Séance du
vendredi 3 juin 2016 à
18h
1re
législature -
3e
année -
5e
session -
25e
séance
R 778-A
Débat
Le président. Nous passons à la R 778-A en catégorie II, quarante minutes, et je cède la parole au rapporteur de majorité, M. Jean Romain.
M. Jean Romain (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. De quoi parle-t-on ? D'une augmentation des taxes académiques de l'IHEID pour la rentrée 2015. Cet institut n'est ni une université ni une école polytechnique... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) En réalité, cette hausse est assez modeste: pour les étudiants autochtones, l'écolage passe de 3000 F à 5000 F par année, et pour les étudiants étrangers, c'est-à-dire l'immense majorité des inscrits, il passe de 5000 F à 8000 F. Il s'agit d'une augmentation, certes, mais supportable lorsqu'on sait que dans d'autres pays, un institut de cette qualité exige des taxes d'inscription pouvant aller de 40 000 F à 50 000 F. L'IHEID est une institution autonome, ses statuts prévoient que le conseil de fondation a la responsabilité de décider des taxes d'écolage, ce qu'il a fait pour la rentrée 2015 déjà.
Cette école a une double vocation: d'une part, la production d'expertise pour la Genève internationale et, d'autre part, la formation des futurs acteurs internationaux. Certes, l'excellence est recherchée, mais ceux qui n'ont pas suffisamment d'argent pour s'acquitter des taxes peuvent bénéficier de deux sources financières: les bourses qui proviennent de leur pays d'origine et celles instaurées par l'institut lui-même. Nous avons obtenu tous les détails quant à la manière dont l'institution attribue ses bourses, ce qui nous permet de penser que les choses se passent en toute transparence et selon le principe d'équité. Ce qui limite l'accès à l'IHEID, ce ne sont donc pas des taxes prétendument trop élevées. De plus, l'institut a mis au point un système afin que ceux qui ont le plus de moyens financiers paient un peu plus cher, de sorte que ce surplus de recettes soit redistribué à ceux qui ont moins de moyens. Peut-on imaginer procédé plus équitable ? Non.
Le bon sens consiste à refuser cette résolution et à laisser l'IHEID augmenter raisonnablement ses taxes d'écolage. Je ne vois pas pourquoi il reviendrait aux Genevois de payer au-delà de ce qu'ils paient déjà pour cet institut en augmentant sa subvention parce qu'une résolution demanderait de maintenir l'écolage à un taux bien trop bas au motif fallacieux qu'il opérerait une sélection. Refusons, chers collègues, cette résolution malvenue, comme l'a raisonnablement fait la majorité en commission.
Présidence de Mme Christina Meissner, première vice-présidente
M. Christian Frey (S), rapporteur de minorité. Déterminer s'il s'agit d'une augmentation substantielle ou au contraire raisonnable et modeste est une question d'appréciation. Chacun, selon ses moyens, peut avoir un avis là-dessus. Comme l'a souligné le rapporteur de majorité, l'IHEID est une institution spéciale avec un statut spécifique: elle fait partie du domaine des hautes écoles subventionnées à la fois par la Confédération et l'Etat de Genève, à hauteur respectivement de 17 millions pour celle-là et de 15 millions pour celui-ci. Ensemble, cela représente tout de même 50% du financement total, ce qui est considérable. La décision d'augmenter de manière substantielle les écolages pour la rentrée 2015 n'a fait l'objet d'aucune consultation ni information préalable, que ce soit auprès du canton de Genève, du collège des enseignants de l'IHEID ou de l'association des étudiants. Lors de son audition, le directeur général a reconnu que cette absence de consultation était regrettable et a admis avoir commis une erreur.
Quelles sont les conséquences de cette augmentation brutale de la taxe pour les étudiants de l'IHEID ? Lentement mais sûrement, ce lieu de formation déjà prestigieux devient quelque chose de réservé à une élite. Il ne s'agit pas de comparer les 8000 F d'inscription pour les étudiants étrangers avec les 50 000 F qu'on paierait par exemple dans une université américaine, ce n'est pas le même contexte ni la même catégorie. Nous pensons en particulier aux étudiants qui viennent à Genève avec une bourse modeste de leur pays, par exemple d'Afrique: cette bourse ne sera pas augmentée en conséquence de la hausse de l'écolage, et ils seront directement touchés. En fait, ce sont les gens de la classe moyenne, ceux qui possèdent juste un peu trop pour ne pas avoir accès aux aides de l'IHEID, qui sont les premiers concernés. Ensuite, les critères d'attribution des aides financières de l'IHEID sont très particuliers. Le rapporteur de majorité estime qu'ils nous ont été très clairement explicités; pour ma part, je dirais plutôt - et cela a été reconnu au sein de la commission - qu'ils sont d'une opacité crasse: il y a quinze ou vingt critères différents avec des croisements dans tous les sens, c'est compliqué et, par ailleurs, ils ne sont pas du tout coordonnés avec les critères de l'Université de Genève. Il s'agit d'une véritable usine à gaz !
Enfin, mentionnons encore un point important. On relève qu'entre 2012 et 2014, le montant total des aides financières accordées par l'institut aux étudiants a diminué de manière spectaculaire de plus de 1,5 million parce que la DDC, qui subventionnait ce genre de bourses, s'est retirée. Il est complètement aberrant de constater que l'IHEID fait payer aux étudiants le retrait de la DDC, c'est tout simplement inadmissible. Quand on veut être autonome et ne consulter personne, on se finance tout seul. La direction se targue d'avoir réuni 100 millions de fonds privés au cours des six dernières années. Ainsi, il aurait été tout à fait possible de consacrer 1,5 million pour remédier au retrait de la DDC au lieu de répercuter cette économie sur les étudiants. Or la direction campe sur ses positions et fait même preuve d'une certaine arrogance. En effet, les termes de la résolution ont été qualifiés d'injurieux par le directeur de l'institution. Il s'est avéré nécessaire de rappeler à ces messieurs, c'est-à-dire au directeur et au président du conseil de fondation, que lors d'une audition dans une commission du Grand Conseil...
La présidente. Vous parlez sur le temps de votre groupe, Monsieur.
M. Christian Frey. ...on peut éventuellement rectifier des affirmations jugées inexactes mais en aucun cas porter de jugement sur la qualité de ce qui est écrit. La minorité vous invite donc à renvoyer cette résolution au Conseil d'Etat afin qu'il prenne contact avec la direction de l'IHEID et lui demande d'abord de réintroduire, dans la mesure du possible, les anciens écolages dès la rentrée scolaire 2015, ensuite d'intégrer dès 2017 dans la nouvelle convention d'objectifs l'obligation de consulter le canton de Genève s'agissant de tout changement d'importance comme celui-ci, et enfin de procéder régulièrement, comme cela est en partie déjà fait, à une évaluation du respect de la convention d'objectifs. Je vous remercie.
Présidence de M. Jean-Marc Guinchard, président
M. Bernhard Riedweg (UDC). L'Etat de Genève contribue à hauteur de 15 millions au fonctionnement de l'Institut de hautes études internationales et du développement appelé IHEID, qui est une fondation privée au bénéfice d'une reconnaissance d'utilité publique, et la Confédération, elle aussi, lui accorde une subvention de 18 millions - cela a été mentionné tout à l'heure. Il s'agit de contributions du canton de Genève et de la Suisse à la bonne marche du système international. L'institut n'a pas demandé d'augmentation de la subvention publique pour ces prochaines années, ceci afin de développer sa liberté d'action. Il compte 86% d'étudiants qui viennent du monde entier; ni eux ni leurs parents ne paient un centime d'impôt à Genève et, de ce fait, ils ne participent pas à l'effort financier pour la formation.
En 2014, l'IHEID a offert 3,8 millions d'aide financière alors que les écolages s'élevaient à 2,4 millions. Cela signifie que l'école rend davantage d'argent aux étudiants que ce qu'ils versent comme taxe. L'IHEID a décidé de remonter vers les 5 millions l'aide financière aux étudiants, ce qui est une forme de redistribution de l'augmentation récente des frais d'écolage. En guise de comparaison avec des instituts concurrents anglo-saxons de même niveau, leurs frais sont de l'ordre de 20 000 F à 50 000 F tandis que ceux de l'IHEID sont de 8000 F pour les étudiants étrangers, lesquels n'ont jusqu'ici pas été rebutés par la hausse de l'écolage ni par le franc fort. Parmi les candidats aux études dans cette institution, 61% d'entre eux font une demande d'aide financière, et de nombreux étudiants sélectionnés sont au bénéfice d'une bourse de leurs pays ou de l'IHEID. Cette institution, qui semble être une référence mondiale dans le domaine de la formation internationale, est en fait une haute école qualifiée de bon marché en ce qui concerne les frais d'écolage. Il est à relever qu'il ne s'agit pas d'une école obligatoire ou destinée à tout le monde. Faut-il encore préciser que les taxes d'écolage ne représentent que 5% du budget de l'institut ?
De nombreux étudiants fréquentant ce lieu de formation sont des professionnels d'une trentaine d'années qui n'ont plus nécessairement besoin du soutien financier de leurs parents; pour la plupart, ils sont déjà en mesure de subvenir à leurs besoins financiers en travaillant à côté de leurs études. Si l'augmentation des frais d'écolage était refusée, ce serait aux institutions étatiques, dont notre canton, de combler le manque à gagner. Etant donné que seuls 14% des étudiants sont des résidents suisses, ce sera aux habitants de notre canton, qui paient docilement des impôts, de supporter la subvention supplémentaire que ne manquerait pas d'exiger cet institut pour pallier le manque à gagner. L'Union démocratique du centre vous demande de refuser cette résolution. Merci, Monsieur le président.
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme la députée Caroline Marti.
Mme Caroline Marti (S). Combien de temps me reste-t-il, Monsieur le président ?
Le président. Trois minutes.
Mme Caroline Marti. Merci beaucoup, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, sur la forme d'abord, l'annonce de l'augmentation des taxes par l'IHEID a été faite sans aucune consultation préalable, ni du Conseil d'Etat ni de la Confédération, quand bien même cet institut dépend pour 45% de subventions publiques, avec 15 millions de la part du canton et 17 millions de la Confédération. Aucune consultation n'a non plus été menée avec les premiers concernés, à savoir les étudiants et les enseignants.
Sur le fond maintenant, cette hausse de l'écolage - Monsieur le président, vous le transmettrez à M. Romain - ne peut être considérée comme anecdotique ou modeste, elle est au contraire extrêmement conséquente puisque la taxe passe de 3000 F à 5000 F par année pour les étudiants suisses, ce qui représente une hausse de 66%, et de 5000 F à 8000 F pour les étudiants étrangers, c'est-à-dire une hausse de 60%. Au passage, cela fait de l'IHEID l'université la plus chère de Suisse ! Les conséquences sont graves pour les étudiants puisque bon nombre d'entre eux n'auront tout simplement plus les moyens de payer l'écolage et devront renoncer à leur formation.
L'argumentation avancée par l'IHEID, c'est une augmentation des bourses. Or, comme l'a dit de façon très complète avant moi le rapporteur de minorité, le système de bourses comporte toute une série de failles: non seulement les nouvelles recettes engendrées par la hausse des taxes ne sont pas réallouées en totalité aux bourses d'études, et on assiste ainsi à une augmentation globale des frais d'écolage à l'IHEID, mais les critères de l'attribution des bourses sont extrêmement opaques. Elles peuvent être supprimées d'une année à l'autre ou en cas d'échec à un examen et, de ce fait, les étudiants se retrouvent dans une situation extrêmement instable et précaire. Mesdames et Messieurs les députés, la précarisation des étudiants, notamment ceux de l'IHEID, est réelle, on a pu le constater à la commission de l'enseignement supérieur...
Le président. Il vous reste trente secondes, Madame la députée.
Mme Caroline Marti. Merci. Les étudiants ont témoigné que 60% d'entre eux avaient dû faire une demande d'aide financière, qu'ils faisaient face à de nombreuses privations, notamment de nourriture, et se retrouvaient pour bon nombre d'entre eux face à un problème d'endettement qui prétéritera leur intégration future dans le domaine professionnel.
Le président. Il faut conclure.
Mme Caroline Marti. Je conclurai, Monsieur le président, en disant que le parti socialiste refuse un système universitaire dont certains étudiants seraient...
Le président. C'est terminé, Madame !
Mme Caroline Marti. ...purement et simplement exclus en raison de leur situation financière, et nous vous proposons donc de renvoyer cette résolution au Conseil d'Etat. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. Olivier Baud. (Un instant s'écoule.) Monsieur Baud, c'est à vous !
M. Olivier Baud (EAG). Excusez-moi, il y avait trop d'applaudissements, je n'ai pas entendu. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, augmenter les taxes d'écolage à l'IHEID respectivement de 2000 F et de 3000 F est loin d'être anodin, comme on essaie de nous le faire croire. On passe quand même de 3000 F à 5000 F et de 5000 F à 8000 F, c'est très clairement la démocratisation des études qui est mise à mal par cet acte. Mais ce qui dérange particulièrement, une fois de plus, c'est l'absence totale de consultation. Il y a une association des étudiants qui existe, qui est contre et qui doit être consultée, il y a un département - enfin bref, tout a été dit sur la contribution, et quand on est subventionné à pareille hauteur, la moindre des choses est de consulter avant de changer brutalement et de manière aussi importante des taxes d'écolage.
Mesdames et Messieurs, cette résolution - il faut bien la lire - est somme toute assez modeste. Elle demande simplement que la direction et le conseil de fondation daignent redescendre un peu de leur piédestal et veuillent bien discuter avec le département et le Conseil d'Etat des taxes d'écolage; voilà, c'est tout: une aimable discussion. On ne pourrait donc plus, dans notre démocratie, entamer des discussions sur un sujet aussi sensible ? Tout le panel de la formation, qu'elle soit privée, subventionnée ou publique, a lieu sur le territoire de Genève et mérite d'être étudié attentivement. Mesdames et Messieurs, ces hausses sont trop importantes, elles doivent au moins être discutées au préalable avec les acteurs concernés, notamment les étudiants et le Conseil d'Etat. Ensemble à Gauche vous invite donc à accepter cette proposition de résolution bien modeste.
M. Patrick Saudan (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, deux idées sous-tendent cette proposition de résolution de nos collègues socialistes. La première, c'est que le nouveau système de taxes va créer une inégalité sociale dans le recrutement des nouveaux étudiants, et la deuxième, c'est que l'IHEID doit discuter préalablement avec le Conseil d'Etat avant la mise en place d'une telle augmentation. Le PLR s'inscrit en faux contre ces deux idées. Tout d'abord, vous avez parlé des chiffres. Oui, l'IHEID est subventionné à 46% par des fonds publics, la moitié par la Berne fédérale et 15 millions, comme vous l'avez déjà dit, par Genève. Il s'agit de 15 millions sur un budget global de 70 millions ! Pour rappel, l'Etat finance l'université à hauteur de 350 millions sur un budget total de 700 millions, ce n'est pas le même ordre de grandeur. Je précise que l'IHEID est une fondation privée et que si elle doit rendre des comptes, c'est sur sa mission, à savoir apporter de l'expertise et de la formation continue à tout ce qui touche aux relations internationales. Je crois que l'institut remplit parfaitement cette mission, et c'est là-dessus qu'il doit être jugé.
Ensuite, augmente-t-on les inégalités sociales dans le recrutement des étudiants ? Ainsi que mes préopinants l'ont dit, l'IHEID redistribue davantage en bourses - à peu près 4 millions - qu'elle ne touche en écolages - 2,5 millions. Et à qui sont attribuées ces bourses ? Sur 150 bourses, seules 20% d'entre elles ont été attribuées à des Suisses ou à des ressortissants de l'Union européenne; la plupart ont été obtenues par des gens venant principalement d'Afrique, d'Amérique du Sud ou d'Asie. Le problème de l'IHEID - mais ce n'est en fait pas un problème - c'est qu'il s'agit d'une école sélective, où l'on est jugé sur son mérite pour y entrer, et M. Burrin a été très clair à ce sujet: du moment qu'une personne est acceptée à l'IHEID, on essaie de trouver une solution en lui accordant une bourse plus élevée pour qu'elle puisse commencer ou poursuivre sa formation dans cet établissement.
Ces deux idées sont donc fausses, et c'est la raison pour laquelle le PLR vous recommande de rejeter cette proposition de résolution. Pour terminer, j'ajouterai juste une chose, puisqu'on compare sans cesse nos universités aux universités anglo-saxonnes - ce qui prouve d'ailleurs une méconnaissance de la façon dont elles fonctionnent. Là-bas, c'est vrai, les frais d'écolage peuvent s'élever jusqu'à 50 000 dollars, par exemple à Harvard, mais on oublie souvent que 50% des étudiants bénéficient de bourses de l'ordre de ce montant et qu'il y a un système de prêt. L'IHEID est un institut de niche qui offre des formations très spécialisées au niveau du master et du doctorat, et autant au PLR nous sommes attachés à des taxes relativement bon marché au niveau du bachelor, autant nous trouvons tout à fait normal qu'un institut de formation postgraduée comme l'IHEID ait le droit de déterminer le montant de ses taxes. Je vous remercie.
M. Jean-Luc Forni (PDC). Mon préopinant, M. le député Saudan, l'a dit: l'IHEID est un institut faisant partie des hautes écoles internationales qui forment les diplomates de demain, c'est une niche de formation. Il est vrai aussi, qu'on le veuille ou non et contrairement à ce que pense le rapporteur de minorité, que dans ce type de hautes écoles, les écolages sont extrêmement élevés, bien plus élevés d'ailleurs que ce qui se pratique à Genève, même avec 8000 F. Pour en avoir discuté avec certains étudiants du bachelor - le fameux BARI - je crois que ce qui les frustre le plus, ce ne sont pas tant les taxes - même si, évidemment, ceux qui étudient déjà au sein de l'institution sont fâchés par cette augmentation - c'est plutôt que seuls 14% des étudiants genevois du BARI sont retenus pour poursuivre un master en relations internationales. On l'a entendu, l'IHEID est extrêmement sélectif et choisit ses candidats sur dossier. Ceux qui doivent changer de cap, c'est-à-dire effectuer leur master dans une autre discipline ou, s'ils persistent dans les relations internationales, aller étudier dans d'autres universités, que ce soit à Paris ou ailleurs, comprennent vite la différence parce qu'on en revient à nouveau au problème du coût de ces hautes études, qui se chiffre par dizaines de milliers de francs.
La hausse des taxes contribue par ailleurs à financer des bourses pour tout type d'étudiants qui, comme je l'ai dit tout à l'heure, suivent cette formation dans le but de devenir diplomates. Ils viennent du monde entier et contribuent par là même au renom et à la réputation de cette institution. Il me semble que c'est le président de la Confédération, M. Johann Schneider-Ammann, qui disait que l'étudiant doit pouvoir se financer à raison de 30% par ses parents - je vous rappelle que ce sont les parents qui doivent si possible assumer la formation de leurs enfants jusqu'à 25 ans - de 30% par un travail et de 30% par des sources de financement telles que les bourses. Pour en avoir discuté également avec des étudiants en médecine, je pense qu'ils considèrent qu'il est toujours possible d'obtenir un petit job, par exemple le soir ou les dimanches - je ne vais pas faire de publicité pour certaines enseignes qui emploient des jeunes entre midi et deux heures, le soir ou le week-end, permettant ainsi aux étudiants de financer leurs études, de prendre en compte les réalités de la vie de demain, du monde professionnel. Je pense que tous les grands diplomates, pour en avoir entendu dans le cadre d'interviews, ont eu un petit job à côté de leurs études. Quoique louable, cette résolution n'est pas réaliste et ne retiendra pas notre attention. C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, le parti démocrate-chrétien ne la soutiendra pas.
M. Jean-Michel Bugnion (Ve). Chers collègues, l'IHEID nous dit: «Vous n'avez rien à objecter contre la hausse des taxes, nous sommes un institut privé et indépendant qui fait rayonner la Genève internationale et la Suisse dans le monde entier. Notre excellence nous dicte d'ajuster les taxes en fonction de notre image, de la concurrence internationale et de façon à aider 60% des étudiants avec l'apport des 40% restants, qui peuvent d'ailleurs payer bien plus.» Ceci selon une logique typiquement anglo-saxonne de la formation - vous noterez tout de même que les universités d'excellence des Etats-Unis ne sont pas subventionnées par l'Etat. Bon, on ne peut rien dire, on ne dira rien; mais vous n'empêcherez pas les Verts de questionner politiquement la subvention de 15 millions attribuée à cet institut. Est-ce que, dans de telles conditions, pour avoir le droit de ne rien dire, nous en avons pour notre argent ? Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Jean Batou, qui dispose encore de deux minutes.
M. Jean Batou (EAG). Merci, Monsieur le président. Je voudrais dire que le passage des écolages à 5000 F ou 8000 F ne représente qu'une partie du problème pour les étudiants qui veulent s'inscrire à cet institut. En effet, je vous rappelle que pour vivre et se loger à Genève, il faut débourser beaucoup plus d'argent. A l'Université de Lausanne, certains de mes étudiants hésitent à s'inscrire à l'Institut universitaire d'études du développement... pardon, c'est un lapsus puisque l'Institut universitaire d'études du développement a fusionné avec l'Institut universitaire de hautes études internationales pour devenir l'IHEID à une époque où on formait non pas de futurs diplomates mais des gens qui menaient une réflexion critique sur le développement du tiers monde. Je pense qu'aujourd'hui, l'institut est en train d'expulser la sensibilité à l'étude du développement, qui n'y trouvera plus sa place, avec des arguments du type de ceux que j'entends sur les bancs du PLR ou du PDC, lesquels nous expliquent que les universités américaines, ce n'est finalement pas si mal car les étudiants reçoivent des bourses. Peut-être reçoivent-ils des bourses, mais la plupart d'entre eux terminent avec des dettes énormes, et l'un des problèmes sociaux massifs que connaissent les Etats-Unis aujourd'hui...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Jean Batou. ...c'est la dette héritée du passage à l'université des étudiants américains. Pour ma part, j'estime que c'est vraiment la moindre des décences dans ce Grand Conseil que d'inviter l'IHEID à reconsidérer la hausse des taxes et je soutiens à cent pour cent les arguments de mes collègues socialistes.
Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, j'ai le plaisir de saluer à la tribune M. Sylvain Leutwyler, président du Parlement des jeunes genevois, accompagné des membres de son comité. Souhaitons-leur la bienvenue ! (Applaudissements.) Monsieur le rapporteur de minorité, voulez-vous encore vous exprimer ? (Remarque.) Ah, excusez-moi, vous n'avez plus de temps de parole. Alors le micro revient au rapporteur de majorité, M. Jean Romain, pour une minute et dix-sept secondes.
M. Jean Romain (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. L'inscription à l'IHEID - on a interverti deux lettres dans le rapport - se fait sur dossier, et ne sont acceptés qu'au compte-gouttes les étudiants qui voudraient suivre ces cours postgrades. C'est un «gremium» de professeurs qui décide. En suivant le raisonnement de M. Bugnion, on pourrait imaginer que pour 15 millions, l'Etat puisse placer un de ses représentants au sein de ce «gremium» pour participer à la décision, parce qu'en définitive, sur quels critères se fait la sélection, à partir de quelle transparence pouvons-nous dire qu'il y a égalité des chances et démocratisation des études ? On peut aller très loin. On pourrait aussi se plaindre du fait qu'une majorité d'étudiants sont d'origine étrangère, on pourrait se demander pourquoi nous, à Genève, devrions payer pour l'Union européenne ou d'autres continents, que sais-je ?
Or ces gens-là vont par la suite transmettre ailleurs un peu de cette rigueur qui est la nôtre, un peu de cette démocratie qui est la nôtre, un peu de cette ouverture d'esprit qui est la nôtre et peut-être même un peu des lumières qui sont les nôtres ! C'est une vitrine pour Genève, et cette vitrine a un coût, elle n'est pas gratuite. On pourrait dire que 15 millions, c'est beaucoup, c'est évidemment une part extrêmement importante de l'Etat, mais à chaque fois que vous voudrez raboter ces 8000 F pour les étrangers ou 5000 F pour les autochtones, eh bien c'est le contribuable genevois qui devra payer l'augmentation de la subvention. Passerons-nous à 17, 18 ou 19 millions ? Je déplore certes cette augmentation, mais enfin elle est ce qu'elle est, elle est raisonnable, et je crois que nous n'avons pas à donner plus d'argent par cette résolution. Je vous propose donc, comme la majorité de la commission, de la refuser. Je vous remercie.
Une voix. Bravo !
Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, tout le monde reconnaît la qualité de l'IHEID et des formations qui y sont dispensées, lesquelles sont en effet ouvertes sur dossier à des jeunes ou moins jeunes qui doivent avoir eu d'excellentes notes lors de leur formation précédente en plus d'un parcours complémentaire éventuel puisque, vous le savez, l'IHEID n'est ouvert que pour le master ou le doctorat. Concernant la question plus particulière des taxes, je dois vous avouer que j'ai trouvé un peu saumâtre la façon dont les choses se sont passées puisque c'est par courrier que j'ai appris leur augmentation. J'ai d'ailleurs écrit à la direction de l'école, non pas forcément pour parler du fond mais pour dire que j'aurais aimé au moins pouvoir en discuter, et j'ai demandé impérativement que le différentiel qui sera récolté de cette manière - puisque ça va commencer en 2016 - soit exclusivement affecté à des bourses supplémentaires.
Cela dit, malheureusement, Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat n'a guère de pouvoir dans ce domaine. En effet, lorsque l'institut a été refondu - il est né de la fusion entre l'ex-IUHEI et l'ex-IUED - et que ses statuts ont été acceptés tant par la Confédération que par le canton en 2007, il a été décidé que le conseil de fondation serait uniquement composé de personnalités indépendantes, il n'y a donc pas de représentant du canton qui pourrait éventuellement faire valoir notre point de vue. On peut disserter longtemps sur les taxes: doivent-elles être plus élevées, moins élevées ? Mon seul regret est que je n'aie pas pu en parler avec la direction et le conseil de fondation. Tout ce que j'ai pu faire... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...a été de communiquer mon opinion.
Nous envisagerons peut-être, dans un prochain contrat de prestations, de demander à être consultés sur les points importants, parce que, dans le cas présent, si je peux entendre qu'on augmente les taxes pour les étudiants qui ne sont pas des résidents fiscaux sachant qu'il y a des bourses et qu'elles sont accordées essentiellement, vous l'avez entendu, à des jeunes originaires des pays du Sud, je trouve en revanche un peu particulier que les écolages soient si élevés pour les étudiants qui sont des résidents fiscaux par comparaison avec ceux qui suivent les cours de l'Université de Genève. Faites donc ce que vous souhaitez de cette résolution; de mon côté, j'ai déjà dit à l'institut ce que je pensais de cette façon de procéder.
Le président. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat, et prie les députés de bien vouloir se prononcer sur cet objet.
Mise aux voix, la proposition de résolution 778 est rejetée par 62 non contre 32 oui.