Séance du
jeudi 12 mai 2016 à
17h
1re
législature -
3e
année -
4e
session -
16e
séance
PL 11570-A
Premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous pouvons entamer notre ordre du jour avec le PL 11570-A, classé en catégorie II, quarante minutes. Je remercie MM. Christo Ivanov et Thomas Wenger de prendre place à la table des rapporteurs. (Un instant s'écoule.) Je cède le micro au rapporteur de majorité, M. Christian Ivanov.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. Christo Ivanov ! Merci, Monsieur le président. (Rires.)
Le président. Christo, pardon !
M. Christo Ivanov. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le projet de loi 11570 présenté par le parti socialiste propose de revenir sur un vote du souverain qui avait plébiscité la dernière révision de la LIPP, y compris la mesure liée aux primes d'assurance-maladie. Le Grand Conseil avait déjà refusé le projet de loi 10907 proposé par le Conseil d'Etat. Le parti socialiste veut supprimer un des rares avantages fiscaux des classes moyennes, à savoir la déductibilité des primes d'assurance-maladie et accident et spécialement des assurances complémentaires. Pour toutes ces raisons, la majorité de la commission fiscale vous demande de refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi.
M. Thomas Wenger (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, je pense que vous vous souvenez que nous avons tenu plus ou moins le même débat dans le cadre du budget. Le débat portait sur le projet de loi 11711 déposé par le Conseil d'Etat, qui demandait de pouvoir déduire les primes effectivement payées au titre de l'assurance obligatoire, ce à quoi le présent projet de loi correspond quasiment, car il parle de la déduction de la prime moyenne cantonale. Comme l'a souligné le rapporteur de majorité, il y a effectivement eu en 2009 une augmentation des déductions fiscales possibles en matière d'assurance-maladie à hauteur du double de la prime cantonale. Quelle est l'incidence de pouvoir déduire à hauteur du double de la prime moyenne cantonale ? C'est que vous pouvez déduire environ 1000 F par mois, soit 12 000 F par année. Qui peut déduire cela ? Les personnes au bénéfice d'une assurance de base et d'une assurance complémentaire, ce qui revient à environ 1000 F par mois. Nous n'avons pas encore tous les chiffres, mais on a entendu en commission de la bouche du conseiller d'Etat qu'à Genève environ 30% des gens seulement ont les moyens de se payer une assurance complémentaire. Ce n'est donc pas juste un avantage fiscal, c'est vraiment une niche fiscale - c'est ainsi que le Conseil d'Etat l'appelle d'ailleurs - et l'idée est de combattre cette niche fiscale, de stopper la possibilité de ces déductions qui sont les plus généreuses de Suisse et de revenir à quelque chose de plus raisonnable avec la possibilité de déduire la prime moyenne cantonale pour que l'ensemble des personnes puissent déduire cette prime moyenne cantonale, sans pouvoir déduire davantage, parce qu'autrement on creuse les inégalités et, une fois de plus, on favorise les personnes les plus aisées. La minorité vous propose donc d'accepter ce projet de loi.
M. Bernhard Riedweg (UDC). Si le canton de Genève est l'un des cantons les plus généreux en matière de déductions fiscales des primes d'assurance-maladie et accident, il a aussi l'un des fiscs les plus voraces pour certaines catégories de revenus des personnes privées les plus aisées, qui peuvent se permettre de souscrire à des assurances complémentaires élevées. Il faut savoir que les compagnies d'assurance font en sorte qu'il y ait de plus en plus de prestations uniquement couvertes par les assurances complémentaires. Certains patients n'ont plus d'autre choix que d'avoir des assurances complémentaires et ce fait justifie à lui seul la possibilité de les déduire.
Si le projet de loi est accepté en l'état ou amendé, cela pénalisera des assurés actuellement au bénéfice d'une assurance-maladie complémentaire, et ils devront revoir la nécessité ou non de celle-ci. On sait que le système fiscal genevois taxe fortement la classe moyenne et les classes supérieures mais peu, voire pas du tout, les classes inférieures en termes de revenus, ce qui peut être contesté. Le subventionnement des primes d'assurance-maladie et accident à hauteur de la prime moyenne cantonale est déjà un élément important de la politique sociale du canton, puisque pour plus de 107 000 personnes, la prime d'assurance-maladie a été étatisée et défiscalisée totalement ou partiellement.
Ce projet de loi porte atteinte aux intérêts de la classe moyenne, qui continuerait à être exposée à des primes d'assurance-maladie élevées mais verrait ses déductions fiscales diminuer en raison de ce plafonnement, et perdrait donc de son pouvoir d'achat en payant davantage d'impôts. Si ce projet de loi devait être accepté, il s'agirait d'une augmentation d'impôts déguisée. Comme l'a demandé le rapporteur de majorité, l'Union démocratique du centre vous suggère de ne pas entrer en matière. Merci, Monsieur le président.
M. Jean-Luc Forni (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe démocrate-chrétien entrera en matière sur ce projet de loi et vous présentera un amendement dont je vais vous parler tout à l'heure. Ce texte, vous l'avez entendu, tient à corriger une particularité contenue dans l'article 32 de la LIPP, à savoir la déduction du double de la prime moyenne cantonale. Comme cela a été relevé, nous avons déjà eu à plusieurs reprises ce type de débat, notamment dans le cadre du budget, avec une proposition du Conseil d'Etat qui souhaitait limiter cette déduction fiscale à la prime de l'assurance de base effectivement payée. C'est là l'objet de notre amendement que vous avez reçu lors de la dernière séance et que vous avez retrouvé sur vos places aujourd'hui. Sa formulation a été modifiée afin de le rendre plus clair. Il prévoit ainsi à l'article 32 que l'on puisse déduire du revenu le montant de la prime effectivement payée au titre de l'assurance obligatoire de soins. Un deuxième amendement porte sur l'entrée en vigueur et laisse le choix au Conseil d'Etat d'en fixer la date.
Le parti démocrate-chrétien soutient le principe de la symétrie des efforts, auquel ce projet de loi se rattache. Cette symétrie des efforts, vous le savez tous, consiste en une diminution des charges et une augmentation des recettes. Ce projet de loi vise donc à corriger une genevoiserie: le plafond de déduction est non seulement le plus élevé de Suisse, mais ne se base de surcroît sur aucune justification, qu'on le veuille ou non, et tient plus à l'arbitraire qu'à la logique. Ce projet de loi rappelle en quelque sorte le principe de la solidarité fiscale qui vise tout simplement à ce que chacun contribue à l'effort collectif en fonction de ses moyens financiers, aussi modestes soient-ils, en réduisant certaines opacités fiscales. Ce plafond de déduction, cela a été dit, n'est pas seulement contraire au droit fédéral puisque 99% des contribuables se trouvent en dessous et qu'en principe, quand on fixe un plafond, il faut qu'il y ait des gens au-dessus et en dessous, mais il engendre aussi un effet de déresponsabilisation des assurés. Il va à l'encontre de la politique sociale tant de la Confédération que du canton, qui vise à privilégier des primes basses et des franchises élevées, contribuant ainsi à limiter les coûts de la santé en évitant la consommation pour la rentabilisation de ses primes d'assurance-maladie. Pour ce qui est de l'argument portant sur la classe moyenne et les primes trop chères, est-ce vraiment au canton de contribuer à cautionner un système qui est mauvais et qui finalement incite les compagnies d'assurance-maladie à augmenter toujours plus les primes, puisque les impôts permettent d'alléger le montant des primes et des primes complémentaires ?
Mesdames et Messieurs les députés, le groupe PDC a déposé un amendement, comme je l'ai dit, à l'article 32, demandant de limiter le plafonnement de la déduction à la prime effectivement payée, et nous vous invitons à l'accepter. Nous sommes en effet certains que cette mesure aidera notre canton à assurer les tâches qui sont les siennes et les prestations qu'attend la population. Compte tenu de l'augmentation modeste des recettes qu'engendrerait notre amendement et par rapport à l'effort global demandé, ce projet de loi ainsi amendé est raisonnable, justifié et nécessaire. Il prend aussi en compte les intérêts de la classe moyenne et des familles. Je vous remercie...
Le président. Il vous reste trente...
M. Jean-Luc Forni. ...de votre attention.
Le président. Ah ! C'est parfait, vous êtes d'une discipline merveilleuse, Monsieur le député ! Merci ! Je passe la parole à M. le député Stéphane Florey pour deux minutes et dix-neuf secondes.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Ce n'est pas la deuxième fois, comme l'a dit le rapporteur de minorité, que nous portons ce débat devant le Grand Conseil, mais au moins la quatrième ou cinquième fois. Premièrement, accepter ce projet de loi reviendrait à remettre en cause la votation de 2009, puisque le peuple avait largement adopté la révision de la LIPP, à presque 70%, et que cette mesure faisait partie du paquet fiscal proposé à cette époque. Accepter un changement maintenant, ce serait remettre en cause ce principe. Deuxièmement, il s'agit bel et bien d'une hausse d'impôts déguisée pour de mauvais prétextes, puisqu'il est question en réalité d'un apport de 11 millions qui représente une goutte d'eau dans les plus de 8 milliards du budget de l'Etat et que cela poserait d'autres problèmes, notamment le fait que, si les assurés ne peuvent plus déduire leurs primes effectivement payées, que vont-ils faire ? Ils vont jouer le jeu du changement d'assurance-maladie, comme ils en ont le droit, et comme beaucoup le font chaque année ! Simplement, vous le savez très bien, quand x milliers d'assurés changent de caisse maladie, cela déstabilise complètement le système, les assurances qui prennent en charge les nouveaux assurés s'en retrouvent complètement déstabilisées et l'année suivante, ce sont ces assurances-là qui doivent fortement augmenter les primes. On entre donc dans un cercle vicieux et on se retrouve à devoir toujours changer d'assurance...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Stéphane Florey. ...assurances à qui cela pose problème. Non, véritablement, ce projet de loi est à refuser, comme on l'a fait lors des précédents débats concernant ce sujet. Il appartient aussi à chaque assuré de conserver la liberté de savoir où il veut être assuré et à quelles conditions. Je vous remercie.
Une voix. Très bien !
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est en effet pas la première fois que nous discutons de ce sujet dans cette enceinte. Je pense qu'il n'est pas inutile de rappeler que le canton de Genève est le seul canton de Suisse à pratiquer des déductions si élevées en matière de primes d'assurance-maladie. Il est vrai que ces déductions profitent essentiellement aux personnes les plus aisées de notre canton, lesquelles peuvent se payer ces primes d'assurance-maladie chères ainsi que des assurances complémentaires, chères également. La classe moyenne aujourd'hui doit de plus en plus renoncer à ces assurances complémentaires. Ce système est vraiment absurde, parce qu'il fausse la concurrence entre les caisses maladie, alors que c'est le système qu'a voulu le législateur à Berne. Ce même législateur qui prône le libéralisme à Berne en matière de caisses maladie, refuse ici de revoir ce système et empêche la saine concurrence entre les caisses. En effet, si vous pouvez continuer à déduire le double de la prime moyenne cantonale, vous n'êtes pas du tout incité, année après année, à choisir la caisse maladie la moins chère du canton. Ainsi, ce système bride vraiment le libéralisme en la matière. Nous ne comprenons donc pas du tout les résistances que certains partis opposent à ce projet de loi.
Aujourd'hui, nous avons sur nos places un amendement déposé par le PDC, que les Verts soutiendront, même s'il ne nous satisfait pas complètement, car en permettant de déduire la prime effective, à nouveau, on n'incite pas vraiment les gens à choisir la caisse d'assurance la moins chère. Nous le regrettons. Mais, dans un esprit de compromis, et pour que nous puissions enfin, je l'espère, clore positivement ce dossier, je vous invite à soutenir l'entrée en matière sur ce projet de loi et à voter l'amendement du PDC. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Christophe Aumeunier (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, l'on croit rêver ! L'on nous parle ici d'inégalité de traitement. Il faut rappeler avec force que 34% des contribuables genevois ne paient pas d'impôts et que 15,5% des contribuables paient 75,5% de l'impôt. L'on nous parle ici de niche fiscale. Mais où est la niche fiscale ? 34% des contribuables ne paient pas d'impôts, tandis que 0,2% des contribuables paient 20% de l'impôt. Mesdames et Messieurs, le problème est là: il est dans la progressivité de l'impôt, dans les taux d'imposition à Genève ! L'on ne peut pas comparer Genève à la Suisse, l'on ne peut pas parler de politique fédérale à Genève ! C'est impossible ! Les taux d'imposition genevois sont les plus élevés de Suisse. L'Etat de Genève perçoit le plus d'impôts en Suisse et il dépense aussi le plus. En permettant aux «riches», entre guillemets, de déduire seulement 12 000 F, que faisons-nous ? On permet à des familles qui paient entre 50 000 F et des millions de francs d'impôts de déduire 12 000 F. C'est la moindre des égalités de traitement. Pour cette raison, nous nous opposerons également à l'amendement présenté par le PDC, car en définitive, vous l'aurez compris, nous ne sommes pas prêts à renoncer à cette déduction, mais nous sommes prêts, à l'avenir, à travailler sur les taux d'imposition. Mesdames et Messieurs les députés, pour cette raison, je vous invite à ne pas entrer en matière sur ce projet de loi. (Quelques applaudissements.)
Mme Lydia Schneider Hausser (S). C'est vrai que l'argument revient souvent: des gens paient beaucoup d'impôts, moins, pas du tout... Il n'y en a pas qui ne paient pas du tout d'impôts, tout le monde en paie, que ce soit par la TVA ou l'impôt direct ! Ce sujet est souvent venu ici et, aujourd'hui, vu que ce projet de loi émane de la commission des travaux, on a peut-être une chance qu'il passe ! (Remarque.) Ça, c'est un clin d'oeil au rapporteur de majorité ! (L'oratrice rit.) C'est en lisant le rapport que j'ai vu cela aujourd'hui ! (Commentaires.)
A la base, le système de la LAMal avait plusieurs intentions. Deux de ces intentions étaient les suivantes: d'une part, obliger les assurances-maladie à affilier tout le monde à un système de santé et, d'autre part, réglementer les conditions d'obtention de soins et de leur couverture. (Brouhaha.) De ce fait, l'assurance de base et le maintien de ce premier pilier sont primordiaux pour l'accès à une santé de qualité pour toutes et tous. Cela signifie qu'avec l'assurance-maladie de base, toute personne doit pouvoir avoir accès à des soins nécessaires au retour à la santé. Les assurances complémentaires étaient et sont liées au fait d'avoir davantage de confort en matière d'hospitalisation, avec des chambres individuelles ou des soins particuliers, comme le médecin privé qui continue à suivre le patient lors de l'hospitalisation. Plus nous introduisons de clauses fiscales ou sanitaires favorisant les assurances complémentaires, plus nous affaiblissons en un sens ce système LAMal. On a entendu à la commission fiscale et même ici tout à l'heure qu'à l'heure actuelle, on ne peut plus se faire soigner si on n'est pas au bénéfice d'une assurance complémentaire: c'est inacceptable ! C'est inacceptable ! Cela veut dire que là aussi, il y a ceux qui pourront et ceux qui ne pourront plus se faire soigner. Pour nous, socialistes, c'est inacceptable ! Les efforts de qualité doivent être les mêmes pour chaque patient. C'est d'ailleurs le serment que les médecins prêtent quand ils sortent de formation et ce serait bien de le rappeler aussi dans le cadre du système de soins et de santé LAMal. (Commentaires.)
A l'article 32 de la LIPP portant sur les déductions d'impôts, il est stipulé qu'un contribuable peut déduire jusqu'au double de la prime moyenne cantonale. Nous agissons ici à deux niveaux: premièrement, il s'agit d'une déduction importante sur la déclaration d'impôts et, par ricochet, sur le montant net à prendre en compte pour établir le taux de l'imposition, ce qui implique donc une perte de revenus pour l'Etat, soit pour des prestations de l'Etat destinées à tout le monde; deuxièmement, il y a une incitation à contracter des complémentaires ! Parce que mieux vaut investir dans une complémentaire que payer un montant à l'imposition, mais cela vaut pour ceux qui en ont les moyens, Mesdames et Messieurs les députés ! Ceux qui ont les moyens d'avoir une complémentaire sont au maximum 35% de la population. Et qu'est-ce qu'on fait des 65% restants, c'est-à-dire de la majorité de la population ? Toute déduction fiscale représente une inégalité de traitement si elle n'est pas basée sur un forfait, un montant que tout le monde pourrait déduire parce qu'il s'agit de frais que tout le monde a. Plus on introduit des déductions hautes...
Le président. Il vous reste trente secondes, Madame la députée.
Mme Lydia Schneider Hausser. ...moins il y a de personnes qui sont concernées par celles-ci et qui peuvent donc en profiter. Les socialistes désirent abroger les niches fiscales et maintenir un système de santé de qualité pour la majorité de la population. C'est pour cela que nous vous demandons de voter l'entrée en matière sur ce projet de loi; nous verrons ensuite pour l'amendement.
Mme Danièle Magnin (MCG). Je voudrais attirer l'attention de cette noble assistance sur le fait que de nombreuses familles et personnes de la classe moyenne vont devoir renoncer à leur assurance complémentaire si elles ne peuvent plus déduire leurs primes. Or nous, nous protégeons, nous défendons les assurés. Qu'il s'agisse de complémentaires ou de pures assurances sociales, nous tenons à les défendre et en particulier ceux qui se trouveraient, eux, en difficulté parce qu'on les empêcherait de déduire ces primes. Les autres vont grogner un moment et vont se dire: «Bon, ben c'est pas drôle, c'est une pilule amère de plus à avaler !» Mais cela ne changera pas la donne pour toutes ces personnes-là ! Cela peut changer la donne justement pour la classe moyenne. Par ailleurs, si toutes les personnes qui auraient pu, grâce à leur assurance complémentaire, se faire opérer dans des cliniques - et Dieu sait qu'à Genève et en Suisse il y en a un nombre relativement important - ne peuvent plus s'offrir les prestations des cliniques privées et de leur médecin personnel, où vont-elles aller ? Vous le savez bien: à l'Hôpital cantonal. Et l'Hôpital cantonal non seulement va déborder, mais il devra en plus faire face à des surcoûts qui sont à mes yeux très nettement supérieurs à ce que représente le fait de pouvoir déduire la partie complémentaire de l'assurance-maladie. (Remarque.) Tu as encore quelque chose ? (Remarque.) Oui, bien. Je vous remercie de votre écoute et vous invite à refuser d'entrer en matière.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Permettre de déduire le double de la prime moyenne cantonale revient à légitimer comme une dépense de base... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...le choix d'une assurance coûteuse et celui d'une assurance complémentaire, ce qui constitue un message contradictoire au principe de l'égalité dans l'assurance-maladie et surtout dans l'accès aux soins, puisqu'il faudrait en somme être en mesure de se payer une assurance complémentaire pour pouvoir bénéficier de soins plus perfectionnés ou dans des conditions différentes. Le standard auquel chacun est tenu est celui de l'assurance obligatoire, c'est-à-dire une base LAMal. Là est l'obligation à laquelle chacun est tenu et c'est cela que l'administration fiscale devrait prendre en compte.
L'assurance complémentaire relève d'un choix et des moyens financiers de ceux qui la contractent. Au moment où nous évoquons l'assurance complémentaire, nous devons déplorer que le catalogue des soins de base se soit à ce point réduit à peau de chagrin et que souvent, cela pousse les gens vers les assurances complémentaires. Reconnaître cela, ce n'est pas encore vouloir cautionner ce système. Il nous faudrait réexaminer totalement le système de l'assurance-maladie et, nous en avons souvent parlé ici, revenir au projet d'une assurance-maladie unique régionale ou cantonale. Il s'agirait également d'entrer dans un système plus prégnant d'encouragement à des systèmes d'assurance moins coûteux pour éviter que des gens paient des cotisations plus ou moins hautes pour le même type de prestation.
Réduire la prime obligatoire de base est pour nous une obligation indispensable, c'est pourquoi nous soutiendrons l'amendement proposé par le PDC. Nous reprendrons ici notamment le fait que la prime moyenne cantonale ne représente pas la réalité du coût des cotisations à Genève. Prendre cette référence, c'est ne pas considérer cette réalité. Si vous regardez le prix des cotisations pour 2016, seules quatre compagnies d'assurance proposent des primes inférieures à la prime moyenne cantonale, dont deux seulement en système de tiers garant et deux en système de tiers payant. C'est pourquoi nous vous invitons à entrer en matière sur ce projet de loi et à soutenir l'amendement proposé par M. Forni. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à Mme la députée Magali Orsini pour une minute vingt-neuf.
Mme Magali Orsini (EAG). Merci, Monsieur le président. Je voulais juste dire que je pensais que le rôle de la vraie gauche était de s'attaquer à la fiscalité des très hauts revenus, des grandes fortunes et des multinationales, pas à la classe moyenne ! Nous connaissons tous des gens extrêmement modestes... (Remarque.) ...qui se sont saignés pendant des années pour souscrire à une assurance complémentaire et dont les sacrifices faits jusqu'à présent vont subir un effet rétroactif, puisqu'il ne sera plus possible de déduire la totalité des primes. Pour ces raisons, personnellement, je préconise de ne pas entrer en matière sur ce projet de loi.
Une voix. Bravo ! (Commentaires.)
Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. le député Jean-Luc Forni pour trente secondes.
M. Jean-Luc Forni (PDC). Merci, Monsieur le président. Je serai bref. Je souhaite simplement rappeler que, dans notre système d'assurance de base, nous avons accès à tous les soins, les complémentaires ne donnant accès souvent qu'à des prestations hôtelières supplémentaires. Par ailleurs, quand on renégocie les primes de caisse maladie chaque année, les grandes préoccupations des familles ne portent pas tellement sur les complémentaires qu'elles auront, mais sur le modèle de base qu'elles pourront encore se payer. Souvent, elles doivent choisir des modèles alternatifs, voire des réseaux de santé. Enfin, je dirais que si la progressivité du taux d'imposition est à remettre en question, ce n'est certainement pas le bon remède que d'y mettre des rustines de ce type.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Philippe Morel pour deux minutes.
M. Philippe Morel (HP). Merci, Monsieur le président. J'aimerais simplement rappeler dans ce débat que le système de santé suisse est un des plus performants au monde et que cela se traduit par une espérance de vie presque inégalée, une qualité de soins qu'il est difficile de battre et une accessibilité aux soins rapide, hors toute concurrence. Les moyens techniques et les moyens d'investigation que nous avons à disposition sont aussi parmi les plus performants, non seulement en nombre mais aussi en qualité. Je conclurai, comme l'a fait mon préopinant, en soulignant qu'avec une assurance de base, dans l'ensemble de notre pays, mais en particulier dans le canton de Genève, chacun a accès à la totalité des soins, des moyens techniques et des médecins à disposition, y compris les spécialistes. L'assurance complémentaire revêt essentiellement un aspect hôtelier. Je vous remercie, Monsieur le président.
Une voix. Très bien !
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le rapporteur de minorité Thomas Wenger.
M. Thomas Wenger (S), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Combien de temps ai-je à disposition ?
Le président. Deux minutes.
M. Thomas Wenger. Merci. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais vous rappeler que ce projet de loi est soutenu par le Conseil d'Etat, qui est à majorité de droite, et qu'il vise, comme je l'ai indiqué plus tôt, à éliminer une niche fiscale... (Remarque.) ...qui profite essentiellement aux personnes les plus aisées de ce canton. Ensuite, Monsieur le président, vous pourriez transmettre à notre collègue M. Florey que ce ne sont pas 11 millions que cela rapporterait aux finances cantonales: si vous aviez lu le rapport, vous auriez constaté que les chiffres ont été actualisés par le département des finances et que ce n'est pas de 11 millions, mais bien de 35 millions de recettes supplémentaires qu'on parle aujourd'hui. (Commentaires.)
On a compris au cours de ce débat qu'un parti va constituer le pivot de ce vote, à savoir le MCG. Cela tombe bien, parce qu'après avoir lu tant d'articles sur le MCG, sur son aile sociale, sur son aile libérale, sur celle qui allait prendre le dessus, le dessous, etc., le vote va maintenant nous permettre de voir si l'aile ultralibérale du MCG préfère voter non à ce projet de loi et du coup voter plutôt en faveur des personnes les plus aisées de ce canton... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...au détriment des personnes qui ont le plus besoin d'aide, ou si son aile sociale va prendre le dessus et va voter ce projet de loi qui rapporterait 35 millions de recettes fiscales supplémentaires et permettrait de financer les prestations à la population. La minorité a en tout cas choisi: elle vous invite à voter l'amendement du PDC et à accepter ce projet de loi.
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Je passe la parole à M. le rapporteur de majorité Christo Ivanov à qui il reste trois minutes et onze secondes.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Ce sera amplement suffisant. Je le répète, en 2009, cette mesure avait été acceptée en votation populaire par 70% des votants et c'est ce que vous remettez en question aujourd'hui avec votre projet de loi, qui est une hausse d'impôts déguisée. Les assurances complémentaires touchent surtout les classes moyennes, les femmes qui désirent accoucher et les familles qui font ce choix. C'est une question de liberté de contracter une assurance. La majorité de la commission fiscale vous demande donc de refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi et, par conséquent, de refuser également l'amendement du groupe PDC. Je vous remercie.
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le projet de loi que vous examinez ce soir est exactement le même dans son texte que celui que le Conseil d'Etat avait déposé en 2012, parce qu'il considérait précisément qu'il fallait éliminer ce que nous avions identifié comme étant une niche fiscale. Le Conseil d'Etat soutient le présent objet puisque c'est exactement celui qui avait été déposé - dans une législature précédente, certes, mais la position du Conseil d'Etat est toujours la même. Nous en voulons pour preuve le projet de loi analogue qui a été présenté par le Conseil d'Etat actuel cette fois-ci, à la veille du non-vote du budget, et qui en somme se retrouverait exactement approuvé ce soir, si l'amendement du PDC était voté. La philosophie est la même: qu'il s'agisse de la prime effectivement payée ou de la prime moyenne ne change pas grand-chose; la production financière de ces deux projets de lois est tout à fait la même, l'ordre de grandeur est de 30 à 35 millions. C'est donc sur le fond qu'il faut débattre.
Effectivement, il s'agit d'une niche... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...et la disposition actuelle n'est pas conforme au droit supérieur. Il s'agit de supprimer cette incohérence évidente relevée par certaines et certains d'entre vous entre cette incitation fiscale - qui en est bien une - et la politique sociale de la Confédération et du canton qui vise précisément à inciter les gens à choisir les primes les plus basses et les franchises les plus élevées. La cohabitation de cette politique sociale et de cette incitation fiscale constitue véritablement une incohérence. (Brouhaha.)
Le président. Excusez-moi, Monsieur le conseiller d'Etat. (Un instant s'écoule. Le silence revient.)
M. Serge Dal Busco. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Mesdames et Messieurs les députés. Poursuivez, Monsieur le conseiller d'Etat.
M. Serge Dal Busco. En ce qui concerne l'impact fiscal et financier de ce projet de loi sur le gros tiers de personnes qui ne paient pas d'impôts à Genève - fait souvent mis en exergue par une partie du parlement - à savoir 34,3% des contribuables, soit 92 000 personnes... (Remarque.) ...il faut savoir que l'acceptation de ce projet de loi - amendé ou pas, c'est la même chose - permettra de diminuer le nombre de personnes ne payant pas d'impôts. On le comprend bien, puisque le fait de diminuer la déductibilité peut affecter également ces personnes-là. (Commentaires.) En l'occurrence, à la faveur du vote de ce projet de loi, 1800 personnes de plus se mettraient désormais à payer des impôts. Voilà, je le dis, c'est un fait intéressant qu'il faut prendre en compte. (Commentaires.) Je vous le dis, 1800 personnes de plus paieraient désormais des impôts. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
S'agissant de l'impact fiscal sur les personnes qui verraient leur facture fiscale augmenter, je vous donne les chiffres: on parle de 35 millions. Cela concerne 30% des contribuables, contribuables qui paient en moyenne 20 000 F d'impôt cantonal - pas l'impôt communal, l'impôt cantonal - et qui verraient leur facture fiscale augmenter de 400 F. Voilà les chiffres, Mesdames et Messieurs. Nous considérons que l'augmentation est modeste, que cela aurait un effet favorable en termes d'élargissement du nombre de personnes qui paieraient désormais des impôts. Cela apporterait des revenus intéressants - environ 35 millions, encore une fois - cela rétablirait une forme d'équité, permettrait de se conformer au droit fédéral et supprimerait l'incohérence actuelle tout à fait évidente entre la politique sociale et l'incitation fiscale. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, je vous invite à entrer en matière. En ce qui concerne l'acceptation ou non de l'amendement, celui-ci correspond au projet de loi que le Conseil d'Etat avait lui-même déposé au mois de décembre. Nous l'accueillons donc aussi favorablement, mais les effets de l'une ou l'autre des versions sont exactement les mêmes. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous fais donc voter l'entrée en matière sur ce projet de loi.
Une voix. Il faut sonner !
Le président. J'ai déjà sonné. Merci !
Mis aux voix, le projet de loi 11570 est rejeté en premier débat par 52 non contre 39 oui.