Séance du jeudi 4 février 2016 à 14h
1re législature - 2e année - 13e session - 88e séance

R 805
Proposition de résolution de Mmes et MM. Jacques Béné, Cyril Aellen, Nathalie Fontanet, Emilie Flamand-Lew, Sarah Klopmann, Magali Orsini, Jean-Marc Guinchard, Bertrand Buchs, Eric Stauffer, François Baertschi, Patrick Lussi, Jean-Marie Voumard, Roger Deneys, Romain de Sainte Marie, Lydia Schneider Hausser pour le maintien du Passeport-Vacances
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XIII des 28, 29 janvier et 4 février 2016.

Débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous traitons à présent la deuxième urgence de cet après-midi. Je passe la parole à son premier signataire, M. le député Jacques Béné.

M. Jacques Béné (PLR). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le PLR réclame depuis fort longtemps que l'Etat restreigne son train de vie. Il souhaite de vraies mesures structurelles et ne se satisfera pas d'«économiettes», et certainement encore moins sur le dos des enfants, puisque c'est bien de cela que nous parlons avec la suspension ou suppression du Passeport-Vacances.

Une tournée avec un facteur, un parcours dans les couloirs secrets du musée de la Croix-Rouge, la construction de jouets avec des matériaux recyclables, l'initiation à la langue des signes, un atelier de cuisine, de musique, de décoration ou de photo, la fabrication d'un médicament, la découverte de la chimie ou de l'alchimie, du motocross ou de la voile, la découverte de la nature par les sens ou de la préhistoire dans une grotte, la création d'un bijou ou l'initiation à la magie, cette même magie que l'on retrouve dans les yeux d'un enfant qui s'émerveille à la découverte de la richesse de son environnement: pour tous ces jeunes, quelle meilleure manière d'ouvrir leur esprit à tant de domaines différents et de faire émerger ici des vocations, là des passions que toutes ces activités ? Et que dire de ces entrepreneurs, de ces chercheurs, de ces artistes, de ces amoureux de la nature, de ces passionnés de la culture, du sport ou simplement de leur métier, bref, de tous ces hommes et femmes qui prennent du temps et de l'énergie pour partager et transmettre leurs connaissances et leur savoir-faire dans le cadre de ces activités ? Après avoir laissé entendre que l'Etat pourrait se désengager de l'exposition de la Cité des métiers, voici que le DIP veut supprimer, sur des prétextes mesquins d'austérité budgétaire, le Passeport-Vacances, alors même que celui-ci contribue aussi à l'orientation professionnelle - qu'on sait plutôt lacunaire dans notre canton - et que rien n'a été fait pour endiguer la baisse de fréquentation à ces activités. Madame la conseillère d'Etat, s'il vous plaît, ne tuez pas les envies, la motivation, les rêves de tous ces jeunes - que nous avons aussi été - qui ne veulent pas rester prostrés devant leur télévision, leur tablette ou leur PlayStation, de tous ces adultes qui veulent partager et transmettre. Pour aujourd'hui et pour demain, s'il vous plaît, sauvez le Passeport-Vacances ! La jeunesse d'hier vous en remercie d'avance pour la jeunesse d'aujourd'hui. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

Présidence de M. Antoine Barde, président

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, bien évidemment, nous soutiendrons cette résolution. Cependant, nous tenons à relever que cette démarche est pour le moins étonnante de la part de certains, et que s'il est important de préserver cette prestation, d'autres prestations, inscrites au budget de l'Etat, sont tout aussi nécessaires et méritent des envolées aussi élogieuses et aussi indispensables que celle que vient de proférer notre collègue. Aujourd'hui, on diminue les budgets de familles dont les enfants ont besoin du Passeport-Vacances, mais ont besoin aussi de chaussures, de nourriture, d'insertion sociale, toutes choses que vous leur refusez. Aussi, soyez cohérents, acceptez cette résolution, bien évidemment, mais revoyez votre position sur tous les autres aspects concernant les prestations dues à la population. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

Le président. Je vous remercie, Madame la députée, et passe la parole à Mme la députée Magali Orsini.

Mme Magali Orsini (EAG). Non, je renonce, une de mes collègues ayant pris la parole à ma place. Merci.

Le président. Et vous êtes du même avis qu'elle. Je passe la parole à Mme la députée Emilie Flamand-Lew.

Mme Emilie Flamand-Lew (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, les Verts ont cosigné et soutiendront cette proposition de résolution, car ils regrettent eux aussi la décision prise par le département de suspendre le Passeport-Vacances pour 2016. C'est une activité abordable qui donne aux jeunes de 10 à 15 ans la possibilité de s'occuper intelligemment pendant les vacances et de découvrir des univers très divers, notamment professionnels, d'ordinaire inaccessibles pour certains d'entre eux. Dans les médias, le DIP a expliqué que l'offre devait être revue afin de mieux répondre aux besoins des familles, avec par exemple des horaires plus étendus ou des lieux de rendez-vous plus centraux. Revoir et adapter l'offre, oui, mais la suspendre, nous nous y opposons. Nous soutiendrons donc cette résolution, tout en notant, comme Mme Haller l'a fait avant nous, que les députés PLR à l'origine de cette démarche sont aussi acharnés à rechercher des économies et à proposer des coupes que prompts à s'émouvoir lorsqu'une prestation est supprimée.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, M. Béné, comme d'ailleurs tout cet hémicycle, est attaché à ses institutions, même les plus modestes, en termes financiers en tout cas. Les questions liées à la fréquentation des activités de loisirs, bien sûr, sont diverses et récurrentes, que ce soit dans le service des loisirs ou dans les autres services qui proposent des camps, des centres aérés, tous les organismes qui font partie du GLAJ. En cause, des changements de modes de vie, des préoccupations des familles, les deux parents qui travaillent, les familles monoparentales, la difficulté de laisser l'enfant partir seul en TPG vers les lieux d'activités du Passeport-Vacances. Comme l'a dit Mme Haller, il y a aussi des raisons liées à des problèmes financiers des familles, qui n'ont pas ou plus les moyens de dépenser 60 F pour un Passeport-Vacances, qui n'ont pas les moyens, en plus de ces 60 F, de payer un abonnement de transports publics pour l'enfant et pour elles, parce que cela représente trop sur un budget mensuel. Ces familles, je peux vous assurer qu'il en existe plus qu'on ne croit. Des réflexions doivent avoir lieu. Plusieurs solutions sont possibles, mais qui dit solutions pour plus d'accompagnement, pour des prestations différentes, dit aussi peut-être plus de moyens. Les socialistes sont en faveur du maintien des prestations, de leur évolution, mais aussi en faveur, quand c'est nécessaire de garder les moyens au budget ou de donner des moyens supplémentaires pour les prestations importantes et nécessaires comme certainement ici le Passeport-Vacances et les prestations de loisirs ou d'occupation pendant les temps de vacances des enfants. Le parti socialiste a signé cette proposition de résolution parce qu'il est difficile d'accepter de suspendre une prestation sans organiser pour le moins un remplacement de cette prestation, voire concevoir un plan pour la faire subsister et continuer. Soyons donc logiques, oui aux prestations, mais aussi à des moyens pour des prestations de qualité, et donc, Monsieur Béné, si vous tenez effectivement aux institutions de ce canton et aux prestations, pensez-y pour le budget.

Mme Geneviève Arnold (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, on connaît l'impact positif de ce type d'activités sur les enfants, l'avantage réel proposé aux enfants avec des activités de découverte, de jour, soulageant les parents qui travaillent bien sûr en ces périodes estivales, mais qui peuvent profiter de la fin de la journée et de la soirée avec leurs enfants sans avoir à les placer dans des camps durant plusieurs semaines. C'est également le lieu de découvertes, avec souvent des associations locales - donc découverte aussi de l'environnement local - rendues possibles grâce au Passeport-Vacances. Voici donc bien une mauvaise économie proposée ici par le Conseil d'Etat. Pour le PDC, il s'agit bien de préserver ce type de découvertes et d'ouverture d'esprit. Votons donc cette résolution.

M. François Baertschi (MCG). Faire de la politique, c'est choisir, et dans ce cas précis, je crois que le choix s'impose: offrir la possibilité d'activités à des enfants qui ne peuvent pas partir en vacances ou partent seulement pendant une période limitée, c'est quelque chose d'important, comme, à un autre niveau, il serait peut-être important d'avoir des activités notamment durant les fêtes de fin d'année, quand les centres de loisirs sont pour ainsi dire fermés, quand il y a très peu d'activités. Je pense que les gamins qui ont besoin qu'on s'occupe d'eux doivent justement bénéficier d'activités pendant les périodes de vacances ou de fin d'année; il est alors important de faire un effort particulier pour eux, et cet effort-là, je pense que le canton, les communes doivent le fournir chacun dans l'ordre de leurs compétences.

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, oui, le groupe UDC a signé également cette proposition de résolution. Pourquoi ? Parce que beaucoup de nos membres ont aussi été surpris de voir la suppression du Passeport-Vacances. Certes, nous avons eu des explications de Mme la conseillère d'Etat, et je pense qu'elle s'exprimera encore mieux à ce sujet, en disant qu'il y a peut-être un cadrage qui ne convient pas. Mais fallait-il pour autant proposer et mettre en place une suspension ? Nous pensons en tout cas, malgré ce que j'ai entendu des bancs adverses, qu'il ne s'agit pas d'un problème budgétaire - je crois que Mme la conseillère d'Etat vous le dira; en définitive, si ce problème budgétaire existait, ce programme était déjà en place. Donc oui, il est nécessaire de maintenir le Passeport-Vacances et, oui, il est peut-être nécessaire de revoir ses modalités actuelles, mais je suis sûr qu'il y a au DIP les gens compétents pour maintenir ce service et en modifier les détails qui ne sont peut-être plus tout à fait au goût du jour. Le groupe UDC soutient en tout cas résolument ce texte.

Mme Marie-Thérèse Engelberts (HP). Monsieur le président, j'ai été choquée en lisant l'article de la «Tribune de Genève», parce que je trouve que le maintien du Passeport-Vacances compte aussi bien pour les enfants que pour les familles. Que n'a-t-on parlé des familles monoparentales, ou des parents par exemple qui sont ensemble mais ne peuvent prendre des vacances en même temps ? Ils sont nombreux. D'autre part, je trouve que c'est un moment de rencontres interculturelles fantastique pour les enfants. Pour moi, cela fait partie d'un mandat culturel et éducatif, et j'ai de la peine à croire qu'une ministre de l'éducation socialiste, au vu d'un budget qui doit représenter tout au plus 200 000 F... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...puisse faire cette proposition. Mais trouvez-les ailleurs ! Ça me paraît invraisemblable. On se bat d'un côté pour donner plus d'allocations dans certaines situations, et de l'autre, ce qui est efficace, constructif, qui apporte du plaisir aux enfants et aux familles, on le supprime. J'avoue que je ne comprends pas.

Une voix. Bravo !

Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, peut-être un rappel, qui me paraît important pour situer le contexte: le département de l'instruction publique organise des activités de loisirs de manière subsidiaire, je dirais, à d'autres activités organisées dans le canton. Actuellement existent le Passeport-Vacances, des mercredis après-midi d'activités pour les enfants et un certain nombre de camps de vacances. Depuis quelques années - c'était bien avant mon arrivée, d'ailleurs - le département réfléchit à ces prestations. Pourquoi ? Parce qu'on s'est rendu compte qu'un certain nombre d'entre elles ne correspondent pas tout à fait aux besoins. Un exemple: pour les mercredis après-midi d'activités culturelles ou sportives, notre but est de permettre à chaque enfant, quelles que soient ses difficultés sociales, quels que soient son handicap ou ses problèmes, de pouvoir avoir accès à certaines de ces activités. Nous réfléchissons actuellement à la réorganisation de ce catalogue pour l'année 2016.

J'en viens maintenant au Passeport-Vacances. Qu'avons-nous constaté dans le cadre de cette réflexion globale que nous menons depuis quelques années dans le département ? D'une part, la fréquentation est en baisse: en 2011, 780 jeunes; en 2015, 475. Pourquoi une baisse ? Nous avons quelques pistes. La question des horaires d'abord: en effet, amener un enfant à une activité qui a lieu de 9h à 11h, cela ne convient pas, et notamment aux familles monoparentales. J'invite à ce propos Mme Engelberts à aller lire les commentaires à l'article de la «Tribune de Genève». Une femme, sans doute, écrit: «Très bien, le Passeport-Vacances, mais pas pour les familles monoparentales», parce qu'effectivement, quand on travaille et qu'on est seul, ça ne convient pas. Ça ne va pas forcément non plus quand on sait que vu la société dans laquelle nous vivons, certains parents hésitent parfois à laisser leurs enfants prendre seuls le bus, ce qui oblige d'ailleurs le service à organiser des transports. Et puis, plus grave, ce qui inquiète vraiment le département est que cette baisse de fréquentation ne serait peut-être pas seulement liée à ces questions, mais aussi, comme Mme Schneider Hausser, je crois, l'a rappelé, au fait qu'aujourd'hui, des familles n'arrivent pas à payer même 60 F. Ce sur quoi nous travaillons, c'est donc plutôt sur un modèle qui permettrait justement à ces enfants-là, à ces jeunes-là d'avoir accès à des activités de loisirs.

Dans ce contexte, que s'est-il passé ? Il faut d'abord que vous vous rendiez compte que mettre en place chaque année le Passeport-Vacances représente un peu, en termes de fonctionnement, une usine à gaz. Pourquoi ? Parce que d'abord, nous n'avons pas d'inscriptions par l'informatique. Vous savez que les projets informatiques à l'Etat sont quasi bloqués. Nous n'avons pas de système informatique pour le Passeport-Vacances, donc les gens s'inscrivent sur papier, tout est traité manuellement, et voyez si c'est compliqué à faire, parce que les enfants émettent des choix, téléphonent pour dire: «J'aimerais être avec tel copain sur telle activité»; enfin, c'est lourd à organiser, ce n'est pas quelque chose qui se fait simplement en deux temps trois mouvements. Il faut contacter les partenaires; il faut trouver des bénévoles ou payer des personnes - ne croyez pas que les entreprises qui accueillent les enfants le font toutes gratuitement - il faut parfois un encadrement que nous devons payer. Cela représente donc une grosse organisation et pas simplement un poste à 10% avec quelqu'un qui peut s'en occuper facilement. Or, très concrètement, dans le contexte de réflexion sur ce sujet, que s'est-il passé ? La personne qui s'occupait principalement du Passeport-Vacances, dans ce petit service où nous avons moins de quatre équivalents pleins-temps, a quitté le département fin novembre. Nous nous sommes retrouvés dans la situation de nous demander si nous organisions quand même pour l'année 2016 un Passeport-Vacances qui fatalement serait très réduit et moins bon que ce que nous faisions d'habitude. Dans un contexte budgétaire incertain, de surcroît, nous avons préféré suspendre le programme pour mettre en place une réflexion; un groupe de travail planche maintenant sur ce sujet, d'ailleurs avec des parents, pour voir ce que nous pourrons faire à l'avenir. J'ai donc envie de vous dire que si le parlement souhaite que nous fassions quelque chose en 2016, nous le ferons, mais je me réjouis que vous nous en donniez les moyens, soit dit en passant. Indépendamment de cela, ce ne sera pas le Passeport-Vacances que vous avez connu précédemment, parce que techniquement, pratiquement, nous ne pourrons pas le faire de cette manière-là cette année.

Pour finir, Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi une remarque. Au fond, j'ai envie de remercier le PLR qui, en faisant peut-être un acte citoyen, en déposant cette proposition de résolution, tendrait un peu à se rapprocher de la femme de gauche que je suis et des valeurs que je défends au quotidien. (Commentaires.) Mais j'invite la majorité de ce parlement à faire preuve d'un peu de cohérence: vous avez tout récemment voté le «personal stop»... (Commentaires.) ...vous n'arrêtez pas de dire que l'Etat est trop gras, et dans ce contexte-là, le Conseil d'Etat attend une résolution de votre parlement demandant enfin la suppression du «personal stop», parce que cette mesure ne représente pas des «économiettes», Mesdames et Messieurs les députés. (Commentaires.) Par cette mesure, ce ne sont pas les 475 enfants concernés par le Passeport-Vacances que vous mettez en péril, mais notamment les 73 000 enfants de l'école genevoise.

Le président. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat, et j'invite l'assemblée à se prononcer sur cette proposition de résolution.

Mise aux voix, la résolution 805 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 92 oui et 1 abstention. (Exclamations à l'annonce du résultat.)

Résolution 805