Séance du vendredi 16 octobre 2015 à 20h30
1re législature - 2e année - 9e session - 62e séance

M 2182
Proposition de motion de Mmes et MM. Christina Meissner, Stéphane Florey, Bernhard Riedweg, Christo Ivanov, Marc Falquet, Patrick Lussi, Martine Roset, Thomas Bläsi, Daniel Sormanni, Jean-Marc Guinchard, Jean-Luc Forni, Thierry Cerutti pour un Pôle Bio de traitement des déchets bien pensé
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 19 et 20 décembre 2013.

Débat

Le président. Nous en venons à la M 2182. Cet objet est classé en catégorie II avec trente minutes de temps de parole. Madame Christina Meissner, c'est à vous.

Mme Christina Meissner (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, cette motion concerne le projet de nouvelle centrale de biomasse dite Pôle Bio qui incinérera les déchets organiques. Il est difficile de comprendre le choix de l'implantation de Pôle Bio de l'autre côté du Rhône, dans la zone industrielle du Bois-de-Bay, alors que des synergies importantes seraient possibles avec une implantation dans l'usine des Cheneviers. Sur un territoire comme Genève, la valorisation des déchets verts ne peut se faire isolément: il est nécessaire de rechercher des synergies et de l'efficience en matière d'exploitation et d'implantation. La future usine Cheneviers IV sera équipée pour le traitement de tous les types de déchets et elle n'utilisera que la moitié de l'espace actuel. Le site actuel des Cheneviers est relié au Rhône pour l'acheminement des déchets par des barges, à la station électrique de Verbois, au réseau CADIOM de chauffage à distance par l'incinération des ordures ménagères. Cette solution permettrait une économie, puisqu'elle utiliserait les réseaux déjà existants au lieu qu'on doive recréer toutes ces connexions à 1 kilomètre des Cheneviers.

Dans sa réponse du 2 octobre 2013 à la question écrite urgente 117 sur Pôle Bio, le Conseil d'Etat disait lui-même que «la conjonction des deux projets» - la construction d'une centrale chaleur-force alimentée par la biomasse, en l'occurrence le bois usagé, et le traitement des déchets organiques - «dans la même entreprise permet de rentabiliser les deux activités». Cela aura pour conséquence des coûts moins élevés pour les communes, s'agissant des déchets organiques. Dès lors, pourquoi ne pas faire un pas de plus et construire le tout au même endroit, aux Cheneviers ? Une étude de faisabilité incluant l'étude du site des Cheneviers permettrait d'y répondre: c'est ce que demande la présente motion.

Afin que le conseiller d'Etat Luc Barthassat, dont dépend la gestion des déchets, puisse répondre aux questions des députés sur ce projet, celui des Cheneviers, sur les synergies ou incompatibilités, la meilleure option serait de renvoyer cette motion à la commission de l'environnement et de l'agriculture. C'est ce que je vous propose, et je vous remercie de votre soutien, Mesdames et Messieurs les députés.

Mme Martine Roset (PDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, la nouvelle usine des Cheneviers est prévue avec une emprise diminuée par rapport à l'actuelle: ainsi, un périmètre est disponible pour Pôle Bio. Les Cheneviers sont reliés au réseau CADIOM ainsi qu'au trafic fluvial des déchets. Ces deux facteurs sont des avantages pour la future usine Pôle Bio qui, je le rappelle, alimentera CADIOM. On nous rétorquera que l'échéancier n'est pas le même. N'empêche que, selon les prévisions, Pôle Bio devrait déjà être en fonction si les échéanciers étaient respectés. L'implantation dans la ZIBAY est prévue à environ 200 mètres des habitations. Inutile de vous dire que les nuisances subies par les voisins de Châtillon, à environ 1 kilomètre, ne tentent pas les Peneysans, qui ne pourront même pas profiter de CADIOM car «le potentiel de clients n'est pas assez intéressant», selon les SIG.

Pôle Bio est prévu pour récolter 80% des déchets verts de notre canton. La gestion de cette usine est privée, sans aucun contrôle étatique des prix à la tonne, contrairement aux déchets incinérables. Peut-on affirmer que le prix à la tonne des déchets verts restera attractif par rapport aux déchets incinérables ? Si cela ne devait plus être le cas, ce serait la fin du tri des déchets. Le pourcentage des 80% est-il raisonnable ? N'aurait-on pas dû préférer un traitement des déchets de plus petite taille et mieux dispersé sur notre territoire afin de diminuer les transports ? Pourquoi la solution proposée par les agriculteurs n'a-t-elle pas reçu l'aval du Conseil d'Etat ? En résumé, cette usine et son implantation suscitent des questions restées à ce jour sans réponse. Pour toutes ces raisons, le PDC soutiendra le renvoi de cette proposition de motion à la commission de l'environnement et de l'agriculture. (Applaudissements.)

M. Gabriel Barrillier (PLR). Monsieur le président, chers collègues, j'aimerais vous rappeler qu'il existe un projet de Pôle Bio porté par trois entités, dont les Services industriels de Genève, qui prévoit l'implantation de cette usine au Bois-de-Bay. D'après mes informations, le projet technique est bouclé et les demandes d'autorisations et de construire qui sont pendantes ont fait l'objet de nombreuses navettes entre les services de l'Etat, les autorités et les promoteurs de ce projet. L'option Cheneviers qui est demandée par cette motion - c'est-à-dire profiter d'un redimensionnement de l'usine d'incinération - a été étudiée à plusieurs reprises et semble se heurter à plusieurs obstacles majeurs, il faut le reconnaître. D'abord, il y a celui des délais mentionnés par ma collègue: ce redimensionnement des Cheneviers est prévu à un horizon de dix ans, alors que le traitement des déchets verts est urgent. Deuxième obstacle, ce redimensionnement exige beaucoup de place et nécessiterait de déclasser de la zone agricole. Je ne vais pas vous faire de dessin sur le problème des SDA, les surfaces d'assolement, mais c'est quand même une problématique importante ! Peut-être que le chef du département va nous le rappeler, mais nous savons qu'il existe des contacts suivis entre l'Etat et les pilotes, les promoteurs du Pôle Bio. Ces contacts sont toujours en cours. Nous ne sommes pas dogmatiques, chers collègues: nous sommes d'accord pour un renvoi en commission - mais à la celle de l'énergie et des Services industriels de Genève ! (Commentaires.)

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, cette motion est bienvenue, je pense qu'il serait tout à fait intelligent de rediscuter de ce sujet. Comme vient de le dire le député Gabriel Barrillier, vous lui transmettrez, Monsieur le président, cela a effectivement été étudié, à plusieurs reprises, mais par l'ancienne équipe des Services industriels, son ancien président, son ancien directeur - on ne va pas leur jeter la pierre. Il y a aujourd'hui une nouvelle équipe qui, je crois, a démontré certaines compétences. En tout cas, nous, nous faisons confiance à cette nouvelle équipe, et je crois qu'il faut aujourd'hui réétudier tout cela; ça n'a pas de sens de développer ce Pôle Bio à 60 millions de francs, je crois que c'est le chiffre que j'ai entendu: c'est un chiffre qui est considérable, on va surcharger les routes avec un camion toutes les quatre minutes. Du point de vue économique, il semble qu'il a été démontré que ce site n'était pas du tout rentable.

Je crois que c'est vraiment le moment de se reposer des questions: l'usine des Cheneviers va être refaite, elle doit être redimensionnée, elle sera plus petite, il y aura moins de personnel, beaucoup plus de place disponible, avec 50% de terrain en plus. Pourquoi ne pas concentrer tout ça au même endroit ? Ou bien alors vous allez réduire cette centrale des Cheneviers puisque c'est le trend actuel compte tenu du recyclage des déchets, il y aura trop de personnel et vous allez licencier ce personnel en trop ? Non, mais vous rigolez ou bien ? Et derrière on engagerait d'autres personnes ? Non ! Je crois qu'il est intelligent de regrouper ça dans le même secteur et je crois que c'est la bonne décision. Tout arrive là-bas: il y a le réseau hydraulique, il y a les bateaux, il y a CADIOM, j'en passe et des meilleures. A mon avis, c'est tout à fait de bon sens, c'est la bonne méthode, même si ça nous prend un tout petit peu de temps; mais surtout, ça coûtera aussi beaucoup moins cher.

Vous proposez la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève: pourquoi pas ? Mme Meissner a proposé la commission de l'environnement et de l'agriculture, nous n'y tenons pas vraiment. L'essentiel, c'est que le texte parte en commission et que nous travaillions sur ce thème, parce que ça n'a pas de sens de dépenser 60 millions de francs dans un pôle distinct et qui ne va pas être véritablement rentable au sens économétrique. Soyons donc pour une fois intelligents dans ce Grand Conseil et renvoyons ça en commission pour trouver une solution plus rationnelle en comparaison avec ce qui va se faire aux Cheneviers. Faisons tout au même endroit, je crois que ça sera plus simple !

M. Alberto Velasco (S). Monsieur le président, d'emblée, je peux vous dire que je suis tout à fait d'accord avec l'exposé de notre collègue Barrillier, parce que ce projet ne concerne pas seulement les déchets organiques. C'est un pôle bio, mais il comprend toutes sortes de déchets. Le considérer seulement par rapport aux déchets organiques, c'est voir le problème de manière fausse. Mon observation, Mesdames et Messieurs les députés, est la suivante: je me demande si nous sommes députés de la république ou députés d'une commune. (Commentaires.) En l'occurrence, aujourd'hui, c'est Satigny; si ç'avait été Vernier, Vernier aurait dit non; si ç'avait été Russin, Russin aurait dit non, etc. Chaque fois une commune dit non et il y a toujours un député qui vient ici pour la défendre. Chers collègues, ce qu'on doit voir ici, c'est l'intérêt de la république. Il faut voir que ça fait des années qu'on a travaillé sur ce dossier. Comme l'a dit notre collègue Barrillier, il y a plusieurs entreprises, c'est un projet public-privé...

M. Gabriel Barrillier. PPP !

M. Alberto Velasco. C'est un partenariat public-privé, dans lequel les Services industriels sont partie prenante. Monsieur Sormanni, vous faites référence à l'incompétence des Services industriels par rapport à ce qui s'est passé. C'est un peu diffamatoire... (Remarque.) Mais non, il y a quand même des ingénieurs dans cette entreprise qui ont des compétences et un savoir-faire. Vos propos me semblent totalement diffamatoires. Je ne crois pas que le projet sera meilleur si on le déplace aux Cheneviers. Le projet est le même, vous parlez du lieu. Comme l'a dit notre collègue Barrillier, remettre en cause ce projet, c'est remettre en cause des années de planification. Or, le projet actuel est nécessaire: le site actuel est trop petit, il ne répond plus aux nécessités, la commune de Bernex se plaint et je pense que les études ont été faites. Les socialistes veulent bien qu'on renvoie le projet à la commission de l'énergie, mais franchement, on nous y fera un exposé sur le projet et vous verrez qu'il est difficile de revenir en arrière, même pour faire plaisir à la commune de Satigny. Nous serions enclins à envoyer cette motion à la commission de l'énergie, car nous travaillons sur ce budget et pendant deux ans, nous avons fait le tour des Services industriels et de toutes les propositions. Par conséquent, puisque ça concerne les Services industriels, je propose que nous renvoyions cet objet à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève.

Mme Lisa Mazzone (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, je pense que le Pôle Bio - et c'est l'avis des Verts - est un projet indispensable pour le recyclage et la transition énergétique, pour lequel on doit aller de l'avant. Cela touche l'énergie, mais pas uniquement. Je rappelle juste, pour rebondir sur ce qui vient d'être dit, que les déchets concernés sont les déchets verts et le bois, donc organiques. L'emplacement peut effectivement être rediscuté, bien que l'option des Cheneviers paraisse assez peu réaliste en termes d'emprise et d'espace disponible et, également, d'espace disponible dans un calendrier concordant. Il est important de le relever, mais nous sommes ouverts à en discuter dans le cadre d'une commission. Ce que nous souhaitons, c'est que ce projet puisse être développé et mis sur pied rapidement.

En parallèle, nous souhaitons aussi que soient développés des programmes de recyclage beaucoup plus ambitieux que ce qui a été annoncé par le Conseil d'Etat ces derniers temps, avec le refus d'instaurer la taxe au sac. Il y a un potentiel de développement du recyclage des déchets de cuisine beaucoup plus important que ce qui est fait actuellement quand on sait que, dans de nombreuses communes, il n'y a simplement pas la possibilité d'accéder au recyclage du compost ! Si bien qu'on passe encore à côté d'un gisement de recyclage très important, et ce sont autant de déchets qui sont brûlés par la suite.

Nous estimons donc qu'il faut étudier cette motion et l'emplacement du pôle. Se poser la question d'un point de vue environnemental me semble juste. De plus, réfléchir à l'impact sur les sols est important. Je rappelle aussi que la loi sur les déchets est traitée à la commission de l'environnement et de l'agriculture; cela nous semble cohérent de renvoyer cet objet dans cette commission.

Mme Christina Meissner (UDC). Je rebondis sur les propos de ma préopinante, Mme Lisa Mazzone. Effectivement, si je propose un renvoi à la commission de l'environnement et de l'agriculture, ce n'est pas par hasard: la loi sur les déchets y est traitée et c'est le conseiller d'Etat, M. Luc Barthassat, qui est en charge de ce domaine. D'ailleurs, c'est le seul qui est là ce soir pour nous répondre. Cela me paraît donc assez évident que l'étude de cette motion doive se faire chez lui. A part cela, j'aimerais aussi répondre sur le fait qu'il s'agit bien de déchets organiques, Monsieur Velasco: bois usagés et végétaux pour faire de l'énergie. Pôle Bio porte donc bien son nom.

Je rappelle aussi que nous sommes sur un territoire exigu et que nous ne remettons pas en cause la technique proposée avec Pôle Bio, qui est excellente, mais il s'agit d'essayer de rationaliser et d'économiser le sol et les transports de déchets, à 1 kilomètre de distance, sans refaire toutes les canalisations pour CADIOM. Là, on a déjà un accès fluvial pour les déchets qui arrivent aux Cheneviers. Je rappelle que les Cheneviers IV, c'est moitié moins de place; en termes d'utilisation et d'épargne de la zone agricole, nous sommes là de toute façon gagnants, me semble-t-il. Je vous remercie donc de soutenir le renvoi et, pour les raisons évoquées, un renvoi à la commission de l'environnement et de l'agriculture serait beaucoup plus logique.

M. Luc Barthassat, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je ne veux pas réexposer ici tout l'historique de Pôle Bio, mais c'est quand même un dossier pour lequel on a fait en sorte de trouver des accords avec divers privés, avec l'Etat, voire avec les agriculteurs. C'est vrai que la commune de Vernier ou certaines personnes voisines de cette commune ne sont pas contentes, mais, avec Châtillon et du côté de Bernex, les gens ne sont pas contents non plus. Quand on cherche un site pour faire une décharge bioactive, les communes concernées ne sont pas contentes; quand on fait des gravières, les communiers de l'endroit ne sont pas contents: eh bien, on doit un peu se partager les choses ! Moi, ce que je vois dans ce dossier, même si j'en ai au fond hérité, c'est qu'à l'endroit où on veut mettre le Pôle Bio, au Bois-de-Bay, il y a déjà d'autres systèmes de recyclage, pour la carrosserie, les gravats, les pneus, j'en passe et des meilleures. Je pense qu'il serait normal de mettre toutes ces choses-là au même endroit.

Malgré toutes les craintes, je ne vais pas entrer dans les détails encore une fois; un grand travail a déjà été fait. Comme l'a rappelé M. Barrillier, je reste ouvert au dialogue pour faire un bon point de situation quant au bouclement des travaux sur ce dossier. Toutefois, à un moment, il faudra quand même prendre une décision et aller de l'avant, et ne pas revenir tous les trois mois avec une motion qui dit tout et son contraire. J'envisagerais donc bien volontiers un renvoi de cette motion à la commission de l'environnement et de l'agriculture pour vous faire un point de situation sur ce dossier.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Je fais voter le renvoi de cette motion à la commission de l'environnement et de l'agriculture.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2182 à la commission de l'environnement et de l'agriculture est adopté par 42 oui contre 34 non et 2 abstentions.