Séance du
jeudi 17 mars 2016 à
17h
1re
législature -
3e
année -
2e
session -
6e
séance
M 2157-A
Débat
Le président. Nous poursuivons avec la M 2157-A en catégorie II, quarante minutes, et je passe la parole à la rapporteure de majorité, Mme Danièle Magnin.
Mme Danièle Magnin (MCG), rapporteuse de majorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Cette motion vise à offrir des soins dentaires à toute la population au travers d'une assurance. Elle revêt une importance particulière dans la mesure où, contrairement à ce que dit la Société suisse d'odontologie - ce sont les professeurs chargés de la médecine dentaire à Genève qui nous l'ont appris - la carie est une maladie transmissible touchant une bonne partie de la population - quasiment toute la population - et qu'il n'est pas possible de prévenir simplement en se brossant correctement les dents. L'hygiène et notre comportement n'ont pas d'influence sur le fait d'avoir des dents en bon ou en mauvais état, c'est une question de bactéries, de génétique, pas du tout de soins personnels à sa dentition.
Ainsi, on s'aperçoit que certains quartiers révèlent une prévalence de mauvaises dentitions très importante et que cela correspond à une partie de la population défavorisée, qui n'a pas les moyens de faire face aux soins dentaires. Les conséquences d'une bouche en mauvais état peuvent être la difficulté à obtenir un travail et, souvent aussi, des complications de santé - je ne suis pas médecin, je ne peux pas vous donner beaucoup de détails là-dessus mais c'est un fait connu, ça peut même avoir des répercussions sur le plan cardiaque, si je suis bien informée. Voilà pourquoi nous avons soutenu cette motion qui a été signée notamment par le PDC, mais pas seulement. Le MCG vous demande de faire bon accueil à cette motion qui charge le Conseil d'Etat d'étudier la question. Je vous remercie.
M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de minorité. Chers collègues, je représente une minorité de la commission de la santé qui s'oppose à cette motion. En effet, s'il existe un vrai problème de santé publique lié à la carie et à la parodontite, qui sont des maladies infectieuses et chroniques, nous savons aujourd'hui que seul un plan d'hygiène dentaire individuel, débuté dans la petite enfance et poursuivi à vie, est en mesure de limiter la progression et la transmission interindividuelle des maladies bucco-dentaires infectieuses que sont la carie et la parodontite. Cela signifie que si l'on veut répondre à ce problème de santé publique, on doit vraiment mettre l'accent sur le dépistage, la formation, l'éducation et, comme le disent les professionnels, le coaching des individus de notre société pour faire en sorte que leur état dentaire ne se dégrade pas.
Si on se limite à mettre en place une assurance de soins... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...sans action de prévention, il va se passer la chose suivante: les personnes vont voir cette maladie qu'est la carie évoluer progressivement. Cela commence, comme chacun le sait, par une première obturation, suivie par la pose d'une couronne, puis une dévitalisation de la dent, une deuxième couronne et, pour finir, une extraction de la dent avec une pose d'implant, ce qui veut dire une détérioration de l'état dentaire, des souffrances et des coûts démesurés. Une assurance qui couvrirait les soins passerait ainsi à côté de ce qui est aujourd'hui nécessaire, à savoir la prévention et l'éducation à l'hygiène bucco-dentaire.
C'est pour cette raison que nous vous invitons formellement à vous opposer à cette motion, à laquelle nous aurions pu adhérer si elle avait été limitée à la deuxième invite, qui vise justement à mettre en oeuvre des contrôles dentaires annuels, et avait fait l'impasse sur cette assurance dentaire, qui est une fausse bonne idée, une fausse solution. D'ailleurs, la France et l'Allemagne, qui ont instauré une assurance de frais dentaires, ont parfaitement démontré que cela avait dans le fond un mauvais incitatif, que les gens négligeaient leur hygiène sachant que le moment venu, lorsque des problèmes dentaires surviendraient, ils pourraient se rendre chez le dentiste et se faire traiter, mais malheureusement trop tard. Je vous remercie.
M. Jean Batou (EAG). Chers collègues, le groupe Ensemble à Gauche appuie évidemment cette motion de bon sens. J'ajoute même qu'un projet de loi a été déposé, qui est actuellement pendant devant la commission de la santé, et qu'une initiative sur ce thème a été lancée par le parti du Travail, donc vous voyez que beaucoup de gens se préoccupent aujourd'hui du problème des soins dentaires dans ce canton. Il s'agit tout d'abord d'un mandat constitutionnel, qui nous amène à garantir les soins médicaux essentiels à la population... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...et surtout l'accès équitable à ces soins et à des soins de qualité.
Il faut souligner que si, en Suisse, la population fréquente moins les dentistes que dans les pays voisins, d'après les enquêtes dont on peut disposer, c'est parce que les soins dentaires y sont particulièrement coûteux, et donc la discrimination sociale par rapport à la santé bucco-dentaire est particulièrement importante ici. En 2012, le Bus Santé a révélé qu'une personne sur cinq renonce à se faire soigner pour des raisons financières - voire une personne sur trois dans les ménages les plus pauvres - et que cette situation est particulièrement dramatique en ce qui concerne les soins dentaires. Dans le canton de Vaud, le conseiller d'Etat Pierre-Yves Maillard parle même, s'agissant des catégories les plus défavorisées, d'un niveau de soins dentaires correspondant à celui des habitants des pays en voie de développement. Veut-on, comme le disait un président des pays voisins, que les pauvres en Suisse soient traités de sans-dents ou veut-on au contraire prévenir et guérir les affections bucco-dentaires ? Il est d'autant plus important que cette question soit prise au sérieux aujourd'hui que ce sont les enfants qui sont le plus directement touchés par ces maladies, leur santé dentaire se dégradant depuis 1994, ce qui est un reflet de la croissance des inégalités en Suisse et dans notre canton.
Je ne comprends pas le point de vue de notre collègue Pierre Conne, qui sépare la prévention des soins; il aurait pu tenir ce même discours au XIXe siècle afin de s'opposer à l'introduction de l'assurance-maladie en nous recommandant à tous de prendre soin de notre santé et en nous expliquant qu'une assurance-maladie nous amènerait à nous déresponsabiliser ! C'est le même discours que celui qu'il nous tient sur les soins dentaires qui, pour des raisons inexplicables, sont exclus de la couverture de l'assurance-maladie. C'est la raison pour laquelle le groupe Ensemble à Gauche appelle à voter oui à cette motion et continuera à se mobiliser pour l'obtention d'une assurance digne de ce nom s'agissant des soins dentaires dans le canton de Genève, comme des batailles du même genre sont menées aujourd'hui dans les cantons de Vaud...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Jean Batou. ...et de Neuchâtel. Merci.
M. Thomas Bläsi (UDC). Messieurs les conseillers d'Etat, chers collègues, il ne viendrait pas à l'idée du groupe UDC de remettre en cause la bienveillance de ce projet, mais les faits sont têtus et il est important de pouvoir analyser les impacts négatifs qu'il pourrait avoir. Tout d'abord, il ne faut pas oublier, et le conseiller d'Etat en charge ne me contredira pas, que les frais administratifs des caisses maladie sont insérés dans les frais de la santé, ce qui rend leur facture illisible. En augmentant la charge des assurances-maladie, on augmentera l'opacité du système, et cela n'améliorera clairement pas les choses. Les coûts en matière dentaire sont en effet énormes, et on peut s'attendre à une hausse des primes d'environ un tiers pour la population, ce qui appauvrira à la fois les familles et le canton.
De plus, il est très difficile, en ce qui concerne les soins dentaires, de faire une distinction franche entre ce qui relève du soin et ce qui relève de l'esthétique; la mise en place d'un catalogue de prestations serait extrêmement difficile, sans doute coûteuse et fort probablement injuste à l'arrivée. La CMU qui a été instaurée en France tout comme le système allemand ont montré que, suite à l'introduction d'une gratuité totale, la facture globale des frais dentaires avait drastiquement augmenté dans ces pays - la déresponsabilisation des adultes a évidemment été pointée du doigt.
Si on veut faire un pas en avant et véritablement réussir à avancer s'agissant des soins dentaires, il conviendrait de se rapprocher d'une gratuité mais qu'on puisse s'offrir en ce qui concerne la tranche d'âge des 6-13 ans. En effet, la prévention actuellement menée à l'école, aussi bienveillante soit-elle, est - vous l'avez dit, Monsieur Batou - assez médiévale, et il conviendrait d'introduire l'hygiéniste dentaire, la détermination des terrains à prédominance de caries ainsi que la prise en charge des soins. S'associerait à cette mesure la continuité de la prise en charge des soins pour les plus démunis; parce que je ne vous ai pas entendu le dire dans votre discours tout à l'heure, Monsieur Batou, et c'était pourtant important: à l'heure actuelle, les frais dentaires pour les plus démunis sont pris en charge à Genève.
Si on voulait vraiment améliorer les choses, on focaliserait l'effort sur la tranche d'âge des 6-13 ans. En effet, si vous vous donnez la peine de vous entretenir avec les professionnels de la branche, ils vont confirmeront que, par des habitudes retrouvées, les résultats seraient probants après une ou deux générations, et nous préparerions nos jeunes adultes à des terrains dentaires moins disposés aux caries tout en faisant diminuer les factures des frais dentaires de manière globale. Nous aurions pu soutenir ce genre de proposition, mais elle ne se présente malheureusement pas sous cette forme; la prise en charge de cette tranche d'âge, qui serait un compromis entre solidarité et responsabilité individuelle, pourrait convenir à l'UDC mais pas le projet actuel, que nous ne pouvons soutenir. Merci, Monsieur le président.
Mme Sarah Klopmann (Ve). La constitution consacre le droit aux soins - je comprends par là tous les soins et pour tout le monde - mais la LAMal ne semble malheureusement pas vraiment liée à cette obligation. Il revient ainsi au canton de pallier ces manquements, et la motion demande d'ailleurs d'étudier la mise en place d'une caisse cantonale, donc ça n'a rien à voir avec la LAMal et ça ne changera pas les primes actuelles des autres assurances. Beaucoup de personnes, et pas forcément les moins aisées, renoncent actuellement aux soins dentaires, surtout les soins préventifs car ils sont très coûteux; pourtant, des contrôles dentaires réguliers sont essentiels pour la santé, c'est la meilleure manière de préserver sa dentition sur le long terme et pour toute sa vie, on l'espère.
En commission, on nous a largement expliqué à quel point la prévention et les soins d'hygiène étaient essentiels pour éviter la prolifération des caries et de la parodontite, qui sont des maladies transmissibles et entraînent en outre des traitements dentaires très lourds et coûteux si elles ne sont pas traitées précocement, comme nous le savons tous ici. Les contrôles permettent de voir où on en est avec sa dentition mais aussi de rappeler et d'enseigner à chaque fois les principes du plan d'hygiène à suivre, de le réajuster si besoin. Refuser cette motion au prétexte que les gens n'ont qu'à respecter une bonne hygiène dentaire, c'est faux ! C'est justement avec une assurance dentaire et donc la mise en place de contrôles réguliers pour tout le monde qu'on s'assurera que les gens suivent un bon traitement d'hygiène dentaire, et c'est essentiel.
Toutefois, je souligne l'importance de voir cette assurance, si jamais elle venait à exister, rendue obligatoire, faute de quoi on retomberait dans le travers actuel, à savoir que certaines personnes ont la chance de bénéficier d'une assurance dentaire et d'autres malheureusement pas, et ces derniers continueront à avoir des problèmes avec leur dentition. Cette assurance serait évidemment très difficile à mettre en place, mais nous aimerions vraiment voir des efforts être déployés dans ce sens et nous accepterons donc cette motion. Néanmoins, les Verts regrettent qu'elle ait été légèrement adoucie - si je puis dire - en commission. Merci.
M. Bertrand Buchs (PDC). Le groupe démocrate-chrétien votera cette motion, même s'il n'est pas pleinement d'accord avec ce qui est demandé, parce qu'il veut que le Conseil d'Etat prenne position sur ce sujet et nous revienne avec un rapport. Mesdames et Messieurs, les maladies dentaires représentent un problème majeur de santé publique, peut-être le premier problème de santé publique actuellement à Genève, devant même l'obésité. Je ne suis pas dentiste mais, dans ma consultation, je vois des gens à l'état dentaire déplorable, ce qui n'était pas le cas il y a vingt ans, et ce ne sont pas des pauvres, ce sont des personnes de la classe moyenne. Quand on a des primes d'assurance-maladie très élevées, qu'on hésite à aller chez le médecin à cause de sa franchise ou pour ne pas devoir payer les 10%, on va encore moins chez le dentiste en priant pour ne pas avoir de problèmes dentaires et en remettant à demain ce qu'on devrait faire le jour même.
Il ne s'agit pas seulement de maladies dentaires car on sait bien qu'en cas de mauvais état des dents, on peut développer de graves pathologies cardiaques et d'autres maladies de système. Cela représente des coûts de santé énormes qu'on ne compte pas, et il nous faut une réponse. Dire qu'on ne veut pas d'assurance parce que les gens doivent faire de la prévention, ça ne marche pas. La plupart du temps, les gens qui font attention à leurs dents ont pensé très tôt à contracter une assurance dentaire et vont régulièrement chez le dentiste effectuer des contrôles; à l'inverse, ceux qui n'ont pas d'assurance dentaire attendent la catastrophe pour se rendre chez le dentiste, et là ça coûte extrêmement cher. Alors que va-t-il se passer ? Ces personnes ne vont pas se faire soigner en Suisse, elles vont aller soit en France voisine, soit dans certains pays de l'Est, soit en Turquie. On se trouve dans ce système, il s'agit d'un problème de santé gravissime, et il faut réagir ! Nous voulons que le Conseil d'Etat réagisse et donne des pistes dans un rapport pour régler ce problème, parce que ce n'est pas en fermant les yeux que les choses vont s'arranger. Je vous remercie.
Des voix. Bravo !
M. Charles Selleger (PLR), député suppléant. Lorsqu'on lit les invites de cette motion, force est de constater qu'elle est soit inutile, soit contre-productive. La première invite demande «à étudier la mise en place d'une assurance dentaire cantonale, dans l'attente d'un changement de la législation fédérale». Mais je vous rappelle que les assurances dentaires existent déjà, elles font partie des complémentaires proposées par pratiquement toutes les caisses maladie, il n'y a qu'à les contracter ! Il est d'ailleurs curieux de constater que peu de personnes les choisissent tandis que beaucoup d'autres contractent des complémentaires pour les médecines douces, par exemple. Cette motion est peu précise: elle vise à étudier la mise en place d'une assurance dentaire cantonale sans demander que celle-ci soit obligatoire ni préciser qui va la payer. En fait, on sous-entend que ce sera au canton de prendre en charge cette nouvelle assurance, et ce n'est pas vraiment dans la ligne de notre groupe que d'augmenter encore les dépenses de l'Etat, lui qui cherche plutôt à les réduire. S'agissant de la deuxième invite, qui propose l'organisation de soins dentaires immédiats pour les personnes à bas revenu, je vous rappelle que ça existe déjà. En effet, tous les bénéficiaires des prestations complémentaires ont des soins dentaires gratuits ou financés.
On évoque ensuite les contrôles dentaires, donc la prévention. Alors là, je ne suis pas du tout d'accord avec la rapporteure de majorité, qui nous a cité les propos du professeur de la faculté venu en commission expliquer ce qu'était une carie, à savoir une maladie infectieuse, certes. Mais la conclusion de ce professeur n'était pas de dire que puisqu'elle est infectieuse, c'est comme une pneumonie ou une grippe et il faut qu'elle soit prise en charge par les assurances. Non, ce même professeur nous a dit: «Une étude étendue sur trente ans démontre que la prévention est plus efficace que les soins [...]» - tiens, tiens ! Il a ensuite indiqué: «La prévention est si efficace que la création d'une assurance dentaire n'est pas la meilleure solution.» Quand on cite quelqu'un, il faut le citer dans son ensemble, pas juste en tirer quelques éléments allant dans le sens de la thèse qu'on veut défendre. Pour nous, l'aspect préventif est extrêmement important, et on pourrait imaginer une motion qui demanderait de l'améliorer, si tant est que cela puisse se faire puisque Genève est déjà exemplaire dans ce domaine; mais notre parti ne soutiendra pas cette motion. Voilà ce que j'avais à dire.
M. Christian Frey (S). Je trouve un tout petit peu indécent ce que mon préopinant vient de dire, à savoir que l'assurance dentaire existe déjà sous forme d'assurances complémentaires et que peu de gens les contractent; mais pourquoi est-ce que peu de gens les contractent ? Parce qu'on investit déjà en moyenne 20% à 25% de son revenu pour payer l'assurance de base aux caisses maladie ! Alors ne venez pas dire qu'une solution consisterait à prendre des assurances complémentaires qui augmenteraient encore la part du revenu à consacrer à la caisse maladie.
Pour revenir à la motion, elle date d'un certain temps, et je trouve quand même utile de relever qu'elle a malheureusement traîné d'avril 2014 à janvier 2016 parce que le rapport de majorité n'a pas été fait. Si je souligne ce point, c'est parce que le problème est urgent, ce n'est pas pour critiquer qui que ce soit. Quand on sait qu'une personne sur sept renonce à se faire soigner, comme l'a signalé le député Buchs, qui est médecin, on voit toute l'urgence de la question. S'agissant du rapport de minorité, je trouve un peu facile de dire que cela relève de la responsabilité individuelle, qu'il n'y a qu'à - «y a qu'à», «y a qu'à» ! - avoir une bonne hygiène dentaire et que ce n'est pas en instituant une assurance qui coûtera des centaines de millions de francs qu'on arrangera quoi que ce soit. Ce «y a qu'à» ne tient pas, la prévention ne peut pas être séparée des soins, il faut des contrôles réguliers pour savoir s'il y a quelque chose à faire ou non. Ce n'est pas parce que ces deux principales maladies infectieuses se transmettent par le lait voire la salive maternels qu'on peut dire que, ma foi, ça se développe comme ça, il n'y a rien à faire. Non, ce n'est pas qu'une question de responsabilité individuelle, c'est vraiment une mission de la société de faire en sorte que l'accès aux soins dentaires, y compris la prévention, soit possible.
Il n'a pas été mentionné - nous en avions pourtant discuté en commission - tout l'aspect stigmatisant d'une dentition en train de pourrir, de problèmes d'haleine. En tant qu'ancien employeur, j'ai souvent été confronté à des personnes qui se présentaient à moi et eu envie de prendre une distance, m'éloigner de trois mètres pour ne pas faire face à ce que je voyais ou sentais. Manifestement, cette stigmatisation sociale, cette impossibilité de se présenter de façon avantageuse est un problème qu'il s'agit aussi de résoudre, ce qui contribuera certainement à diminuer les difficultés des personnes qui cherchent un emploi. Enfin, par rapport à tout ce qui a été dit, nous ne sommes pas en train de dicter une manière de faire précise. La motion est ouverte, elle demande au Conseil d'Etat d'étudier la question, elle n'enjoint pas de faire ceci ou cela. Nous ne sommes pas des naïfs, nous savons très bien que le fait d'instaurer une assurance obligatoire poserait un certain nombre de problèmes et coûterait de l'argent mais nous, le groupe socialiste, sommes favorables à renvoyer ce texte au Conseil d'Etat pour les raisons que mon collègue Jean Batou vient de dire...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Christian Frey. Vu l'urgence du problème, il faut agir. Si vous renvoyez cette motion au Conseil d'Etat, il pourra pour une fois se préparer à répondre au projet de loi qui vient d'être déposé ainsi qu'à l'initiative populaire qui est en train de se faire. Alors, Mesdames et Messieurs, renvoyons cette motion au Conseil d'Etat; pour une fois, il sera prêt quand il sera confronté à d'autres éléments. Merci.
M. François Baertschi (MCG). Il est certain qu'il y a des problèmes graves s'agissant des soins dentaires pour la population, notamment parmi certaines catégories sociales comme celle des working poors, des personnes qui ont peu de moyens, qui font face à des difficultés financières. Certes, il y a peut-être des négligences, mais c'est malgré tout quelque chose de très douloureux, de très coûteux, et nous devons nous pencher sur la question car, contrairement à d'autres pays comme la France, les soins dentaires ne sont pas du tout pris en charge par l'assurance-maladie ici. Gardons le modèle suisse, mais étudions cette question. C'est pour ça que nous avons suivi et voté cette motion, afin d'en savoir un petit peu plus sur ce problème grave des soins dentaires qui nous concerne tous, ou en tout cas une bonne partie de la société. Actuellement, certaines choses ne sont plus tolérables, et nous devons trouver des solutions pour les personnes qui se retrouvent avec une dentition en mauvais état, des problèmes sociaux voire des maladies graves. Pour toutes ces raisons, nous avons soutenu cette motion.
Entre-temps, le projet de loi 11812 a été déposé, qui demande formellement une assurance dentaire. On va donc refaire des débats sur la question, et je pense que... Je dois dire que j'ai été un petit peu déçu par les discussions menées en commission parce que nous n'avions pas en notre possession un certain nombre d'éléments. C'était d'ailleurs la raison d'être de la motion, à savoir solliciter des informations plus précises: combien ça coûte, est-ce que c'est intéressant, est-ce que ça sera efficace ou pas, est-ce que seuls les soins graves doivent être assurés, est-ce que les contrôles doivent l'être aussi ? Bref, il y a un certain nombre d'aspects qui doivent être beaucoup mieux éclaircis que ce qu'on a pu faire lors du travail en commission, donc le groupe MCG a pris la décision de demander un renvoi en commission afin que l'on puisse examiner cette motion conjointement avec le PL 11812 et déterminer de manière claire et précise ce que peut représenter une assurance dentaire. C'est la demande que nous allons faire, c'est-à-dire un renvoi à la commission de la santé.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Jean Batou pour vingt secondes.
M. Jean Batou (EAG). Merci, Monsieur le président. Deux chiffres: le canton de Genève alloue 5,90 F de subvention par habitant pour les soins dentaires des enfants de la naissance à 18 ans, alors que le canton du Valais en alloue 19 F. Genève est donc vraiment la lanterne rouge, et ce chiffre devrait déjà...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Jean Batou. ...nous préoccuper.
Le président. Merci.
M. Jean Batou. C'est fait !
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Pour le parti démocrate-chrétien, il n'est pas nécessaire de renvoyer cette motion en commission, et je vais surtout me permettre d'ajouter une couche à ce qu'a dit brillamment mon éminent collègue médecin, en étant tout simplement pragmatique et économique. Il est quand même facile, Monsieur le président, de comprendre pourquoi le financement de la prévention et des soins dentaires est un véritable retour sur investissement garanti quand on connaît les coûts de toutes les maladies induites par de mauvais traitements ou l'absence de traitements dentaires; c'est absolument faramineux, c'est colossal, c'est monstrueux ! Soyons juste pleins de bon sens: en permettant une prévention et des soins dans les meilleures conditions, on va faire faire des économies énormes à la santé publique. Je vous remercie.
M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de minorité. Juste pour vous dire que nous soutiendrons la demande de renvoi à la commission de la santé. Il nous semble effectivement cohérent de traiter cette motion avec le projet de loi visant la création d'une assurance dentaire de manière que tous les éléments qui manquent encore à l'heure actuelle pour bien comprendre le problème soient traités en même temps. Aussi soutenons-nous la demande de renvoi à la commission de la santé.
Mme Danièle Magnin (MCG), rapporteuse de majorité. De combien de temps est-ce que je dispose, Monsieur le président ?
Le président. Une minute et cinquante et une secondes.
Mme Danièle Magnin. Merci beaucoup. Pour ma part, je voudrais répéter ce qu'a dit l'un des professeurs auditionnés, à savoir que chaque dent, de la première carie jusqu'à la pose d'un implant, nous coûte 8000 F; comme nous possédons 28 dents sans compter les dents de sagesse, ça fait un budget de 224 000 F pour soigner une bouche sur la durée d'une vie.
C'est vrai, les gens font des voyages à l'étranger, soit en tram jusqu'à Ferney-Voltaire ou Annemasse, soit en avion jusqu'à Budapest ou d'autres endroits - il s'agit donc d'un gros problème. On discutera des modalités à fixer en commission parce que, effectivement, je demande le renvoi. Je vous signale enfin que c'est tout avantage pour les membres de la Société suisse d'odontologie qu'il n'y ait pas d'assurance sociale de soins dentaires parce qu'ils peuvent ainsi fixer leurs honoraires comme bon leur semble, c'est eux qui décident de la valeur du point et pas l'ensemble de la société à travers ses mécanismes habituels en ce qui concerne la santé. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame la rapporteure. M. le conseiller d'Etat Mauro Poggia ne souhaitant pas s'exprimer, je prie l'assemblée de bien vouloir se prononcer sur la demande de renvoi en commission... (Commentaires.) J'ai sonné ! Je patiente un tout petit moment... (Un instant s'écoule.) Ça y est, le vote est lancé.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de motion 2157 à la commission de la santé est adopté par 64 oui contre 19 non et 1 abstention.