Séance du
vendredi 16 octobre 2015 à
20h30
1re
législature -
2e
année -
9e
session -
62e
séance
M 2198
Débat
Le président. Nous passons au point suivant de l'ordre du jour, la proposition de motion 2198. Le débat est classé en catégorie II, trente minutes. Madame Meissner, vous avez la parole.
Mme Christina Meissner (UDC). Merci, Monsieur le président. Je prendrai éventuellement sur le temps de mon groupe. Etant donné l'excitation de ce parlement, je me permets de préciser que cette motion traite des martinets, c'est-à-dire les oiseaux noirs que vous avez déjà vus voler, même à l'intérieur de ce parlement. Il s'agit d'oiseaux qui aiment les villes; les martinets nichent dans de petites cavités, et les sites naturels avec des cavités devenant hélas de plus en plus rares, ce sont souvent des sites urbains que les martinets choisissent pour vivre. Aujourd'hui, ils vivent majoritairement en ville, dans les toitures ou dans la maçonnerie des bâtiments, à plus de dix mètres de hauteur, car il leur faut un sérieux dégagement pour prendre leur envol. L'architecture de nos édifices offre de nombreuses possibilités de nidification, malheureusement plutôt dans les anciens bâtiments et trop rarement dans les bâtiments plus modernes. Malheureusement aussi, dans les bâtiments plus anciens, les travaux de rénovation détruisent ces emplacements et les quelques ouvertures qui restent pour leur nidification. A Genève, la législation prévoit déjà la compensation des colonies existantes par la pose de nichoirs ou autres infrastructures adéquates intégrées aux façades. Sauf que le martinet a besoin de temps, de beaucoup de temps pour s'adapter à la nouveauté, et c'est la raison pour laquelle, malgré les compensations, les populations de martinets noirs diminuent d'année en année: la situation est véritablement catastrophique. Il est donc nécessaire de prévoir dans la législation non seulement la compensation des sites de nidification existants, mais également d'augmenter l'offre en nouveaux sites. C'est là que ça se complique, car prévoir des cavités dans le cadre de nouvelles constructions dépend de la connaissance de la problématique par les constructeurs. La plupart ignorent que les martinets sont menacés et ils ignorent que des mesures de construction très simples pourraient donner un coup de pouce à cette espèce. Ce que demande cette motion, c'est l'introduction dans la législation, c'est-à-dire dans la loi sur la faune, de l'obligation d'étudier et d'intégrer chaque fois que cela s'avère possible l'aménagement de sites de nidification pour les martinets noirs, dans tous les projets de rénovation ou de nouvelle construction de bâtiments hauts de plus de dix mètres. (Brouhaha.) Je dois souligner qu'il existe déjà un certain nombre de constructeurs, d'architectes, qui font déjà cet effort. Preuve en est le nouveau quartier de La Chapelle-Les Sciers... Excusez-moi, Monsieur le président, j'ai l'impression que les oiseaux ne vous intéressent pas beaucoup ! Je parle juste des martinets noirs, là !
Le président. Et pourtant, le martinet, ça devrait intéresser tout le monde. (Rires.)
Mme Christina Meissner. Oui, mais je parle de celui qui vole !
Une voix. Le noir, le noir...
Mme Christina Meissner. Mais pas le noir qu'on porte, le noir qui vole ! J'essaie de continuer en parlant du martinet...
Le président. Poursuivez !
Mme Christina Meissner. ...sans avoir besoin de faire trop d'artifices pour en parler et revenir à la construction des quartiers. Je parlais du quartier de La Chapelle-Les Sciers qui vient d'être terminé. Eh bien là, des cavités ont été prévues; elles s'intègrent à la construction et elles n'ont rien coûté ! Je m'adresse particulièrement au PLR qui est toujours très près de ses sous. Des martinets se sont déjà installés dans ces cavités. (Applaudissements.) Madame Montant, je vous remercie particulièrement, parce que je sais que vous faites un effort en tant qu'architecte et que, peut-être, vous saurez convaincre vos collègues de donner une petite chance à cette motion en la renvoyant en commission. Je comprends le scepticisme de certains de mes collègues; je comprends qu'il est tard et que le sujet est peut-être un peu léger pour vous...
Une voix. C'est ridicule !
Mme Christina Meissner. Mais la situation en matière de biodiversité est grave. Je sais, ce n'est pas le CEVA, mais prenez votre envol et donnez un coup de pouce aux martinets en renvoyant cette motion à la commission de l'environnement pour faire un geste pour les martinets avant qu'ils ne reviennent, l'année prochaine, au mois de mars. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Je passe la parole à Mme la députée Bénédicte Montant.
Des voix. Ah !
Mme Bénédicte Montant (PLR). Merci, Monsieur le président.
La Confédération donne à ces noirs martinets
La garantie d'un relogement avec baignoire et bidet.
En effet, en cas de transformation d'un immeuble désuet,
Il faut depuis 1986 recréer les petits nids douillets
Pour ceux qui aux nez des charpentes nidifiaient,
Avant que les constructeurs ne commettent l'écologique forfait
D'une rénovation à grands coups de balais.
La Suisse ne travaille jamais au rabais,
Ces oiseaux ne sont pas des jouets
Et, contrairement aux hirondelles, ils sont proprets.
On leur donne un droit au logement et ça, c'est parfait.
Cette mesure est sans doute un bienfait;
Elle est juste et porte ses effets:
Qui détruit remplace, et la loi fédérale nous satisfait.
D'autre part, certains convaincus agissent déjà, c'est vrai.
Ils rénovent pour les citoyens, tout en incluant les martinets
Et n'ont pas attendu les motions ou les feuillets
Pour avoir plusieurs cordes à leurs archets
Agissant spontanément d'août à juillet.
Comme architecte, j'en fais partie et je le sais.
Mais obliger, ce n'est pas bien, c'est même un peu niais.
Une exigence dans les grands projets,
En plus des nombreux labels et du tri des déchets,
Ça coûtera cher. On n'en a plus tant de ces billets,
On n'a plus rien dans le porte-monnaie.
Et il faudra surtout répercuter sur les loyers, ça c'est vraiment benêt.
Alors laissons faire ceux qui font déjà et félicitons-les:
Incitons, sans brandir le spectre du gibet !
Arrêtons d'interdire, d'obliger, émettons plutôt des souhaits !
En résumé, on ne veut pas de ce brouet.
On ne veut pas de loi cantonale sur le sujet.
Et le provocateur que je ne suis pas certainement aurait
Trouvé l'adage pas vraiment gentillet:
Pas de minarets, pas de martinets ! (Rires. Vifs applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Je passe la parole à M. Roger Deneys.
M. Roger Deneys (S). Qui adore les martinets ! Merci, Monsieur le président. Mais je tiens à préciser que les martinets en question n'ont rien à voir avec quelque soirée que, peut-être, l'un ou l'autre d'entre vous fréquente. Il s'agit bien ici des oiseaux qu'il s'agit de protéger. En l'occurrence, la proposition nommée «Un toit pour tous» ne concerne malheureusement pas les personnes sans abri, mais bien des oiseaux aujourd'hui menacés en Suisse à cause des habitats qui se transforment: les oiseaux ne trouvent ainsi plus de gîte dans les nouvelles constructions. Cette proposition de motion est particulièrement intéressante et nous l'avons cosignée, parce que garantir la biodiversité, c'est tout simplement garantir la survie des espèces animales, dont nous faisons partie. Et même si on peut considérer comme anecdotique qu'une espèce disparaisse ou non, en réalité, la préservation de ces espèces est aussi un indicateur d'une espérance de survie.
Le martinet a besoin d'espaces particuliers pour nicher. En l'occurrence, envisager de tels espaces dès la proposition de construction, au stade des plans, lorsqu'on réalise de nouveaux immeubles, et prévoir à ce niveau ces cavités pour les martinets est particulièrement intéressant. Ça permet aussi de limiter les nuisances pour les personnes qui ont des balcons et qui craignent les déjections de ces animaux. Il faut donc soutenir cette proposition de motion: la biodiversité n'est pas juste un gadget, même si, en milieu urbain, on peut considérer ça comme anecdotique. Je pense qu'on a besoin d'une nature préservée; on a besoin d'espèces qu'on peut contempler et c'est aussi un reflet de nos activités humaines, ma foi trop destructrices de temps à autre. Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à être conscients de l'enjeu - qui paraît anecdotique pour certains - en soutenant cette proposition de motion.
M. Pascal Spuhler (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, quand le groupe MCG a lu cette proposition de motion fort intéressante sur les martinets et leur problème pour nicher, il a pensé et même imaginé la renvoyer à la commission du logement ! (Rires.) Sincèrement, on peut s'inquiéter sur cette problématique et nous allons évidemment soutenir la demande de renvoi à la commission de l'environnement. (Commentaires.)
Mme Christina Meissner (UDC). Ah, Madame Montant, si tous les architectes étaient comme vous, eh bien le martinet ne serait pas en voie de disparition ! Malheureusement, tout le monde n'est pas aussi attentif que vous à prévoir des cavités pour les martinets dans les constructions. Mais de grâce, ne dites pas que le loyer du martinet va être reporté sur celui de l'habitant: ça ne coûte rien et vous le savez très bien ! Comme le disait mon préopinant, le martinet n'est pas un gadget, mais c'est l'expression même de la biodiversité qu'il nous faut préserver. De temps en temps, au sein même de ce parlement, ça ferait du bien !
M. Boris Calame (Ve). Je fais l'écho de ma cheffe de groupe: ah ! Pourquoi soutenir cette motion ? Parce que c'est une mise en oeuvre de la nature en ville, une action concrète en faveur de la biodiversité, la préservation d'une espèce menacée, une compensation de la transformation du bâti et le charme certain de la présence de martinets noirs au coeur de l'agglomération. Pour ces quelques raisons, nous vous invitons à renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Madame Meissner, vous avez encore vingt-cinq secondes.
Mme Christina Meissner (UDC). Merci, Monsieur le président. Il me semble qu'une majorité se dessine pour un renvoi au Conseil d'Etat. Je pense qu'on peut partir sur ce principe. Je retire donc ma demande de renvoi en commission.
Le président. Merci, Madame la députée. J'en prends note et passe la parole à M. le conseiller d'Etat Luc Barthassat.
M. Luc Barthassat, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la dernière proposition de Mme Meissner tombe bien, je crois qu'il faut renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. Dans le département, nous faisons beaucoup d'efforts, à l'image de la Confédération qui préconise aussi de faire tout notre possible pour préserver les espèces animales ou la flore. Beaucoup d'éléments dans la protection des oiseaux, des animaux, font partie aussi de la politique de la nature en ville, comme quelqu'un l'a dit tout à l'heure. Vous pouvez simplement envoyer cette motion au Conseil d'Etat: j'aurai plaisir, Madame Meissner, à vous faire transmettre une note de mes services pour vous dire tout ce que nous faisons ou allons faire par rapport à la protection des animaux en général et particulièrement des martinets.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Alors puisqu'il faut nicher, votons ! (Rires.) Je vous fais donc voter sur la prise en considération de cette motion.
Mise aux voix, la motion 2198 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 54 oui contre 20 non et 1 abstention.