Séance du
vendredi 26 juin 2015 à
17h30
1re
législature -
2e
année -
7e
session -
44e
séance
PL 11616-A
Premier débat
Le président. Nous abordons le PL 11616-A. Je passe la parole au rapporteur de majorité, M. Cyril Aellen... qui ne la prend pas. Je la donne donc au rapporteur de minorité, M. Roger Deneys...
Une voix. ...qui ne la prend pas non plus.
Une autre voix. C'est étonnant !
M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Si, je la prends ! Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le PL 11616-A, qui approuve les états financiers individuels de l'Etat de Genève pour l'année 2014, est un projet de loi que nous adoptons chaque année parce qu'il vise à reconnaître la bonne tenue des comptes du canton. L'administration fait un travail remarquable pour fournir ces états financiers individuels, lesquels sont bien tenus, conformes et corrects - les rapports d'audit le confirment.
Toutefois, Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi pose un véritable problème au parti socialiste, et pas seulement, parce qu'il comprend la création par le Conseil d'Etat d'une provision de 203 millions pour la caisse de pension CPEG. Sans base légale explicite et moins de deux ans après la création de la caisse de pension elle-même, cela est véritablement problématique. Certes, la loi prévoit la possibilité de créer des provisions; mais on en crée ici une pour l'échéance 2030. Comment pouvons-nous sérieusement penser qu'une provision de 203 millions créée en 2015 pour une échéance en 2030 est raisonnable ? On connaît l'évolution des marchés financiers, on sait que la fortune de la CPEG s'élève à 10 milliards et, Mesdames et Messieurs les députés, on sait aussi que le crash boursier de 2008 a fait perdre 1 milliard de fortune à la seule CIA, que l'argent s'est volatilisé. Comment et pour quelle raison créer aujourd'hui une telle provision de 203 millions ?
Mesdames et Messieurs les députés, il s'agit d'un artifice utilisé par le Conseil d'Etat pour baisser le résultat positif dû à des recettes fiscales extraordinaires et donc pour masquer le fait que nous avons un résultat extraordinaire. J'aimerais attirer l'attention de ceux qui se préoccupent de la fonction publique sur un effet pervers...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Roger Deneys. ...de cette provision, à savoir qu'elle augmente les charges de fonctionnement de l'Etat de plus de 2% par rapport aux comptes 2013 et au budget 2014. Tout se passe comme si nous ne maîtrisions pas les charges ! Or c'est un discours que les ennemis de la fonction publique emploient sans cesse pour démanteler la fonction publique.
Le président. Il vous faut conclure.
M. Roger Deneys. Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à entrer en matière mais à refuser ce projet de loi pour que le Conseil d'Etat...
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député.
M. Roger Deneys. ...le présente à nouveau sans cette provision.
Mme Magali Orsini (EAG). Ensemble à Gauche s'est fait exactement la même réflexion. J'avais déjà exposé cela lors du débat sur la politique publique M «Finance et impôts»: nous ne sommes pas d'accord avec la multiplication des exceptions aux normes IPSAS par voie réglementaire parce que ça nous paraît facile et surtout dangereux - nous avons d'ailleurs noté que le service d'audit interne n'était pas très enthousiasmé par cette méthode. Il ne s'agit pas d'une provision au sens traditionnel du terme puisqu'il est précisé qu'elle ne peut être diminuée l'année suivante en fonction d'un risque qui se révélerait amoindri. On ne peut pas constituer des provisions ainsi, uniquement pour masquer des bénéfices ! Ensemble à Gauche demande donc que ces 203 millions soient réintégrés dans les comptes afin de transformer le bénéfice 2014 de 6 millions en un bénéfice effectif de 209 millions, qui sera à disposition pour compenser éventuellement d'autres charges. Merci beaucoup, Monsieur le président.
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, il est vrai que le Conseil d'Etat aurait pu ne pas constituer cette provision. Mais comme la loi l'y autorise, il n'a rien fait de faux; les comptes sont rigoureusement exacts et cette provision sert à prévoir ce qui pourrait se passer. Le groupe MCG tire tout de même la sonnette d'alarme, et nous nous en sommes ouverts à la CPEG parce que, chers collègues... Alors bon, pour la population, ce n'est pas du tout exotique, c'est même hautement rébarbatif, mais il y a un problème sous-jacent qui risque de provoquer une rupture de la paix sociale, et je m'en explique - en tout cas, je vais tenter de l'expliquer: dans le système de couverture de la CPEG, il est prévu une augmentation de la masse salariale de 0,6% par année, soit une hausse du nombre de fonctionnaires de 6% pour dix ans. Sans cette augmentation, la CPEG sera en dessous de sa ligne sécuritaire; nous pourrions alors nous retrouver, comme nous l'avons été il y a très peu de temps, en défaut de paiement avec les caisses de pension et à devoir demander à nouveau, par un vote populaire, le renflouement des caisses de l'Etat pour les retraites des fonctionnaires. Je vous le dis: la pilule est passée une fois, mais elle ne passera pas une seconde fois auprès de la population. Aujourd'hui, les fonctionnaires sont bien protégés, avec des conditions de cotisation de deux tiers-un tiers. J'ai tenté d'expliquer aux représentants de la CPEG et, par corollaire, aux syndicats des fonctionnaires, que si on continue comme ça...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Eric Stauffer. Ça va être difficile ! Si on continue comme ça et qu'on refuse le projet de loi du frein à l'endettement que nous avons ajourné mais que nous pourrions ressortir, ça sera un frein à l'endettement constitutionnel. Et là, les taux de parité ne seront plus de deux tiers-un tiers mais de moitié-moitié, avec toutes les autres conséquences que cela implique. Je vous demande de bien réfléchir...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Eric Stauffer. Je conclus ! ...quant au fait que les comptes sont exacts et que le Conseil d'Etat a respecté la loi, et je vous invite à approuver ces comptes mais à travailler ensemble...
Le président. Je vous remercie.
M. Eric Stauffer. ...sur le budget.
Mme Emilie Flamand-Lew (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, avec les normes IPSAS, les choses sont très cadrées et nos débats ne portent plus sur la régularité des comptes à proprement parler. Toutefois, avec le peu de marge de manoeuvre qu'il avait, le Conseil d'Etat a pris cette année une décision politique, celle de constituer une provision de 203 millions pour la CPEG pour l'horizon 2030. La légalité de cette provision n'est pas remise ici en question; on peut en revanche émettre les plus sérieux doutes quant à son opportunité politique. En effet, cette provision vient gonfler artificiellement les charges de l'Etat et cache un résultat positif, même s'il l'est pour des raisons extraordinaires et indépendantes de toute volonté ou prévisibilité; elle apporte ainsi de l'eau au moulin des partis de l'Entente, majoritaires au Conseil d'Etat, qui ne manqueront pas de souligner l'explosion des charges due en réalité à une écriture comptable, et de se plaindre de la fonction publique, dont la caisse de pension est si coûteuse.
La constitution de cette provision s'inscrit dans un contexte plus large d'attaques incessantes contre la fonction publique, de refus d'entrer en matière sur toute nouvelle recette, même via la suppression de niches fiscales qui ont tout de la «Genferei», et, en tant que telle, elle ne nous paraît pas souhaitable. Le conseiller d'Etat concerné et les partis de droite nous répètent pourtant à longueur de journée que la priorité est de réduire la dette et utilisent ce prétexte pour déposer des projets de lois fortement dommageables pour les prestations de l'Etat. Or, alors qu'une manne inespérée permet de réaliser un excédent aussi imprévu que bienvenu, au lieu d'en profiter pour rembourser cette dette tant décriée, on se dépêche de constituer une provision du même montant, à quelques millions près, pour un risque à l'horizon 2030. A voir cela, un mauvais esprit pourrait douter de votre sincérité lorsque vous clamez votre volonté de réduire la dette.
Je terminerai par une citation de Serge Dal Busco, pas si ancienne que cela puisqu'elle date de janvier 2015. A un journaliste de la «Tribune de Genève» lui demandant comment réduire la dette, il répondait ceci: «Il faut créer des excédents et ne pas les utiliser autrement que pour contenir la dette.» Tout est dit. Pour marquer leur mécontentement vis-à-vis de cette provision importune, les Verts s'abstiendront sur ces états financiers individuels de l'Etat, ceux-ci ne comportant pas d'irrégularités par ailleurs. (Applaudissements.)
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, vous avez bien compris que le parti démocrate-chrétien soutiendra les comptes 2014 présentés par le gouvernement. Cela étant dit, permettez-moi, Monsieur le président, de m'insurger, de m'étonner, de me sentir tout à fait offusquée de constater qu'on ose penser que ces 203 millions ne sont pas une provision adéquate dans la caisse de pension ! Mais, Mesdames et Messieurs les députés, surtout ceux de gauche, il s'agit là du meilleur moyen pour préserver les retraites des fonctionnaires ! Comment osez-vous prétendre que c'est une mauvaise stratégie ? C'est la meilleure qui soit, et vous devriez la soutenir ! Mettre cela en doute, ne serait-ce qu'un instant, va vraiment à l'envers du bon sens ! Ce n'est rien de caché, ce n'est pas une manoeuvre dilatoire. Alors cela sert peut-être à éviter que vous ne piquiez dans la caisse, éventuellement ! Franchement, vous devriez dire merci au Conseil d'Etat de préserver la caisse de pension et les retraites des fonctionnaires !
Une voix. Bravo !
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, puisque nous en sommes aux états financiers, quelques mots tout d'abord pour remercier l'ensemble des fonctionnaires, et en particulier ceux du département des finances, qui ont répondu à toutes les questions qui figurent ici, voire plus; il faut vraiment les remercier.
L'opposition du parti socialiste via le rapport de minorité est principalement basée sur cette fameuse provision qui, a priori, d'après ce que nous avons entendu, n'a été demandée ni par la caisse de pension ni par les fonctionnaires. Cette provision a une échéance en 2030, elle s'adaptera en fonction du chemin de croissance de la caisse et des crises, peut-être - je ne sais pas, je ne l'espère pas - comme on a pu le vivre en 2008. Mais surtout, elle crée une suspicion: d'un côté, on provisionne parce qu'il y a du bénéfice et, de l'autre, on dépose dans ce parlement une kyrielle de projets de lois qui remettent en cause indirectement ce chemin de croissance. S'agit-il d'une provision pour accuser le coup des projets de lois de «personal stop» relatif à la fonction publique ou encore de répartition des cotisations 50-50 ? La question se pose, comme beaucoup d'autres d'ailleurs, et cette décision qui, in fine, est comptable se révèle nettement politique. Malheureusement, au vu de ce projet de loi, le seul moyen de demander une révision de cette provision au Conseil d'Etat est de refuser les états financiers, ce que nous allons devoir faire. Merci beaucoup.
M. Bernhard Riedweg (UDC). Il y aura une forte pression financière sur les caisses de pension de l'Etat de Genève suite à la baisse du taux de conversion minimal légal dans la prévoyance vieillesse obligatoire - qui passera de 6,8% à 6% - que propose le Conseil fédéral avec sa réforme en 2020. Actuellement, les caisses de pension subissent d'importantes pertes suite à la faiblesse des rendements et à l'augmentation de l'espérance de vie. Depuis plusieurs années, les rendements des placements sont inférieurs aux 5% qui seraient nécessaires pour financer les rentes d'aujourd'hui, calculées sur la base du taux de conversion minimal légal de 6,8%. La LPP prévoit que l'Etat garant verse des intérêts en cas de non-atteinte des paliers intermédiaires suivants: 60% à partir du 1er janvier 2020, 75% à partir du 1er janvier 2030. Ces paliers ne sont pas contraignants pour la CPEG, mais générateurs d'intérêts à verser par l'Etat garant à la CPEG s'ils ne sont pas atteints. Selon les projections actuelles de la CPEG, le palier de 60% en 2020 devrait être atteint, celui de 75% en 2030 paraît improbable. Merci, Monsieur le président.
Des voix. Bravo !
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député, et cède la parole à M. Patrick Lussi pour une minute et quarante-neuf secondes.
M. Patrick Lussi (UDC). Merci, Monsieur le président. Puisque chacun semble ergoter sur cette provision, l'Union démocratique du centre peut juste vous dire qu'entre deux maux, il faut choisir le moindre ! Au moins, cet argent est placé dans quelque chose; évidemment, nous aurions fortement préféré qu'il soit utilisé directement pour diminuer la dette. Mais si nous l'avions remis dans les comptes, Monsieur le ministre des finances, il est certain que les bancs d'en face auraient trouvé plein de choses pour l'utiliser immédiatement. L'Union démocratique du centre approuvera l'entrée en matière ainsi que les comptes tels que formulés.
Mme Magali Orsini (EAG). Une fois de plus, je voudrais expliquer - et là, je suis d'accord avec M. Aellen - que la dette a été remboursée par les 400 et quelques millions qui sont entrés dans la caisse. Il ne faut pas confondre trésorerie et comptabilité: la dette a été remboursée avec l'argent qui est entré dans la caisse ! Maintenant, s'agissant du passif, il faut simplement déterminer si on laisse une partie du montant en fonds propres, c'est-à-dire en bénéfices reportés librement utilisables, ou si on bloque tout dans une provision gelée qui ne peut plus jamais être dissoute ou diminuée. Cette provision n'en est pas vraiment une puisque, au sens strict, une provision doit se rapporter à un risque encouru pendant l'exercice, ce qui est peut-être le cas selon votre vision, mais elle doit pouvoir être dissoute ou diminuée si le risque s'améliore, ce qui n'est pas le cas puisqu'on nous annonce d'avance que c'est de l'argent bloqué. Alors cessez de nous dire - parce que, sur le plan technique, c'est agaçant - qu'on aurait pu s'en servir pour rembourser la dette ! On a remboursé la dette avec ces 400 et quelques millions, c'est fait.
M. Cyril Aellen (PLR), rapporteur de majorité. Monsieur le président, je voulais faire une première correction mais notre collègue Magali Orsini s'en est chargée, et je la remercie; en effet, cette provision, qu'elle existe ou qu'elle n'existe pas, n'a strictement aucun impact sur la dette. Si c'est ça, chers collègues des Verts, qui a conduit votre raisonnement, vous vous êtes simplement trompés et vous pouvez encore changer d'avis à l'aune de cette explication qui n'a pas été donnée par mes soins mais par notre collègue de l'Alliance de gauche.
La seconde rectification que je voulais apporter, c'est que ça ne change strictement rien au sort de la fonction publique: ça ne préserve rien, ça ne détériore rien non plus, ça n'a aucun impact. La question est la suivante: le peuple a voté une loi que j'ai personnellement combattue, et il s'agit maintenant de savoir si on l'applique. Si on applique le graphique qui figure à la page 19 du tome 4 du rapport du Conseil d'Etat sur les comptes, toutes choses égales par ailleurs, on n'arrivera pas à respecter le palier et celui-ci nous coûtera 406 millions en 2030. Le Conseil d'Etat a fait le choix politique non pas de provisionner cela - il doit le faire de toute façon - mais de le faire cette année, la première année de l'application de la loi, et pour la moitié du montant seulement. Si tout se passe conformément à la loi, que rien n'est modifié et que les marchés restent à peu près stables indépendamment du reste, il conviendra alors de provisionner 406 millions sur les quatorze ans qui viennent. Le Conseil d'Etat a fait le choix politique, en application du règlement modifié le 14 décembre 2014, d'affecter 203 millions, compte tenu du bénéfice - c'est ce qu'il nous dit, toujours au dernier paragraphe de la page 19. On peut ne pas être d'accord avec cette façon de faire, mais il faudra de toute façon provisionner ces 409 millions.
La dernière chose qu'il faut dire, c'est que ce n'est pas pour renflouer la caisse; c'est la pénalité que le peuple a choisi d'assumer selon la loi appliquée parce qu'on n'arrivera pas à recapitaliser la caisse selon le plan exigé par le législateur fédéral. On n'a pas le choix ! C'est le peuple qui nous a dit: voici le chemin de croissance, voici comment on l'applique, ça nous coûtera 409 millions. La question est de savoir quand on les paie. On peut les payer d'un coup en 2029, mais je vous laisse alors imaginer l'état des comptes; on peut très bien provisionner 40 millions seulement cette année et faire du bénéfice, ça ne changera rien, c'est uniquement un artifice comptable. Si vous voulez dire qu'avant cette provision, on a fait 209 millions de bénéfices, vous pouvez le dire: on a effectivement fait 209 millions avant provision. Maintenant, déterminons quel est le montant de la provision à faire. Pour ma part, je pense que 203 millions, c'est tout à fait approprié !
Une voix. Bravo !
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, tout d'abord, prenons acte du fait que vous reconnaissez à ces comptes un caractère tout à fait légal et respectueux du règlement, nous en sommes très satisfaits. Je voudrais remercier Mme Schneider Hausser pour les louanges qu'elle adresse à nos collaborateurs; je les ai bien entendues et les transmettrai.
Quelques remarques par rapport à ce qui a été dit. Je voudrais remercier tant Mme Orsini que M. Aellen, qui viennent de rappeler des faits, des éléments factuels tout à fait exacts. Monsieur Deneys, faire une provision, c'est prévoir un risque susceptible de survenir en agissant de manière comptable pour se couvrir financièrement. S'il faut attendre que le risque survienne, on n'a pas besoin de créer de provision, il suffit de sortir l'argent pour en assumer la charge au moment voulu. Le but d'une provision est donc précisément de prévoir dans nos comptes des liquidités que l'on ne bloque pas forcément; elles sont prévues, elles sont là, et on dissout cet argent lorsqu'on en a besoin. On en aura peut-être besoin en 2030, c'est possible, ou peut-être pas selon l'évolution des marchés et, peut-être, des révisions qu'il conviendra d'apporter au fonctionnement de cette caisse. L'année 2030 représente tout de même un horizon assez lointain, et cela nous permettra probablement, en fonction de l'évolution, de procéder à un certain nombre d'ajustements.
Cet argent, Mesdames et Messieurs, et je ne suis pas tout à fait d'accord avec ce qu'a dit M. Aellen à ce sujet, a un effet sur la dette parce que les liquidités qui apparaissent - on crée une provision, on inscrit dans nos comptes ladite provision - ne sont pas dépensées; si on avait utilisé cet argent pour autre chose, oui, on l'aurait dépensé. Mais nous avons ces liquidités en caisse et, dans les faits, lorsqu'on met en rapport les dettes que nous avons et l'argent que nous ont prêté nos créanciers avec ce que nous avons en caisse, fondamentalement, si on crée ces liquidités à hauteur de 203 millions, on diminue globalement notre endettement, c'est la réalité. Voilà ce que je voulais rappeler, à savoir qu'on agit aussi en faveur de notre dette - indirectement, j'en conviens - en créant cette provision. C'est quelque chose qui est tout à fait dans l'esprit des engagements que nous avons pris et que je continuerai à prendre s'agissant de la nécessité de stabiliser et de réduire notre endettement. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons voter sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 11616 est adopté en premier débat par 78 oui contre 5 non.
Deuxième débat
Le président. Nous passons à l'examen des états financiers tant sur la partie du fonctionnement que sur celle de l'investissement. Je donne la parole à M. le rapporteur de majorité Cyril Aellen.
M. Cyril Aellen (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je suis désolé, mais je vais revenir sur le sujet de la dette car je ne suis pas d'accord avec le magistrat et je partage à 100% ce qui a été dit par Mme Orsini. Il y a une réserve, que je vous explique volontiers: les liquidités sont améliorées à partir du moment où le contribuable a payé. Après, qu'on affecte une provision ou pas, ça n'a strictement aucune incidence sur les liquidités, respectivement sur la dette. Cela à une nuance près: si on part du principe selon lequel parce qu'on a un bénéfice, on le dépense, alors oui, cela contribue à l'assainissement des comptes, mais c'est là un autre choix politique qu'il faut faire ou ne pas faire. C'était la première chose que je voulais dire... (Remarque.) Ce n'est pas tout à fait ce qu'il a dit ! Mais si c'est ce qu'il a dit, tant mieux, alors on est d'accord. Voilà pour l'élément principal.
Je voudrais aussi que, dans ce contexte, vous ayez conscience d'une chose. Pour cela, il faut jeter un oeil au graphique de la page 19: je ne partage pas du tout l'optimisme selon lequel la situation économique permettra de faire aller la courbe verte jusqu'au palier de 75% en 2030. Si on arrive à ça, Monsieur le conseiller d'Etat, alors il faudra vraiment que vous me donniez ne serait-ce que l'esquisse d'une explication quant à ce qui s'est passé. Voilà, je crois que c'était important de le préciser.
Le dernier point, et je m'arrêterai là, c'est que si on ne provisionne pas aujourd'hui, le jour où on devra dépenser ces montants, il conviendra, pour l'équilibre des comptes, de couper réellement dans les prestations, dans les salaires, dans la fonction publique. En 2030, il faudra sortir 406 millions, alors je vous laisse imaginer comment on fera ! C'est de votre responsabilité ! Pour ma part, je vous aurai prévenus aujourd'hui, seize ans à l'avance !
M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, il faut rappeler plusieurs choses. D'abord, il est faux de prétendre qu'on n'a pas le choix de constituer cette prévision aujourd'hui...
Des voix. Provision, pas prévision !
M. Roger Deneys. Dans la loi 10847, il est mentionné qu'on paierait les intérêts du manque de couverture par rapport aux 75% en 2030. Or nous sommes à quinze ans de l'échéance, on ne peut pas savoir où nous nous situerons ne serait-ce que dans dix ans, et il serait bien plus raisonnable d'attendre d'approcher un peu plus de l'échéance. Il a aussi été rappelé à la commission des finances que la prévisibilité à court terme s'agissant des caisses de pension est moins bonne que sur le long terme; comme nous sommes à peu près convaincus, dans la logique actuelle, d'atteindre les 80% en 2052, en tout cas avec ce qu'on a voté, on sait qu'on n'atteindra pas les 75% en 2030. Mesdames et Messieurs les députés, pourquoi est-ce que je vous dis ça ? Ce montant de 406 millions - ne faites pas rire la population genevoise ! Comme par hasard, on a un excédent de 209 millions et on crée une provision de 203 millions, c'est-à-dire environ la moitié du risque. A quinze ans d'échéance et sur une fortune de 10 milliards, vous réussissez à me dire que le montant de la provision doit être de 203 millions ? C'est un calcul qui ne tient pas la route.
Si on veut constituer une provision, Mesdames et Messieurs les députés, il faut également penser aux autres paramètres et ne pas faire comme M. Aellen, qui dit: «Toutes choses égales par ailleurs.» Il y a un projet de loi du PLR, le PL 11548, qui vise à établir une prise en charge à 50-50 de la cotisation. Avec les simulations réalisées à la commission des finances, il est très clair que ce projet de loi éloigne de près d'un milliard l'atteinte du palier de 2030; si ce projet de loi devait être voté, ce ne sont pas 203 millions de provision que vous devriez mettre de côté aujourd'hui, mais 600 millions ! Voilà pour le premier problème.
D'autre part, on nous dit qu'il est important d'établir cette provision maintenant alors que cela augmente les charges de fonctionnement de l'Etat de plus de 2%. Ceci est tout simplement inacceptable, d'autant plus quand quelques docteurs Folamour du PLR s'expriment sur Internet en disant que l'Etat n'a pas de problème de recettes mais de dépenses et ne maîtrise pas ses charges... (Commentaires.) Le PLR le répète à longueur de temps, il y a des articles sur Internet déjà maintenant, et en l'occurrence, je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à faire extrêmement attention aux conséquences. Le résultat, ce sont les chiffres. On va comparer les comptes 2013 et 2014 et on va dire que le Conseil d'Etat actuel n'est pas foutu de respecter ce qu'il a proposé dans le budget, qu'on en prend plein les gencives avec 200 millions de plus pour le fonctionnement par rapport aux comptes 2013. (Remarque.) Oui, ce sont exactement les chiffres qui apparaissent dans vos tableaux, Monsieur le conseiller d'Etat, et plus personne ne se souviendra de cette provision parce qu'au final, dans ces tableaux, ce ne sont que les chiffres synthétisés et les totaux, la provision n'apparaît pas. C'est extrêmement regrettable, Mesdames et Messieurs les députés. Si on avait voulu constituer une provision aussi rapidement, on aurait pu le faire dans le cadre du PL 10847, tout comme on a établi un chemin de croissance en mettant des taux pour les années successives ! On aurait pu mettre la constitution d'une provision dès 2015...
Le président. Il vous reste vingt-cinq secondes.
M. Roger Deneys. ...on aurait pu mettre ça dans la loi ! Ça a été mis comme une hypothèse, il n'y a donc aucune raison de le faire maintenant et de gonfler artificiellement les charges de fonctionnement de l'Etat de 200 millions, soit plus de 2% d'augmentation par rapport aux comptes 2013 et au budget 2014.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le rapporteur de minorité, et appelle maintenant, en vue de questions éventuelles, les différentes politiques publiques. (Le président énumère la liste des politiques publiques, de la lettre I à la lettre D.) Monsieur Aellen, vous pouvez vous exprimer sur la politique publique D «Personnes âgées». (Protestations.) Il vous reste deux minutes dix-neuf.
M. Cyril Aellen (PLR), rapporteur de majorité. Excusez-moi, Monsieur le président, je vais prendre dix secondes pour rappeler que le PLR partage l'avis du SAI s'agissant des politiques publiques impactées par les 8,8 millions, mais je ne répéterai pas ce qui a déjà été dit.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Nous continuons l'appel des différentes politiques publiques. (Le président poursuit l'énumération des politiques publiques, de la lettre E à la lettre H.)
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les art. 1 à 4.
Troisième débat
La loi 11616 est adoptée article par article en troisième débat.
Le président. Mesdames et Messieurs, nous allons procéder au vote final...
Une voix. Vote nominal !
Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, nous passons donc au vote nominal.
Mise aux voix, la loi 11616 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 52 oui contre 19 non et 10 abstentions (vote nominal).