Séance du
vendredi 18 décembre 2015 à
10h
1re
législature -
2e
année -
12e
session -
77e
séance
PL 11245-A
Premier débat
Le président. Le prochain point est le PL 11245-A. Le rapporteur de majorité, M. Benoît Genecand, est remplacé par... (Brouhaha.) Est-ce que le MCG pourrait aller régler ses histoires de familles à l'extérieur ? Ça vous permettra de faire la une des journaux encore une fois ! L'Union démocratique du centre peut aussi aller régler ses histoires de famille à l'extérieur. Est-ce qu'un autre groupe aimerait faire de même ? Vous me dites, je peux aussi suspendre la séance ! M. Benoît Genecand est donc remplacé par M. Lionel Halpérin, qui sera manifestement seul à débattre, le rapporteur de majorité n'ayant pas souhaité se rendre à la table. Monsieur le rapporteur de minorité, voulez-vous vous exprimer avant le rapporteur de majorité ? (Le rapporteur de majorité rejoint la table des rapporteurs.) Nous sommes en catégorie II, quarante minutes. Monsieur le rapporteur de majorité, c'est à vous.
M. Daniel Sormanni (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la majorité vous recommande d'accepter ce projet de loi qui vise à élargir ce qui existe déjà maintenant, c'est-à-dire que l'Etat a la possibilité de cautionner les coopératives de façon qu'elles puissent construire des logements. Elles ont déjà la possibilité aujourd'hui, à travers l'article 17 de la LGL, pour les catégories 1, 2 et 4, à savoir les HBM, HLM et HM, d'être cautionnées par l'Etat, ce qui leur permet de contracter les crédits bancaires qui leur permettent de construire avec des fonds propres réduits. Cela existe déjà depuis de nombreuses années à satisfaction de la population. Les coopératives représentent tout de même un système qui... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Il y a un brouhaha intéressant ! Habituel ! (L'orateur rit.) Merci, Monsieur le président. Les coopératives représentent un peu la troisième voie du logement, entre la PPE et les logements sociaux construits par les fondations ou d'autres acteurs du bâtiment. Je crois qu'elles méritent d'être développées à Genève. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Il est intéressant de relever que dans notre canton, on trouve à peu près 6% à 7% de coopératives dans le parc immobilier, alors qu'à Zurich, par exemple, elles en représentent 26%. Cela montre bien, à mon avis, une certaine mentalité, dans le canton de Genève, qui consiste à focaliser le débat sur le logement entre la propriété et les logements HBM et HLM. Je trouve que c'est dommage, et que cette troisième voie doit être favorisée.
L'idée de ce texte est bel et bien de permettre aux coopératives d'obtenir le cautionnement de l'Etat aussi pour la catégorie des logements à loyers libres, ce qui ne va évidemment pas mettre les coopératives en concurrence avec la propriété du logement. Ce sont deux choses différentes: être coopérateur, ce n'est pas être propriétaire de son logement, mais en réalité avoir une participation qui permet d'être partie prenante à la gestion de l'immeuble dans lequel on habite. Je pense que cette manière d'appréhender le logement est intéressante et permet aussi aux coopératives, des acteurs importants du logement, de proposer dans la durée des loyers raisonnables et qui restent des loyers sociaux pérennes. C'est aussi cela qui est important aujourd'hui.
Il faut en outre rappeler l'une des remarques faites au cours des débats à la commission du logement, qui ont été très longs, ont été suspendus puis ont repris: il s'agit d'une crainte exprimée notamment par le parti libéral - mon contradicteur va certainement en faire état tout à l'heure - à savoir qu'il existe un risque important, parce qu'on ne se trouve plus dans la catégorie de logements sociaux, mais dans une catégorie où les gens gagnent plus; par conséquent, les loyers seront plus élevés, et le risque sera plus élevé. C'est relativement marginal: il faut se rappeler que ce ne sont pas directement les locataires...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Daniel Sormanni. ...qui sont concernés par le risque de la coopérative, il ne s'agit pas d'un risque à proprement parler, comme les «subprimes» aux Etats-Unis, cela n'a rien à voir; ce ne sont pas des propriétaires qui n'ont pas les moyens d'assumer ensuite leur investissement, pour un bien qui lui-même n'aurait pas la valeur pour laquelle il aurait été cautionné. La majorité de la commission et le MCG vous invitent donc chaleureusement à soutenir ce projet de loi qui paraît intéressant. Je vous rappelle aussi - je terminerai par là - qu'il y aura évidemment un contrôle des loyers, pas directement, mais qui passera à travers les droits de superficie, qui pour l'essentiel sont attribués par l'Etat, et la loi sur les zones de développement, qui permettra à l'Etat de contrôler et de vérifier que ce ne sont pas des personnes qui pourraient accéder à la propriété qui vont se lancer dans les coopératives et de ce fait ne pas prendre de risque excessif. Je vous remercie par avance d'accepter ce projet de loi.
M. Lionel Halpérin (PLR), rapporteur de minorité ad interim. Monsieur le président, chers collègues, nous sommes saisis d'un projet de loi qui a obtenu le soutien de la majorité de la commission, pour lequel M. Benoît Genecand, notre cher ancien collègue, a écrit un rapport de minorité que j'ai la redoutable tâche d'essayer de défendre en me mettant à la hauteur de ses arguments. Pour ceux qui se sont donné la peine de le lire, c'est un projet d'une complexité telle - c'est là son premier défaut - qu'il est probablement réservé, en réalité, à une caste de connaisseurs privilégiés qui bénéficieront peut-être de cette possibilité, tous les autres, soit l'immense majorité de la population, n'en bénéficiant certainement pas. Quoi qu'il en soit, on a aujourd'hui dans la LGL une possibilité de financement avec un cautionnement étatique qui va jusqu'à 95% pour les coûts de réalisation des coopératives, jusqu'à la catégorie 4, soit, notamment, les HM, catégorie dans laquelle 40% des logements peuvent être en loyers libres. Tout cela, pour l'instant, est autorisé et déjà prévu par la LGL; un cautionnement jusqu'à 95% existe déjà pour ces catégories. Nous sommes maintenant en train de parler des coopératives qui dépassent 40% de loyers libres, qui peuvent aller jusqu'à 100% de loyers libres, dont certains coopérateurs n'entrent pas dans la catégorie HBM ou HLM et bénéficient par conséquent de ce cautionnement étatique jusqu'à concurrence de 90%. C'est là ce qu'on veut faire avec ce projet de loi. En d'autres termes, ce texte s'applique uniquement à des coopératives qui ont plus de 40% de coopérateurs gagnant eux-mêmes plus de 129 000 F par an. Voilà les gens que l'on veut aider avec ce projet de loi. On sait que ces gens n'ont pas besoin d'aide, que l'Etat devrait donc, à cause de cette loi, les autoriser à se contenter de 10% de fonds propres seulement, là où tout le reste de la population doit posséder au minimum 20% pour devenir acquéreur, de surcroît avec une caution de l'Etat, ce qui veut dire que c'est l'Etat qui prendra le risque d'un éventuel retournement du marché. Dans ces circonstances, ce projet de loi devrait être refusé, et le PLR vous y invite en rappelant qu'il est contraire à tout ce qui est en train de se faire sur le plan fédéral, notamment aux règles de prudence définies par la FINMA pour assurer que les personnes mettent suffisamment de fonds propres pour l'acquisition de leur bien. On veut ici faire exactement le contraire, le PLR vous invite donc à refuser ce projet de loi.
M. Mathias Buschbeck (Ve). Chères et chers collègues, les Verts sont extrêmement contents de voir que ce projet de loi, légèrement modifié en commission, va recueillir aujourd'hui une large majorité en sa faveur et aura une influence très positive sur la politique du logement. S'il y a un point sur lequel je peux souscrire aux propos du rapporteur de minorité, c'est que les lois en matière de logement et d'aménagement à Genève sont extrêmement complexes. Nous en sommes désolés, nous n'avons pu que travailler avec ce qui existe et essayer d'améliorer la situation. Il est de notre devoir, à mon sens, d'essayer de vulgariser un peu ce qui est ici en jeu. Je vais tenter de le faire.
Tout d'abord, il est important de dire que ce projet de loi n'occasionne aucun coût à l'Etat; il coûte peut-être un peu en frais d'impression pour inscrire en pied de bilan que l'Etat garantit le cautionnement des coopératives; mais il n'y aura bel et bien aucun coût pour l'Etat, alors que ce projet de loi représente un gain pour la population. Pourquoi ? Parce qu'aujourd'hui, il n'y a rien entre les coopératives subventionnées et la PPE; c'est-à-dire que pour l'immense majorité de la population, qui ne se trouve ni dans la catégorie des personnes subventionnées, ni dans celle des personnes qui peuvent investir plusieurs dizaines de milliers de francs pour l'acquisition d'un logement, il n'y a rien. Ce texte permet de favoriser, par le compromis trouvé en commission, la construction de coopératives non subventionnées. Dans ce sens-là, je suis un peu surpris par l'attitude du PLR qui nous répète à longueur d'année qu'il voudrait avoir des coopératives qui ne soient pas subventionnées, qui soient en loyers libres, et c'est justement l'objectif de ce projet de loi, et c'est justement ce type de coopératives que le PLR devrait soutenir.
Un dernier mot pour dire que ce texte aura un effet stabilisateur sur le marché du logement: en effet, les coopératives produisent des logements qui sont en moyenne 20% moins chers que ce qui est construit par les autres acteurs du marché; les loyers et les prix du marché auront donc tendance à tirer vers le bas, ce dont tout le Grand Conseil devrait se réjouir. Ainsi, je vous invite tous à accepter ce projet de loi.
M. Olivier Cerutti (PDC). Mesdames et Messieurs, le parti démocrate-chrétien a toujours été très attaché au principe de subsidiarité. Dans le cas du logement, la subsidiarité est à notre sens importante. La coopérative peut remplir ce rôle. Je comprends les interrogations soulevées par rapport à la FINMA s'agissant de ce projet de loi. C'est pour cela que j'ai présenté un amendement consistant à relever les fonds propres à 10%, de façon qu'on ait quelque chose de plus juste par rapport à l'intention des coopérateurs et que l'effort soit malgré tout un peu plus important. Je crois donc, Mesdames et Messieurs, que nous nous trouvons devant un projet de loi visant à la subsidiarité, qui permettra peut-être à la classe moyenne de réaliser des logements qui seront supportés par eux, gérés par eux, certainement mieux entretenus, parce que les habitants seront attentifs à ce qui se passe dans leurs allées. C'est donc tout à fait intéressant. Du reste, cette voie est très importante notamment dans d'autres cantons suisses, comme on l'a déjà dit, par exemple à Zurich, où énormément de coopératives immobilières existent.
Quant au risque que prend l'Etat, il est nul ! Il y a une garantie qui est donnée en échange. Si demain matin l'Etat doit faire valoir sa garantie, il achètera un bien 90% de sa valeur, ou 20% à 30% moins cher que s'il l'avait construit. Mesdames et Messieurs, je vous demande de réfléchir et de soutenir ce projet de loi.
Mme Caroline Marti (S). Je le rappelle sûrement lors de chaque débat sur le logement, mais les chiffres sont tellement édifiants qu'il est important de le faire: les loyers moyens des logements vacants ont augmenté de 10% à 20%, suivant le nombre de pièces, sur les dix ou quinze dernières années. Les conséquences, nous les connaissons toutes et tous, elles sont sérieuses: les familles s'entassent, pour beaucoup d'entre elles, dans des logements trop petits pour elles; certaines sont contraintes de déménager à l'extérieur des frontières cantonales; pour les autres, finalement, elles voient leur budget complètement grevé par le paiement d'un loyer extrêmement élevé. La population a donc grandement besoin de logements bon marché, de logements qui leur soient accessibles, et les coopératives d'habitation ont un rôle réel à jouer dans la production de ces logements qui sortent de la logique spéculative qui gangrène actuellement le marché immobilier genevois. Si les coopératives ont une part dans la production de logements bon marché, l'Etat a lui aussi son rôle à jouer pour encourager le logement coopératif et le développement des coopératives. Aider celles-ci à produire ces logements doit vraiment faire l'objet d'une réelle politique publique en faveur du logement abordable. Ce projet de loi, qui propose le cautionnement de l'Etat sur les emprunts de ces coopératives pour construire, constitue l'une des mesures pour favoriser le rôle et le développement des coopératives, une parmi d'autres, mais elle pourrait se révéler particulièrement efficace. Le parti socialiste soutient donc ce texte et vous incite à en faire de même. Je vous remercie.
M. Christo Ivanov (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, les coopératives sont d'ores et déjà largement favorisées par le régime de la LGL actuelle, qui permet de financer avec un cautionnement étatique pouvant monter jusqu'à 95% de leurs coûts de réalisation, jusqu'à et y compris la catégorie 4, comme le rapporteur de minorité l'a expliqué, soit les HM, catégorie dans laquelle 40% des logements peuvent être en loyers libres, et qui ne connaît pas l'application de la surtaxe. Les coopératives qui voudraient se créer en dépassant cette norme de 40%, avec par exemple 100% de coopérateurs qui n'entreraient pas dans les barèmes, dans les catégories HM ou HLM, peuvent aujourd'hui déjà voir le jour. Elles ne bénéficient toutefois pas du cautionnement de l'Etat jusqu'à 95% de leur financement. Toute famille ayant un revenu annuel déterminant inférieur à 129 000 F entre dans les 60% du régime HM. Sur les logements disponibles, la coopérative pourra décider d'en attribuer 40% à des familles disposant de plus de 129 000 F de revenu. C'est cela, finalement, que veut modifier cette loi. Le groupe UDC s'est abstenu en commission et s'abstiendra lors du vote aujourd'hui.
M. Christophe Aumeunier (PLR). Le parti libéral-radical refuse ce projet de loi parce qu'il contribue à l'illisibilité de la politique du logement à Genève. Il est totalement faux d'indiquer que ces mesures ne coûtent rien. Bien sûr que si ! La garantie de l'Etat, qui se fait sous forme de cautionnement simple, est une créance qui s'inscrit en pied de bilan; c'est un risque qui, s'il s'avère, alourdit le service de la dette de manière conséquente. Il est donc totalement erroné d'indiquer que cela ne coûte rien. En réalité, il s'agit d'une prestation de l'Etat que vous vous apprêtez, Mesdames et Messieurs les députés, à octroyer à des personnes, sans contrôle du revenu, sans contrôle du taux d'occupation, et au fond, même - à l'extrême, à la limite - sans contrôle de conversion de ces coopératives en PPE. Posez la question à M. David Lachat, grand convertisseur de coopératives en PPE: il n'y a dans ce régime aucun frein, aucune cautèle, les seules qui existent sont des statuts; les statuts se changent, rien dans la loi ne régule tout ce régime. Dès lors, nous sommes fondamentalement opposés à ce que vous vous apprêtez à faire.
Mais pour aller plus loin, et pour savoir quel était leur intérêt, j'ai posé la question au groupement des coopératives: il n'existe un intérêt que pour une coopérative, Mesdames et Messieurs les députés, car les autres sont autofinancées et anciennes. Cette coopérative, c'est la CODHA. On a ici affaire à un projet de loi CODHA. Si vous lisez son rapport d'activités, il s'agit d'une coopérative, ou d'un groupement de coopératives, qui a comme actif circulant 3,6 millions issus de parts sociales souscrites et non libérées; 3,6 millions constitués de parts sociales souscrites non libérées sur des actifs circulants de 8 millions. La CODHA a des charges administratives de 27%: par rapport à des équivalents d'états locatifs, c'est totalement inédit, c'est trois fois supérieur à ce qu'on doit faire dans l'immobilier. Les salaires équivalents plein temps à la CODHA sont de 120 000 F par année, Mesdames et Messieurs les députés. Ce sont donc là des charges massives et considérables. On s'apprête, au fond, à tenter de sauver cette entité, qui ne le sera peut-être pas à la simple lecture du bilan, parce que cette entité a un vrai problème, flagrant, de liquidités. On éprouve une grande gêne, parce qu'il y a une proximité importante entre les Verts et la CODHA. Il faut le dire, l'exposer ici. Je pense que cette entité est véritablement en danger et que cette tentative de sauvetage par le biais d'une politique sur les coopératives qui se voudrait plus générale est totalement démasquée et limpide.
Au fond, si on ne peut pas lire la politique du logement, c'est parce qu'on s'apprête à financer des coopérateurs sans aucun contrôle du revenu alors que le département semble dire qu'on manque de LUP, qu'on manque d'HBM. Les bancs de la gauche semblent nous dire qu'il manque d'HBM, mais voilà, il faut pratiquer l'aide arrosoir, il faut pratiquer l'aide à tout le monde, sans contrôle du revenu ni du taux d'occupation. Mais rassurez-vous, quoi qu'en disent les directeurs genevois du logement, c'est Berne qui décide, la FINMA veille au grain...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Christophe Aumeunier. ...et nous sommes à Genève de nouveau dans un particularisme incroyable: nous sommes le seul canton à avoir des coopératives à 5%, respectivement, aujourd'hui, en améliorant un petit peu la situation, 10% de fonds propres. Il faut savoir, Mesdames et Messieurs les députés, que là où les coopératives se sont développées le plus, c'est-à-dire à Zurich et en Suisse alémanique, on se trouve toujours à 20% de fonds propres. Aller en deçà de ce pourcentage, c'est prendre des risques qui sur le marché immobilier actuel sont inconsidérés. La FINMA veille au grain, elle ne permettra pas aux institutions financières de financer ce type de projet. Pour toutes ces raisons, le PLR refusera ce projet de loi et vous incite à le faire aussi. (Quelques applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le rapporteur de majorité Daniel Sormanni pour trois minutes trente sur le temps de son groupe.
M. Daniel Sormanni (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Il faut remettre un peu l'église au milieu du village. D'abord parce qu'il s'agit bien, quand on parle de coopératives - je l'entends pour ma part dans ce sens-là et je ne suis pas le seul - d'entités membres du groupement des coopératives du canton de Genève, pour lesquelles la transformation en PPE est strictement interdite. C'est bien dans ce sens-là qu'on l'entend. De plus, je l'ai dit tout à l'heure mais je le répète, et vous transmettrez, Monsieur le président, à M. Aumeunier: il y aura un contrôle des loyers et du taux d'occupation à travers la LGZD ! Nous entendons d'ailleurs que le Conseil d'Etat procède à ce contrôle de façon à ne pas tomber dans les excès qui pourraient éventuellement avoir lieu. C'est finalement l'Etat qui, en fonction des critères, décidera si dans une coopérative x, y ou z à loyers libres, il accordera, non pas son financement, comme on l'a entendu, mais un cautionnement. Je rappelle aussi qu'aucune coopérative à ce jour n'a fait faillite, malgré les fonds propres à 5% pour celles qui sont subventionnées. Ici, on parle de fonds propres à 10%, du fait d'un amendement de M. Cerutti d'ailleurs largement approuvé par la commission. Sur l'argument selon quoi les personnes qui seraient dans ce régime de loyers libres gagneraient assez bien et n'auraient pas besoin d'aide: je vous rappelle tout de même que l'Etat apporte une aide à d'autres personnes qui ont des revenus encore bien plus élevés, celles qui acquièrent leur logement. Grâce à la construction de PPE en zone de développement, où le prix du terrain est contrôlé par l'Etat, on permet à des gens d'acheter leur logement; et là, on est dans une autre catégorie de revenus, de 200 000 F par année au minimum et plus. Ce qui a été dit tout à l'heure n'est donc pas tout à fait exact. Sur les règles de la FINMA, je rappelle que celles-ci ne s'appliquent pas pour tout ce qui concerne les logements d'utilité publique. Il s'agit d'une définition du droit fédéral, et par conséquent, les règles de la FINMA sur les 20% ne s'appliquent pas. Il se construit d'ailleurs à Genève un certain nombre de coopératives selon les critères 1, 2 et 3 de la LGL actuelle, financées à hauteur de 5% de fonds propres. Il ne faut pas peindre le diable sur la muraille; dire que nous prenons des risques inconsidérés est totalement erroné. C'est pourquoi je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à soutenir ce projet de loi. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Patrick Lussi pour deux minutes trente-six.
M. Patrick Lussi (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, comment pouvons-nous dissocier ce qui nous a occupés de 8h à 9h et quelques aujourd'hui, c'est-à-dire ce budget que nous avons refusé pour des raisons différentes, et ensuite un projet de loi certes noble, sur les coopératives, que nous traitons en urgence, mais qui quand même, en définitive, va à nouveau péjorer le résultat définitif de l'Etat, par des écritures - et l'on a pas mal discuté d'écritures - puisque nous allons devoir donner des garanties ? Mesdames et Messieurs, face à tout cela, sommes-nous réellement, après tout ce que nous venons de discuter ce matin, prêts à voter ou à refuser ce projet de loi ? L'UDC demande son renvoi en commission. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Les rapporteurs ainsi que le Conseil d'Etat peuvent s'exprimer. Je passe la parole à M. le rapporteur de majorité, M. Daniel Sormanni, uniquement sur le renvoi en commission.
M. Daniel Sormanni (MCG), rapporteur de majorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, la commission a examiné durant de très nombreuses séances - sur près d'un an et demi, vous avez pu le voir - toutes les alternatives et les conséquences de ce projet de loi. Il n'y a absolument pas lieu de le renvoyer en commission. Les conséquences pour l'Etat sont extrêmement faibles, voire inexistantes, comme il a été dit, puisqu'il s'agit simplement d'une garantie en pied de bilan. Jusqu'à ce jour, jamais une seule coopérative n'a été mise en difficulté ou en faillite. Ce texte n'a pas de conséquence pour les finances de l'Etat. Il n'y a donc pas de raison de le renvoyer en commission.
M. Lionel Halpérin (PLR), rapporteur de minorité ad interim. Comme rapporteur de minorité, j'approuve le renvoi en commission, étant précisé que si nous avons en effet discuté passablement de ce sujet, il n'en demeure pas moins que nous apprenons aujourd'hui un certain nombre d'éléments qui n'avaient jamais été discutés au sein de la commission et qui justifient à eux seuls de déterminer pourquoi on est en train de se prononcer sur ce projet de loi. En ce sens, j'approuve le renvoi en commission.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le rapporteur. Le vote est ouvert sur le renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11245 à la commission du logement est rejeté par 61 non contre 31 oui.
Le président. Le débat continue. Je passe la parole à M. le député Mathias Buschbeck, à qui il reste une minute trente.
M. Mathias Buschbeck (Ve). Merci, Monsieur le président. Je ne vais pas laisser passer deux fois un élément inexact, à savoir que cela coûterait un seul centime à l'Etat. Ce projet de loi ne se répercutera en rien sur le bilan de l'Etat, il occasionnera une inscription en pied de bilan. (Protestations.) Nous avons auditionné les services financiers de l'Etat, qui nous ont confirmé que cela ne coûterait pas un centime à l'Etat. Arrêtez donc de prétendre le contraire, je vous remercie.
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi s'adresse aux classes moyennes, qui gagnent trop pour prétendre à un logement subventionné, mais pas assez pour pouvoir accéder à la propriété. Cette classe moyenne représente la majorité de nos concitoyennes et concitoyens. Pour cette partie-là de la population, la coopérative d'habitation forme une solution adéquate. On le voit à travers les exemples des villes alémaniques; on a cité Zurich, mais si vous allez à Bâle ou à Berne, vous retrouvez les mêmes proportions. La coopérative d'habitation est le logement par excellence de la classe moyenne, parce qu'il n'est pas subventionné - il ne grève donc pas les comptes de l'Etat - mais il n'est pas non plus laissé au marché libre et spéculatif qui a fait tant de mal dans notre canton depuis une quinzaine d'années, puisque chaque appartement qui se retrouve vacant et non contrôlé par l'Etat voit son loyer augmenter entre 15% et 20% par année - par année ! - et cela depuis une quinzaine d'années. Mesdames et Messieurs, la classe moyenne à Genève est assommée... (Exclamations.) ...par le coût des loyers, et ceci pèse aujourd'hui sur le pouvoir d'achat, ceci pèse sur notre économie, puisqu'une part importante du revenu des ménages passe tout simplement dans le loyer, et particulièrement des jeunes ménages: évidemment, les familles qui ont des baux anciens, datant d'il y a quinze, vingt ou trente ans, paient des prix tout à fait corrects. Mais je pense particulièrement aux jeunes familles qui, quand elles s'installent ne serait-ce que dans un quatre-pièces, se voient proposer des prix extrêmement élevés.
Ce projet de loi propose de découpler la notion de coopérative d'habitation des logements d'utilité publique. Les coopératives d'habitation qui proposent du logement social peuvent déjà bénéficier d'une aide, jusqu'à 95%, comme cela a été rappelé. Se pose donc la question tout à fait pertinente formulée par le rapporteur de minorité: si l'Etat offre une prestation, quelle est la contre-prestation ? L'Etat ne peut pas engager des fonds publics, même s'ils ne grèvent pas les comptes de l'Etat ni le budget, sans quoi mon collègue Dal Busco serait là pour veiller au grain; mais s'il s'agit bien d'une garantie inscrite au pied de bilan, il n'empêche que c'est une prestation de l'Etat. La contre-prestation première consiste à avoir un parc de logements coopératifs dont les prix sont stables. Quand survient un changement de locataire, il n'y a pas l'augmentation de loyer massive qui est la caractéristique du marché libre. Le deuxième effet... Et les initiants et la majorité de la commission inscrivent dans ce projet de loi que le département peut demander des contreparties. On peut imaginer des contreparties en taux d'occupation. On n'imposerait pas un plafonnement du revenu - il est plutôt propre au logement social - mais on pourrait demander que ce ne soit pas une seule personne qui habite dans un cinq ou six-pièces. S'il vote ce projet de loi, votre parlement donnerait cette marge de manoeuvre au Conseil d'Etat. Le Conseil d'Etat se sent donc à l'aise avec ce texte, puisqu'il lui permet de demander des contreparties.
J'en viens aux effets pervers évoqués notamment par M. Aumeunier. J'entends avec amusement M. Aumeunier déclarer les revenus d'un des promoteurs-constructeurs du canton, la CODHA, pour ne pas la nommer; on se réjouit que dans d'autres débats concernant des promoteurs-constructeurs privés membres de votre association, Monsieur Aumeunier, vous révéliez aussi le revenu de ces promoteurs-constructeurs actifs dans le canton. On se réjouit d'entendre leur salaire aussi, puisque vous avez dévoilé les salaires de ceux de la CODHA ! (Applaudissement.) Et M. Aumeunier nous explique: «Attention, ces coopératives d'habitation, voyez-vous, elles peuvent même - et c'est Me Lachat qui le dit - devenir des PPE.» Quelle horreur, quelle horreur ! Mesdames et Messieurs, vous comprenez que pour le représentant de la Chambre immobilière, le fait que des gens puissent se constituer en PPE, c'est la fin du monde ! Non, Mesdames et Messieurs, bien sûr que ces coopératives pourraient se transformer en PPE, mais du point de vue du Conseil d'Etat, ce n'est pas un mal, la PPE n'est pas un mal; si elles se transformaient en PPE, elles perdraient évidemment la garantie de l'Etat qui serait donnée à travers ce projet de loi. Là non plus, il ne faut pas faire preuve de rigidité, on doit pouvoir évoluer entre les différents types de propriétés. Là encore, si une coopérative sort de son statut juridique de coopérative, elle renonce alors définitivement au soutien de l'Etat.
Mesdames et Messieurs, ce projet de loi a une portée modeste; peu de coopératives ne veulent pas faire de LUP, il s'agit donc d'un petit coup de pouce sans impact sur le budget. Il a certes un impact sur le bilan de l'Etat, mais on voit que les coopératives qui construisent du logement social n'ont jamais fait appel à la garantie de l'Etat; et quand on pense aux milliards que le canton de Genève a dû payer suite aux opérations de la Banque cantonale, on peut se dire... (Vif commentaire.) ...que c'est rester très modeste que d'octroyer ce soutien aux coopératives, soutien qui bénéficie d'une longue expérience dans notre canton et dans le cadre duquel notre canton n'a jamais été sollicité. On voit donc qu'il s'agit d'un projet de loi tout à fait acceptable. Le Conseil d'Etat vous remercie dès lors de l'approuver. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, vous êtes invités à vous prononcer sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 11245 est adopté en premier débat par 59 oui contre 21 non et 10 abstentions.
La loi 11245 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 11245 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 61 oui contre 20 non et 10 abstentions.