Séance du
vendredi 18 décembre 2015 à
17h20
1re
législature -
2e
année -
12e
session -
79e
séance
R 770
Débat
Le président. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. La parole est au premier auteur, M. François Lefort.
M. François Lefort (Ve). Merci, Monsieur le président. Cette résolution a été déposée en septembre 2014, et la situation n'a pas beaucoup évolué depuis. Et quelle est cette situation de la mobilité dans l'espace du Grand Genève ? Eh bien, dans un contexte où la population a augmenté de plus de 25% depuis 1990, l'augmentation des déplacements conduit à un engorgement généralisé de toutes les voies de communication saturées par plus de 700 000 internes au canton et plus de 600 000 déplacements transfrontaliers quotidiens qui mobilisent, chaque jour, plus de 500 000 véhicules. Et ce n'est pas moi qui le dis, c'est le rapport sur la stratégie Mobilités 2030 du Conseil d'Etat. Et pourquoi en est-on arrivé là ? On en connaît tous la raison, c'est parce que l'on veut satisfaire tous les modes de déplacement alors que ce n'est plus physiquement possible. La gestion de la circulation n'est plus en mesure d'offrir à Genève une fluidité suffisante ni au trafic privé, ni aux transports collectifs, ni aux transports professionnels. Le constat est que la place manque, et qu'elle manque déjà pour créer des voies de bus en suffisance, des aménagements continus pour les cyclistes et des espaces confortables et attractifs pour les piétons en ville.
Le constat fait que l'on ne peut plus se voiler la face et exiger toujours plus de place pour le trafic individuel motorisé, c'est-à-dire construire de nouvelles routes sous prétexte du libre choix du mode de transport, concept qui, évidemment, va être prochainement réduit, mais seulement dans l'hypercentre.
Au niveau du Grand Genève, l'offre en transports collectifs est faible et même extrêmement faible. Elle est complètement sous-développée dans bien des secteurs, des secteurs peu denses en population et c'est justement pour cela que les transports collectifs sont peu développés et qu'il y a peu de chance qu'ils se développent dans le futur. La conséquence de cette offre misérable que le CEVA n'enrichira que sur les axes où il y a de la population c'est que les résidents de France voisine, suisses ou français d'ailleurs, et les résidents du district de Nyon sont contraints de se rendre au travail en voiture, faute d'alternative.
Si le développement du réseau de transports publics est un enjeu majeur du projet d'agglomération, ce réseau de transports publics doit être imaginé et réalisé en coordination avec un système public de covoiturage. Pourquoi un système public de covoiturage ? Parce que, si le privé s'y était mis, cela se saurait ! Un système public de covoiturage propre à irriguer les régions peu denses du Grand Genève qui resteraient, si on ne le fait pas, totalement orphelines d'offres de déplacement collectif.
Le covoiturage est actuellement sous-utilisé par les personnes qui franchissent quotidiennement la frontière alors que dans le contexte du Grand Genève il représente la solution la moins coûteuse. Le covoiturage, c'est moins de circulation, moins de parkings, moins de pollution chez nous en ville. C'est une formidable solution pour résoudre le problème de saturation du trafic alors qu'on ne propose actuellement que les solutions les plus simples, c'est-à-dire des routes et des parkings. Les plus simples, mais, malheureusement, les plus chères pour les ressources publiques. Le covoiturage représente aussi de formidables économies pour les finances publiques. Pas besoin de nouvelles routes, pas besoin d'élargissement des routes existantes... L'augmentation des déplacements en covoiturage permettrait donc de fluidifier rapidement le trafic et de réduire la pollution de l'air dans tout le Grand Genève, pollution de l'air récurrente, vous le savez, en hiver lorsque la climatologie concentre la pollution autour de Genève et dans les vallées proches de Genève.
Alors ce que demande cette résolution, c'est un grand réseau de covoiturage régional basé sur un réseau d'aires de covoiturage irriguant jusqu'aux petites agglomérations excentrées avec le but que l'on puisse avoir le choix de ne pas prendre sa voiture pour aller la garer plus loin dans un parking même si c'est un parking-relais. Ces aires de covoiturages sont le support physique nécessaire à ce réseau, mais ce réseau doit être rendu fonctionnel aussi par un système d'exploitation fournissant régularité, fiabilité et sécurité aux utilisateurs. Une telle plate-forme, comme on peut l'imaginer, pourrait être confiée à un consortium réunissant des acteurs des transports publics régionaux genevois et français. Alors le covoiturage, Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est pas une solution anecdotique mais, pour nous, cela pourrait être une solution majeure complémentaire aux autres modes de mobilité. C'est quoi ce covoiturage que l'on imagine ? C'est en fait une sorte de mini transport collectif multiple à horaire souple et finalement c'est bien ce dont le Grand Genève a besoin.
Pour toutes ces raisons, cette résolution invite d'abord le Groupement local de coopération transfrontalière - GLCT - Grand Genève - devenu Groupement eurorégional de coopération - et le Conseil d'Etat à résoudre le problème de trafic à Genève. Je vous remercie de renvoyer cette résolution à ces deux entités ou, si vous souhaitez en savoir plus, à la commission des transports. Mais la solution la plus simple est de la renvoyer aux deux entités citées.
M. Pascal Spuhler (MCG). Voilà bien une résolution «usine à gaz» ! Premièrement, je ne vois pas de quelle manière le Groupement local de coopération transfrontalière aurait les moyens d'étudier et de mettre en place un système de covoiturage. Deuxièmement, le Grand Conseil et plus encore le Conseil d'Etat ont des soucis actuellement autrement plus sérieux que le covoiturage à régler, par exemple budget. Et je crois que la société civile a pris en main ce genre de questions. C'est plutôt à ce niveau que vous devez vous poser la question, Monsieur Lefort - vous transmettrez, Monsieur le président. La société civile a pris en main le système de covoiturage, et elle le fait bien. Et cela va continuer, et en augmentant... Il y a d'abord eu le système Mobility, que vous connaissez tous, vous connaissez tous aussi la pub à la télévision ou à la radio pour Blablacar. Ce genre de système existe et se met en place, sans que nous ayons eu besoin d'intervenir. Ces systèmes ont un temps d'avance sur vous, Monsieur Lefort, et sur nous tous ! Donc, Mesdames et Messieurs les députés, cette résolution ne sert à rien, à part inventer une usine à gaz et faire travailler des fonctionnaires pour rien. Donc je vous recommande de l'enterrer aussi vite qu'elle est sortie de son trou !
M. Stéphane Florey (UDC). Effectivement cette résolution ne sert absolument à rien, comme l'a dit mon préopinant. Aujourd'hui, beaucoup de sites internet proposent ce genre de prestations, soit gratuitement soit moyennant une petite participation, comme, par exemple, Blablacar. Si vous voulez vous rendre dans une grande ville, comme Lyon, vous pouvez le faire pour dix ou quinze euros de participation aux frais. On retrouve les mêmes prestations pour ceux qui voudraient venir tous les jours à Genève. Donc, pourquoi demander à l'Etat de gérer ce qui fonctionne déjà très bien. Cela ne sert absolument à rien. L'Etat, du reste, n'a pas les moyens de financer ce genre de prestations. Il faut juste refuser cette mauvaise idée, parce qu'en plus, trop souvent, l'Etat gère des affaires privées plus que farfelues alors que tout existe déjà.
Une voix. Et de quoi je me mêle ! Bravo !
M. Bertrand Buchs (PDC). Le parti démocrate-chrétien va refuser cette résolution, mais l'idée n'est pas farfelue. Je trouve que c'est un peu dommage de formuler des critiques comme cela est fait. Ce sont des critiques un peu malhonnêtes pour des idées développées par un parti que l'on n'aime pas... enfin que les autres n'aiment pas, mais nous, nous l'aimons bien !
Bref, ce que je voulais dire c'est que le covoiturage n'a pas attendu la présente résolution des Verts pour exister. Il est clair qu'au niveau de la France voisine il existe de nombreux sites internet qui proposent du covoiturage, et le Conseil d'Etat a fait une conférence de presse récemment pour présenter une plate-forme commune qui peut être utilisée si l'on veut faire du covoiturage. Et je rappelle aussi qu'on a prévu dans l'excellent projet de loi qui sera voté en juin prochain - et que je vous encourage déjà à accepter de manière unanime - de promouvoir le covoiturage. C'est donc déjà inscrit dans une loi, et il n'est donc pas nécessaire de revenir sur cette question avec une résolution. C'est une perte de temps et d'énergie pour notre Grand Conseil.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je salue à la tribune M. Cyril Pellevat, sénateur de la Haute-Savoie, accompagné par notre ancien vice-président, M. Fabiano Forte. (Applaudissements.)
M. Michel Ducret (PLR). Il y a un projet de covoiturage qui est à l'étude dans le cadre du Conseil du Léman et du Comité Régional Franco-Genevois. Je reste assez réservé quant à cette solution dont le premier résultat n'est pas vraiment un report sur les transports collectifs mais qui pérennise au contraire l'idée de l'usage de la voiture. Donc c'est une petite réserve... Et ce n'est pas forcément une économie de place très sensible sur nos chaussées comme l'apporte le transfert sur les transports collectifs ou sur la mobilité douce.
Cela dit, il faut savoir que la première incitation au covoiturage - et on l'a vu lorsque le prix de l'essence a flambé - est le coût du déplacement. Si le prix de l'essence augmente, alors, tout à coup, le covoiturage se génère tout seul. Le coût est très clairement la première incitation.
Ensuite, le système de covoiturage qui est suggéré est extrêmement cher à gérer. Aujourd'hui il y a des sites internet qui existent. Et l'on risque de se trouver dans la même situation qu'avec les vélos publics, c'est-à-dire que l'on va mettre en place, pour le covoiturage, une véritable usine à gaz, comme on l'a fait pour les vélos publics. Pendant ce temps, les initiatives privées, beaucoup plus légères et efficaces, avancent. Elles sont déjà au point alors que l'on n'a même pas commencé à réfléchir sérieusement à un réseau public de covoiturage.
Tout cela fait que le PLR ne tient pas à soutenir l'idée de cette usine à gaz. Toutefois, comme le covoiturage n'est pas forcément entièrement négatif, il faut savoir que deux choses sont indispensables. D'une part, il y a des parkings de rencontre pour les covoitureurs qui viennent de différents endroits qui devraient être mis en place, notamment dans la région voisine. Cela concerne évidemment plus nos amis français que nous. Le deuxième point: il serait peut-être intéressant pour la commission des transports - ou pour celle des travaux, puisque à la commission des transports on ne traite bientôt plus rien qui concerne les transports - de faire le point sur le projet officiel qui est mené dans le cadre franco-suisse, parce qu'effectivement, comme pour beaucoup d'autres choses, je constate que nos commissions ne sont pas tenues au courant de ce qui se passe, comme de l'évolution du réseau TPG...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Michel Ducret. On ne nous présente strictement rien. On ne sait pas ce qui se fait dans les différentes commissions extraparlementaires. Aujourd'hui l'information ne circule pas bien entre notre administration et le Grand Conseil. Je vous remercie de votre attention.
M. Thomas Wenger (S). Quand on parle de covoiturage dans le Grand Genève, il est intéressant de citer quelques chiffres pour poser le débat. Nous avons beaucoup parlé dans cette enceinte du premier chiffre: c'est 1,2, soit le nombre de personnes dans une voiture aujourd'hui pour le canton. C'est très peu. Dans la plupart des voitures que vous voyez passer dans le canton et dans le Grand Genève, il n'y a qu'une personne derrière son volant, et c'est évidemment trop peu. L'autre chiffre concerne les frontaliers. On le voit aussi dans l'exposé des motifs. Huit frontaliers sur dix sont seuls dans leur voiture, et là aussi on voit qu'il y a un potentiel énorme pour mutualiser l'utilisation des véhicules qui passent la frontière dans les deux sens. Je vous rappelle le dernier chiffre: c'est 550 000 passages de frontière par jour.
Cela a été dit tout à l'heure, pour le parti socialiste, nous pouvons étudier ce sujet en commission, mais il faut surtout renvoyer cette résolution directement au Conseil d'Etat pour éviter de perdre du temps, parce que l'on en a déjà passablement parlé dans la loi dite de compromis, la loi sur la mobilité cohérente et équilibrée. Je vous lis rapidement son article 3, alinéa 3: «La politique globale de la mobilité encourage les nouvelles pratiques de mobilité, qui visent à réduire la charge sur les infrastructures et services de mobilité aux heures de pointe et pour lesquelles l'Etat et les établissements publics autonomes - et cela est très important - doivent être exemplaires, notamment en encourageant: a) les services d'auto-partage; b) l'usage du covoiturage non professionnel; [...]». C'est simple comme bonjour de comprendre les effets positifs du covoiturage. Ce sont moins de véhicules sur les routes, donc plus de fluidité, plus d'efficacité dans les déplacements et, surtout, moins de pollution de l'air, moins de bruit. Et cela est très positif pour tous les habitants du Grand Genève.
Pour améliorer le taux de covoiturage, il faut inciter... L'incitation a déjà eu lieu à plusieurs reprises, par exemple au moyen d'une plate-forme internet lancée il y a quelque temps, www.covoiturage-leman.ch. C'est un projet franco-suisse financé par l'Union européenne. C'est une plate-forme qui permet...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Thomas Wenger. Merci, Monsieur le président. ...d'organiser ses trajets. Le covoiturage, c'est des économies, un gain de temps, etc. Je n'ai pas le temps de développer. Je voulais juste conclure en disant que pour les socialistes le covoiturage est un moyen efficace et complémentaire de la mobilité, sauf quand votre conducteur est MCG, parce que vous savez toujours d'où vous partez mais vous ne savez jamais où vous allez arriver ! (Rires.)
M. Jean Batou (EAG). Pour notre groupe, il est élémentaire de soutenir ce projet, de demander que, par le covoiturage, on obtienne une réduction de la circulation automobile, d'attendre de l'Etat qu'il s'engage dans cette direction et qu'il joue pleinement son rôle incitatif. Nous attendons de tous ceux qui disent que c'est inutile, inefficace, que l'on perd du temps, qu'ils laissent cette expérience se mettre en place, et l'on verra bien si cela ne sert à rien. C'est un des moyens complémentaires de réduire la circulation automobile avec le développement des transports publics. C'est pour cela que nous appelons au renvoi de cette proposition de résolution au Conseil d'Etat.
Le président. Merci. Je passe la parole à M. François Lefort, pour cinquante secondes.
M. François Lefort (Ve). Merci, Monsieur le président. Le covoiturage n'existe quasiment pas à Genève et dans le Grand Genève pour de petites distances alors qu'évidemment il existe pour de grandes distances. Vous pouvez aller à Nantes ou à Stuttgart en covoiturage, c'est très facile. Mais pour aller dans les petits villages près d'ici, bonne chance ! Ensuite, les régions peu peuplées ne seront jamais irriguées par des transports collectifs pour des raisons de coût. Je suis heureux d'apprendre que le Conseil du Léman, le CRFG y pensent, comme le GLCT. Il y a aussi une initiative privée...
Le président. Il vous reste vingt secondes.
M. François Lefort. ...LémaNéo, gratuite, qui existe... Mais il n'existe réellement rien. Il faut initier, manifester cet élan, promouvoir cette idée chez nos partenaires du GLCT.
M. Luc Barthassat, conseiller d'Etat. Le covoiturage est un des piliers stratégiques du département, puisque nous travaillons, en tout cas ces deux dernières années, en lien direct non seulement avec les communes mais aussi avec les villes et surtout avec la région française. Nous travaillons en collaboration aussi avec les zones industrielles, telles que la ZIMEYSA ou la ZIPLO, et tout particulièrement avec les entreprises du grand Etat comme les HUG ou l'Aéroport, mais aussi avec les entreprises qui parsèment ces zones industrielles telles que Rolex, pour ne pas la nommer...
Nous arrivons à de bons résultats. Nous sommes justement en train de mettre en forme, suite à des études, des plates-formes d'échanges autour de ces entreprises, autour de ces lieux qui nécessitent une demande en collaboration directe avec les communes et les villes.
J'accepte donc le renvoi de cette résolution au Conseil d'Etat pour pouvoir vous répondre de manière plus détaillée. Mais sachez que c'est une des priorités du département et nous avançons à grands pas, car ce covoiturage nous aide à fluidifier et à résorber le trafic soit en bordure du canton soit même dans le canton. Merci de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons maintenant voter sur la prise en considération de cette proposition de résolution.
Mise aux voix, la proposition de résolution 770 est rejetée par 54 non contre 34 oui.