Séance du
vendredi 18 décembre 2015 à
14h
1re
législature -
2e
année -
12e
session -
78e
séance
P 1945-A
Débat
Le président. Le prochain sujet qui nous occupe est la P 1945-A. Le rapporteur, M. Jean-Marie Voumard, est remplacé par M. Pascal Spuhler, lequel ne prend pas la parole. Elle revient donc à Mme la députée Salika Wenger.
Mme Salika Wenger (EAG). Je vous remercie, Monsieur le président. Nous sommes saisis de deux pétitions, la première demandant une vie nocturne riche, vivante et diversifiée, la seconde, que nous traiterons juste après, qui proteste contre le bruit à la rue de l'Ecole-de-Médecine. Alors là, je crois qu'il va falloir se mettre d'accord ! (L'oratrice rit.) Effectivement, il manque des lieux de rencontre pour les 16-18 ans, nous l'avons tous constaté, et il y a un travail à faire pour cette catégorie de population, ça me semble être une évidence.
Néanmoins, je me demande bien ce que nous allons obtenir en renvoyant ce rapport au Conseil d'Etat parce que je ne l'imagine pas organiser lui-même des loisirs pour les 16-18 ans. Peut-être pourrait-on - on a en tout cas déjà essayé dans la loi sur le... Qu'est-ce que c'était, déjà ?
Une voix. Sur le débit de boisson !
Mme Salika Wenger. Exactement, dans la LRDBHD, comme vous venez de le dire ! La fréquentation des bars est permise aux 16-18 ans, c'est la vente d'alcool qui leur est interdite. Il faudrait peut-être le leur faire savoir et on pourrait imaginer que les établissements qui ouvrent le soir le fassent plus tôt dans la journée afin de permettre aux jeunes de se rencontrer, de se retrouver et de ne pas se voir forcés à traîner dans la rue ou dans d'autres lieux qui posent problème.
Le renvoi au Conseil d'Etat est une très bonne chose. M. Hodgers nous a dit qu'il allait inclure cette problématique dans un plan dont je ne vois pas très bien l'utilité, mais bon... Bref, il l'a mise dans un plan, c'est une bonne chose, et j'aimerais dire que mon intervention est un appel à tous ceux qui dirigent des établissements de cet ordre pour qu'ils tiennent compte de cette population et que ce ne serait pas seulement pour eux une manière de gagner de l'argent; c'en est une, certes, mais ce serait aussi une façon de participer à la vie de la cité, à la rendre plus confortable pour nos jeunes et à leur éviter les cuites monstrueuses qu'ils sont capables de prendre, surtout dans cette période-là de leur vie, à savoir la fin de l'adolescence et le début de l'âge adulte. Il s'agit donc d'une bonne pétition.
D'habitude, je n'interviens pas sur les pétitions, mais ma question est de savoir ici à qui on va bien pouvoir l'adresser. En effet, elle ne convient à... Elle représente peut-être simplement un appel au secours d'une certaine catégorie de personnes. On la renvoie au Conseil d'Etat comme on pourrait la renvoyer à n'importe qui, ça ne changerait rien puisque les personnes concernées sont celles en charge d'établissements qui pourraient faire cet effort. Je vous remercie.
M. Pascal Spuhler (MCG), rapporteur ad interim. Je ne pensais pas intervenir directement sur cette pétition-ci, mais plutôt sur la suivante. Ainsi que Mme Wenger l'a remarqué - et je mets sa sagacité en exergue - ces deux pétitions sont contradictoires dans l'ensemble. Comme celle-ci avait été approuvée à l'unanimité, je ne voulais pas intervenir dessus mais plutôt sur la deuxième, qui parle justement du contraire.
Cela dit, s'agissant de cette pétition demandant la mise à disposition de lieux pour les jeunes, la commission s'est déterminée pour le renvoi au Conseil d'Etat. L'idée, Madame Wenger - vous transmettrez, Monsieur le président - c'est de mener une réflexion un peu plus ouverte, lors de la planification des nouveaux quartiers que nous allons construire, sur ce qu'on aimerait mettre à disposition de nos jeunes afin d'éviter qu'ils ne traînent dans les rues ou ne fréquentent des établissements actuellement trop chers pour eux. Il est également à souligner - et c'est pour ça qu'il faudrait bien lire l'ensemble du rapport qui vous est proposé, Madame Wenger, qui contient quand même un certain nombre d'explications - que ces jeunes ont déposé leur pétition, qui évoque aussi les salles communales, dans les 45 communes du canton, qui vont donc toutes se retrouver à traiter ce texte - les salles communales, comme son nom l'indique, ne dépendent pas du Conseil d'Etat.
On s'est posé la question suivante: faut-il vraiment renvoyer cet objet au Conseil d'Etat ? S'agissant de la planification, je l'ai dit, il est d'une importance capitale de pouvoir réfléchir à ce qu'on veut mettre à disposition de nos jeunes; mais cette pétition intéresse également les communes, qui seront sollicitées et se prononceront au fur et à mesure de son traitement. Les deux premières invites étant déjà réglées par la LRDBHD, que nous avons votée au mois de mars dernier, nous ne voulions entrer en matière que sur les deux suivantes. Voilà pourquoi je vous recommande, concernant la quatrième invite qui est importante s'agissant de la réflexion sur l'urbanisme futur, de soutenir le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat. Je vous remercie.
M. Stéphane Florey (UDC). Tout d'abord, il n'y a pas eu unanimité en commission puisque deux groupes ont voté contre cette motion - cette pétition, pardon. Voilà pour la première chose. Deuxièmement, les jeunes que nous avons auditionnés étaient, de notre point de vue, très brouillons, ils ne savaient pas trop ce qu'ils voulaient... (Commentaires.)
Une voix. Silence !
M. Stéphane Florey. Ils ont beaucoup parlé de liens sociaux, de liens intergénérationnels, du fait d'inclure la jeunesse dans les lieux publics, ce genre d'aspects là. Je suis désolé mais, à la base, quand on a 16 ans - parce que la demande va beaucoup plus loin que ça - il y a les bistrots de quartier ! C'est le meilleur moyen pour s'intégrer dans la société, cultiver des liens intergénérationnels... (Brouhaha.) ...avec les gens de son quartier. Ce sont des lieux formidables à cet égard, et les jeunes devraient s'en tenir à ça.
Maintenant, renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat, c'est de l'ingérence. Ça fait des mois qu'on parle de compétences communales, de répartition des tâches - on en a parlé pas plus tard qu'hier soir - et s'il y a bien une chose qui relève uniquement des communes, ce sont les salles communales, qu'évoque l'autre invite de cette pétition ! L'Etat n'a pas à s'occuper de ça, chaque commune, ça a été dit en commission, possède des règlements communaux.
Pour ma part, ce que j'ai surtout vu, c'est que ces jeunes veulent non seulement pouvoir se rendre partout, notamment en boîte de nuit, et consommer tout ce qu'ils veulent à profusion - au final, c'est ça, leur demande - mais en plus qu'on leur mette des salles à disposition gratuitement ! Ces demandes ne sont pas réalistes, laissons les communes gérer leurs salles comme elles l'entendent: si elles veulent mettre des salles gratuitement à disposition et qu'elles en ont les moyens, qu'elles le fassent, mais ce n'est pas à l'Etat d'aller fourrer son nez là-dedans alors qu'il a des choses bien plus importantes à régler vis-à-vis de la population. Je vous remercie.
Une voix. Très bien !
Mme Sarah Klopmann (Ve). C'est un peu lassant de devoir répéter tout le temps les mêmes choses ! Il ne s'agit pas d'ingérence, on n'est pas en train de demander au Conseil d'Etat de gérer les salles communales; simplement, il y a dans cette pétition des demandes qui s'adressent au canton - pour cela, le Conseil d'Etat est compétent et voilà pourquoi il est intéressant de la lui renvoyer - et d'autres qui visent les communes - c'est pour ça qu'elle leur a aussi été adressée, c'est tout à fait logique. Les jeunes ont le droit de s'amuser, il n'est pas scandaleux, quand on a 16 ans, de demander d'avoir la possibilité de sortir le soir.
De plus, la visée de cette pétition est beaucoup plus large, elle contient plusieurs requêtes: d'abord, elle demande l'ouverture des bars jusqu'à 2h du matin, ce qui est maintenant normalement réglé grâce à la LRDBHD, laquelle permet l'ouverture des bars jusqu'à 2h le week-end sans dérogation - on espère simplement que le Conseil d'Etat, c'est-à-dire le magistrat en charge du DSE, respectera cette disposition. Cette pétition a été rédigée avant la LRDBHD, et cette demande avait d'ailleurs déjà été formulée par le même collectif lors des débats. Ensuite, elle demande d'empêcher l'interdiction des bars aux 16-18 ans car légalement, les jeunes dès 16 ans ont le droit de fréquenter les bars. Le magistrat, qui a rencontré le collectif, a déjà envoyé une lettre à certains établissements, mais il nous a juste précisé en commission qu'il ne faisait pas... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Je vais attendre qu'il y ait un peu moins de bruit ! (Le président agite la cloche. Un instant s'écoule.) Merci, Monsieur le président. Le magistrat nous a juste bien précisé, après avoir envoyé trois lettres pour essayer de calmer le collectif, qu'il ne faisait pas du respect de cette disposition de la loi une priorité, ce que nous regrettons, et c'est pour ça que nous souhaitons lui renvoyer encore une fois cette requête. La troisième demande est celle des salles communales et qui, comme je l'ai dit avant, s'adresse aux communes puisqu'il n'y a malheureusement pas beaucoup de salles au niveau du canton.
Enfin, la dernière invite - la plus importante ! - concerne la planification des lieux nocturnes dans le cas de projets urbains. Cette seule demande devrait mener à ce que personne ne refuse cette pétition ! En effet, comment peut-on refuser de planifier aujourd'hui ? On n'arrête pas de râler ici à cause des conflits entre les fêtards noctambules et les dormeurs, et on demande là de planifier, de réfléchir un peu à l'avance afin de trouver des solutions qui ne créent pas de problèmes par la suite. Il me semble que c'est notre rôle que de réfléchir en amont à la façon de ne pas avoir de problèmes plus tard - mais ça m'a l'air un peu trop compliqué pour certaines personnes, ce qui est dommage. Pourtant, on planifie tous les aménagements dans les plans localisés de quartier: les logements, les infrastructures, même les parkings ! Pourquoi ne planifierait-on pas également les lieux nocturnes, justement pour qu'il en existe et qu'ils soient bien placés ? Réfléchir aux endroits où installer des lieux nocturnes, c'est déjà permettre d'en ouvrir, ce qui règle quelque peu le problème du bruit dans la rue parce que les jeunes - et les moins jeunes, d'ailleurs - ont des endroits où se rendre pour faire le fête, que ce soit en début de soirée, à l'apéro ou plus tard, et les planifier, c'est assurer que ce soit fait intelligemment et que ça ne gêne pas par la suite.
Je trouve donc assez aberrant de refuser une pétition qui demande de planifier intelligemment l'aménagement urbain et des endroits pour faire la fête ! Certains souhaitent faire comme ça, je le trouve dommage et je le regretterai car empêcher les gens de sortir la nuit, ce n'est en aucun cas régler les problèmes de nuisances, c'est au contraire les augmenter. Respectons tout le monde et trouvons des solutions. Merci.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S). Mesdames et Messieurs les députés, je pense que notre préopinante Mme Klopmann a largement dit ce que voulait appuyer le groupe socialiste. Je me contenterai... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Merci, Monsieur le président. Je me contenterai d'un complément concernant l'aspect de l'aménagement. Comme cela a été rappelé, nombre de ces invites relèvent de la compétence communale, et cette pétition a effectivement été envoyée dans les communes concernées. A cet égard, nous ne pouvons que saluer le travail qui pourrait être fait avec les communes.
Il nous a semblé important de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat, notamment en raison de l'invite portant sur la planification des lieux nocturnes; pourquoi ? Parce que le conseiller d'Etat Antonio Hodgers a relevé qu'il pouvait inclure dans le plan directeur cantonal une fiche sur la vie nocturne. Certes, il est important de planifier les activités culturelles au niveau des plans localisés de quartier, et on pourrait citer à ce titre le collectif culturel ARV, qui fait partie du groupe des investisseurs dans le projet de la caserne des Vernets et démontre ainsi qu'il peut y avoir des mesures d'anticipation dans des projets tels que celui-là; mais on pourrait aller encore plus loin et décider de planifier des activités culturelles au niveau du plan directeur cantonal. Pour cela, avoir une fiche sur la vie nocturne dans le plan directeur cantonal permet de faire preuve d'une réelle anticipation en matière d'aménagement avec des activités culturelles qui viendraient compléter le logement et les activités de type industriel, artisanal et économique. En ce sens, nous pensons qu'il est légitime de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat; d'ailleurs, le conseiller d'Etat en charge du département s'est dit intéressé par ce renvoi, qui lui permettra d'avoir une assise suite à la décision de notre Grand Conseil. Je vous remercie.
M. Raymond Wicky (PLR). Mesdames et Messieurs, chers collègues, le groupe PLR, qui a soutenu le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat, n'avait pas du tout pour intention de s'ingérer dans l'autonomie communale. Il est bien évident que la plupart des salles visées par le texte sont en mains des communes, lesquelles gèrent seules leur patrimoine ainsi que leur mise à disposition, avec tous les problèmes connexes que cela peut présenter. Il n'y avait donc pas du tout d'intention de notre part de s'immiscer dans leurs affaires.
Par contre, ce qui nous paraissait quand même intéressant, et j'aimerais relever ce qu'a dit ma collègue Salika Wenger tout à l'heure, c'est l'autre pétition au sujet du bruit à la rue de l'Ecole-de-Médecine. En effet, on a bien vu que dans cette rue s'alignent une dizaine d'établissements publics sur 100 mètres, alors il est certain qu'en termes de planification il y a peut-être quelque chose à faire. Nous avons estimé qu'il était important de demander au Conseil d'Etat de tenter l'exercice d'améliorer ce genre de situation, d'où notre soutien au renvoi. Je vous remercie.
M. Jean-François Girardet (MCG). Je voulais juste ajouter que le MCG soutenait également le renvoi de cette pétition pour une vie nocturne riche, vivante et diversifiée au Conseil d'Etat, notamment parce qu'elle le concerne en priorité. En effet, cette pétition demande l'ouverture des bars non soumise à autorisation jusqu'à 2h du matin ainsi que d'empêcher de pratiquer des interdictions d'accès aux établissements plus restrictifs que la loi. Ce sont là des demandes qui vont être entendues par le Conseil d'Etat et auxquelles il fournira une réponse judicieuse, nous l'espérons en tout cas, car elles ne relèvent pas de la compétence communale - c'est d'ailleurs pour cette raison que, bien souvent, les magistrats des communes ont également renvoyé cette pétition au Conseil d'Etat. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, vous allez maintenant vous prononcer sur les conclusions du rapport, soit le renvoi au Conseil d'Etat.
Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (renvoi de la pétition 1945 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 65 oui contre 6 non et 2 abstentions.