Séance du
jeudi 24 septembre 2015 à
20h30
1re
législature -
2e
année -
8e
session -
56e
séance
M 2096-A
Débat
Le président. Nous passons à la M 2096-A pour laquelle nous sommes en catégorie II, trente minutes. Le rapport de majorité est de M. François Haldemann et le rapport de minorité de M. François Lefort. Qui remplace M. François Haldemann ? (Commentaires.) Personne ! Monsieur Lefort, souhaitez-vous prendre la parole ?
M. François Lefort (Ve), rapporteur de minorité. J'attends le rapporteur de majorité ! (Rires. Commentaires.)
Une voix. On n'a pas le temps !
M. François Lefort. Alors est-ce qu'on tire au sort le rapporteur de majorité ? (Commentaires.)
Le président. Monsieur Lefort, vous pouvez vous exprimer sur le rapport, mais pas sur le...
M. François Lefort. Mais, Monsieur le président, cela ne s'est jamais vu ! C'est d'abord le rapporteur de majorité qui s'exprime !
Le président. Cela peut être le rapporteur de minorité. (Commentaires.) Il n'est pas obligé de prendre la parole !
M. François Lefort. Bon, eh bien, écoutez... Mais c'est dommage et c'est plutôt embêtant, parce que j'aurais aimé savoir ce que le rapporteur de majorité avait envie de dire, avant de parler ! (Commentaires. Mme Simone de Montmollin prend place à la table des rapporteurs.) Ah, voilà !
Des voix. Ah !
M. François Lefort. Oh ! Merci, Simone ! (Applaudissements.)
Le président. Je remercie Mme de Montmollin de remplacer M. Haldemann à la table des rapporteurs.
Mme Simone de Montmollin (PLR), rapporteuse de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Chers collègues, je n'ai pas participé à ces travaux, mais ce que j'apprends dans le rapport de majorité est que cette motion a été refusée par la grande majorité de la commission et n'a été soutenue que par les motionnaires, ce qui en dit long sur le résultat des discussions. Le texte demande d'augmenter le périmètre du corridor biologique de l'Arve dans le cadre du déclassement des Grands-Esserts et de mettre en oeuvre la protection de ce périmètre. La commission avait refusé cette motion sur la base de nombreux arguments. L'un d'eux consistait à rendre les membres de ce parlement attentifs au fait que cela comportait un risque de créer un précédent lors de déclassements ultérieurs. Il a aussi été relevé que la commune de Veyrier était tout à fait opposée à cette motion. De notre point de vue, un autre élément est à prendre en compte dans ce dossier, à savoir qu'au fond, sans vouloir s'opposer à la protection de la biodiversité - ou sans pouvoir s'y opposer sur le fond, car il est souhaitable de soutenir les nombreux efforts consentis par les autorités du canton avec raison pour préserver la biodiversité - il faut toutefois être attentif au fait que l'agriculture est très largement mise à contribution pour y parvenir, et, dans le cas qui nous occupe, on doit tout de même procéder à une pesée d'intérêts, lorsqu'il s'agit de renforcer les mesures existantes, particulièrement si celles-ci sont consommatrices de surfaces agricoles. Dans ce cas, augmenter le périmètre signifie empiéter sur la zone agricole, et mettre en oeuvre la protection de ce périmètre signifie restreindre les activités agricoles, particulièrement celles liées à l'élevage. Cela revient à restreindre aussi l'utilité de ces territoires pour la population. L'essentiel de cette commission a jugé que c'était parfaitement excessif. Cette motion est trop exigeante. La majorité a aussi plaidé pour que les corridors biologiques soient compris dans une vision large et pour que d'autres mesures d'aménagement existantes qui participeraient au continuum du corridor biologique soient privilégiées, notamment les mesures liées à la gestion des sols ou aux toitures végétalisées. Dans le cas du déclassement des Grands-Esserts et dans le cas précis du périmètre du corridor biologique de l'Arve, la solution se trouve dans l'aménagement. Les projets de construction des Grands-Esserts devraient intégrer une réflexion qui permette un développement harmonieux entre le corridor existant et les futures constructions, sans devoir élargir le périmètre existant. Forte de ces conclusions, la commission vous encourage à refuser cette motion.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. François Lefort (Ve), rapporteur de minorité. Plus précisément, cette motion invitait le Conseil d'Etat à examiner la possibilité d'augmenter la surface du corridor biologique protégé des rives de l'Arve en prévision de l'augmentation de population qui surviendra suite au déclassement des Grands-Esserts et donc suite à la construction de 1200 logements, soit environ 6000 personnes supplémentaires sur ce périmètre. Elle demandait de mettre en oeuvre l'agrandissement de ce périmètre protégé pour fournir une protection accrue de ce milieu naturel que sont les berges de l'Arve face à l'augmentation de fréquentation attendue. Il y a évidemment une nécessité majeure de construire, mais il convient de le faire tout en préservant les corridors biologiques, garants de la biodiversité. Cette biodiversité dont vous ne voulez jamais parler n'est pas une vue de l'esprit ! Nous en parlons de temps en temps ici: loi cantonale sur la biodiversité, stratégie nationale de la biodiversité et, récemment, plan national de protection de la biodiversité. Pour faire simple, Mesdames et Messieurs les députés, préserver la biodiversité dans un contexte où elle est fortement menacée, c'est préserver la stabilité de l'environnement dans lequel vous vivez... (Remarque.) ...c'est préserver les rendements de vos cultures, Mesdames et Messieurs les rares députés agricoles ! (Remarque.) Donc, en l'espèce, c'est préserver votre sécurité alimentaire, et enfin, c'est préserver votre santé ! Voilà ce que signifie le mot «biodiversité».
Le déclassement des Grands-Esserts est un cas d'école: nous avons d'un côté l'intérêt public d'un projet de construction de 1200 logements, et d'un autre côté l'intérêt public de préserver un espace naturel, un corridor biologique parmi les plus importants du canton, si ce n'est le plus important, qui est aussi un site naturel de délassement pour la population. Ce site est suffisamment important pour que le canton lui ait spécialement consacré une loi: la loi sur la protection générale et l'aménagement des rives de l'Arve, qui détermine une zone de protection et fixe les utilisations et les limites de cette zone de protection. Alors, quand nous avons déclassé le périmètre des Grands-Esserts, l'association Pro Natura a attiré l'attention sur l'impact de la hausse de la fréquentation humaine aux Grands-Esserts sur le corridor biologique des rives de l'Arve. Une augmentation de population signifie une augmentation de la fréquentation des rives de l'Arve, donc un impact certain sur ce réservoir de biodiversité. Un accroissement raisonnable du périmètre protégé permettrait à ce réservoir de mieux résister à une augmentation des utilisations de cette zone protégée. C'est dans ce sens... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...et parce que la loi sur la protection des rives de l'Arve le permet, que nous invitons le Conseil d'Etat à étudier et à mettre en oeuvre une augmentation du périmètre de cette zone protégée. La majorité de la commission ne le veut pas et n'a rien d'autre à proposer évidemment, alors que les services de l'Etat nous ont confirmé que premièrement, cela ne posait pas de problème, deuxièmement que c'était une bonne idée et troisièmement que c'était possible ! Cette motion a été refusée par une majorité - dont vous ne faisiez pas partie, Madame de Montmollin, bien sûr - dont le principal et incompréhensible argument était que la motion mettait en danger le projet de développement des Grands-Esserts, ce qui est évidemment faux et ce qui est pourtant écrit dans le rapport de majorité ! Jamais cette motion n'a eu pour but d'entraver le projet de construction des Grands-Esserts ! Il faut le dire et nous le disons pour que cela figure bien au Mémorial de ce Grand Conseil ! Il est donc fort possible que cette majorité qui s'excite dès que l'on parle de biodiversité ne change pas d'avis ce soir pour les mêmes faux prétextes. Encore une fois, Mesdames et Messieurs les députés, vous ne serez jamais comptables de ce gâchis au détriment du bien commun. (Commentaires.) Ce que font des majorités de droite ailleurs en Suisse - pas seulement des majorités PLR, mais même des majorités PLR-UDC ! - nous ne le faisons même pas à Genève où la majorité vit dans la nostalgie des années 1960. Pour toutes ces raisons que nous avons exposées, Mesdames et Messieurs, nous vous serions néanmoins reconnaissants d'accueillir favorablement cette proposition de motion et de la renvoyer au Conseil d'Etat.
M. Eric Leyvraz (UDC). Cette motion très intéressante a été largement discutée à la commission de l'environnement et nous avons constaté que les inquiétudes des motionnaires n'étaient pas fondées. D'abord, l'Arve elle-même est un couloir biologique; la continuité est assurée et le corridor biologique de l'Arve est plus vaste que le périmètre imposé par la loi, ce qui est déjà quand même un très bon point. (Brouhaha.) Etant agriculteur, je me permets de souligner également que les meilleurs couloirs biologiques sont ceux de la zone agricole. Relevons quand même ce point important. De plus, M. Longchamp craint que si cette motion est acceptée, celle-ci puisse servir de prétexte pour d'autres aménagements écologiques sur d'autres périmètres et crée ainsi un précédent qui mettrait peut-être en danger d'autres projets. Par ailleurs, je crois qu'il faut surtout écouter les communes: la commune de Veyrier a pris des mesures très importantes pour l'environnement sur son territoire, correspondant à 1 million de francs sur quelques années, ce qui est une grosse somme. Surtout, elle nous a expliqué que la réalisation de la motion remettrait en cause l'évolution des travaux d'aménagement de la commune. Alors écoutons les communes, refusons cette motion qui a été refusée par tous les partis, sauf les Verts qui, à cette époque ô combien heureuse pour eux, avaient trois représentants dans la commission alors qu'ils n'en ont plus qu'un aujourd'hui. L'UDC vous demande donc de refuser cette motion.
Mme Martine Roset (PDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le corridor biologique demandé existe déjà et figure dans notre plan directeur cantonal. Lier le corridor à l'urbanisation des Grands-Esserts constitue un précédent dangereux car cela se traduira par une compensation qui deviendra systématique. Je rappelle que tant le corridor que le périmètre des Grands-Esserts sont - ou ont été - en zone agricole. C'est donc cette zone qui devrait être compensée. Un corridor en zone agricole implique pour l'agriculteur des contraintes culturales. En l'occurrence, dans ce périmètre, l'agriculteur concerné a déjà largement perdu des surfaces nourricières. N'en rajoutons pas ! Le PDC refusera cette motion.
M. Jean-Louis Fazio (S). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste ne soutiendra pas cette motion et votera le rapport de majorité. (Brouhaha.) En effet, nous ne sommes pas favorables à la remise en cause des accords longuement négociés entre la commune et le canton. Vu le manque chronique de logements qui constitue une souffrance et un calvaire pour les Genevois, il est important de penser aux nouveaux habitants. Conscients de l'importance de la protection de la biodiversité, nous estimons que celle-ci ne doit toutefois pas s'opposer à la qualité de vie des habitants. Dans ce sens, il serait nécessaire de mieux anticiper la pesée d'intérêts entre logements et corridors biologiques lors des prochains déclassements.
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, cette motion a pour but de réconcilier deux objectifs fort honorables, à savoir la construction de logements et la préservation de l'environnement. Cela peut paraître audacieux et novateur mais, chers collègues, les Verts sont sûrs que cela est possible et estiment que cela est tout à fait souhaitable. Cette motion a pour objectif de protéger davantage les rives de l'Arve dont M. Lefort parle si bien dans son rapport de minorité. Les corridors biologiques sont essentiels à la conservation de la diversité biologique et des écosystèmes. La conservation des rives de l'Arve est aussi un atout essentiel pour préserver la qualité de vie des habitants de Genève. Les travaux en commission ont démontré qu'il était possible de mieux protéger les rives de l'Arve sans porter atteinte au développement des Grands-Esserts, raison pour laquelle le groupe des Verts vous appelle à soutenir ce texte fort raisonnable qui pourrait, pour une fois, tenter de réconcilier développement urbain et protection des paysages et de l'environnement. Je vous remercie, Monsieur le président.
Une voix. Parfait !
M. Luc Barthassat, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, comme vous le savez et comme cela a d'ailleurs été relevé, les corridors biologiques sont importants pour le département, notamment pour l'exemple qu'ils montrent entre autres à nos voisins français ou vaudois et pour l'impact qu'ils ont sur l'environnement et souvent sur la zone agricole, d'où le souci du département de rapprocher certains services pour qu'ils travaillent mieux ensemble, tout en faisant attention quand il s'agit de ce genre de projet. En effet, des accords ont été mis en place entre la commune et notamment le département de mon collègue M. Hodgers. Nous travaillons d'ailleurs énormément avec celui-ci sur ces futurs grands ensembles... (Brouhaha.)
Une voix. Chut !
M. Luc Barthassat. ...en l'occurrence des Grands-Esserts. Il y a également les grands ensembles à Bernex, les Communaux d'Ambilly, les Cherpines, une demande accrue de logements dans le canton de Genève et dans des régions qui seront bientôt délimitées de telle sorte qu'elles formeront la ville de demain, sans parler de la zone PAV qui n'est bien entendu plus en zone de campagne mais bien urbaine et sur laquelle nous faisons attention à prévoir des fonctions de biodiversité, comme dans tous les futurs grands ensembles. Il est vrai que sur ce point, il s'agit de faire attention et de ne pas créer trop de précédents. Les différents départements, les milieux agricoles ainsi que le Conseil d'Etat en sont conscients, et encore une fois nous ferons tout notre possible pour essayer non seulement de préserver ces corridors biologiques mais aussi de faire attention à cette demande accrue de logements mentionnée plus tôt. Notre canton s'urbanise de plus en plus et n'a pas tendance à grandir mais plutôt à rétrécir. Il nous faut travailler avec l'arrière-pays, le Grand Genève comme certains ne veulent pas l'appeler... (Commentaires.) ...c'est-à-dire avec la région française, le pied du Salève dans le cas qui nous concerne, et bien sûr le canton de Vaud en ce qui concerne d'autres corridors. C'est une politique importante pour nous ainsi que pour les milieux agricoles, même s'il y a parfois des discussions assez vives à l'interne, ce qui doit nous rendre attentifs au fait qu'il faut par la suite préserver ce genre de corridor tout en faisant attention. Il est dommage que cette motion ne soit pas acceptée pour ce qui est de la politique des différents départements, mais en même temps nous devons faire attention à respecter les accords et à préserver une politique du logement soutenue.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous fais donc voter sur cette proposition de motion.
Mise aux voix, la proposition de motion 2096 est rejetée par 61 non contre 17 oui et 2 abstentions.