Séance du
vendredi 3 juin 2016 à
15h45
1re
législature -
3e
année -
5e
session -
24e
séance
PL 11605-A
Premier débat
Le président. Nous poursuivons notre ordre du jour avec le PL 11605-A que nous traitons en catégorie II, quarante minutes. Le rapporteur de minorité, M. Frédéric Hohl, est remplacé par Mme Nathalie Fontanet. Je passe tout d'abord la parole au rapporteur de majorité, M. Roger Deneys.
M. Roger Deneys (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la commission des finances a étudié ce projet de loi lors de deux séances relativement espacées, soit en septembre 2015 et en janvier 2016. Il s'agissait pour nous d'examiner le nouveau contrat de prestations du Grand Théâtre pour les années 2015 à 2017, ce qui est d'ailleurs l'un des sujets de préoccupation dans le cadre de ce projet de loi, à savoir que nous votons maintenant, en juin 2016, un projet d'aide financière pour les années 2015 à 2017 - on est donc déjà au milieu de l'exercice. Le problème que nous avons une fois de plus rencontré à la commission des finances était de savoir s'il fallait voter ou non ce projet de loi tel que présenté par le Conseil d'Etat, c'est-à-dire un contrat sur une durée de trois ans avec des montants progressifs de 500 000 F en 2015, 2 millions en 2016 et 3 millions en 2017, conformément à l'accord entre le Conseil d'Etat et le Conseil administratif de la Ville de Genève visant à ce que le Grand Théâtre, qui est une institution culturelle d'envergure, soit peut-être un jour repris par le canton.
Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, nous avons eu droit à la commission des finances à un spectacle assez peu réjouissant s'agissant d'une institution aussi prestigieuse et nécessaire pour l'avenir de Genève que le Grand Théâtre puisque différentes propositions ont été émises: ne verser la subvention que pour 2015, la verser seulement pour 2015 et 2016. Pour une minorité, il s'agissait d'essayer à tout prix d'interrompre avant l'heure cette subvention. Mesdames et Messieurs les députés, quand on vote un contrat de prestations pour trois années dont certaines sont déjà passées ou en cours, c'est assez paradoxal mais on se retrouve dans une situation abracadabrantesque avec des subventions qui doivent être de nouveau étudiées à la commission des finances, ce qui crée des coûts de traitement supplémentaires alors que les années sont déjà écoulées.
Aussi, la majorité vous invite à adopter une position plus raisonnable consistant à ne pas indiquer le montant de 0 F pour l'année 2017, qui est l'absurde résultat des travaux de commission, et à revenir au projet de loi initial. Je crois, Mesdames et Messieurs, qu'il faut être responsable: on a parlé de la Genève internationale tout à l'heure, il y a eu une belle unanimité pour soutenir notre engagement envers celle-ci, eh bien cet engagement en faveur d'une Genève qui s'ouvre vers l'extérieur et attire du monde, c'est aussi un engagement en faveur du Grand Théâtre, une institution culturelle prestigieuse que nous devons soutenir. Je vous invite donc à voter le projet de loi tel que déposé initialement par le Conseil d'Etat, à accepter notre amendement afin de revenir aux montants premiers sur une durée de trois ans et ainsi permettre à cette institution de fonctionner correctement pour les prochaines années grâce à cette marque de soutien de notre part. (Quelques applaudissements.)
Mme Nathalie Fontanet (PLR), rapporteuse de minorité ad interim. En préambule, je souhaiterais rappeler que le PLR est très attaché au Grand Théâtre, au rayonnement culturel qu'il apporte à notre canton ainsi qu'à notre région. Il n'en demeure pas moins que nous avons toujours été opposés aux doublons, respectivement au double subventionnement d'institutions par le canton et la Ville. En l'espèce, le Grand Théâtre dépend aujourd'hui de la Ville et c'est elle qui assure son financement. Dans ce contexte, le groupe PLR avait décidé en commission de n'accepter que le montant de 500 000 F prévu pour 2015, qui avait été voté dans le budget cantonal 2015, et de refuser toute subvention du canton pour 2016 et 2017.
Toutefois, il a modifié sa position d'une part en raison de l'avancement dans l'année 2016 et des attentes du Grand Théâtre de recevoir un subventionnement cantonal pour cette année, d'autre part du fait que le désenchevêtrement du domaine de la culture, même s'il avance, n'est pas encore tout à fait terminé. Ainsi, ce soir, le PLR acceptera finalement le projet de loi tel que sorti des travaux de commission, à savoir avec une subvention cantonale de 500 000 F pour l'année 2015 et le même montant pour 2016, mais nous n'entrerons pas en matière sur une quelconque subvention pour 2017. Cela dit, nous pourrions accepter un amendement qui viserait à supprimer le montant de 0 F figurant actuellement dans le texte pour l'année 2017 mais nous refuserons tout amendement visant à augmenter le montant de ces subventions.
Nous soulignons en effet que le canton n'ayant pas voté de budget pour 2016 et fonctionnant sur la base des douzièmes provisionnels, il ne dispose aujourd'hui pas d'un montant supérieur à 500 000 F à affecter à cette subvention pour 2016. Enfin, chers collègues, je tiens à préciser que le PLR se réjouit de voter le financement du Grand Théâtre si celui-ci devait revenir au canton ensuite du désenchevêtrement du domaine de la culture. Je vous encourage donc à voter le projet de loi tel que sorti des travaux de commission, avec comme seul éventuel amendement la suppression du montant de 0 F pour 2017. Merci, Monsieur le président.
M. Romain de Sainte Marie (S). Ce projet de loi est extrêmement important car il s'inscrit dans deux registres: d'une part la culture qui est essentielle pour Genève, non pas celle d'une élite, comme on pourrait le croire quand on parle du Grand Théâtre, pas du tout, mais une culture qui soit accessible à toutes et tous, qui soit un véritable facteur de cohésion sociale - on peut le voir par exemple avec les tarifs incitatifs pratiqués au Grand Théâtre pour les jeunes. D'autre part, la volonté du Conseil d'Etat de désenchevêtrer les tâches entre le canton et les communes, plus particulièrement d'avoir la responsabilité et la charge de deux organismes culturels primordiaux dans notre canton, à savoir le Grand Théâtre et l'Orchestre de la Suisse romande.
Aujourd'hui, nous devons faire preuve d'une certaine responsabilité en respectant nos engagements, sachant que le canton a signé en 2013 un accord avec la Ville de Genève qui prévoyait d'arriver à un financement du canton de 3 millions de francs en 2016. Si nous voulons avoir la charge du Grand Théâtre, autant ne pas nous défiler immédiatement dans les engagements que nous avons signés mais au contraire les respecter. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons pour principe, quand nous signons un accord, de respecter nos engagements et nous vous demandons de les remplir et de montrer que le canton peut être digne d'avoir la responsabilité du Grand Théâtre de Genève. Je vous remercie.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S). Mesdames et Messieurs les députés, comme vous l'avez vu, le parti socialiste a déposé un amendement consistant à revenir aux montants initiaux, soit 500 000 F pour 2015, 2 millions pour 2016 et 3 millions pour 2017. Pourquoi ? Il nous semble très important que le Grand Conseil prenne conscience qu'il s'agit là de combler le déficit structurel de 3 millions que connaît régulièrement le Grand Théâtre, déficit qui a été confirmé par une étude indépendante réalisée par le bureau actori et cofinancée par le canton de Genève, la Ville de Genève, la fondation du Grand Théâtre où sont représentés l'ensemble des partis ici présents, l'Association des communes genevoises et le Cercle du Grand Théâtre. Tous ces acteurs de la politique culturelle genevoise reconnaissent qu'il faut agir rapidement pour combler ce déficit structurel et surtout permettre au Grand Théâtre de développer la politique culturelle qui est la sienne et qui, j'ose l'espérer en tant que socialiste, est partagée par tous les rangs.
Le Conseil d'Etat s'est engagé à déposer le présent projet de loi pour prendre en charge ce déficit et nous demandons, comme l'a indiqué mon collègue tout à l'heure, que le Grand Conseil respecte ces engagements pris notamment par le président du Conseil d'Etat. J'ajoute aussi que la saison hors murs, qui va se dérouler jusqu'en juin 2018, va amener des frais supplémentaires qui seront assumés par la Ville de Genève étant donné que la jauge est beaucoup plus petite. Pour finir, j'aimerais rappeler que le budget du Grand Théâtre est assumé pour 45 millions de francs environ par la Ville de Genève. Aujourd'hui, si on veut entrer dans une vraie discussion...
Le président. Il vous reste dix secondes.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio. ...s'agissant de la répartition des charges en matière culturelle, le canton doit faire sa part. Nous vous demandons donc d'appuyer cet amendement afin de donner des conditions dignes au Grand Théâtre. Merci.
Mme Emilie Flamand-Lew (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, ce Grand Conseil a récemment voté un projet de loi-cadre sur le désenchevêtrement des tâches entre le canton et les communes. La culture est l'un des domaines concernés et le Grand Théâtre en particulier fait partie des négociations entre l'Etat et la Ville de Genève. Quelques mois à peine après avoir demandé au Conseil d'Etat de s'atteler à ces négociations, voilà que la commission des finances vient mettre des bâtons dans les roues de ce désenchevêtrement en amendant ce projet de loi. Suite à des votes qui relevaient d'une stratégie de billard à trois bandes de la part de la délégation du MCG dans son ancienne composition - il faut le souligner - le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui est incohérent, et il s'agit donc de soutenir l'amendement déposé par le parti socialiste pour revenir au texte d'origine.
Les Verts soutiennent la culture sous toutes ses formes, à la fois la culture alternative, attaquée par la droite municipale qui avait pour le coup ménagé le Grand Théâtre dans ses votes, et la culture institutionnelle, attaquée par les mêmes qui l'avaient épargnée en ville. J'attire d'ailleurs votre attention sur un courrier des lecteurs paru ce jour dans la «Tribune de Genève» de M. Richter, directeur du Grand Théâtre, qui fait un plaidoyer pour la culture sous toutes ses formes, soulignant que la culture alternative et la culture institutionnelle sont complémentaires et s'enrichissent mutuellement. C'est la raison pour laquelle je vous invite à revenir au projet de loi initial en soutenant l'amendement du parti socialiste.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, les communes et le canton sont en pleine discussion sur la répartition des tâches, notamment dans le domaine culturel mais pas seulement. Alors si on veut réussir ces transferts et que l'Etat reprenne le Grand Théâtre, puisque c'est visiblement la volonté du Grand Conseil, il faut aussi, si je puis me permettre cette expression, jouer le jeu. Des phases de transition doivent avoir lieu, des engagements ont été pris entre le gouvernement cantonal et celui de la Ville qui permettent cette transition et des négociations sereines. C'est pour ça qu'en ce qui nous concerne nous souhaitons respecter la convention qui avait été négociée, en tout cas pour une partie. Les négociations avec le Grand Théâtre commencent, et peut-être faut-il encore laisser la période 2017 ouverte. Nous sommes prêts à voter la subvention de 500 000 F pour 2015 et celle de deux millions pour 2016, mais laissons ouverte la problématique de 2017 en fonction de l'avancement des travaux sur la répartition des tâches en matière culturelle, particulièrement pour le Grand Théâtre.
A un moment donné, il faut savoir choisir; bien sûr, c'est 2 millions de plus que ce qui avait été prévu, mais il y a une nécessaire répartition des choses qui se fait et qui doit permettre d'arrondir un peu les angles parce que ces transferts, ce désenchevêtrement, ce n'est pas si simple que ça, vous le savez bien; d'ailleurs, je mets ce mot entre guillemets parce que, d'un côté, on désoch... on désen... Je n'arrive pas à le prononcer, vous voyez ! Pourtant, je n'ai rien bu ! ...on désenchevêtre et, de l'autre côté, on complique les choses. Ce n'est pas si simple et parfois on se demande si, au bout de la course, on sera arrivé à quelque chose de plus équilibré qu'aujourd'hui, on se pose des questions. Mais attendons la fin des processus et, afin de ne pas les gripper, je vous invite à entrer en matière sur une partie - c'est-à-dire la subvention pour 2015 et 2016 - de ce qui avait été prévu entre le Conseil d'Etat et le Conseil administratif de la Ville de Genève. Je vous remercie.
Mme Béatrice Hirsch (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, le parti démocrate-chrétien a toujours soutenu le Grand Théâtre, d'abord au niveau municipal, aujourd'hui au niveau cantonal. En lisant le rapport sur les travaux de la commission des finances, il est fort difficile d'en saisir le déroulement et ce que désirait cette commission. Preuve en est d'ailleurs qu'aujourd'hui le rapporteur de majorité ne soutient pas le projet de loi tel qu'issu des travaux de la commission, qui est soutenu par le rapporteur de minorité. Pas très facile de comprendre ce qui s'est passé ! C'est la raison pour laquelle le parti démocrate-chrétien, si on regarde le rapport, s'est abstenu systématiquement sur tous les votes lors de ces travaux. Aujourd'hui, nous allons voter l'amendement socialiste qui vise à verser au Grand Théâtre 500 000 F en 2015, 2 millions en 2016 et 3 millions en 2017, ceci pour confirmer l'engagement qu'avait pris le Conseil d'Etat vis-à-vis de la Ville.
Le MCG a dit qu'il désirait soutenir cet accord mais, après réflexion, seulement en partie, c'est-à-dire pour 2015 et 2016 mais pas 2017. Or quand on constate notre difficulté à adopter des montants, qu'on est quand même en train de voter un montant pour 2015 alors qu'on est en juin 2016, nous pensons que ce n'est sincèrement pas raisonnable de repousser aux calendes grecques le vote pour 2017. M. Sormanni a parlé au nom du MCG du désenchevêtrement - j'ai réussi à prononcer le mot ! - des tâches; mais au moment où le canton reprendra la charge du Grand Théâtre, il s'agira alors de voter des montants bien plus conséquents pour le Grand Théâtre dans son entier. Il vaut donc bel et bien la peine de voter 2015, 2016 et 2017, et le PDC vous encourage à accepter l'amendement socialiste. J'aurais peut-être juste une remarque et une question à la conseillère d'Etat, à savoir quid de l'article 3 qui stipule: «Cette aide financière est inscrite au budget annuel de l'Etat voté par le Grand Conseil sous le programme N01 "Culture"» ? Il n'y a pas de budget 2016 ! Je vous remercie, Monsieur le président.
Une voix. Bravo ! (Quelques applaudissements.)
M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, ceux qui ont eu la patience de lire jusqu'au bout le compte-rendu de tous les méandres et rebondissements des séances de la commission des finances ainsi que des délais demandés par le Conseil d'Etat vu que le désenchevêtrement n'était pas tout à fait terminé - mais on ne sait toujours pas où on en est s'agissant de la portée de ce projet de loi - auront constaté qu'il y a eu plusieurs votes, plusieurs propositions. L'UDC est arrivée et fait partie de ceux qui seraient supposés soutenir le rapport de majorité, c'est-à-dire ce qui est sorti des débats de commission: verser la subvention pour les années 2015 et 2016 et 0 F en 2017, et on en reste à un million et pas à tout ce qui est demandé. Il semblerait maintenant que le résultat des travaux de la commission va faire le débat qui va suivre, donc nous verrons pour la suite, mais il est certain que l'UDC acceptera l'entrée en matière et refusera des amendements visant à augmenter cette somme. Je vous remercie, Monsieur le président.
Mme Simone de Montmollin (PLR). Le Grand Théâtre est important, tout le monde dans cet hémicycle le reconnaît, le PLR le premier. L'un de mes préopinants a parlé du sens des responsabilités; il est de notre avis que faire preuve de responsabilité, c'est tout mettre en oeuvre pour mener au plus vite les travaux de désenchevêtrement. C'est le seul moyen d'éviter ces financements croisés auxquels on assiste année après année et qui donnent lieu à des injonctions contradictoires lorsque procédure budgétaire et discussions de conventions de subventionnement ne coïncident pas. C'est ce qui nous arrive aujourd'hui, une fois de plus hélas, avec une institution d'importance, le Grand Théâtre.
L'engagement que le canton avait pris à propos de cette convention de subventionnement date d'une ancienne législature - il faut le rappeler - époque où la nouvelle constitution n'était pas encore en vigueur. Depuis, celle-ci impose que d'ici 2018, le désenchevêtrement soit effectif, et c'est donc dans cette perspective que nous devons réunir les forces. A ce titre, le PLR veut montrer un signe positif en acceptant le projet de loi tel qu'issu des travaux de commission et non pas tel que discuté maintenant à la faveur de nouveaux amendements amenant des montants qui n'ont même pas été proposés par le Conseil d'Etat durant les débats en commission, ce qui est pour le moins surprenant. Il nous semble cohérent et logique de maintenir cette subvention de 500 000 F pour 2015 et de 500 000 F pour 2016 et de tout mettre en oeuvre pour que les travaux de désenchevêtrement soient réalisés au plus vite.
Mme Salika Wenger (EAG). Chers collègues, je comprends un peu la frilosité du parti libéral et d'autres pour voter... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Je comprends cette frilosité parce que le Grand Conseil n'a pas encore l'habitude de prendre en charge la culture, et la culture de manière large est coûteuse. Or en ce qui concerne le fameux projet de désenchevêtrement - ce mot est particulièrement barbare ! - il s'agit pour le canton de reprendre le Grand Théâtre et l'OSR notamment. Ainsi, l'argent qui vous est demandé maintenant est ridicule par rapport aux coûts que représenteront ces institutions si nous devons les prendre en charge.
Vous nous expliquez... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...qu'il faut faire très attention à ce qu'on dépense aujourd'hui, qu'on ne peut pas augmenter nos frais impunément; mais ils vont être augmentés de toute façon, je vous le garantis ! Je vous donne un exemple: lorsque, le 19 décembre, ont eu lieu les fameux événements dont nous avons tous parlé, c'est-à-dire lorsque le Grand Théâtre a été sprayé, tout le monde était d'accord pour dire que c'était un scandale. Il y a même eu la proposition de mettre en place une sous-commission parlementaire pour enquêter. Alors pour ça, pas de souci, on instituerait une sous-commission pour enquêter là-dessus avec des travaux qui coûteraient probablement très cher, mais on ne veut pas financer le Grand Théâtre à sa propre demande !
On ne peut pas me soupçonner d'être de ceux qui défendent de manière extrêmement véhémente le Grand Théâtre... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...puisque, au sein du Conseil municipal - Mme Fontanet en a été témoin - je me suis opposée à réitérées reprises à des augmentations de la subvention. Mais maintenant que ce Grand Théâtre va devenir celui du canton, il faut donner la preuve à la population que nous, Grand Conseil, sommes capables de prendre la responsabilité de cette partie de la culture qui est bien plus importante pour vous que pour nous ! Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame la députée. Madame la rapporteure de minorité, souhaitez-vous vous exprimer avant le vote d'entrée en matière ?
Mme Nathalie Fontanet (PLR), rapporteuse de minorité ad interim. Non, pas particulièrement, Monsieur le président. Je rappelle juste que, a priori, nous n'entrerons pas en matière quant à d'autres augmentations de ces subventions. Nous attendons simplement de voir si des amendements dont nous n'aurions pas été informés à ce stade se trouvaient déposés pour nous prononcer. Merci, Monsieur le président.
Le président. Je vous remercie, Madame, et cède la parole au rapporteur de majorité, M. Roger Deneys, pour trente secondes.
M. Roger Deneys (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. J'aimerais simplement dire que ce n'est pas une question de désenchevêtrement, mais bien une question de subvention supplémentaire cantonale devant permettre au Grand Théâtre de faire face à ses engagements actuels à la place des Nations. C'est une situation compliquée pour le Grand Théâtre, qui risque de connaître des déficits si on ne l'aide pas davantage au niveau cantonal, et c'est aussi pour cela que les montants étaient progressifs. Je vous invite donc à tout faire pour ne pas mettre en péril l'avenir du Grand Théâtre et donc à voter les montants tels que proposés par le Conseil d'Etat dans le projet de loi initial.
Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je souhaiterais resituer ce projet de loi dans son contexte - vous savez mon passé d'enseignante d'histoire, j'aime bien et je crois qu'il est important de resituer les choses dans le temps. Ce projet de loi n'est pas né durant cette législature, il est le fruit d'un long processus historique qui remonte à l'année 1996, à l'adoption d'une loi cantonale d'encouragement à la culture qui avait permis d'entamer un dialogue entre les différentes collectivités publiques. Ce dialogue, après des années, a abouti à un projet de loi que vous connaissez bien et que la rapporteure de minorité d'aujourd'hui, Mme Fontanet, connaît bien également puisqu'elle était à la table des discussions à l'époque, à savoir le projet de loi sur la culture qui a été voté par votre parlement en 2013. Je me permets d'ailleurs un petit clin d'oeil en vous citant un extrait du débat d'avril 2013. Ici, dans cette même enceinte, Mme Fontanet nous disait ceci s'agissant de la concertation avec les communes: «C'était important parce que le but de ce projet de loi tenait à coeur aux libéraux, en particulier le fait d'avoir un engagement de l'Etat au niveau des grandes institutions stratégiques.» N'est-il pas vrai ? Un peu plus loin, Mme Fontanet ajoutait: «en effet, il [...] s'agit [...] bien de parler d'institutions culturelles stratégiques, et de laisser aux communes leur rôle primordial par rapport à la culture de proximité, par rapport aussi à la création culturelle, qui a besoin de proximité.»
Eh bien c'est exactement dans ce sens-là que le Conseil d'Etat est allé, avant même cette législature, en signant en octobre 2013 avec la Ville de Genève un accord qui confirmait cette orientation et l'idée que, à terme, c'est bien le canton qui devait de plus en plus s'engager dans les grandes institutions culturelles stratégiques et qu'on devait parvenir à une meilleure répartition des tâches. Lors de cette législature, cela s'est concrétisé avec tout le processus de répartition des tâches. Nous sommes donc là dans un processus qui dure depuis un certain temps déjà, qui s'inscrit dans la durée - il ne s'agit pas d'une lubie qu'aurait eue par hasard la cheffe du département de l'instruction publique, de la culture et du sport.
Deuxièmement, pourquoi vous proposons-nous précisément maintenant, depuis 2015, d'entrer dans le financement du Grand Théâtre ? Il me semble que Mme Valiquer l'a rappelé en faisant référence à un rapport très intéressant de l'entité allemande actori datant de mars 2014 - j'ignore si vous le connaissez toutes et tous. Ce rapport, demandé préalablement par le Grand Théâtre lui-même, le Cercle du Grand Théâtre, la Ville, les communes et le canton, compare le fonctionnement du Grand Théâtre à celui d'institutions de même type - il s'agit de trois autres opéras, soit ceux de Bruxelles, de Zurich et je ne sais plus quel est le troisième. Je vous passe les détails mais j'aimerais juste vous donner la fin du résumé de ce rapport, qui mérite d'être connue de ce parlement: «Il ressort de l'étude d'actori que, si les moyens financiers du Grand Théâtre n'augmentent pas, cette institution ne pourra bientôt plus poursuivre correctement sa mission et faire rayonner Genève au niveau international, car la diminution progressive des dépenses artistiques aura d'importantes répercussions sur la qualité des spectacles. Si l'on veut inverser cette tendance, il convient d'allouer des moyens financiers supplémentaires au Grand Théâtre, afin qu'il puisse augmenter le nombre de représentations, renforcer la recherche de sponsors, acquérir de nouveaux publics et développer son programme pédagogique.»
En réalité, on se rend compte d'une chose importante, notamment à cause du coût de la vie à Genève et parce que le personnel du Grand Théâtre est pour partie municipalisé, donc perçoit des augmentations salariales régulières, c'est que les dépenses artistiques du Grand Théâtre ne sont pas suffisantes proportionnellement aux autres dépenses de fonctionnement, si on le compare à de grandes institutions similaires dans les pays qui nous entourent ou en Suisse. Par conséquent, le Grand Théâtre a besoin d'argent. Or pour augmenter le sponsoring du privé, il faut des gens qui effectuent de la recherche de fonds en permanence; pour gagner à terme de nouveaux publics, il faut développer des programmes pédagogiques auprès des jeunes, puisqu'ils représentent les futurs spectateurs qui achèteront des abonnements. Ce que nous dit aussi cette étude d'actori, c'est que, si on veut que le Grand Théâtre augmente de lui-même ses moyens de financement, il faut à un moment donné contribuer, investir en quelque sorte afin de rapporter davantage de moyens par la suite.
C'est en allant exactement dans le sens de ce rapport et de toute cette analyse qui date maintenant de plusieurs années que le Conseil d'Etat vous propose un projet permettant au Grand Théâtre de continuer à rayonner, je dirais même d'augmenter son rayonnement qui, je vous le rappelle, est indissociable de la qualité que Genève, ville internationale accueillant des entreprises d'importance, peut offrir. Pour toutes ces raisons, il est bien évident que le Conseil d'Etat soutient son projet de loi d'origine; maintenant, si par hypothèse vous n'acceptiez pas l'amendement qui vous est proposé, dont le but est de revenir au projet de loi initial, j'en aurais un autre à vous présenter. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à vous prononcer sur l'entrée en matière de ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 11605 est adopté en premier débat par 91 oui (unanimité des votants).
Deuxième débat
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement déposé par les députés Lydia Schneider Hausser, Roger Deneys et Alberto Velasco portant sur l'intitulé et l'article 2, alinéa 1, dont voici la teneur:
«Titre (nouvelle teneur)
Projet de loi accordant une aide financière à la Fondation du Grand Théâtre de Genève pour les années 2015, 2016 et 2017
Art. 2 Aide financière (nouvelle teneur)
1 L'Etat verse à la Fondation du Grand Théâtre de Genève un montant de 500 000 F en 2015, de 2 000 000 F en 2016 et de 3 000 000 F en 2017 sous la forme d'une aide financière de fonctionnement au sens de l'article 2 de la loi sur les indemnités et les aides financières, du 15 décembre 2005.»
Je mets cet amendement aux voix...
Une voix. Vote nominal !
Le président. Etes-vous soutenue, Madame ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, nous passons donc au vote nominal.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 49 non contre 43 oui (vote nominal).
Le président. Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat présente également un amendement concernant le titre, l'article 2, alinéa 1, et l'article 4, qui est en train de vous être distribué. En attendant que chacun d'entre vous l'ait en sa possession, je passe la parole à Mme la conseillère d'Etat Anne Emery-Torracinta.
Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Merci, Monsieur le président. Cet amendement consiste à limiter le projet de loi aux années 2015 - déjà passée - et 2016 - en cours - en proposant les montants suivants: 500 000 F pour 2015, ce que personne ne remet apparemment en question, et 2 millions pour 2016, et le projet s'arrête là. Pourquoi ? Tout simplement parce que je sais une inquiétude parmi vous, qui est ressortie tout à l'heure lors de la discussion, c'est de savoir comment la discussion sur la répartition des tâches allait se poursuivre. Je pense qu'on peut trouver un consensus dans ce parlement avec cet amendement, qui nous permet d'une part de répondre aux besoins du Grand Théâtre et aux engagements que les collectivités publiques ont pris les unes envers les autres mais surtout de donner un signe à la Ville de Genève: oui, le Grand Conseil et le Conseil d'Etat entendent bien reprendre le Grand Théâtre à terme, nous en donnons le signe aujourd'hui mais nous attendons aussi de la Ville de Genève qu'elle nous fasse un signe en retour en mettant en place un groupe de travail sur le désenchevêtrement. En effet, vous savez que la reprise du Grand Théâtre n'est pas qu'une seule question de subvention qui va basculer, il y a toute la problématique de la gouvernance, du personnel, des bâtiments, ce qui nécessite un certain travail. Cet amendement nous donnerait quelques mois pour avancer avec la Ville et pour que le Conseil d'Etat puisse ensuite revenir devant vous avec une proposition raisonnable pour 2017. Je vous invite donc à soutenir cet amendement tel que proposé.
Le président. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs, avant de lancer le vote sur cet amendement, je vous en lis le contenu:
«Intitulé (nouvelle teneur)
Projet de loi accordant une aide financière à la Fondation du Grand Théâtre de Genève pour les années 2015 et 2016
Art. 2 Aide financière (nouvelle teneur)
1 L'Etat verse à la Fondation du Grand Théâtre de Genève un montant de 500 000 F en 2015 et de 2 000 000 F en 2016 sous la forme d'une aide financière de fonctionnement au sens de l'article 2 de la loi sur les indemnités et les aides financières, du 15 décembre 2005.
Art. 4 Durée (nouvelle teneur)
Le versement de cette aide financière prend fin à l'échéance de l'exercice comptable 2016. L'article 8 est réservé.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 82 oui et 11 abstentions.
Mis aux voix, le titre ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, le préambule est adopté, de même que l'art. 1.
Mis aux voix, l'art. 2 ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, l'art. 3 est adopté.
Mis aux voix, l'art. 4 ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, l'art. 5 est adopté, de même que les art. 6 à 10.
Le président. Je vous informe que le troisième débat est ajourné jusqu'à la finalisation du contrat de prestations et sera traité lors d'une prochaine session.