l'éther.
C'est d'ailleurs ce que nous vous proposons aujourd'hui: abroger ces deux lois et en voter deux autres. Pourquoi deux ? Vous le savez, parce qu'il y en a une de nature fiscale, l'autre de nature plus générale, laquelle épouse six objectifs: un objectif de modernité, un objectif de lisibilité - nous avons aujourd'hui besoin que les choses soient claires, tant pour la profession que pour le public - un objectif d'équité - j'admets avec vous que cet objectif est en partie tempéré par le cadre fédéral, mais nous n'y pouvons rien, c'est ainsi, on l'a également constaté dans d'autres domaines d'activité économique; je prétends néanmoins que la commission a effectué un excellent travail pour arriver à cet objectif d'équité. Je poursuis: un objectif de simplicité - c'est essentiel, il s'agit de parvenir à une loi simple, et la commission a d'ailleurs considérablement réduit le nombre d'articles en comparaison avec quelques autres projets concurrents précédents - un objectif de qualité - vous l'avez tous souligné, il est important de viser la satisfaction des usagers; combien d'entre nous ont entendu ou plutôt n'ont pas entendu les récriminations s'agissant du service actuel de taxis qui, à la gare, à l'aéroport, dans bien des situations, n'est pas satisfaisant ? Le dernier objectif, à mon sens le plus important - et c'est dans cette optique que je souhaiterais voir le débat de ce soir se dérouler - est un objectif de crédibilité. Les commissaires ont eu raison de pointer du doigt les échecs précédents et notamment l'incapacité de l'Etat à faire respecter un certain nombre de règles. Tout à l'heure, plusieurs d'entre vous ont employé le terme de sanction, à juste titre. Le fait de disposer d'une brigade des taxis à la police et au service du commerce est important afin que les règles, si elles sont bien comprises - il faut donc qu'elles soient simples, lisibles et intelligibles - puissent ensuite être appliquées sur le terrain.
Je voudrais que vous modifiiez le moins possible cette loi ce soir afin que mon département, sous réserve de référendums - nous ne les craignons pas, et je doute d'ailleurs qu'il en soit réellement lancé, parce que je crois sentir dans la population un soutien pour le changement - sous réserve de recours - à l'inverse, je ne doute pas qu'il en sera déposé, mais nous les assumerons devant les tribunaux - puisse appliquer cette loi et que, tous ensemble - ce ne sera pas la loi Maudet, ce sera la loi du parlement parce que vous l'avez passablement modifiée en commission - nous constations une amélioration dans ce qui constitue aussi une condition-cadre essentielle en matière de mobilité pour notre canton. Aussi, je vous invite à voter l'entrée en matière, à modifier le moins possible la loi telle qu'issue des travaux de commission - deux voire trois amendements pourraient éventuellement faire l'objet d'un soutien - et, si possible aujourd'hui encore - je suis de nature optimiste, vous me connaissez ! - à voter dans l'enthousiasme, au terme du troisième débat, une loi qui nous permettra enfin de changer d'air dans le domaine des taxis. Merci de votre attention.
Une voix. Très bien ! (Quelques applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat, et ouvre la procédure de vote sur l'entrée en matière du PL 11709.
Mis aux voix, le projet de loi 11709 est adopté en premier débat par 79 oui contre 6 non et 2 abstentions.
Deuxième débat (PL 11709-A)
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. A l'article 1, nous sommes saisis d'un amendement de M. Wenger consistant à compléter l'alinéa 2 de la manière suivante:
«Art. 1, al. 2 (nouvelle teneur)
2 Elle a pour but de promouvoir un service public efficace et de qualité capable de répondre à la demande tous les jours de l'année, à toute heure et en tout lieu du territoire genevois, et des conditions décentes d'exercice de la profession de chauffeur de taxi et de chauffeur de voiture de transport avec chauffeur.»
Madame Caroline Marti, vous avez la parole.
Mme Caroline Marti (S). Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes aujourd'hui en train de traiter d'une loi générale sur les taxis, sur l'exercice de cette profession, son organisation et la manière dont elle s'articule dans la société. Je ne suis pas d'accord avec M. Alder - vous transmettrez, Monsieur le président: on ne fait pas une loi pour les taxis, on ne fait pas une loi pour Uber, on fait une loi pour tout le monde, pour les clients - des clients réguliers ou irréguliers - pour les familles, pour les personnes à mobilité réduite; quels que soient les besoins, il faut que les taxis puissent y répondre. On fait également une loi dans une optique de sécurité publique, afin d'éviter qu'une trop grande quantité de taxis n'empruntent des voies réservées et n'occupent ainsi excessivement le domaine public.
Mais surtout, on fait cette loi pour les chauffeurs de taxi et de VTC et, à cet égard, maintenir des conditions d'exercice de ce métier décentes est une question absolument fondamentale - c'est d'ailleurs une préoccupation majeure et parfaitement légitime des chauffeurs de taxi. Cela a déjà été évoqué mais je pense qu'il n'est pas inutile de répéter qu'il s'agit d'une profession difficile et extrêmement exigeante, avec des horaires irréguliers, un temps de travail souvent très lourd, un revenu qui a toujours été relativement faible et qui, récemment encore, s'est passablement dégradé, ce qui a conduit à une précarisation grandissante des chauffeurs qui, pour certains - je l'ai rappelé tout à l'heure - doivent faire appel à l'aide sociale. A notre sens, si on fait une loi pour les chauffeurs de taxi, il est absolument fondamental de tenir compte de cette préoccupation et d'inscrire dans ses buts que la loi vise à maintenir des conditions d'exercice décentes pour les chauffeurs. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole revient au rapporteur de minorité, M. Pierre Vanek... sur l'amendement, bien entendu.
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de minorité. Oui, merci, Monsieur le président...
Le président. Sur l'amendement, Monsieur Vanek !
M. Pierre Vanek. Sur l'amendement, bien entendu, c'est-à-dire l'ajout de cette phrase indiquant que la loi a pour but de promouvoir des conditions décentes d'exercice de la profession de chauffeur de taxi et de VTC. Mesdames et Messieurs, c'est une évidence qu'il faut promouvoir des conditions décentes d'exercice de la profession ! L'idée même qu'on puisse bâtir ce qui est qualifié abusivement ici, je l'ai déjà dit, de «service public efficace» sur le dos de travailleurs dont les conditions d'exercice seraient indécentes est absurde, et il faut la repousser.
En refusant de voter cet amendement que, pour notre part, nous avons naturellement soutenu en commission et que nous soutiendrons ici, vous êtes en train de dire que vous êtes prêts à payer le prix pour le service de taxis qui vous intéresse et de fermer les yeux sur les conditions de travail dans ce secteur, ce qui n'est pas admissible ! Alors certaines arguties juridiques seront avancées, d'aucuns allégueront qu'il s'agit là d'une loi cantonale sur les taxis et que les conditions de travail relèvent du domaine fédéral; pourtant, on voit précisément que toute une série d'acteurs de la branche considèrent qu'il y a lieu de se soustraire aux dispositions fédérales de la loi sur le travail sous prétexte qu'ils ne sont pas des employeurs ! Tout ça ne va pas.
Il s'agit ici d'un engagement minimum - c'est générique et ça ne mange pas de pain - en faveur des travailleurs et des travailleuses que sont les chauffeurs de taxi et de respect des conditions difficiles, comme il a été souligné, dans lesquelles ils exercent leur métier.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député, et cède la parole à M. Murat Julian Alder sur... (Remarque.) Le rapporteur de majorité passe en dernier ! ...sur l'amendement, cela va de soi.
M. Murat Julian Alder (PLR). Je vous remercie, Monsieur le président. Pour le groupe PLR, cet amendement est parfaitement inutile et sa portée purement déclamatoire. C'est quoi, des conditions décentes ? Est-ce que vous croyez vraiment qu'on va offrir des conditions décentes d'exercice de la profession de chauffeur de taxi ou de VTC simplement en inscrivant cela à l'article 1 de la loi ? Bien sûr que non ! Et il va sans dire, Monsieur Vanek, que ce n'est pas parce que nous refusons cet amendement que nous soutenons à l'inverse des conditions indécentes de travail pour ces professionnels. Il nous apparaît inutile d'alourdir le texte de cet article 1, alinéa 2, qui est fort bien rédigé, et nous vous invitons à refuser cet amendement.
M. Pascal Spuhler (MCG). Comme vient de le dire M. Murat Alder, il n'est pas nécessaire d'en rajouter, d'alourdir encore cet article. Je vous rappelle, Mesdames et Messieurs, que plus de 80% - quasiment 90%, à peu de chose près - des chauffeurs de taxi sont des indépendants. Ils ne vont pas s'appliquer des conditions de travail décentes à eux-mêmes ! Je vous recommande donc de ne pas soutenir cet amendement qui alourdit l'article de loi. Il est évident que nous voulons tous des conditions décentes de travail pour les chauffeurs de taxi.
Le président. Merci, Monsieur le député. Finalement, je passe la parole au rapporteur de majorité, M. Jean Romain.
M. Jean Romain (PLR), rapporteur de majorité. Merci pour le «finalement», Monsieur le président ! Mesdames et Messieurs, il faut savoir ce que l'on fait. Il s'agit du premier chapitre, nous sommes en train de définir le but de la loi, et ce but, c'est évidemment de faire en sorte que les taxis puissent conduire leurs clients de manière optimale d'un point A à un point B, étant donné ce qu'ils doivent payer. Le but de la loi, ce n'est pas d'exiger par exemple des routes décentes afin que les taxis puissent circuler sur une chaussée qui n'est pas bourrée de nids-de-poule, tout comme le but de la loi sur l'école est que les professeurs transmettent des connaissances et pas nécessairement qu'ils s'y sentent à l'aise.
Je crois que l'idée est bonne et tout à fait intéressante parce qu'il s'agit évidemment de respecter les gens, mais il y a déjà une loi pour cela, à savoir la loi sur le travail, c'est elle qui régit cette modalité - sinon, dans tous les articles de lois qui annoncent les buts, on va ajouter inutilement toute une série de choses qui ne sont pas fausses, qui doivent évidemment être respectées, mais dont ce n'est pas la place. Nous avons discuté, nous avons refusé cet amendement en commission parce qu'il nous semblait superfétatoire.
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. La parole n'étant plus demandée, je mets aux voix cet amendement à l'article 1, alinéa 2.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 65 non contre 21 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, l'art. 1 est adopté, de même que les art. 2 et 3.
Le président. A l'article 4, lettre c, M. Wenger a déposé un amendement afin de modifier la définition d'un exploitant d'entreprise de transport. Je vous le lis:
«Art. 4, lettre c (nouvelle teneur)
c) "exploitant d'entreprise de transport": toute personne qui, en sa qualité de titulaire ou d'organe d'une entreprise, quelle que soit sa forme juridique, est liée avec un ou plusieurs chauffeurs par un contrat de travail au sens de l'article 319 du code des obligations ou de l'article 10 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales ou met une ou plusieurs voitures à la disposition d'un ou plusieurs chauffeurs employés ou indépendants;»
Je donne la parole à l'auteur de cette proposition.
M. Thomas Wenger (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, l'article 4 définit la terminologie utilisée dans la présente loi, laquelle établit quatre catégories, si vous me passez l'expression: les taxis, les VTC, c'est-à-dire les voitures de transport avec chauffeur, les exploitants d'entreprises de transport et les diffuseurs de courses. Nous avons déposé cet amendement simplement afin de préciser davantage ce en quoi consiste un exploitant d'entreprise de transport, parce que, pour l'instant, on parle simplement de «toute personne qui [...] met une ou plusieurs voitures à la disposition d'un ou plusieurs chauffeurs employés ou indépendants».
Nous souhaitons relancer la discussion sur le fait que si, par exemple, une entreprise qui utilise une application bien connue de certains clients dispose de chauffeurs avec qui elle a passé des contrats, ceux-ci ont manifestement un lien de subordination avec leur employeur et que, partant, cette entreprise ne peut pas être considérée comme un diffuseur de courses mais doit être définie comme un exploitant d'entreprise de transport. C'est la raison pour laquelle nous avons modifié la description de cette catégorie en ajoutant qu'il s'agit de toute personne liée avec un ou plusieurs chauffeurs «par un contrat de travail au sens de l'article 319 du code des obligations ou de l'article 10 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales». En effet, si on n'est pas un diffuseur de courses mais un exploitant d'entreprise de transport, on a certaines obligations, ainsi que la Suva l'a spécifié dans sa décision, notamment payer les charges sociales des chauffeurs ou encore respecter une réglementation sur le temps de travail. Merci beaucoup, Monsieur le président.
M. Murat Julian Alder (PLR). Il semble qu'un certain nombre de députés de ce parlement prennent pour argent comptant un seul avis de droit émis par un seul juriste sur commande d'un seul syndicat dont on sait très bien par ailleurs les obédiences politiques ! Le lien de subordination qui pourrait éventuellement exister selon certains entre les chauffeurs et ce que ces mêmes personnes voudraient qualifier d'exploitant d'entreprise de transport n'est pas nécessairement avéré, et j'aimerais quand même rappeler que, dans le cas d'Uber, ce lien de subordination fait tout simplement défaut pour une raison toute bête, à savoir que chaque chauffeur est parfaitement libre d'organiser son temps de travail comme il l'entend et de travailler aux heures qui l'arrangent; il n'est pas lié par de quelconques contraintes spatio-temporelles, de sorte que ce lien de subordination n'existe pas. J'ai naturellement beaucoup de respect pour l'auteur de l'avis de droit sollicité par le syndicat Unia, mais n'importe quel étudiant en droit de deuxième ou troisième année serait capable de le critiquer. Je vous invite donc à refuser cet amendement.
M. Pascal Spuhler (MCG). La proposition qui nous est faite revient un peu à enfoncer une porte ouverte. Certes, elle ne déséquilibre pas complètement ce projet de loi, mais bon... On va quand même la soutenir, mais alors du bout des lèvres, car elle n'est pas très utile et alourdit davantage encore l'article. Enfin voilà, on va appuyer la proposition socialiste.
M. Roger Deneys (S). La dernière intervention de M. Murat Alder me fait penser qu'il aurait peut-être dû lire le dernier sujet de «Campus», le magazine scientifique de l'Université de Genève. Il s'agit d'une revue extrêmement intéressante, dont le numéro du mois de septembre avait pour titre: «Le monde selon Uber». Il devrait lire ce dossier qui n'a pas été rédigé par un syndicat qu'il estime être de gauche et dont j'aimerais citer un petit extrait, très court, évoquant la question des chauffeurs de l'entreprise Uber en regard des chauffeurs de taxi traditionnels. Je lis: «Les chauffeurs d'Uber n'ont pas les mêmes contraintes que les professionnels (licences hors de prix, présence d'horodateur, etc.). De ce point de vue, il faut admettre que ces sociétés de l'ère numérique nous rapprochent un peu du tiers-monde en favorisant le développement d'une économie informelle, d'une mentalité du chacun pour soi et de la débrouille.»
Je crois, Mesdames et Messieurs les députés, que c'est bien là ce que nous voulons éviter avec un tel projet de loi, et la modification des buts, dans le premier amendement socialiste, visait justement à faire en sorte que la régulation du marché des taxis soit soucieuse des conditions de travail des chauffeurs et reconnaisse le lien existant entre les entreprises qui organisent ou permettent des courses et les conditions de travail des travailleurs dans le transport.
Je regrette dès lors que ce projet de loi n'ait pas été renvoyé à la commission de l'économie, parce que la vision incarnée ici... (Remarque.) Oui, c'est regrettable parce que manifestement, à la commission des transports, vous avez occulté une partie du problème. En effet, il ne s'agit pas seulement de déterminer si les taxis ont le droit d'emprunter les voies de bus ou non, il s'agit aussi de voir ce qu'on peut faire pour que les personnes qui travaillent dans ce secteur, qu'elles soient indépendantes ou non, bénéficient de conditions de vie décentes et de s'assurer que ce n'est pas la jungle que M. Wenger a décrite tout à l'heure à raison et qui est extrêmement problématique aujourd'hui. Aussi, soyez conscients que, pour le moment, si on ne met pas de cautèles - peut-être symboliques pour vous mais extrêmement importantes pour la suite qu'on donnera à cette affaire - cette loi va rater ce but. (Quelques applaudissements.)
M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, essayons de ne pas déraper dans un domaine par trop partisan ou dogmatique et de rester, comme nous l'a demandé M. le conseiller d'Etat, dans un registre pratique. J'avoue que ce qu'a dit M. Murat Alder tout à l'heure est intéressant, mais il oublie une nuance profonde, qui me pousse à intervenir et à soulever une interrogation.
Certes, un chauffeur qui répond à une quelconque centrale de courses - je ne citerai pas de nom, ne faisons pas de pub - n'est pas un employé puisqu'il travaille quand il veut. Ça, c'est le bon côté du décor; puis on regarde l'envers de ce décor, et qu'est-ce qu'on voit ? Un tâcheron qui, il est vrai, opère des courses quand il l'entend, gagne son argent en fonction du temps qu'il y consacre, mais - et c'est ce qui me gêne le plus dans ce système - n'encaisse pas directement l'argent de son labeur, c'est le diffuseur de courses qui empoche tout et lui reverse ensuite parcimonieusement, sans payer d'impôts à Genève, sa rétribution. Il y a peut-être là quelque chose à améliorer. Je ne suis pas foncièrement convaincu par le texte, non pas par le fond mais par la forme, peut-être y aurait-il là quelque chose à faire, et je pense que nous avons raison de soulever ce problème.
Le président. Merci, Monsieur le député. A présent, je vais passer la parole aux deux rapporteurs en vous indiquant, Mesdames et Messieurs, qu'après leur intervention respective, aucun autre député ne recevra le micro, ils sont les derniers à s'exprimer. Monsieur Pierre Vanek, allez-y...
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président...
Le président. ...toujours sur l'amendement !
M. Pierre Vanek. Bien entendu, bien entendu, sur l'amendement à l'article 4, lettre c, nouvelle teneur ! Et s'agissant de cet amendement, notre ami Murat Alder est intervenu en disant qu'on se basait sur le seul avis de droit du professeur Pärli - on parle de son résumé en français - que n'importe quel étudiant en droit de deuxième ou troisième année pourrait critiquer. Pour sûr, n'importe quel étudiant en droit peut critiquer n'importe quel professeur, nous sommes dans un pays libre et c'est l'essence même du droit de plaider ceci ou cela.
Cependant, Murat Alder oublie deux choses: d'abord, que les conclusions du professeur - je l'avais déjà dit avant mais il a le défaut de certains étudiants en droit ou d'autres branches de ne pas écouter suffisamment Pierre Vanek ! Donc, comme je l'ai indiqué tout à l'heure... (Commentaires. L'orateur rit.) Pierre Vanek, qui a lui-même été professeur... (Remarque.) Bah, instituteur ! Mais notre mérite, à nous instituteurs, c'est que nous portons notre activité dans beaucoup de domaines distincts. Bref, la Suva a adopté le même point de vue. Alors mon vis-à-vis me souffle: «Oui, mais la Suva a des intérêts.» Mais enfin quand même ! Quand même ! La caisse nationale d'assurance-accidents dispose d'experts juridiques, ce n'est pas un professeur dans son coin payé par Unia qui a émis cet avis de droit, c'est une grande institution nationale pour laquelle j'ai beaucoup de respect.
Mais surtout, Mesdames et Messieurs, Murat Alder est tombé dans un piège parce que cet amendement ne tranche pas la question de la qualité du rapport de travail entre des chauffeurs et une entreprise ni celle de savoir si ceux d'Uber sont salariés ou pas; non, il dit une banalité, soit que «toute personne qui, en sa qualité de titulaire ou d'organe d'une entreprise, quelle que soit sa forme juridique, est liée avec un ou plusieurs chauffeurs par un contrat de travail au sens de l'article 319 du code des obligations» est un exploitant d'entreprise de transport ! Il définit tout simplement cette catégorie en référence au code des obligations et à l'existence d'un contrat de travail, il ne tranche pas cette autre question, et ce n'est pas nous qui allons en décider ici; le professeur Pärli a rédigé un avis de droit et, cas échéant, les tribunaux trancheront cette question in fine.
Ainsi, ce que vous soutenez là, Monsieur Alder, c'est qu'il pourrait y avoir des titulaires d'entreprise liés par des contrats de travail avec des chauffeurs qui ne seraient pas exploitants d'entreprise de transport ! Que seraient-ils alors, des bouchers-charcutiers ? Non ! La question juridique que les étudiants de deuxième ou troisième année, le professeur Pärli et les tribunaux débattront est de savoir si le lien existant entre Uber et ses chauffeurs est régi ou non par un contrat de travail. Mais de cela, Mesdames et Messieurs, nous ne tranchons pas ce soir ! Murat Alder, en voulant éviter qu'on inscrive cette disposition dans la loi, nous donne une indication, à savoir qu'avec sa sagacité juridique - enfin, par prudence, mettons tout de même cette appréciation entre guillemets - il estime en réalité qu'il existe bel et bien un rapport de travail, faute de quoi il ne prendrait pas la peine de la combattre. Aussi faut-il la voter, Mesdames et Messieurs, cela relève du simple bon sens.
M. Jean Romain (PLR), rapporteur de majorité. Je remercie le parti socialiste d'amener cet argument de la vingt-cinquième heure ! On n'en a jamais parlé et, au dernier moment, les choses se font dans un manque de transparence total qui, du point de vue formel, est assez désagréable; peu importe ! Sur le fond, cet amendement enfonce une porte ouverte: évidemment que tout exploitant d'entreprise a l'obligation d'établir un contrat de travail. Mais le problème est de déterminer ceci: la compétence nous revient-elle de déterminer si Uber doit ou non se plier à cette disposition ? Pour l'heure, cette entreprise est définie comme un diffuseur de courses et n'entre pas dans cette catégorie.
On nous a agité l'affaire de la Suva; nous sommes bien d'accord. Mais qu'est-ce que j'apprends dans la lettre qui a été demandée à Mauro Poggia ? Que la caisse de compensation du canton de Zurich considère les seuls membres du personnel administratif d'Uber comme des employés, pas les autres; pour la Suva, évidemment, il s'agit d'employés à part entière, au contraire par exemple de l'aide sociale à Genève, justement apportée par le département de M. Poggia, qui les considère comme des indépendants. On va pouvoir se refiler longtemps cette patate-là !
Certes, au fond, cet amendement ne mange pas un pain incroyable, à part peut-être pour les chauffeurs indépendants, c'est-à-dire les chauffeurs de taxis jaunes: devra-t-on encore les considérer comme des indépendants ou, puisqu'ils sont affiliés à un Taxiphone ou à un système de ce genre-là, seront-ils obligés de signer un contrat ? Je me demande si les personnes qui soutiennent cet amendement ne font pas le jeu inverse, celui de ne pas soutenir la majorité des acteurs du transport - ils en représentent à peu près 80% - que sont les taxis jaunes. Si cet amendement était accepté... eh bien, il serait accepté, mais je pense que le plus simple consiste à ne pas l'ajouter et à en rester au texte actuel. Je propose donc, comme Murat Alder, de le refuser.
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Très brièvement, Mesdames et Messieurs, je vous recommande également de refuser cet amendement. Pourquoi ? Parce qu'il introduit une confusion sur un point précis que vient d'évoquer le rapporteur de majorité, à savoir qu'il risque de porter davantage sur la relation existant entre les chauffeurs de taxis jaunes et leur centrale, laquelle serait obligée d'établir des contrats de travail, que sur les diffuseurs de courses. En effet, il ne faut pas oublier cette quatrième catégorie que sont les diffuseurs de courses, que M. Wenger lui-même a relevée et qui ne sera pas confondue avec celle des exploitants d'entreprises de transport.
En cela, je fais mienne une partie de l'argumentation de M. Vanek: ce qui est spécifié dans cet article, c'est qu'il doit préalablement y avoir un contrat de travail; si contrat de travail il y a, des obligations en découlent, qui figurent dans la loi sur le travail. De ce point de vue là, on enfonce effectivement une porte ouverte - ça fait moins mal ! Je crains en revanche que la porte ne soit déjà à demi fermée, notamment pour les chauffeurs de taxis jaunes qui entretiennent une relation particulière avec une centrale, et que cet amendement n'introduise une confusion supplémentaire. Je vous rends attentifs au fait que l'un des objectifs de la loi est de simplifier les choses, pas de les complexifier. Par conséquent, je préconise le rejet de cet amendement.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, je soumets à votre approbation cet amendement à l'article 4, lettre c, modifiant la définition d'un exploitant d'entreprise de transport...
Une voix. Je demande le vote nominal !
Le président. Est-ce que vous êtes appuyé ? (Plusieurs mains se lèvent.) Vous l'êtes visiblement, donc nous procédons au vote nominal.
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 54 oui contre 33 non (vote nominal).
Mis aux voix, l'art. 4 ainsi amendé est adopté par 55 oui contre 31 non.
Mis aux voix, l'art. 5 est adopté.
Le président. M. Wenger présente également un amendement à l'article 6 visant à ajouter une phrase finale à l'alinéa 3. Le voici:
«Art. 6, al. 3 (nouvelle teneur)
3 Le Conseil d'Etat détermine le contenu des examens, les modalités de leur organisation, les équivalences qui peuvent être reconnues et valoir dispense d'examen pour les chauffeurs de taxi et les matières d'examen des chauffeurs de voiture de transport avec chauffeur. Celles prévues à l'alinéa 2, aux lettres b, e et f restent obligatoires pour l'ensemble des examens.»
La parole vous revient, Monsieur Wenger.
M. Thomas Wenger (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, l'article 6 évoque les différentes matières de l'examen. Soulignons tout d'abord, et les socialistes en sont très contents, qu'on a réussi à ajouter comme disciplines les principes de la conduite écologique - cela figure à la lettre e - ainsi que les connaissances théoriques et pratiques nécessaires à l'accueil des familles avec enfants, des personnes âgées et des personnes en situation de handicap, à la lettre f. Moi qui ai des enfants, je peux vous assurer qu'il n'est pas toujours simple de trouver un taxi d'accord d'embarquer une famille à son bord, notamment en raison des sièges pour enfants et de tout ce qui s'ensuit; de même, les personnes en situation de handicap ne sont, à mon avis, pas toujours traitées de manière égalitaire par l'ensemble de la profession. Nous saluons donc ces deux ajouts.
Ensuite, notre amendement consiste à dire que s'il revient au Conseil d'Etat de choisir le contenu de l'examen, nous aimerions que trois matières obligatoires y figurent au minimum, à savoir les obligations résultant de la loi - il s'agit de la lettre b, et vous me direz que ça ne mange pas de pain - les principes de la conduite écologique de même que l'accueil des familles, personnes âgées et en situation de handicap.
M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, si vous avez eu le courage de lire l'excellent rapport de majorité de M. Jean Romain, vous aurez observé que ce sujet a été abordé en long, en large et en travers. En définitive, la commission a décidé de fixer les lignes générales mais de laisser le département organiser les modalités. C'est la raison pour laquelle j'estime que cet amendement n'est pas nécessaire; en l'occurrence, ce ne serait pas enfoncer une porte ouverte mais plutôt enlever un filtre nécessaire à la bonne compréhension de tous. Je vous incite donc, Mesdames et Messieurs, à ne pas voter cet amendement.
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de minorité. Très, très brièvement - pour de vrai, cette fois-ci ! - nous soutiendrons cet amendement du parti socialiste.
M. Jean Romain (PLR), rapporteur de majorité. Nous avons beaucoup débattu ce sujet en commission - M. Lussi vient de rappeler combien les discussions ont été abondantes - et, pour terminer, nous avons accepté le principe d'un examen pour les conducteurs de VTC au même titre que pour les chauffeurs de taxi; tous les professionnels de la branche seront donc soumis à un test. Je ne pense pas que nous devions tant entrer dans le détail s'agissant du contenu de l'examen, cela nous semble un tout petit peu excessif et c'est pourquoi je vous propose de refuser, comme la majorité de la commission l'a fait, cet amendement qui nous contraindrait à décider jusqu'à quel niveau les chauffeurs doivent connaître les matières; laissons au Conseil d'Etat le soin de déterminer les axes qu'il jugera les meilleurs de façon à ce que le service soit de qualité, le principe d'un examen pour tous les chauffeurs de taxi ayant d'ores et déjà été accepté par la commission.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le rapporteur, et prie l'assemblée de bien vouloir se prononcer sur cet amendement à l'article 6, alinéa 3.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 65 non contre 20 oui.
Mis aux voix, l'art. 6 est adopté, de même que l'art. 7.
Le président. A l'article 8, nous sommes saisis d'un autre amendement de M. Wenger pour introduire l'alinéa 2 suivant:
«Art. 8, al. 2 (nouveau)
2 Les entreprises de transport doivent avoir leur domicile, respectivement leur siège, en Suisse.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 44 oui contre 39 non. (Commentaires pendant la procédure de vote.)
Mis aux voix, l'art. 8 ainsi amendé est adopté par 46 oui contre 39 non et 1 abstention.
Mis aux voix, l'art. 9 est adopté.
Le président. Voici un nouvel amendement de M. Wenger, cette fois-ci à l'article 10. Il s'agit de modifier comme suit le contenu de l'alinéa 3:
«Art. 10, al. 3 (nouvelle teneur)
3 Le Conseil d'Etat fixe le nombre maximal d'autorisations après avoir consulté les milieux professionnels et en fonction des besoins évalués périodiquement.»
La parole va à Mme la députée Caroline Marti.
Mme Caroline Marti (S). Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cet amendement tient à coeur au parti socialiste: on demande que les milieux professionnels soient consultés au moment où le département fixe le numerus clausus, qui est un point absolument central pour que nous puissions accepter cette loi - il s'agissait d'ailleurs de l'une des revendications principales de la motion que nous avions déposée avant ce texte-ci - car il permet non seulement, je l'ai évoqué tout à l'heure, d'assurer un objectif de sécurité et d'ordre publics en évitant que trop de taxis ne puissent circuler, notamment sur les voies de bus, mais également d'éviter l'instauration d'une concurrence sans borne sur un marché dont la demande est limitée, ce qui aboutit, je l'ai indiqué aussi, à une précarisation des chauffeurs.
Vous conviendrez comme moi, Mesdames et Messieurs les députés, que le niveau de ce numerus clausus est fondamental et déterminant pour qu'il puisse déployer ses effets: s'il est placé trop haut, il ne sert bien évidemment à rien puisque la concurrence recommence à se développer au-delà des limites de l'acceptable; à l'inverse, s'il est trop bas, ça pose de réels problèmes de service public puisqu'il n'y a plus assez de taxis pour répondre aux besoins et à la demande. On peut se poser la question suivante, de façon un peu ironique: comment le département va-t-il déterminer le numerus clausus, en passant devant la station de taxis de la place du Bourg-de-Four, en montant dans les locaux de la place de la Taconnerie avant d'évaluer si, oui ou non, ils sont surchargés, s'il y a plus ou moins de véhicules que la semaine ou le mois précédent ?
Je dis ça sous forme de boutade car je suis bien évidemment convaincue que le département effectuera un travail sérieux pour fixer ce numerus clausus qui, je le répète, est un élément absolument central. Or pour réaliser un travail sérieux et déterminer le niveau de ce numerus clausus de la manière la plus juste, je pense qu'il est nécessaire d'obtenir l'avis de celles et ceux qui travaillent sur le terrain, qui vivent la situation au quotidien et qui pourront donner leur interprétation des choses, exprimer leur point de vue. C'est pour ces raisons que nous vous recommandons d'accepter cet amendement. Je vous remercie.
M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, une fois de plus, nous avons mené de larges discussions en commission à ce sujet et, au bout du compte, après bien des tractations et des débats, comme sur d'autres points également... Il y a une chose qu'il faut se demander: quand on prend une décision s'agissant d'une loi, est-il nécessaire de réunir tout le monde sur la plaine de Plainpalais et de faire une Landsgemeinde ? A mon avis, ce n'est pas le but de cette loi, et il s'agit d'ailleurs de l'un des points sur lesquels l'UDC est d'accord avec le magistrat: il faut tendre à la simplification, il faut que les choses soient simples.
Nous avons déjà discuté de cet amendement en commission ! Au demeurant, si ma préopinante le dépose à nouveau, c'est bien parce qu'il avait déjà été présenté puis refusé en commission, et je crois qu'il n'est pas sain de faire le procès du département en pensant que celui-ci ne va pas consulter - non seulement les milieux professionnels mais toutes les populations - avant de définir le nombre de taxis dont nous avons besoin. Je ne veux pas encore une fois évoquer cette image et dire qu'on enfonce une porte ouverte, mais nous pensons que cet amendement n'est pas nécessaire; à un moment donné, on doit faire un minimum confiance à notre exécutif si on veut que notre république fonctionne. Le groupe UDC vous incite à ne pas voter cet amendement. Je vous remercie.
M. Murat Julian Alder (PLR). Vous transmettrez aux auteurs de cet amendement, Monsieur le président, qu'avec tout le respect que je leur dois, je les invite à consulter car je crains qu'ils ne souffrent de «mizrahite» aiguë ! (Rires.) En l'occurrence, le principe de consultation figure déjà à l'article 110 de la constitution, il n'est donc absolument pas nécessaire de l'insérer à tous les articles de toutes les lois du recueil systématique genevois. Il va sans dire que le Conseil d'Etat consultera les personnes qu'il estime légitimées à intervenir dans le processus de prise de décision; pour le reste, il n'appartient pas au parlement de dire au gouvernement comment celui-ci doit faire son travail. Je vous invite donc à rejeter cet amendement.
M. Bertrand Buchs (PDC). Nous rejetterons cet amendement parce que c'est au Conseil d'Etat que revient la prérogative de prévoir par un règlement la manière dont il va procéder, ce n'est pas à nous d'en décider à sa place.
M. Pascal Spuhler (MCG). Nous ne soutiendrons pas cet amendement; en effet, il a déjà été longuement débattu en commission. Ce projet de loi est destiné à l'ensemble d'une profession, et il est clair que le département va en tout temps consulter celle-ci, surtout pour établir son règlement d'exécution, tout comme le numerus clausus va être adapté en fonction du nombre final d'autorisations demandées au moment de la fusion entre les taxis bleus, les taxis jaunes et tous ceux qui se trouvent sur la fameuse liste d'attente que j'évoquais en préambule. Cette consultation sera faite, elle est largement faite en général, ainsi que l'a dit M. Alder, puisque son principe figure dans la constitution, aussi n'est-il pas nécessaire de l'ajouter à tous les articles de cette loi. Nous ne soutiendrons pas cet amendement. Je vous remercie, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je signifie à l'attention des députés Murat Alder, Pascal Spuhler et Patrick Lussi que, étant déjà intervenus trois fois au cours du débat, ils n'auront plus la possibilité de le faire à l'avenir. Je cède maintenant la parole au rapporteur de minorité, M. Pierre Vanek.
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de minorité. Oui, Monsieur le président, quelques brèves remarques. Tout d'abord, je suis effondré de vous entendre, Monsieur Lussi, critiquer les formes originelles de notre démocratie helvétique lorsque vous dites qu'on ne va tout de même pas tenir une Landsgemeinde et demander l'avis du populo sur cette affaire - c'est une boutade, mais quand même ! Mme Marti a dit qu'on sait bien que le département fera son travail sérieusement mais qu'il doit le faire en consultant les milieux professionnels; en effet, si on sait bien que Pierre Maudet travaille avec un certain sérieux, on sait aussi qu'il a une tendance à concevoir les mouvements d'information et d'influence de haut en bas plutôt que de bas en haut ! C'est un trait de... (Remarque.) Ah, on me souffle de sa nature ! Je ne dirais pas de sa nature mais plutôt de sa formation, de son passage dans cette autre grande institution nationale qu'est l'armée suisse. Je pense donc qu'il est bien d'inscrire dans la loi une disposition de ce type, laquelle rappelle que les milieux concernés doivent être consultés.
On argue qu'elle figure déjà dans la constitution et qu'il n'y a donc pas besoin de la remettre ici; vous avez sans doute raison, mais le nombre de choses dont on pourrait dire qu'elles figurent déjà dans la constitution et qu'il n'y a pas besoin de les remettre ici ou là...! Il s'agit d'un petit rappel qui n'a rien de bien directif, Pierre Maudet réussira à vivre avec cette injonction consistant à dire qu'il faut consulter les milieux professionnels, ça ne posera pas de problème.
Quelqu'un a également signalé - je crois que c'était Murat Alder et j'en profite puisque, n'étant plus autorisé à prendre la parole, il ne pourra pas me répondre - que ce n'était pas à nous de dire au gouvernement comment faire son travail. Pour ma part, j'ai une conception de l'exercice de l'activité parlementaire qui, bien sûr, ne consiste pas à tenir la main du gouvernement au quotidien ni à lui dire: «Mon vieux, fais ceci, fais cela.» Je ne me le permettrais pas, mais c'est quand même nous qui fixons les conditions-cadres de l'exercice du travail de l'exécutif, c'est nous qui avons à définir les lois qui encadrent son activité, qui la brident et qui garantissent précisément, Monsieur Alder, qu'il réponde dans son activité aux dispositions qui figurent dans la constitution. Il n'y a donc aucune raison de ne pas voter cet excellent amendement dont nous sommes saisis à l'article 10, alinéa 3.
M. Jean Romain (PLR), rapporteur de majorité. A la lecture de cet amendement, je suis tout à fait frappé de stupeur. Il est stipulé dans l'article initial: «Le Conseil d'Etat fixe [...]»; or, dans les paroles de M. Vanek, ça devient: «Pierre Maudet fixe [...]». Le règlement n'est pas fait par Pierre Maudet, il est fait par un Conseil d'Etat qui a son travail à effectuer tandis que nous avons le nôtre.
Par ailleurs, le numerus clausus est une opération... (Remarque.) Merci ! ...délicate, que l'on doit évidemment réaliser en consultant les milieux professionnels, mais on ne peut pas non plus consulter à l'infini. Imaginez un numerus clausus en médecine dans le cadre duquel il faudrait consulter les étudiants à l'infini ! Nous devons faire attention à ne pas trop brider le gouvernement, faute de quoi c'est nous qui gouvernons au final en lui disant exactement ce qu'il doit faire. Je propose, pour les raisons qui ont été dites avant moi, de refuser cet amendement.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote sur l'amendement de M. Wenger à l'article 10, alinéa 3.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 63 non contre 21 oui et 2 abstentions.
Mis aux voix, l'art. 10 est adopté, de même que l'art. 11.
Le président. A l'article 12... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Mesdames et Messieurs, silence, s'il vous plaît ! Merci. A l'article 12, nous sommes saisis d'un amendement de M. Thomas Bläsi qui consiste à insérer une nouvelle phrase au début de l'alinéa 2, que je vous lis:
«Art. 12, al. 2 (nouvelle teneur)
2 Le titulaire a droit au renouvellement de son autorisation, sauf s'il ne remplit plus les conditions de sa délivrance. En cas de non-renouvellement, le département justifie dûment sa décision par écrit sur la base des critères établis par la loi et le règlement.»
Je donne la parole à M. Eric Leyvraz.
M. Eric Leyvraz (UDC). Monsieur le président, rappelez-moi le règlement parce que, pour ma part, je n'ai pas le souvenir qu'on ne puisse prendre la parole que trois fois en débat libre. C'est trois fois sept minutes, non ?
Une voix. Article 71 !
M. Eric Leyvraz. Je ne sais pas où cette disposition figure dans la loi, je l'ai cherchée mais je ne la trouve pas.
Le président. Je vous cite l'article 71 de la LRGC, Monsieur Leyvraz:
«Art. 71 Règles générales
1 Pour chaque débat, nul ne peut prendre plus de trois fois la parole.
2 La durée d'une intervention ne doit pas dépasser sept minutes.»
Je ne me permettrais pas, Monsieur le député, de devenir un dictateur à mon âge ! (Commentaires.) C'est trop tard ! (Le président rit.) Monsieur Thomas Bläsi, je vous laisse présenter votre amendement à l'article 12, alinéa 2.
M. Thomas Bläsi (UDC). Merci mais j'ai juste une petite question avant ça, Monsieur le président: nous avions déposé un amendement à l'article 11A consistant à le biffer et à en transférer le contenu à l'article 17A, mais vous l'avez sauté. Comptez-vous le traiter plus tard, au moment d'aborder l'article 17A, ou l'avez-vous réellement sauté ?
Une voix. Mais non, c'est dans le PL 11710-A !
Une autre voix. C'est dans l'autre texte !
Le président. L'amendement que vous mentionnez concerne le second projet de loi, Monsieur Bläsi, pas celui-ci.
M. Thomas Bläsi. Ah, d'accord !
Le président. Souhaitez-vous malgré tout commenter votre amendement à l'article 12, alinéa 2 ?
M. Thomas Bläsi. Oui, merci. Mesdames et Messieurs, l'UDC présente cet amendement à l'article 12, alinéa 2, qui vise deux buts. Il s'agit d'une part de simplifier les procédures pour les entreprises, conformément à la politique dans laquelle s'est engagé le département de l'économie, en particulier au regard de sa collaboration avec la FAE à l'occasion des dix ans de celle-ci. En effet, toute une série de systèmes ont été mis en place pour que les entreprises et les PME parviennent à collaborer sans difficulté avec l'administration, et il me semble que cet amendement va dans ce sens.
Le second but consiste à permettre aux entreprises de s'assurer un financement par des investisseurs en ne créant pas d'instabilité dans ce domaine tous les six ans. Pour cette raison, nous souhaitons au travers de cet amendement inverser le processus par un renouvellement tacite des autorisations, sauf bien sûr si les bénéficiaires ne devaient plus remplir les critères nécessaires. Il est du reste à noter que l'instauration de contrôles, indispensables et qui faisaient d'ailleurs défaut à la loi de 2005, permettrait logiquement de détecter en amont d'éventuelles déviances. L'UDC vous demande donc d'accueillir avec bienveillance cet amendement qui s'attache à simplifier la vie des entreprises, conformément à la ligne directionnelle qu'a prise le département de l'économie. Merci, Monsieur le président.
M. Jean Romain (PLR), rapporteur de majorité. Si on analyse cet alinéa, on constate que son propos est tautologique. En effet, le département est toujours obligé de justifier sa décision, sans quoi il serait soupçonné d'arbitraire, et de fonder son interdiction sur la loi et le règlement, comme cela est indiqué dans le texte. En fait, la deuxième phrase de l'amendement est déjà inutile, mais elle a été acceptée en commission; soit !
Quant à la première phrase qui a été ajoutée, elle entend conférer au titulaire un droit d'automatisation de renouvellement de son autorisation, mais cela ressortit plus à une crainte imaginaire qu'à la réalité puisqu'il est justement stipulé que si le renouvellement est contesté, il doit faire l'objet d'une justification dûment argumentée - c'est se mettre à l'abri de l'arbitraire, et toute loi doit se mettre à l'abri de l'arbitraire. Il est inutile de surlégiférer, ce sera naturellement au règlement d'apporter cette garantie si besoin est. Je propose donc de ne pas accepter cet amendement.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le rapporteur de majorité, et lance le scrutin sur cet amendement de M. Bläsi concernant l'article 12, alinéa 2.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 57 non contre 32 oui.
Mis aux voix, l'art. 12 est adopté.
Le président. M. Bläsi a aussi déposé un amendement à l'article 13, alinéa 2, au sein duquel une nouvelle phrase a été insérée. Mesdames et Messieurs, je vous lis la proposition dans son intégralité:
«Art. 13, al. 2 (nouvelle teneur)
2 Lorsqu'ils souhaitent exercer régulièrement leur profession dans le canton de Genève, ils ont droit à la reconnaissance de leur permis ou de leur autorisation. Seules les conditions d'octroi de la carte professionnelle qui n'ont pas été contrôlées par l'autorité du lieu de provenance peuvent être examinées. Les chauffeurs de voiture de transport avec chauffeur qui ne sont pas soumis à autorisation dans leur canton de provenance doivent aussi obtenir une reconnaissance pour pouvoir exercer dans le canton de Genève. Le Conseil d'Etat définit une procédure simple, rapide et gratuite pour la reconnaissance.»
Je cède la parole à l'auteur de cet amendement.
M. Thomas Bläsi (UDC). Merci, Monsieur le président. Cette précision dans le texte est relative à une situation assez particulière, à savoir que les chauffeurs d'autres cantons doivent obtenir un complément à l'autorisation dont ils bénéficient dans leur propre canton. Or quid des chauffeurs issus de cantons qui ne prévoient pas d'autorisation ? C'est justement le cas des chauffeurs de VTC, lesquels s'affranchissent de la législation genevoise en passant par les cantons de Vaud ou Fribourg. En clair, cet amendement supprime une inégalité de traitement et évite la fuite d'entreprises vers les cantons de Vaud ou Fribourg pour l'immatriculation des véhicules. Nous vous demandons, Messieurs les députés, de soutenir cet amendement.
M. François Lance (PDC). Mesdames et Messieurs, concernant cette proposition d'amendement, il nous semble que la formulation contreviendrait à la loi fédérale sur le marché intérieur ainsi qu'à l'avis de la COMCO. A notre sens, il serait plus judicieux de laisser le texte d'origine inchangé et de traiter ce cas par voie réglementaire.
M. Alberto Velasco (S). Monsieur le président, ce n'est pas tout à fait sur l'amendement que je souhaite intervenir, il s'agit plutôt d'une réflexion globale: je ne comprends pas comment il est possible, s'agissant d'un projet de loi qui a été voté pratiquement à l'unanimité en commission, qu'on essuie pareille pluie d'amendements... (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
M. Alberto Velasco. Ça veut dire que le travail de commission est nul, il n'a pas été fait comme il faut, voilà tout ! Il serait peut-être grand temps de renvoyer ce texte en commission parce qu'il n'est simplement pas possible d'avoir autant d'amendements en plénière ! (Commentaires.)
M. Jean Romain (PLR), rapporteur de majorité. J'aimerais juste expliquer... (Commentaires de M. Pierre Vanek.)
Le président. Monsieur Vanek, vous n'avez pas la parole ! (Commentaires de M. Pierre Vanek.) Monsieur Vanek ! Allez-y, Monsieur Romain.
M. Jean Romain. ...que l'amendement des milieux professionnels dont il s'agit ici tend à compliquer le travail des chauffeurs de VTC sur le territoire en leur imposant une entrave toute contraire à la LMI ! S'il est vrai que personne n'a intérêt à voir travailler sur notre territoire des chauffeurs de VTC possédant des plaques d'un autre canton en raison des taxes qui nous échappent, on risque avec ce durcissement de la loi, avec cette complication supplémentaire, qui consiste en une demande d'autorisation pour les chauffeurs et conséquemment en l'établissement de critères d'obtention de ladite autorisation pour le département, de créer une entrave que M. Andreas Auer, professeur lui aussi, a très clairement expliquée. Et là, la voie de recours devient un boulevard ! Je le répète: le règlement pourra stipuler qu'une procédure d'annonce est nécessaire pour travailler dans le canton de Genève, et cela doit suffire, nous n'avons pas besoin de cet amendement. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Mesdames et Messieurs, je soumets à vos votes l'amendement de M. Bläsi à l'article 13, alinéa 2.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 53 non contre 31 oui.
Mis aux voix, l'art. 13 est adopté, de même que les art. 14 à 17.
Le président. Nous poursuivons: deux amendements sont proposés à l'article 18, l'un à la fois par MM. Thomas Bläsi et Jean Romain - ils l'ont déposé séparément mais il est identique - l'autre par M. Thomas Bläsi. Le premier concerne l'alinéa 1 et consiste à corriger une coquille dans la troisième phrase: la mention de l'alinéa 7 doit être remplacée par celle de l'alinéa 6. En voici la teneur:
«Art. 18, al. 1, 3e phrase (nouvelle teneur)
1 ... L'alinéa 6 est réservé.»
Monsieur Bläsi, souhaitez-vous vous exprimer ?
M. Thomas Bläsi (UDC). Oui, Monsieur le président, merci. Cet amendement est destiné à corriger une erreur de plume. En effet, il n'existe pas d'alinéa 7 à l'article 18, il faut remplacer cette mention par celle de l'alinéa 6. Merci, Monsieur le président.
Le président. Je vous remercie pour cette précision, Monsieur, et ouvre immédiatement le vote sur cet amendement à l'article 18, alinéa 1.
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 84 oui et 1 abstention.
Le président. Le second amendement à l'article 18 émane de M. Thomas Bläsi et a pour but de compléter l'alinéa 6, lettre b. Voici le contenu proposé:
«Art. 18, al. 6, lettre b (nouvelle teneur)
b) moyennant un dispositif permettant le calcul fiable du montant à percevoir en fonction notamment de la distance parcourue et du temps passé à l'intérieur du véhicule, tel que prévu à l'alinéa 1. Ce montant doit respecter les limites maximales imposées par le Conseil d'Etat aux taxis. L'indication préalable d'une estimation du montant de la course ne permet pas la fixation libre du prix en dehors des limites imposées.»
Monsieur Bläsi, je ne peux pas vous donner la parole, vous êtes déjà intervenu trois fois...
Une voix. Mais il présente son amendement !
M. Thomas Bläsi (UDC). J'ai le droit de commenter mon amendement, l'ayant déposé, Monsieur le président ! (Commentaires.)
Le président. C'est vrai, d'accord ! Allez-y, je vous en prie.
M. Thomas Bläsi. Pour quelqu'un qui ne voulait pas devenir un dictateur...! (Commentaires.) Cet amendement que vous propose l'Union démocratique du centre est lié au problème spécifique de l'émergence d'un nouvel acteur sur le marché. Si la lettre a ne concerne que les chauffeurs de limousine, notre amendement propose à la lettre b que les conducteurs de VTC qui exercent une activité de type taxi soient finalement soumis à la même limite que les chauffeurs de taxi. Pourquoi ? Tout simplement pour protéger les usagers. En effet, si dans certains cas l'application Uber permet aux chauffeurs de VTC de pratiquer des prix plus bas, les tarifs sont donnés en fonction de l'offre et de la demande, ce qui peut engendrer des variations de prix entre 1 et 3. Parfois, entre minuit et cinq heures du matin, certaines tarifications atteignent les 9,70 F le kilomètre, ce qui nous semble inacceptable et correspond à une prise d'otage du consommateur. Pour ces raisons, Mesdames et Messieurs, nous vous prions d'accepter cet amendement. Merci, Monsieur le président.
M. Charles Selleger (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, vous l'aurez certainement compris, tous les amendements déposés par M. Bläsi sont en fait téléguidés par Taxiphone ! Parmi eux, l'amendement dont il est question ici a pour but de limiter la liberté de commerce d'entreprises telles qu'Uber, principale société visée par l'appellation VTC dans la loi qui nous est proposée, par opposition aux taxis, appelés autrefois taxis jaunes ou maintenant encore taxis publics, bien qu'il faille plutôt parler de taxis au service du public. Cet ensemble de précisions sémantiques difficilement compréhensibles pour le citoyen lambda visent à distinguer les taxis qui ont accès au domaine public élargi - encore une expression complexe désignant en fait principalement les voies de bus - des autres voitures de transport avec chauffeur. Si on comprend bien: le privilège de pouvoir accéder à un domaine public inaccessible aux autres, eh bien on comprend qu'il se fasse en contrepartie d'une réglementation plus stricte, notamment concernant les prix. Mais ce privilège n'est pas accordé aux voitures de transport avec chauffeur.
Dans leur argumentaire, les auteurs de cet amendement citent l'ancienne législation en parlant des limousines - vous savez, ces véhicules de luxe destinés à transporter les riches visiteurs de notre cité - et admettraient que la liberté leur soit accordée de fixer les prix vers le haut. Curieusement, la liberté de commerce est contestée pour les voitures de transport avec chauffeur, et ceci pour le dernier quartier de liberté qui leur est octroyé puisque, si vous lisez la lettre b, lorsqu'un dispositif comparable au compteur horokilométrique est utilisé dans les VTC, la limitation du prix maximum est la même que celle des taxis. L'amendement demande donc que la limite s'applique également dans l'hypothèse de la lettre a, c'est-à-dire l'entente libre et préalable sur le prix avant la course entre le chauffeur et son client. Notre parti refusera bien évidemment de supprimer ces dernières parcelles de liberté et vous prie donc, Mesdames et Messieurs, de bien vouloir rejeter cet amendement.
M. François Baertschi (MCG). Un adage dit: «Le mieux est l'ennemi du bien.» On comprend bien que le modèle Uber fait peur à beaucoup de monde, à raison d'ailleurs parce qu'on se trouve face à une mondialisation de la société; mais, malheureusement, le texte qui nous est proposé ici nous oblige à imaginer encore une sous-catégorie, on en arrive à une complexité supplémentaire, ce que les auteurs de la loi et les commissaires ayant participé à sa modification ont justement voulu éliminer - c'est un peu aller à contresens des travaux. Voilà pourquoi le groupe MCG ne suivra pas cet amendement.
M. Mathias Buschbeck (Ve). Il reste moins de dix minutes dans cette séance et, au rythme actuel des discussions, on n'arrivera pas à terminer l'examen de cette loi; pourtant, si on doit bien quelque chose aux chauffeurs de taxi ce soir, c'est de la finaliser. C'est la raison pour laquelle je propose, par une motion d'ordre selon l'article 79, alinéa 1, lettre a, de la LRGC, d'interrompre ici les débats et de passer directement au vote.
Le président. Merci, Monsieur le député. Votre motion d'ordre signifie, si elle est acceptée, que nous voterons systématiquement chaque amendement sans intervention supplémentaire et que nous passerons ensuite au scrutin final. (Brouhaha.) Mesdames et Messieurs les députés, un peu de calme, merci ! Je vous fais voter sur la motion d'ordre de M. Mathias Buschbeck.
Mise aux voix, cette motion d'ordre est rejetée par 52 oui contre 34 non et 2 abstentions (majorité des deux tiers non atteinte). (Commentaires pendant la procédure de vote.)
Le président. A présent, je passe la parole à M. le député Stéphane Florey.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Au vu de la tournure que prennent les débats, cette séance va rapidement tourner à la gabegie. Aussi, je demande le renvoi en commission... (Exclamations. Quelques applaudissements.) Ce débat n'est pas serein, ce débat n'est pas sérieux, nous devons plus à la population, aux entreprises qui emploient des taxis... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...et aux chauffeurs eux-mêmes. Comme la discussion va de toute façon tourner au grand n'importe quoi, mieux vaut en reparler en commission. Visiblement, le travail n'a pas été fait en profondeur, ce genre d'examen doit effectivement, comme l'a dit M. Velasco, être réalisé en commission... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...et pas ici. Je vous remercie. (Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Un peu de calme, Mesdames et Messieurs ! Avant de passer au vote sur cette requête, je cède la parole aux rapporteurs de majorité, respectivement de minorité, ainsi qu'au conseiller d'Etat, si celui-ci souhaite s'exprimer à ce sujet. Monsieur Vanek, la parole vous revient.
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. S'il me semble opportun de terminer nos travaux à 20h, je ne suis en revanche pas persuadé - mais c'est un avis personnel - que cette loi gagnera grand-chose à être renvoyée en commission. De ce point de vue là, je ne soutiendrai pas cette demande et m'abstiendrai au moment du vote.
M. Jean Romain (PLR), rapporteur de majorité. Je crains, Monsieur le président, chers collègues, que ce ne soit de guerre lasse que nous renverrions ce projet de loi en commission. Nous sommes en train de le travailler, il y a eu une motion d'ordre de la part des Verts qui n'a pas été acceptée; soit ! Quant à moi, je refuserai le renvoi en commission et je propose soit qu'on termine les travaux ce soir, soit qu'on s'arrête à un moment donné - c'est le président qui décidera - afin de poursuivre lors de la prochaine session. Mais le renvoi en commission, non: il n'apportera strictement rien d'autre qu'une charrette d'amendements supplémentaires !
Une voix. Exactement !
Une autre voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. J'invite dès lors l'hémicycle à s'exprimer sur la demande de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur les projets de lois 11709, 11710, 11707 et 11708 à la commission des transports est rejeté par 73 non contre 9 oui et 3 abstentions.
Le président. Revenons-en à l'amendement de M. Bläsi à l'article 18, alinéa 6, lettre b. Je donne la parole à M. Jean Romain tout en précisant, Mesdames et Messieurs les députés, qu'après le vote sur cet amendement, je lèverai la séance et vous laisserai rentrer chez vous. (Commentaires.) Monsieur Romain, c'est à vous. (Un instant s'écoule.) Monsieur Romain !
M. Jean Romain (PLR), rapporteur de majorité. Oui, merci, Monsieur le président. Cet amendement a pour but de plafonner les prix aussi bien des taxis que des VTC. La modification vise clairement à empêcher Uber d'indiquer préalablement le tarif d'une course avant de le renégocier d'entente avec le client. Les milieux professionnels redoutent que ce ne soit là une manoeuvre pour que le prix de la course ne soit qu'un prix d'appel et qu'ensuite il ne soit plus plafonné comme celui des taxis. C'est une peur que je peux partager, mais l'Etat peut-il intervenir s'agissant de la modification des prix d'une entreprise privée ? Cette restriction avec plafonnement ne concerne que le service public qui, je le rappelle, est protégé, contrairement à l'entreprise privée. Je vous propose, Mesdames et Messieurs, de refuser cet amendement.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. La parole n'étant plus sollicitée, je lance la procédure de vote sur cet amendement à l'article 18, alinéa 6, lettre b.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 67 non contre 17 oui.
Mis aux voix, l'art. 18 ainsi amendé est adopté.
Le président. Nous reprendrons nos travaux la prochaine fois à l'article 19.
Troisième partie du débat: Séance du jeudi 13 octobre 2016 à 17h