Séance du
jeudi 28 janvier 2016 à
15h
1re
législature -
2e
année -
13e
session -
80e
séance
M 2309
Débat
Le président. Nous passons à l'ordre du jour de notre séance extraordinaire, et nous abordons la M 2309. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à l'auteur, M. Jean Sanchez.
M. Jean Sanchez (MCG). Merci, Monsieur le président. Tout d'abord, un bref rappel des faits. Le samedi 19 décembre à 22h s'est tenu un rassemblement d'environ 500 personnes auxquelles s'est jointe une cinquantaine de personnes cagoulées, disposant de matériel et donnant des directives, directives du style «Masquer les caméras», «Prévoir de brûler les habits à la fin du cortège», ou encore des instructions sur les droits en cas de contrôle par la police. Donc organisation il y avait...
Tout le monde se souvient des ravages de cette manifestation - de ce cortège - qui a traversé la ville - heureusement elle a été bloquée au niveau des Rues-Basses par un fourgon de police - puis qui a emprunté la rue de la Corraterie et qui a causé d'immenses déprédations au Musée Rath et au Grand Théâtre à la place de Neuve. On voit encore aujourd'hui les traces de ces déprédations. Ce cortège s'est ensuite déplacé via Plainpalais au boulevard Carl-Vogt. Un magasin qui vendait notamment des armes blanches a été pillé. Finalement le cortège s'est heurté à un cordon de sécurité de la gendarmerie pour le maintien de l'ordre au niveau de l'hôtel de police. Là des cocktails Molotov ont été jetés contre les policiers... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Heureusement, il n'y a pas de blessés graves à déplorer, ni d'un côté ni de l'autre. Finalement ce cortège se rend à l'Usine, pille un autre magasin, ce qui a fait ricaner certains. Mais je pense que ses employés mis au chômage rigolent moins... Cela finit par un concert sauvage qui a réveillé tout le quartier. A ce stade, toujours pas d'interpellation, pas de contrôle.
Lundi 21 décembre, la presse publie moult photos et quelques témoignages. Par contre silence radio des autorités politiques. Je pense que le public, les commerçants lésés - d'ailleurs certains n'ont jamais été contactés - et les policiers s'attendaient peut-être à une prise de position politique. On a eu une réponse très succincte de la police. Entre-temps, la commission de gestion s'est penchée sur le rapport de la police. Mais je propose plutôt d'examiner ce dossier, cette réponse assez spécifique... Je me pose d'autres questions. J'aimerais que l'on traite d'une problématique plus générale, à savoir la situation de la police aujourd'hui.
En matière de management, ce que l'on trouve dans tous les manuels, c'est qu'il ne faut pas organiser en silos une institution, car on freine la collaboration. Depuis des années, la police souffre de critiques concernant ses heures supplémentaires. On sait que la police est sous-dotée en personnel, puisque l'on évoque un manque de 200 policiers. Certains évoquent même beaucoup plus. On démantèle les acquis sociaux, ce qui est nettement démotivant.
Le président. Vous prenez sur le temps de votre groupe.
M. Jean Sanchez. Je serai bref. On privatise des tâches avec une certaine prise de risque.
Donc l'objet de cette motion, que ce soit au moyen d'une CEP ou d'une commission de gestion, c'est qu'il faut examiner l'état des troupes de police qui, à mon avis, sont maltraitées et fragilisées. Il s'agit de notre sécurité et il s'agit d'examiner la problématique dans son ensemble. Je vous remercie.
M. Alberto Velasco (S). Je ne veux pas interférer avec l'information que la présidente de la commission de contrôle de gestion va donner tout à l'heure... (Exclamations.)
Des voix. Plus fort !
M. Alberto Velasco. Plus fort là-haut ! Mais je tiens à dire que je salue quand même les motions qui ont été déposées, puisque cela a effectivement permis que ce parlement en parle et que notre commission de gestion s'empare du sujet et aille de l'avant. Néanmoins je tiens à dire ici que nous, la gauche, n'avons jamais et n'avons jamais eu intérêt à ce que de tels événements se produisent, surtout après avoir eu une mobilisation, telle que vous la connaissez, de 12 000 ou 15 000 fonctionnaires dans la rue. Il y a bien des années que cela n'était pas arrivé. C'est vrai que chaque fois qu'il y a une forte mobilisation dans ce canton - que ce soient les altermondialistes ou les fonctionnaires - eh bien un événement comme celui dont on parle surgit. Je m'interroge... La gauche n'y avait pas intérêt, alors qui avait intérêt à ce qu'il y ait des débordements ? Qui avait intérêt ? Je me pose la question. Il y a eu de tels débordements en ville de Genève, il y a eu un cocktail Molotov jeté sur le bâtiment du Grand Conseil. A l'époque de grandes manifestations, il y a eu un garage brûlé. On ne sait toujours pas qui a fait cela... A l'heure où je vous parle aujourd'hui, il n'y a toujours pas eu une seule interpellation.
Qui a convoqué la manifestation dont on parle ? Comment se fait-il qu'une manifestation débarque ainsi vers 22h-23h ? Nous la gauche, nous convoquons toujours nos manifestations à 14h l'après-midi. Pas trop tôt le matin et pas trop tard. Cette manifestation qui commence à 22h, c'est vraiment bizarre.
Tous ces éléments m'incitent à dire que j'espère que notre commission va faire son travail comme il faut, parce que, effectivement, il faut faire la lumière sur ce qui s'est passé.
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Alberto Velasco. Je termine en disant que la commission de contrôle de gestion a pris la responsabilité d'aller de l'avant. Si jamais cette commission ne faisait pas son travail, je serais le premier à demander une commission d'enquête parlementaire. Mais elle va faire son travail, et je ne sais pas aujourd'hui si vos motions n'ont donc pas déjà rempli les missions qu'elles avaient. Les socialistes se rallieront à la position que la présidente de la commission de contrôle de gestion va vous communiquer.
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Effectivement, je m'adresse à vous aujourd'hui en ma qualité de présidente de la commission de contrôle de gestion pour vous dire ce que chacun d'entre nous sait déjà, et la presse également, puisque nous ne pouvons malheureusement empêcher cette commission de fuiter par moments. La commission de contrôle de gestion n'a pas attendu le dépôt de ces deux motions pour discuter de cette problématique-là et des événements du 19 décembre. La commission de contrôle de gestion a déjà procédé à un certain nombre d'auditions. Elle va continuer son travail. Elle a même décidé de nommer une sous-commission chargée, en petits groupes, de mener l'enquête, raison pour laquelle il nous paraît aujourd'hui complètement inopportun, à la majorité de la commission de contrôle de gestion, de créer une commission d'enquête parlementaire. Voilà, je crois avoir résumé la position de la commission de contrôle de gestion et je pense qu'il est donc inutile d'accepter ces deux textes. Je vous remercie.
Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Je salue à la tribune notre ancien collègue, M. Eric Bertinat. (Applaudissements.)
M. Yvan Zweifel (PLR). Les auteurs des motions que nous sommes amenés à étudier aujourd'hui ont évidemment raison. Il s'est passé quelque chose d'inadmissible et d'intolérable à Genève dans la nuit du 19 au 20 décembre 2015. Comme l'ont dit tous les préopinants, il convient de faire la lumière sur ce qui s'est passé. Non seulement sur ce qui s'est passé - quels sont les potentiels responsables, d'où viennent ces casseurs, qui a pu éventuellement les protéger, est-ce que la police a effectivement suivi la doctrine d'engagement, est-ce que la chaîne de commandement a été respectée, est-ce que la communication s'est faite correctement et raisonnablement ? - mais surtout faire la lumière de telle manière que ce genre d'événements ne puissent plus se reproduire à l'avenir. Je crois que c'est cela le principal.
Comme le disait d'ailleurs la présidente de la commission de contrôle de gestion, les motions qui nous sont proposées ici et leur solution - la création d'une commission d'enquête parlementaire - nous paraissent inutiles et totalement chronophages. Inutiles parce que, et il faut en féliciter et en remercier Mme Forster Carbonnier en tant que présidente de la commission de contrôle de gestion, cette commission a d'ores et déjà justement pris les devants et a montré que nos institutions n'ont pas failli, bien au contraire, et que notre parlement a fait son travail de manière efficace, puisque, et pour aller un peu plus loin dans le résumé des faits, dès le 21 décembre, soit un jour et demi après les événements, la commission de contrôle de gestion a auditionné M. le conseiller d'Etat Pierre Maudet. Il est vrai qu'il était auditionné pour un autre sujet, mais la commission a d'emblée changé son ordre du jour pour écouter le conseiller d'Etat sur ce qui s'est passé. M. le conseiller d'Etat Pierre Maudet a été transparent et très clair. Il nous a dit qu'il prendrait des mesures tout de suite et produirait un rapport pour comprendre ce qui s'est passé. Il nous a aussi promis de revenir dès la séance suivante pour nous expliquer ce qui s'est passé. Lors de la séance suivante, la première séance de janvier, celle du 11 janvier, M. le conseiller d'Etat Pierre Maudet est revenu et nous a explicité, en avant-première, ce qui est écrit dans ce rapport. Lors de la séance suivante, celle du 18 janvier, la commission de contrôle de gestion a entendu la cheffe de la police, Mme Monica Bonfanti, qui s'est ouverte à nous de façon transparente et intégrale sur tout ce qui a pu se passer et a répondu à toutes nos questions. Et à l'occasion de la séance suivante, la dernière que nous avons eue, ce lundi même, la commission de contrôle de gestion a d'ores et déjà mis en place une sous-commission déjà nommée - c'est concret, c'est clair, c'est là - pour étudier ce problème. Si, aujourd'hui, on devait créer une commission d'enquête parlementaire, nous perdrions du temps puisqu'il faudrait refaire tout le travail...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Yvan Zweifel. ...et cela serait totalement inutile, puisque ce travail est déjà fait et déjà en cours. C'est pourquoi le groupe PLR vous propose de refuser cette motion, comme d'ailleurs la suivante, et de faire confiance à notre parlement qui a démontré qu'il travaillait sur ce dossier un jour et demi après les événements, en faisant confiance à notre commission de contrôle de gestion et à sa sous-commission. Je vous remercie.
M. Eric Stauffer (MCG). Tout le monde sait que, lors de ces émeutes du 19 décembre, un de mes commerces a été touché. Mais je ne m'exprimerai pas ici en tant que commerçant mais en tant que député. Je ferai abstraction de ce qui m'est arrivé, de la manière dont s'est déroulée cette soirée pour moi.
Néanmoins j'aimerais attirer votre attention, chers collègues, sur le fait que dans notre démocratie nous pouvons ne pas être d'accord avec l'Etat. Nous pouvons - quand je dis «nous», c'est tous les citoyens - manifester notre mécontentement même dans la rue. Nous pouvons faire passer ce message aux autorités. Mais ce que nous n'avons pas le droit de faire, chers collègues, c'est de dégrader la ville, le canton, comme cela a été le cas ce 19 décembre. Cela est inacceptable ! Des commerçants ont dû licencier du personnel, dans une situation économique difficile à Genève due à la cherté du franc suisse, qui tire le diable par la queue pour joindre les deux bouts chaque fin de mois, et, en plus de tout cela, on vient faire une atteinte à leur propriété. (Rire.) Oui, vous pouvez rigoler, Monsieur le député socialiste, mais ce n'est absolument pas drôle et, croyez-moi, les gens qui vous regardent sont quelque peu scandalisés. (Exclamations.)
Le président. Laissez l'orateur s'exprimer !
M. Eric Stauffer. Cela étant, Mesdames et Messieurs les députés, il est important que le pouvoir politique donne une réponse politique à la population, que notre parlement puisse, d'une manière neutre et impartiale, donner les explications de ce chaos du 19 décembre 2015.
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Eric Stauffer. Certes, Mme Forster Carbonnier a dit que la commission de contrôle de gestion n'a pas attendu pour traiter ce sujet. Elle a oublié de vous préciser que c'était sous mon impulsion et sur mon insistance. (Exclamations. Applaudissements.) Et la commission de contrôle de gestion, Mesdames et Messieurs les députés, n'a pas moins de vingt-deux objets à traiter en même temps.
Une voix. Ce n'est pas vrai !
M. Eric Stauffer. Est-ce que nous allons faire passer la réponse à nos concitoyens après d'autres questions qui concernent l'Etat ?
Le président. Il vous faut conclure.
M. Eric Stauffer. Alors, je vous le dis, votez cette création de commission d'enquête parlementaire, soyons responsables et donnons une réponse à nos concitoyens, car ils l'attendent.
M. Bertrand Buchs (PDC). Créer une commission d'enquête parlementaire ne servira strictement à rien, parce que ce que la population veut savoir rapidement, c'est ce qui s'est passé dans la nuit du 19 décembre. Elle veut des réponses rapides, et une commission d'enquête parlementaire sera obligatoirement un long processus. On le voit avec celle qui existe actuellement pour l'affaire d'Adeline.
La commission de contrôle de gestion est idéale pour ce genre d'enquêtes, parce qu'elle peut se saisir immédiatement de tout problème et qu'elle peut aller enquêter dans tous les services sans demander la permission à personne. C'est ce qu'elle a fait immédiatement et ce n'est pas vous, Monsieur Stauffer, qui avez demandé quoi que ce soit à la commission de contrôle de gestion. C'est la présidente de cette commission qui a trouvé opportun d'avoir M. Maudet le 21 décembre pour lui poser la question. Et, de toute façon, c'était obligatoire de lui poser cette question.
On a eu des réponses, on a continué à enquêter, vous saurez que l'on va encore auditionner la personne qui était responsable sur le terrain lors des événements du 19 décembre et, en plus, une sous-commission a été créée et elle fera son travail.
Donc vous aurez rapidement des réponses aux questions que vous vous êtes posées. Il est clair, dans cette affaire, que le premier pouvoir, le pouvoir législatif, doit pouvoir enquêter. Il en a l'obligation, parce que toute manifestation de ce genre est un traumatisme pour la population. Et la population, le dimanche matin, était traumatisée. On lui doit des réponses. Mais ces réponses ne peuvent pas venir uniquement du parti de la police qu'est le MCG. Il faut un peu d'objectivité dans cette affaire-là, et je trouve étonnant que ce soit le parti de la police qui ait été renseigné bien mieux que nous et qui pose des questions dont il connaît déjà les réponses.
Une voix. Bravo !
Mme Salika Wenger (EAG). Le premier point sur lequel Ensemble à Gauche souhaite s'exprimer est un point sémantique. Nous voulons définir le mot «émeute». Souvent «émeute», on peut le dire, équivaut à un soulèvement populaire qui explose en violence à l'occasion d'une situation tendue. (Rires.) Je vais vous donner des exemples d'émeutes: celle de Watts en 1992. A cette occasion, il y a eu cinquante-quatre morts, deux mille blessés dont des policiers et des pompiers, cela a coûté 900 millions de dollars de dommages, il y a eu trois mille départs de feu, ça c'était une émeute !
Ce qui s'est passé le 19 décembre, c'est au mieux une manifestation qui a malencontreusement dégénéré. Alors restons calmes ! Restons calmes ! (Exclamations. Commentaires. Huées. Applaudissements.)
Le président. Monsieur Spuhler, Monsieur Medeiros, s'il vous plaît !
Mme Salika Wenger. A entendre les rires du MCG, j'ai l'impression qu'ils ne prennent pas ce sujet aussi au sérieux qu'ils le prétendent !
Une voix. Que fait la police ?
Mme Salika Wenger. Bien ! Si vous permettez, je vais continuer. Je vous remercie ! Dans les nombreuses thèses de l'organisation des libertés publiques, on distingue des modes d'organisation, notamment le régime d'autorisation considéré comme le plus attentatoire à l'exercice de la liberté, puisque celui-ci est subordonné à la délivrance d'une autorisation de l'administration. Cette dernière - l'administration, donc, que vous critiquez en permanence, me semble-t-il - a un pouvoir discrétionnaire. C'est elle qui décide si oui ou non il y a une manifestation. Nous nous retrouvons donc dans une espèce de régime juridique mis en place à Genève et qui relève d'une volonté de dissuader les manifestations. Quand il y a des tensions, il y a effectivement quelques problèmes parfois. S'en prendre à la police et au rôle répressif qu'elle aurait dû jouer c'est déplacer le problème, car si, comme l'a dit M. Maudet, la première mission d'un Etat démocratique est de protéger les personnes et les biens qui se trouvent sur son territoire - sur «le» territoire, ce n'est pas «son» territoire, mais c'est comme cela qu'il l'exprime - ce n'est certainement pas en limitant les libertés...
Le président. Il vous reste trente secondes.
Mme Salika Wenger. ...citoyennes que l'on parvient à remplir cette tâche. J'ai bientôt fini, Monsieur le président.
Le président. Il vous reste vingt secondes.
Mme Salika Wenger. Ah d'accord ! Revenons donc au 19 décembre ! Il n'appartient pas à cette assemblée de faire le procès des uns ou des autres, mais de se donner les moyens de comprendre le déroulement de ces fâcheux événements. Dans cette perspective, la commission de contrôle de gestion s'est autosaisie le 21 décembre de cet objet...
Le président. Il vous faut conclure.
Mme Salika Wenger. ...et a effectué un certain nombre d'auditions importantes...
Le président. Je vous remercie, Madame la députée... Merci !
Mme Salika Wenger. ...et nous devons confier à cette commission le rôle de continuer son travail. (Applaudissements.)
M. Patrick Lussi (UDC). Etant donné que je vous abreuverai après avec les propos concernant ma motion, je tenais juste à relever un mot. Je constate que certains pensent que la commission de contrôle de gestion, certainement à raison, est l'organe habilité à faire ce travail. Et le but n'est pas de remettre en cause ni vos compétences ni ce que vous faites. Mais vous me permettrez de soulever un immense bémol: vous savez tous que les travaux de la commission de contrôle de gestion sont confidentiels. Nous demandons, nous, d'avoir un rapport, d'où la différence...
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat porte un regard sévère sur la manifestation sauvage de la nuit du 19 au 20 décembre. Il considère - il l'a dit par ma voix, mais je le répète ici - que ce qui s'est passé est inadmissible. Inadmissible à plus d'un titre. D'abord parce que certains et certaines ont profité de ce déroulement particulier de manifestation pour porter atteinte aux biens voire aux personnes et, en particulier, sur fond de débat culturel, pour porter atteinte au patrimoine de Genève. Certains et certaines ont également profité de cette manifestation pour attenter à l'autorité et, ce faisant, et c'est peut-être en cela que nous relevons, nous le Conseil d'Etat, un élément de particulière gravité, pour rompre le lien de confiance entre une police, qui a donné l'impression de subir plutôt que d'agir, et le corps populaire qui devrait se sentir précisément protégé.
Le Conseil d'Etat le dit ici, on ne peut pas banaliser ce type d'activités, ce type d'occurrences, et on doit s'interroger aussi sur les causes qui y ont mené. On doit s'interroger peut-être autant voire davantage sur celles et ceux qui ont cassé que sur l'action ou l'inaction de la police. Il y a là quelques inversions qui mériteraient une réflexion.
Vous aurez donc, Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat avec vous, s'agissant de demander à la police des comptes, et des comptes précis. Elle les a déjà passablement donnés à la faveur d'un rapport qui vous a été remis en primeur, et je comprends peu ici que l'on fasse le reproche à l'exécutif de n'avoir pas parlé là où précisément vous souhaitiez que la commission de contrôle de gestion soit la première informée. C'est valable pour le 21 décembre. C'est valable également pour le 11 janvier. Nous avons chaque fois réservé aux députés, au parlement et à une extraction de celui-ci, à savoir la commission de contrôle de gestion, la primeur des informations. Il me semble que c'est le plus élémentaire respect que l'on vous doit. Je suis un peu surpris ici qu'on nous fasse le reproche inverse aujourd'hui.
J'ai entendu tout à l'heure, mais était-ce une autocritique, le reproche d'une mauvaise organisation de la police. Je ne peux qu'y souscrire. Et précisément, télescopage de l'actualité, nous apprenons aujourd'hui que le Tribunal fédéral a balayé les deux derniers recours qui s'opposaient à la mise en oeuvre de la nouvelle loi sur la police votée par une large majorité de ce parlement et par une majorité plus restreinte, mais une majorité quand même, du peuple. Je me réjouis que nous puissions utiliser les événements du 19 décembre et la lecture qu'il faut en faire pour précisément mettre fin à ce cloisonnement inutile de la police, à ses dysfonctionnements avérés, répétés. Précisément, nous avons là quelques enseignements qu'il faut tirer, et je m'en réjouis. Mais cela risque peut-être d'être une forme de boomerang pour celles et ceux qui lancent, à travers cette motion, une dimension politique sur la question de l'appréciation de la manifestation sauvage du 19 décembre, ceux qui lancent l'anathème sur la police. Un boomerang qui risque de faire mal, parce qu'effectivement nous avons constaté une série de dysfonctionnements. La plupart sont établis, mais je ne suis pas certain que nous soyons allés au fond, et nous nous réjouissons de le faire vis-à-vis de la commission de contrôle de gestion, d'éclairer les faits d'une lumière sans doute un peu crue pour certains, de montrer qu'effectivement, dans la chaîne de commandement, dans la circulation de l'information, dans l'appréhension du renseignement, dans la gestion a posteriori, nous aurions - et quand je dis «nous», je ne veux pas m'extraire de mes responsabilités, parce que je porte la responsabilité politique de la police - pu faire mieux. Et tant mieux, cela tombe bien, la nouvelle loi sur la police qui n'est pas encore entrée en vigueur, qui n'a donc pas pu déployer par anticipation ses effets, précisément pourrait nous permettre de corriger ces défauts.
Mais je vous avertis, et je vous rejoins en cela, Mesdames et Messieurs qui avez déposé ces motions, cela ne se fera pas sans conséquences. C'est bien de parler des effectifs, mais quand, dans le même temps, on demande des effectifs supplémentaires, mais qu'on vote le personal stop, qu'on refuse le projet de budget 2016 qui prévoyait des effectifs supplémentaires, il faut quand même se poser la question de la cohérence. Et je me réjouis de l'heure des comptes. Je me réjouis qu'on sache qui prend réellement fait et cause pour la police. Cela sera un moment assurément intéressant.
En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais ici revenir à un propos républicain et institutionnel pour vous dire que ces manifestations, ce type de manifestations, ne doivent pas pouvoir se produire, que nous devons, aux commerçants en premier lieu mais aussi à la population, la garantie de leur protection et de leur sécurité, que cela passe par une remise en question profonde, que l'exécutif s'associe au législatif pour porter ce regard sur la police, qu'on se réjouit de le faire et de continuer de le faire avec la diligence qui caractérise - peut-être un peu moins la confidentialité, quoique ! - la commission de contrôle de gestion et que nous sommes certains qu'il n'y a pas besoin de vos motions pour cela. Nous avons déjà commencé à le faire sous la férule de la dynamique présidente de cette commission, avec le concours de toutes les forces politiques, parce que l'enjeu c'est la confiance dans la police. La police ne souffre pas d'être politisée, la police c'est la police de tout le monde. Elle doit rendre des comptes mais elle doit aussi être reconnue. L'enjeu, c'est la confiance dans ce corps essentiel au bon fonctionnement de notre démocratie. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons nous prononcer...
Une voix. Vote nominal !
Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, vous l'êtes. Nous passons donc au vote nominal sur la prise en considération de cette proposition de motion.
Mise aux voix, la proposition de motion 2309 est rejetée par 59 non contre 29 oui et 1 abstention (vote nominal).
Le président. Je salue à la tribune notre ancien collègue et ancien président du Grand Conseil, M. Pierre Losio.