Séance du
vendredi 26 février 2016 à
14h
1re
législature -
3e
année -
1re
session -
3e
séance
P 1957-A
Débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons à la P 1957-A, qui est classée en catégorie II - trente minutes. Madame Nicole Valiquer Grecuccio, vous avez la parole.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. La commission des pétitions a étudié cette pétition émanant d'habitants qui s'opposent à la destruction du quartier du Petit-Saconnex Village. Il faut dire d'emblée que les auditions des départements de l'aménagement tant du canton que de la Ville de Genève ont très clairement démontré qu'il ne s'agissait absolument pas de détruire les maisons qui font le caractère du centre du village du Petit-Saconnex - c'est-à-dire notamment celles qui sont situées autour du café du Soleil, puisque c'est une image que chacun ici saura reconnaître - mais bien de densifier ce secteur qui est actuellement en zone 4B et que le département entend faire passer en zone de développement 3, conformément, il faut le dire, au plan directeur cantonal que ce même Grand Conseil a adopté. J'ajoute que le projet a été initié suite à une demande de renseignements d'un propriétaire.
Mais aujourd'hui, les images qui sont montrées ne sont que des images. Pourquoi ? Parce que le département doit d'abord notifier une modification de zone, qui sera traitée et validée par ce Grand Conseil, que le plan localisé de quartier est en cours d'élaboration, qu'à ce titre-là, selon la nouvelle loi sur les plans localisés de quartier, les habitantes et les habitants du Petit-Saconnex Village seront évidemment consultés et associés, et que le projet de plan localisé de quartier, tel qu'il est discuté, fait également l'objet d'une enquête technique des services, dont celui des monuments et sites que nous avons auditionné et qui a très clairement expliqué que les maisons qui font le caractère du village seront préservées et que ce même secteur est d'ailleurs proche d'une zone fort appréciée, à savoir celle de la ferme de Budé, que certains connaissent ici.
Par conséquent, ce projet étant conforme au plan directeur cantonal mais également aux intentions de la Ville de Genève, la majorité de la commission a considéré qu'il ne fallait pas donner de faux espoirs aux habitants, que certes le noyau central du village serait préservé, mais que le projet de densification serait, lui, développé...
Le président. Il vous reste trente secondes, Madame la députée.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio. ...conformément à ce que veut le plan directeur cantonal, et nous vous invitons donc à déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
M. Pascal Spuhler (MCG), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, vous l'aurez compris en écoutant les propos de la rapporteuse de majorité, les travaux ou en tout cas le projet concernant le quartier du Petit-Saconnex Village, comme nous avons coutume de l'appeler - car effectivement on ne l'appelle pas le quartier du Petit-Saconnex, mais bien le Petit-Saconnex Village, puisque cet ensemble de bâtiments est vraiment considéré comme un village - est encore à l'étude, et il y aura encore beaucoup d'étapes avant que le premier coup de pioche soit donné.
Alors pourquoi crier au loup aujourd'hui ? Pourquoi soutenir les pétitionnaires si finalement rien n'est sous toit, rien n'est convenu ? Eh bien justement, Mesdames et Messieurs, c'est pour ne pas donner un blanc-seing au département en lui disant: «De toute façon, on ne s'intéresse pas à ce quartier; allez-y, rasez, coupez, changez, modifiez cette ambiance extraordinaire qui règne dans ce petit quartier.» Et s'agissant de cette ambiance de village, justement, des registres patrimoniaux fédéraux tels que l'ISOS considèrent qu'il convient de ménager ce quartier et que c'est un quartier sensible. Effectivement, tout le monde s'accorde à dire que c'est un quartier plein de charme et qu'il y a une ambiance extraordinaire, en plein centre-ville, et l'on ne retrouvera pas, si l'on détruit cette ambiance, cette espèce d'écosystème, de vie un peu particulière qui règne au Petit-Saconnex Village.
Mesdames et Messieurs, les pétitionnaires ne s'opposent pas fermement à tout projet: ils demandent d'une part des explications claires et d'autre part que certains bâtiments soient préservés, tels que le temple ou le café du Soleil, cela a été dit, mais également certaines villas, car aujourd'hui les propriétaires de villa ne sont pas tous prêts à vendre les yeux fermés leur maison pour que l'on construise des barres d'immeubles.
Mesdames et Messieurs, le but du soutien à cette pétition n'est donc pas de s'opposer fermement au projet d'aménagement de ce quartier, mais bien de dire ceci: «Attention, nous ne voulons pas vous donner un blanc-seing pour construire une série d'immeubles, des tours, et tout détruire dans ce quartier. Nous voulons un aménagement adéquat et adapté à l'ambiance de ce Petit-Saconnex Village.»
M. Raymond Wicky (PLR). Mesdames et Messieurs, chers collègues, dans le cadre de cette pétition nous comprenons bien évidemment la réaction des habitants, mais ceux qui siègent à la commission des pétitions savent particulièrement que pour ainsi dire chaque fois qu'il y a un projet de développement, de quelque nature que ce soit, on a droit à une pétition émanant de personnes qui ont quand même une certaine volonté d'opposition, et là je m'inscris un peu en faux par rapport aux affirmations de mon collègue Spuhler.
Je crois que les déclarations de Mme Valiquer Grecuccio résument parfaitement la situation, et je me permettrai simplement d'ajouter que visiblement il n'y a pas de destruction de bâtiments dotés d'une valeur patrimoniale, comme certains le suggéraient, en tout cas pas d'une grande valeur patrimoniale. La densification paraît logique et raisonnable et, de ce fait, il semble encore une fois au groupe PLR qu'il est tout à fait adapté de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
M. Jean-François Girardet (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, qu'est-ce que cela coûterait à notre Grand Conseil de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat ? Rien ! Mais cela permettrait dès le début, dès l'origine de ces plans localisés de quartier ou de la création de ces nouveaux plans de construction, de mettre les gens sur les pattes de derrière, de préparer ces gens qui sont armés pour faire des recours. Dès lors, si par bon sens nous transmettions cette pétition au Conseil d'Etat, celui-ci aurait toute l'autorité pour pouvoir recevoir les pétitionnaires et, avec leur accord, préparer un plan auquel ces derniers pourraient adhérer. C'est donc en vertu du bon sens, et surtout du sens démocratique, que nous demandons que cette pétition soit renvoyée au Conseil d'Etat, pour qu'il y ait davantage de concertation et avant tout que ces pétitionnaires soient écoutés dès l'origine des projets, comme nous l'avons souvent souhaité.
M. Stéphane Florey (UDC). Si pétition il y a, ce n'est pas forcément qu'il y a opposition formelle à toute nouvelle construction. Ce que je veux dire par là, c'est qu'on a auditionné des gens qui étaient en réalité en manque d'informations, en manque de concertation, et que si on les avait mieux informés dès le départ, ils n'auraient peut-être pas eu besoin de déposer une pétition pour être rassurés, car - ils l'ont dit aussi - ils ne s'opposent aucunement à de nouvelles constructions. Cela a été dit, et ils l'ont confirmé ! En réalité, le but logique du renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat consiste justement à rassurer ces personnes, et peut-être même que cela permettra d'éviter les oppositions. En effet, en refusant cette pétition on va finalement encore plus braquer ces gens, qui en arriveront certainement à faire des oppositions, alors que peut-être ce ne serait pas le cas si on acceptait de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat de manière que celui-ci leur réponde, voire même éventuellement qu'il les rencontre. Cela permettra sans doute d'éviter des oppositions, qui surviendront certainement si on dépose cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
Mme Sarah Klopmann (Ve). Effectivement, la concertation est très importante, et c'est toujours regrettable quand elle n'est pas assez bien faite. Du reste, si tout le monde comprenait que la concertation devait se faire, les projets seraient souvent moins bloqués.
Densifier en ville, c'est vraiment ce que nous défendons et ce que tout le monde ici dit défendre, mais sans que l'on doive toujours surcharger les mêmes quartiers. Or là ce n'est pas le cas: on se trouve dans un quartier de la ville de Genève qui est quand même encore très peu densifié et dans lequel on a l'opportunité de construire des logements, alors pourquoi ne pas le faire ! Le projet est tout à fait adéquat et adapté, comme le demandait M. Spuhler, et nous ne devons donc pas, alors qu'il est en processus d'élaboration, déjà donner le message que nous ne voulons pas construire ici. La place du village ne va pas être touchée, contrairement à ce que craignaient les personnes qui se sont exprimées en commission, donc cela n'est pas un problème.
Le problème - et on le voit dans le titre même de la pétition - c'est que nous avons été confrontés à des pétitionnaires qui souhaitent habiter dans un quartier de la ville de Genève, mais qui conserve l'aspect d'un village. Or on ne peut pas demander de mettre un village dans un quartier de la ville de Genève ! Donc soit on habite dans un village en périphérie, soit on habite en ville de Genève, et on doit alors accepter qu'on construise un peu derrière la place principale du quartier. Pour toutes ces raisons, nous déposerons évidemment cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Je passe la parole à Mme Marie-Thérèse Engelberts pour une minute trente.
Mme Marie-Thérèse Engelberts (HP). Merci, Monsieur le président. Moi je m'oppose tout à fait à ce qui vient d'être dit par la dernière préopinante. Ce n'est pas parce qu'on habite dans une ville comme Genève, qui n'est pas forcément une mégapole, même si notre canton compte à peu près 500 000 habitants... Ce que je trouve absolument incroyable, c'est de défaire tout ce qui peut constituer un lieu de convivialité et une opportunité de se retrouver dans un cadre, pour des gens qui sont peut-être nés au XXe siècle et qui ont encore envie de vivre un peu de cette manière-là. On n'a bientôt plus aucun espace qui rappelle un tant soit peu le siècle précédent ! Tout n'a pas une valeur patrimoniale, c'est vrai, mais il y a une valeur de convivialité, une valeur d'espace qui est inscrite dans notre imaginaire et dans notre histoire, alors pourquoi ne devrions-nous accepter que des barres et des tours, en pensant que la convivialité va se faire autour des quatre ou cinq arbres qu'il y aura au bas du bâtiment ou simplement à l'entresol ?
Le président. Il vous reste trente secondes, Madame la députée.
Mme Marie-Thérèse Engelberts. Pour ces raisons-là, je vais pour ma part soutenir très largement les pétitionnaires, qui ont beaucoup de choses à nous apprendre à propos de leur manière de vivre, de l'appréciation qu'ils ont de leur paysage urbain, et je renverrai cette pétition au Conseil d'Etat.
M. Guy Mettan (PDC). J'aimerais rassurer Mme Engelberts. Effectivement, nous nous sommes posé les mêmes questions qu'elle et, comme cela a été dit par le rapporteur de majorité, nous étions tous très préoccupés de l'avenir de la place du Petit-Saconnex, parce que nous avions tous le souci de voir disparaître par exemple le café du Soleil, qui est vraiment une marque de fabrique ici à Genève, et de voir cette petite place complètement transformée et au fond disparaître au profit d'une espèce d'immense bâtiment qui aurait tout mangé. Mais en l'occurrence ce n'est pas du tout le cas ! Le café du Soleil demeurera avec la rénovation, le caractère de village de cette place pourra subsister, et donc à partir de là il n'y a pas de raison... Evidemment, il y aura des nouveautés... (Brouhaha.) ...mais cet aspect-là sera quand même préservé, et c'est là l'essentiel pour nous, dès lors il n'y a aucune raison de ne pas déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Les assurances nous ont été données, il y aura de plus un plan de quartier, et on aura pleinement l'occasion, si d'aventure cela ne devait pas être respecté, de s'y opposer le moment venu. Mais pour l'heure, en tout cas, toutes les garanties nous ont été données, et je crois qu'on peut voter en toute sérénité pour le dépôt.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme la députée Sarah Klopmann pour une minute trente.
Mme Sarah Klopmann (Ve). Merci, Monsieur le président. J'aimerais juste rassurer Mme Engelberts...
Une voix. Encore ?! (Exclamations.)
Mme Sarah Klopmann. Les Verts aussi veulent que la ville soit agréable à vivre. D'ailleurs, nous oeuvrons assez pour cela ici, personne ne dira le contraire. Simplement, pour que la ville soit agréable à vivre partout, nous ne pouvons pas toujours sacrifier les mêmes quartiers et ne pas toucher les autres. Il faut densifier là où on peut densifier, et là c'est le cas. Par ailleurs, pour qu'il y ait de la convivialité dans un quartier, c'est bien aussi qu'il y ait des habitants, donc si on construit de temps en temps un immeuble, je pense que ça ne va pas tuer la convivialité, au contraire. Enfin, je le répète, les espaces de convivialité et de rencontres sont préservés, et la place n'est pas touchée. (Brouhaha.)
Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Je passe la parole à M. le rapporteur de minorité Pascal Spuhler pour trente secondes, le reste étant sur le temps du groupe.
M. Pascal Spuhler (MCG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Je prendrai sur le reste du temps du groupe ! J'ai entendu de la part du PLR, de notre collègue Raymond Wicky, des propos tels que «cela nous paraît raisonnable» ou «ce sont des projets qui nous paraissent raisonnables». Mais est-ce que, parce que cela nous paraît raisonnable, on va donner un blanc-seing ? Toute la question est là ! (Brouhaha.) Je vous demande, Mesdames et Messieurs, dans un souci de bon sens, de consensus, de sagesse, et afin de s'assurer qu'on ne va pas au-devant de milliers de recours, de soutenir cette pétition. Il est logique, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés - veuillez bien m'écouter jusqu'à la fin ! - que nous soutenions cette pétition et que nous la renvoyions au Conseil d'Etat, pour que tous les éléments soient étudiés en amont et qu'on ne mette pas sur pied un plan qui sera inadaptable et inacceptable pour les habitants de ce village. Et je m'étonne d'entendre ma préopinante Verte nous dire que, oui, on peut construire des barres dans ce lieu de charme, dans cet espace patrimonial historique, comme cela a été rappelé par Mme Engelberts... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Historique, Mesdames et Messieurs ! C'est l'une des rares traces de notre passé ! Parfois j'ai de la peine à comprendre qu'on conserve dans cette ville des vieux bâtiments qui ne ressemblent plus à rien sous des prétextes patrimoniaux, alors que là il y a un ensemble, un réel village au sein de la ville, un contexte que vous ne retrouverez jamais, Mesdames et Messieurs, et vous voulez balayer cet élan de soutien que demandent les habitants de ce quartier, en disant: «Construisons, bâtissons, bâclons cette verdure qui reste encore au sein de notre ville !» Mesdames et Messieurs, je vous demande simplement de raison garder et de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat afin qu'il considère en amont les pétitionnaires.
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le rapporteur.
M. Pascal Spuhler. Et quand on vient nous dire que nous avons vu les plans et le projet final, ce n'est pas vrai ! Le plan et le projet final n'existent pas; il y a certes eu l'exposition du projet de base, mais nous ne savons pas au jour d'aujourd'hui si toutes les villas vont être conservées. Effectivement, on nous a confirmé que le café du Soleil allait être préservé, mais si ce café est entouré d'un bâtiment, ce ne sera plus le café du Soleil ! Si le temple est enfermé au milieu de quatre barres d'immeubles, ce ne sera plus le temple ! Mesdames et Messieurs, je vous demande encore une fois d'être raisonnables et de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le rapporteur. Je redonne la parole à M. le député Raymond Wicky pour deux minutes au maximum.
M. Raymond Wicky (PLR). Ce sera largement suffisant, Monsieur le président, merci ! Mes chers collègues, tout d'abord je suis émerveillé par le côté romantique de M. Spuhler. Qui l'eût cru ? Mais qui l'eût cru ! (Commentaires.) C'est merveilleux ! Plus sérieusement, je suis quand même un petit peu sceptique quand on essaie de nous vendre cette place comme un lieu idyllique. J'y vais de temps en temps, et il y a quand même un élément qui me frappe, c'est cette horrible place de parking qui fout en l'air totalement - pardonnez-moi cette expression - le caractère idyllique de ce petit coin. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Fort de ces considérations, je crois que l'évaluation qui a été faite par Mme Klopmann est tout à fait pertinente, et encore une fois nous ne pouvons que soutenir le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme Nicole Valiquer Grecuccio, rapporteure de majorité, pour onze secondes.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Il appartient à ce parlement de préserver l'intérêt général et de suivre le plan directeur cantonal qu'il a adopté afin de favoriser des logements abordables pour l'ensemble de la population. De plus, nous devons au contraire rassurer les habitants et arrêter de dire que le centre du Petit-Saconnex sera détruit, car nous savons que ce n'est pas vrai: les magistrats - tant M. Pagani que M. Hodgers - ont été absolument clairs. (Commentaires.)
Le président. Je vous remercie, Madame le rapporteur. La parole n'étant plus demandée, nous allons nous prononcer sur les conclusions de la majorité de la commission des pétitions, soit le dépôt sur le bureau du Grand Conseil.
Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 1957 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 49 oui contre 28 non et 3 abstentions.