Séance du
vendredi 18 septembre 2015 à
15h10
1re
législature -
2e
année -
8e
session -
51e
séance
P 1921-B
Débat
Le président. Nous sommes à la P 1921-B, et je donne la parole à M. le député François Baertschi.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Sur l'un des points, soit l'éducation à la citoyenneté, vous avez répondu aux interrogations des pétitionnaires, Madame la conseillère d'Etat. Apparemment, vous les avez prises au sérieux et un certain nombre de choses vont se faire - peut-être même y pensiez-vous avant le dépôt de la pétition. Nous sommes en revanche plus inquiets en ce qui concerne la première invite, qui demande «que tous les élèves bénéficient, au cours de leur formation obligatoire, d'un enseignement chronologique et factuel de l'histoire suisse et genevoise». Les termes «chronologique» et «factuel» sont importants. L'idée n'est peut-être pas d'avoir une connaissance illimitée de toutes les dates historiques, mais d'appréhender un minimum d'éléments permettant de s'y retrouver au sein d'un fatras d'informations dans lequel on peut facilement se noyer. Il est par exemple inquiétant de constater, s'agissant de l'histoire genevoise, la méconnaissance à propos des franchises d'Adhémar Fabri ou d'autres aspects de notre histoire, pourtant essentiels à la culture générale que chacun devrait posséder.
Or, malheureusement, on tend vers une lecture de l'histoire de plus en plus difficile, ce qui déstabilise une bonne partie des habitants de ce canton et des jeunes qui entrent dans la vie adulte et qui devraient avoir un minimum de repères, parce que ces repères sont importants. Heureusement, il y a l'Escalade, même si ça reste un événement connu plutôt grâce à une société et à quelques défilés et animations. D'autres jalons historiques sont essentiels si on veut connaître notre société, ne serait-ce que la Réforme, la Contre-Réforme, tout un ensemble de choses dont je vous passe les détails. Je pense que la connaissance chronologique et factuelle, indépendamment des analyses ou des interprétations, doit être présente; c'est ce que demandaient les pétitionnaires, c'est ce qui manque malheureusement dans votre réponse. Voilà pourquoi nous sommes tentés de vous renvoyer la pétition s'agissant uniquement de cette invite-là, afin que nous obtenions une réponse plus précise.
M. Jean Romain (PLR). Chers collègues, c'est moi-même qui avais défendu cette pétition devant tout le monde, et la réponse du Conseil d'Etat est satisfaisante seulement en partie. Je vous rappelle que la pétition demande «que tous les élèves bénéficient, au cours de leur formation obligatoire, d'un enseignement chronologique et factuel de l'histoire suisse et genevoise», ainsi que l'a mentionné M. Baertschi. Il se trouve qu'en se référant au PER, on a une certaine difficulté puisque celui-ci évoque certes l'histoire de même que l'obligation d'enseigner l'histoire suisse voire locale, mais de façon tellement vague et large que les enseignants peuvent éviter le thème en l'interprétant chacun à leur façon. Ce que nous aurions aimé, pour notre part, c'est une réponse beaucoup plus précise sur ce qui doit être fait obligatoirement - c'est le terme de la pétition - à Genève.
Ensuite, je vais vous lire le passage sur la mission de l'école inscrite dans la loi, qui se trouve à la dernière page. Lisez-le, ça en vaut la peine, c'est un grand morceau de réponse dans lequel on se perd: «L'enseignement de l'histoire comme l'éducation à la citoyenneté participent ainsi à la formation des futurs citoyens» - personne n'en doute, cette déclaration d'intention ne pose pas problème, nous voulons juste savoir de quelle histoire il s'agit - «à travers les connaissances factuelles acquises mais aussi» - je vous laisse vous délecter de ce «mais aussi» - «par le développement de compétences». Ça y est, nous y sommes: «les compétences» ! Ce que nous attendions dans cette réponse, ce n'est pas l'évocation de vagues compétences mais précisément des faits, parce que nous pensons profondément que la chronologie - pas elle seule, bien sûr, il ne suffit pas d'être chronologique - représente au fond les notes nécessaires pour lire et jouer la partition. La chronologie n'est pas nécessairement stérile, elle est un complément. Malheureusement, je ne trouve pas dans la réponse du Conseil d'Etat, que je ne peux accepter entièrement, cette notion de chronologie pourtant soulignée par les pétitionnaires.
M. Christian Frey (S). Nous avons déjà abondamment discuté de cette pétition au moment où elle a été présentée au Grand Conseil, alors on ne va pas refaire le débat. Le groupe socialiste vous propose d'accepter, en en prenant acte, ce rapport au demeurant fort bien fait, qui entre dans un certain nombre de domaines mais se réfère aussi au PER. Nous vivons en Romandie, Genève n'est pas une île, et il ne s'agit pas que des élèves habitant à quelques kilomètres de la frontière hermétique entre les cantons de Vaud et Genève disposent de moyens différents durant leur scolarité.
Par ailleurs, je conseille aux personnes qui souhaitent refuser ou retourner ce rapport au Conseil d'Etat de lire attentivement la page 4, où il est indiqué, et cela a déjà été souligné lors de la dernière discussion, que des moyens d'enseignement sont en cours d'élaboration, placés sous l'expertise d'éminents professeurs, et vont sortir sous peu, probablement à la rentrée 2015 - enfin, ce sera certainement un peu plus tard puisque la rentrée 2015 a déjà eu lieu ! (L'orateur rit.) Mais les choses sont en cours. Pinailler là-dessus, reprendre toute la discussion sur la chronologie, déterminer si la bataille de Marignan de 1515 compte davantage, etc., tout cela est-il vraiment important ? Je ne crois pas que ce soit le sujet maintenant. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste vous propose de prendre acte de ce rapport qui, dans la situation actuelle, répond à la pétition. Je vous remercie.
M. Jean-Michel Bugnion (Ve). Hier, lorsqu'on parlait des convictions religieuses et du respect de celles-ci, j'ai cru entendre le PLR refuser un amendement sous prétexte qu'il était question de contenu et qu'il n'en fallait pas dans la loi. Or ce que j'entends maintenant de la part de mon estimé collègue Jean Romain va politiquement très loin dans un contenu d'enseignement, ce qui est tout simplement sidérant ! Ce n'est pas notre rôle, à nous autres politiciens, de nous mêler des virgules et des détails des programmes scolaires, c'est le rôle des spécialistes parce qu'il faut protéger l'école des influences politiques externes. Il est évident que le groupe des Verts ne renverra pas ce rapport au Conseil d'Etat. Je vous remercie.
Le président. De toute façon, il n'y a pas eu de demande ! Monsieur Lussi, vous avez la parole.
M. Patrick Lussi (UDC). Merci, Monsieur le président, je serai très rapide. Bien sûr, ce rapport est complet, Madame la conseillère d'Etat. Comme le disait mon préopinant M. Romain, il s'agit juste, en définitive, de définir quel genre d'histoire enseigner, quels thèmes aborder, quelle orientation donner. Vous me permettrez de vous confier avoir été un peu choqué de lire cette année - ce n'est pas votre faute mais celle de la presse - des articles encensant la bataille de Marignan de 1515 mais passant complètement sous silence celle de Morgarten en 1315 ! Je vous remercie.
Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. J'aimerais souligner ce qui a été dit par certains députés ici, à savoir que nous dépendons du plan d'études romand et du cadre donné par celui-ci. La réponse du Conseil d'Etat ne variera donc pas, même si vous nous renvoyez cette pétition. Ce cadre existe, et nous sommes en train de préparer un certain nombre de choses sur le plan romand. Hier encore, j'assistais à la Conférence intercantonale de l'instruction publique de la Suisse romande et du Tessin, et les choses avancent. De plus, il est tout de même assez intéressant de relever qu'en ce qui concerne l'histoire, toutes les séquences pédagogiques et autres manuels, qui vont petit à petit être proposés, sont réalisés sous l'égide d'éminents historiens. Pour le canton de Genève, il y a par exemple le professeur François Walter, le même qui, il y a quelque temps, dans un article du «Temps», regrettait qu'on ne fasse pas assez d'histoire suisse à l'école. Mesdames et Messieurs, nous ne pouvons pas faire plus que d'envoyer des professeurs dans les instances intercantonales pour discuter du cadre, professeurs qui regrettent peut-être qu'on ne fasse pas assez d'histoire suisse; le canton de Genève ne peut pas faire plus d'efforts à ce niveau-là.
Second point qu'il me paraît capital de rappeler: tous les systèmes politiques qui se sont mêlés de l'enseignement de l'histoire et du contenu du programme étaient des Etats totalitaires ! Le propre d'un Etat totalitaire est de nier le passé ou plus exactement de le réécrire en fonction des besoins du présent. A ce propos, je vous invite à lire le livre «1984» de George Orwell, dont c'est la thématique; il montre bien que c'est cette maniclette à laquelle on a recours: on réécrit toujours le passé en fonction des besoins du présent. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat ne peut pas vous répondre autre chose que ce qu'il vous présente ici. Actuellement, les programmes sont en cours de préparation, et vous aurez des informations quand les manuels seront sortis.
Le président. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat. Nous prenons acte... (Remarque.) Non, vous n'avez pas formellement demandé de renvoi au Conseil d'Etat, Monsieur Baertschi, donc nous prenons acte de ce rapport.
Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat sur la pétition 1921.