Séance du jeudi 27 août 2015 à 8h
1re législature - 2e année - 7e session - 45e séance

R 786
Proposition de résolution de Mmes et MM. Lydia Schneider Hausser, Roger Deneys, Isabelle Brunier, Salima Moyard, Christian Frey, Jocelyne Haller, Lisa Mazzone, Daniel Zaugg pour garantir le respect de la législation lors de licenciements sur le chantier du CEVA
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VII des 25, 26 juin et 27 août 2015.

Débat

Le président. Nous passons à l'urgence suivante. Il s'agit de la R 786, classée en catégorie II - trente minutes - et je passe la parole à son auteur, Mme Lydia Schneider Hausser.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, lorsque cette proposition de résolution a été déposée en juin, nous apprenions qu'une entreprise travaillant sur le chantier du CEVA était en passe de licencier tous ses employés étant donné que le travail qu'elle avait obtenu allait bientôt se terminer. En effet, malgré les cautèles posées lors des adjudications, le mécanisme induit par le fait de donner à une seule entreprise des grosses parties du travail de ce chantier a eu comme conséquence que ces gros lots ont été attribués... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...à des multinationales de la construction - dans le cas qui nous concerne, à l'entreprise Vinci.

Cette grande entreprise, qui n'avait pas le nombre d'employés nécessaire à Genève, a créé des consortiums de petites et moyennes entreprises, et étant donné qu'elle doit réserver des marges pour ses actionnaires ou ses propres revenus, il est clair que les conditions posées par cette multinationale aux entreprises du consortium ou aux sous-traitants ne permettent pas aux entreprises de la place d'être concurrentielles quant aux offres qu'elles peuvent présenter pour faire partie du consortium, puisque les entreprises locales - comme c'est d'ailleurs demandé dans les appels d'offres - respectent les CCT ainsi que les us et coutumes du travail ici.

Se créent alors des sous-traitants pour l'occasion, comme dans ce cas l'entreprise Eaux Vives Infra SA - qu'on appellera EVI - laquelle engage des employés qui sont principalement, ou en tout cas en grande partie, temporaires ou auxiliaires, voire des travailleurs détachés. Et lorsque le travail est terminé, les employés sont débauchés. En l'occurrence, l'entreprise débauchait en juin par petits lots mensuels - cinq ou six employés - arguant que l'on ne se trouvait pas face à un licenciement collectif, que tout allait bien et qu'elle n'avait pas besoin de négocier avec les employés ou leurs représentants. Nous avions alors déposé cette proposition de résolution, dont le traitement en urgence avait été adopté, mais il est vrai que durant l'été, sous la pression ou avec l'accompagnement du Conseil d'Etat, l'entreprise a accepté d'ouvrir les négociations avec les employés et leur syndicat, et le processus a commencé. Mais toujours est-il que, actuellement, nous en sommes à un résultat du processus de négociations qui n'est pas encore acceptable du tout pour le syndicat et, par ricochet, pour les employés, lesquels ont suivi et suivent ces négociations par l'intermédiaire d'une assemblée générale du personnel. Aujourd'hui, nous sommes dans une situation où les négociations ont été ouvertes et commencent maintenant quasiment à être fermées, mais les résultats obtenus ne satisfont pas la partie la plus importante pour nous, soit les employés, qui se trouvent pris dans un licenciement collectif. Je précise du reste, pour information, que cela concerne pour l'instant 206 employés, dont 70 intérimaires et 48 salariés fixes ont déjà été licenciés, alors qu'une septantaine ont été ou seront reclassés en Europe, puisqu'il s'agissait de personnel fixe détaché.

Cette problématique concerne ici le chantier du CEVA, mais je pense que le problème soulevé par ce mouvement et par cette situation renvoie plus largement à la question des adjudications publiques et de la responsabilité solidaire des entreprises qui acceptent ou reçoivent l'adjudication, c'est-à-dire qui sont choisies pour effectuer des travaux dans le cadre d'investissements de l'Etat. Je pense que c'est ce qu'il nous faut retenir, et c'est bien le problème dont faisait état cette résolution. Nous sommes très contents que le Conseil d'Etat ait déjà initié et permis que des négociations démarrent, mais à mon sens, pour cette situation-là, il est nécessaire que celui-ci puisse suivre la situation afin que nous arrivions à un compromis acceptable pour toutes les parties. Et surtout, il conviendrait que le Conseil d'Etat et nous-mêmes puissions tirer une leçon de cette situation pour les futurs appels d'offres et les futurs choix dans les adjudications, des choix qui ne devraient pas être opérés uniquement sur la base du meilleur prix, mais également, en partie, en fonction des cautèles liées aux conditions de travail dans notre canton.

Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande donc de soutenir cette proposition de résolution, qui serait un message pour l'entreprise, un message pour l'avenir du travail dans la construction mais aussi dans tous les autres mandats que l'Etat pourrait allouer dans le futur. J'espère dès lors que nous serons suivis, et je vous en remercie par avance. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Madame la députée. J'informe simplement votre groupe que vous avez utilisé une partie de son temps de parole. Je cède maintenant le micro à M. le député Bertrand Buchs.

M. Bertrand Buchs (PDC). Merci beaucoup, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, le parti démocrate-chrétien votera cette proposition de résolution ainsi que l'amendement qui a été déposé sur nos tables. Je ne reviendrai pas sur les arguments qui ont été exposés jusqu'à maintenant et qui sont les mêmes que ceux que nous défendons, à savoir que, dans le cadre des grands travaux, l'Etat doit être irréprochable et exemplaire. Il est vrai qu'actuellement les AIMP ne permettent pas aux entreprises locales de proposer des solutions, ce qui implique qu'on est obligé de faire venir des grands groupes étrangers qui ne respectent pas complètement nos us et coutumes, ce qui est fort dommage au niveau genevois.

On avait déjà effectué un gros travail sur les AIMP au niveau de ce Grand Conseil et des parlements cantonaux, avec la tenue d'une réunion dirigée par M. Barrillier à Lausanne pour proposer des solutions sur les AIMP, lesquelles consistaient à permettre aux entreprises locales de participer aux appels d'offres, alors qu'actuellement, comme je le disais, elles ne peuvent pas le faire pour les grands travaux.

Quand on regarde les invites de cette proposition de résolution, on s'aperçoit qu'elles découlent du bon sens. En effet, il est question d'appliquer la loi ainsi que les conventions collectives de travail - il est clair que c'est ce que l'on souhaite - et de demander à l'entreprise concernée de continuer à négocier afin d'avoir un plan social qui soit sérieux. En effet, si à Genève on n'applique pas les lois dans le cadre des grands travaux, le problème c'est que cela ouvrira une porte et, à l'occasion des autres grands travaux qui auront lieu dans l'avenir, on doutera des gens qui viennent travailler de l'extérieur et on se posera toujours la question de savoir s'ils prennent le travail des Genevois ou non. On doit donc être extrêmement attentif à ce genre de politique afin d'éviter d'avoir des soucis relationnels avec les personnes venant de l'extérieur. Je vous rappelle également que le canton de Genève connaît actuellement de gros problèmes financiers et qu'il y a des gens qui ont de la peine à trouver du travail à Genève. Il convient dès lors de faire très attention, et c'est maintenant que l'Etat doit montrer qu'il est exemplaire.

M. François Baertschi (MCG). Le groupe MCG soutiendra résolument cette proposition de résolution, si je puis dire, parce qu'elle est importante, mais pour des raisons inverses à celles qui ont été exprimées par les signataires. Il suffit de voir l'exposé des motifs, où l'on fait l'éloge du CEVA, alors que justement ce qui se passe actuellement sur le chantier du CEVA est la preuve qu'il s'agit d'un véritable échec. C'est un échec en termes financiers, puisqu'il y a un dépassement de budget, de même qu'un échec au niveau social. En effet, on nous a promis du travail et donc une baisse du chômage, alors qu'au contraire nous avons du chômage et de la misère sociale, qui sont dus à la loi, aux conditions dans lesquelles le CEVA a été lancé, mais également à la libre circulation telle qu'elle est acceptée et proposée par la droite, et telle qu'elle est acceptée également par la gauche, parce que ce ne sont pas des mesures d'accompagnement ridicules qui peuvent lutter là contre.

Le problème est par ailleurs dû au sale jeu auquel se livrent les promoteurs de ce chantier, c'est-à-dire les CFF et le canton de Genève, qui attribuent des dossiers de manière aveugle à une société bidon, parce que cette société Eaux Vives Infra SA n'est qu'une filiale d'une multinationale française. Ce que l'on fait, c'est de l'esclavagisme moderne, comme diraient Marx ou d'autres penseurs qui avaient un minimum d'intelligence à une certaine époque, alors que maintenant on se retrouve avec des gens qui sont aveuglés par le profit, aveuglés par le conformisme. Non, pitié, ce qu'il faut faire... (Commentaires.) Mais arrêtez, vous lancez des attaques personnelles ridicules ! (Brouhaha.) Quand on voit certaines personnalités de chez vous qui louent des logements - et vous transmettrez, Monsieur le président - à des prix excessifs, à des prix de promoteurs... Je ne veux pas dévier du débat, contrairement à ce que dit M. Deneys, mais...

Le président. Excusez-moi un instant, Monsieur le député. Monsieur Deneys, si l'on pouvait éviter de commencer à 8h du matin avec des attaques personnelles, ce serait bien ! (Commentaires.) Vous pouvez poursuivre, Monsieur.

M. François Baertschi. Voilà une fois de plus des attaques personnelles, alors que vous détruisez le sort des ouvriers, que vous détruisez le sort des entreprises genevoises. En effet, c'est ce que vous faites en mettant en place un système légal, juridique et gouvernemental qui détruit Genève, qui détruit les Genevois. Il faut à tout prix aller contre ce que vous faites ! Nous soutiendrons donc cette proposition de résolution - mais pour des raisons inverses - même si nous ne sommes pas du tout d'accord avec ses considérants, qui sont une apologie béate et mensongère de ce qui est en train de se passer avec le CEVA, car les invites nous conviennent tout à fait. (Applaudissements.)

M. Serge Hiltpold (PLR). Après cette truculente intervention, ça va être compliqué ! Tout d'abord, au niveau du contenu, je pense que cette proposition de résolution part d'une bonne intention, car les conditions de travail constituent un souci partagé par tous les groupes parlementaires. Il est important de revenir sur la responsabilité de l'Etat en tant que co-maître d'ouvrage, mais rappelons que celui-ci ne détient pas la majorité dans cet ouvrage: la répartition est de 60% pour les CFF et 40% pour l'Etat de Genève, l'Etat ne décide donc pas seul, il est minoritaire.

S'agissant des invites, il y a souvent des textes et des objets parlementaires qui demandent au parlement d'intervenir dans la gestion des conflits sociaux, mais ce n'est pas le rôle de ce parlement ! Je vais vous donner une petite explication concernant le procédé et la manière dont se passent les choses: dans le domaine de la construction, en tout cas, et surtout dans ce chantier du CEVA, c'est la compétence des commissions paritaires. La commission paritaire effectue ce contrôle avec les syndicats patronaux et employés, appuyée par l'OCIRT, qui s'attache à mettre en vigueur la LDét, soit la loi sur les travailleurs détachés. A ce titre, une cellule d'accompagnement tripartite des travaux du CEVA a été créée et représente les CFF, l'Etat de Genève, la CGAS et la FMB, c'est-à-dire les quatre partenaires qui s'occupent de gérer ces conflits. Cela fonctionne bien, et l'un des rôles de ce parlement a précisément été d'exercer une pression politique pour créer cette cellule. Ce rôle, qui a été constructif, j'espère que nous l'aurons également dans le dossier de la gare souterraine du CEVA.

Ensuite, pour ce qui est de l'amendement, il pose un véritable problème, car ce n'est pas au parlement de s'immiscer dans la gestion des entreprises. Qu'on aime ou pas l'entreprise, qu'elle soit genevoise, nationale ou internationale, ce n'est pas le rôle de ce parlement, strictement pas ! Le PLR ne pourra donc pas défendre cette position.

La position que nous défendrons est simple, c'est celle de la responsabilité, responsabilité des maîtres de l'ouvrage mais aussi des cahiers des charges. C'est un aspect capital dans tous les dossiers de construction et tous les dossiers techniques. A un moment donné, on a pris en considération le fait qu'il y avait des éléments de prix, mais ces éléments de prix ne sont pas les seuls. Et par ailleurs j'ai entendu des critiques infondées à l'encontre du groupe Vinci: je ne suis pas là pour les défendre, mais ce chantier est une prouesse technique qui n'est pas réalisée uniquement par Vinci. De très nombreux consortiums suisses, genevois, travaillent dessus, et je crois qu'il est insultant pour le milieu de la construction de dire qu'il s'agit d'un chantier catastrophique.

Le président. Il vous reste vingt secondes.

M. Serge Hiltpold. Ceux qui l'ont vu savent que c'est un chantier technique de développement ferroviaire en milieu urbain, avec l'une des plus grosses centrales à béton en milieu urbain. Je pense donc qu'il y a des compétences qu'il faut respecter, et ces éléments doivent être pris en considération. En conclusion, nous refuserons cette proposition de résolution.

Une voix. Très bien !

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Romain de Sainte Marie pour trente et une secondes.

M. Romain de Sainte Marie (S). Merci, Monsieur le président, je serai particulièrement bref. Je suis choqué - bien que malheureusement habitué - par les propos du PLR et la passivité de ce parti, ainsi que du conseiller d'Etat chargé de l'économie de ce même parti. Celui-ci mentionne un plan de l'économie genevoise pour 2030, eh bien ici il s'agit déjà de l'économie genevoise et du rôle de l'Etat et du Conseil d'Etat consistant à intervenir pour instaurer une véritable stabilité de l'économie et faire en sorte que les travailleuses et travailleurs de ce canton puissent bénéficier de cette même stabilité et ne pas connaître...

Le président. Il vous faut conclure.

M. Romain de Sainte Marie. ...ce que l'on connaît aujourd'hui. Et, en effet, cela passe par plusieurs éléments: d'une part la médiation dans ce conflit et, d'autre part, le fait de revoir l'attribution des marchés publics.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Daniel Sormanni pour vingt-huit secondes.

M. Daniel Sormanni (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous soutiendrons effectivement cette résolution et l'amendement, mais je crois que la problématique c'est bel et bien ces entreprises bidon, ces entreprises qui décrochent les mandats, notamment sur le chantier du CEVA, et qui ensuite sous-traitent les travaux qui leur ont été attribués. Parfois il y a même deux ou trois sous-traitances ! Je crois que c'est bien ça, la problématique, et je souhaiterais interpeller le Conseil d'Etat, puisque je sais que...

Le président. Il vous faut conclure.

M. Daniel Sormanni. ...en ce qui concerne le CEVA, un dispositif de responsabilité solidaire est en place. A-t-il été utilisé dans ce cas ? J'aimerais bien que le Conseil d'Etat me réponde. Merci.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est pas le chantier du CEVA qu'il faut incriminer, mais la manière dont il est suivi. Ce sont aussi les limites des AIMP dont on a largement parlé, soit en commission soit ici, qui finalement permettent effectivement la création de ces entreprises de circonstance, celles qu'on qualifiait de «bidon», mais surtout des entreprises qui n'ont d'autre vocation que de contourner la loi et de permettre de précariser le statut des employés et de ne pas respecter les travailleurs, ce qui est inacceptable.

Alors c'est bien la responsabilité de l'Etat qui est en question ici: on nous avait dit que le chantier du CEVA devrait être un chantier exemplaire, eh bien on voit aujourd'hui que cet objectif n'est pas atteint et qu'on en est bien loin. L'Etat se doit donc d'intervenir pour garantir l'application de la réglementation sur le travail dans notre pays, mais aussi veiller à ce que ce chantier qui traverse les frontières permette également de défendre les droits des travailleurs et d'appliquer les réglementations comme elles doivent l'être. C'est pourquoi nous soutiendrons cette proposition de résolution - à laquelle nous avons par ailleurs adhéré - ainsi que l'amendement présenté par Mme Schneider Hausser, et je vous invite à faire de même. Merci de votre attention.

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, permettez à l'Union démocratique du centre d'utiliser cette proposition de résolution pour dénoncer une fois de plus le contexte de tromperie dans lequel tous les partis de cet hémicycle sont en train d'enfermer la population suisse. On l'enferme, parce qu'évidemment il faut donner le mot pour les AIMP, il faut la libre circulation, il faut bien entendu laisser le marché libre, bref, la mondialisation libérale.

Mesdames et Messieurs les députés, il y a un deuxième paradoxe dans tout cela: on nous dit que l'Etat - et l'UDC le pense aussi, dans les limites d'un secteur économique comparable - ne doit pas s'occuper des affaires privées. Entièrement d'accord avec cela ! Mais où en est-on aujourd'hui ? Eh bien on castre celui qui paie ! En effet, Mesdames et Messieurs, dans le cadre du CEVA et des marchés publics, ce n'est pas l'Etat qui paie, c'est vous, c'est moi, c'est le simple citoyen. On est donc en train de mettre en place des mesures et de dire que, non, il faut que ça parte à l'étranger, que ce n'est pas de l'argent qui doit rester chez nous... Mesdames et Messieurs les députés, c'est exactement le retour de l'incendiaire ou du pompier arrosé ! Ayons une fois le courage de dire que ça ne joue pas et qu'il faut changer !

C'est clair, quand l'Union démocratique du centre lit cette R 786, elle voit bien sûr que c'est le relais syndical, que c'est vos gens, et c'est très bien ! Alors évidemment nous ne pouvons pas souscrire à ce qui est écrit, à vos considérants, mais sur le fond, une fois de plus, même si nous sommes peut-être des partis opposés quant à la manière générale de voir le pays, eh bien sur ce sujet-là, quand il s'agit pour vous de protéger les travailleurs et pour nous de protéger notre économie et de favoriser l'économie locale de façon que les entreprises locales puissent avoir du travail, on se fait promener et on se voit surtout refuser des marchés au nom de la mondialisation libérale, de l'échange et de la libéralisation. C'est la raison pour laquelle, non pas à contrecoeur, mais pour les motifs que je viens de vous présenter, le groupe UDC soutiendra cette proposition de résolution.

M. Mathias Buschbeck (Ve). Chers collègues, tout d'abord je suis un peu surpris par ce que je viens d'entendre de la part de mon collègue UDC qui fustige le libéralisme, alors qu'à Berne - et ici aussi, d'ailleurs - l'UDC est à droite du parti libéral et normalement à la pointe des idées néolibérales et de dérégulation, notamment sur la question du franc fort, où elle n'est vraiment pas en train de défendre l'économie suisse.

Pour en revenir à cette proposition de résolution, nous voilà dans un nouvel épisode en lien avec les entreprises mandatées sur le chantier du CEVA, un nouvel épisode extrêmement gênant quand on sait qu'on parle quand même ici d'argent public. Toute la problématique est née de l'attribution des lots, et même plutôt de la composition des lots, puisqu'on a créé des lots beaucoup trop grands qui ont empêché les entreprises locales et notamment genevoises de participer à l'attribution et qui ont permis uniquement à des consortiums - cela a été relevé - de remporter des procédures d'adjudication, consortiums qui ont ensuite sous-traité et sous-traité. Alors pourquoi en est-on arrivé à cette situation ? On l'a dit, c'est à cause des accords AIMP: ils ont certes un côté très vertueux puisqu'ils permettent d'éviter le copinage en essayant d'établir des critères d'attribution des marchés publics, mais en même temps on se retrouve dans une logique extrêmement néolibérale dans le mauvais sens du terme, où l'on ne pense qu'à attribuer au mieux-disant, sans compter le coût social que pourraient avoir ces attributions. Or ce coût social, on le paie aujourd'hui.

Cette situation est donc due, on l'a dit, à la composition des lots qui a été mal faite; l'Etat n'a effectivement pas joué son rôle de maître d'ouvrage et a un peu trop laissé les CFF faire comme ils veulent. Du reste, on le voit chaque fois qu'on a affaire aux CFF: ils considèrent qu'ils n'ont aucun compte à nous rendre, que ce soit dans l'achat des trains ou le suivi du chantier, et je pense donc que l'Etat a vraiment un rôle à tenir dans la maîtrise du chantier et de ce que font les CFF sur ce chantier. Les Verts soutiendront donc bien sûr cette proposition de résolution.

M. Luc Barthassat, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, s'agissant des problèmes liés au chantier du CEVA et à ces licenciements, les différents départements sont intervenus immédiatement en début d'été pour rappeler aux entreprises de respecter non seulement les règles, mais aussi les conventions qui avaient été établies il y a deux ans, si mes souvenirs sont bons. Ces négociations ont débuté durant l'été, elles ont été suspendues pendant quelques semaines à cause des congés et des vacances, mais elles ont repris comme prévu cette semaine. Alors oui, il y a quelques mouvements de débrayage, et c'est normal, parce que les syndicats mettent la pression sur cette entreprise qui reprend justement ces négociations.

Après concertation avec mes collègues MM. Poggia et Maudet - puisqu'ils sont concernés par ces problèmes, de même que vous tous ici, on l'a dit et répété, et c'est normal, à savoir que tout le monde respecte les règles sur le chantier - j'ai pris contact avec les principaux intéressés encore hier après-midi, non pas pour leur expliquer ce qu'il fallait faire, mais pour le leur rappeler et prendre des informations. Et la commission tripartite fait un excellent travail sur ce chantier; on peut certes discuter pendant des heures pour savoir si celui-ci est exemplaire ou non, mais lors des portes ouvertes du CEVA vous aurez tout loisir de voir l'ampleur de ce chantier, et je peux vous dire qu'au regard de l'ampleur d'un tel chantier - ça figure aussi dans les rapports - ce dernier est bien tenu. Et même s'il y a eu quelques dépassements, ils ont été remis en ordre le plus vite possible.

Encore une fois, les négociations sont en cours, avec des moyens de pression, en lien aussi avec cette résolution dont nous discutons en ce moment, puisque les principaux intéressés étaient au courant que nous allions traiter cet objet aujourd'hui. Ces négociations se poursuivent donc, je crois qu'il y a quelques débrayages encore aujourd'hui, qui concernent une vingtaine de personnes, comme hier, mais je pense que, comme l'a dit le député Hiltpold, ce sont des choses qui doivent se régler entre les syndicats, les entreprises, les patrons et la commission tripartite, et je vous rappelle qu'ils ont rendez-vous d'ici le 9 septembre pour trouver un accord sur tous ces problèmes.

Concernant les propos de M. Baertschi, on parle bien entendu du CEVA et des déficits - certains journaux s'en sont d'ailleurs un peu régalés ces derniers jours d'été juste avant la rentrée, comme par hasard, et c'est toujours le même... - mais je vous rappelle quand même qu'il y a bientôt une année nous avons mis sur pied un groupe d'experts, suite à la proposition que je vous avais faite. Et puisqu'on le prend toujours comme référence, il faut préciser que depuis l'existence de ce groupe d'experts que j'avais proposé à ce parlement de nommer, eh bien nous avons un rapport non plus annuel mais trimestriel, dans lequel, depuis sa première parution en octobre 2014 - ce sont donc des éléments dont on discutait déjà en juin au sein de ce parlement et en commission - ces fameux 200 millions figurent dans la part de risque. Aujourd'hui, je le répète, ce n'est pas un dépassement de budget mais bien une part de risque, et nous reviendrons sur le sujet au milieu de l'année 2016, quand la moitié des tunnels auront été réalisés, comme cela a toujours été prévu, afin d'avoir un bilan définitif et de savoir si c'est toujours une part de risque ou s'il s'agit d'un dépassement. Mais j'ai demandé d'obtenir quand même certains chiffres bien avant cette date-là, et nous nous voyons aussi courant septembre avec le COPIL du CEVA. Et comme je l'ai toujours dit, en toute transparence, les commissions concernées et vous-mêmes tous ensemble dans cet hémicycle serez au courant. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'un amendement remplaçant la deuxième invite, dont voici la teneur: «à faire en sorte qu'Eaux Vives Infra SA accepte de continuer les négociations initiées avec les représentants de ses collaborateurs et dans l'attente d'une résolution du conflit que les licenciements annoncés soient suspendus.»

Nous allons en premier lieu nous prononcer sur cet amendement, puis nous voterons sur la proposition de résolution elle-même.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 42 oui contre 26 non.

Mise aux voix, la résolution 786 ainsi amendée est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 59 oui contre 20 non.

Résolution 786