Séance du
jeudi 25 juin 2015 à
14h
1re
législature -
2e
année -
7e
session -
38e
séance
PL 11615-A
Premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons maintenant aux comptes 2014. Vous avez tous en votre possession les informations liées à la procédure. Nous sommes en catégorie I, excepté pour le premier débat avec cinq minutes pour les rapporteurs et cinq minutes par groupe, Conseil d'Etat y compris. Je donne la parole au rapporteur de majorité, M. Alberto Velasco.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. (Brouhaha.) On ne s'entend pas... (Le président agite la cloche.) Mesdames et Messieurs les députés, cette année encore, une majorité du Grand Conseil s'est constituée pour refuser le rapport de gestion du Conseil d'Etat. Si vous avez lu mon rapport, vous aurez constaté que le nombre de politiques publiques acceptées est de 14 et que le nombre de politiques publiques refusées est de 3, ainsi que l'a également relevé le rapporteur de minorité. Mais ces chiffres ne signifient pas que les majorités étaient les mêmes pour chaque politique publique, et si vous regardez la somme par politique publique refusée, il y a une majorité... (Brouhaha.)
Le président. Excusez-moi, Monsieur le rapporteur...
M. Alberto Velasco. On ne s'entend pas, Monsieur le président, on ne s'entend vraiment pas !
Le président. Mesdames et Messieurs, je prie celles et ceux...
M. Alberto Velasco. Il faut sortir, il faut aller dehors.
Le président. ...qui souhaiteraient discuter de se rendre à la cafétéria ou à la salle Nicolas-Bogueret. Vous pouvez poursuivre, Monsieur Velasco.
M. Alberto Velasco. Voilà, je poursuis, Monsieur le président. Cette dichotomie entre le refus du rapport de gestion et l'acceptation de certaines politiques publiques est à l'image de la composition actuelle de notre parlement, tant à droite qu'à gauche, avec des différences assez subtiles. On relève trois composantes réelles, même si celle de droite demeure quand même majoritaire.
Mesdames et Messieurs, vous vous souviendrez que j'avais relevé l'année passée les éléments qui nous amenaient à refuser le rapport de gestion, notamment ceux concernant le logement, l'emploi et la formation. S'agissant du logement, vous aurez remarqué que pratiquement rien n'a évolué: si nous assistons aujourd'hui à une augmentation assez importante de la population dans ce canton - les statistiques l'ont d'ailleurs démontré, on dénombre presque 7000 personnes supplémentaires - le nombre de logements construits n'est que de 1776. C'est un problème, Mesdames et Messieurs ! La pénurie subsiste, et quand il y a pénurie de logements et que le marché est asséché, on assiste indubitablement à une augmentation des loyers, ce qui rend plus difficile encore l'accès à un logement normal pour les familles les plus précarisées. Le nombre de familles avec enfants qui vivent actuellement dans un trois-pièces est assez important dans ce canton, et ceci est un problème majeur. Vous savez très bien que pour pouvoir se former dans la vie, pour pouvoir poursuivre des études adéquates, pour pouvoir se développer dans ce canton et ailleurs, un logement est fondamental; sans logement adéquat, les familles subissent un préjudice. Or nous avons à l'heure actuelle un grave problème sur ce point, et ce ne sont pas, Mesdames et Messieurs, les constructions futures programmées qui vont le résoudre. C'est un problème grave, Mesdames et Messieurs ! Evidemment, on ne peut pas imputer tout cela au gouvernement actuel puisqu'il est relativement récent, mais il s'agit tout de même d'un problème qui perdure depuis des années, gouvernement après gouvernement. Non seulement on ne trouve pas de solution, mais on n'essaie même pas d'en trouver.
Concernant l'emploi, Mesdames et Messieurs, la situation est toujours aussi problématique: il y a encore 5,5% de chômage dans ce canton, c'est-à-dire 12 851 personnes contre 12 753 l'année passée, donc une légère hausse. Quant aux demandeurs, on en recense 15 994 alors qu'il y en avait 15 766 l'an dernier. Cela signifie que non seulement le nombre de chômeurs et de demandeurs ne diminue pas, mais il augmente carrément, alors même que l'indice de l'emploi est passé de 120,7 à 122,5; il y a effectivement eu un petit effort, mais il n'empêche que la conjoncture défavorable subsiste. Ce qui est grave, Mesdames et Messieurs, c'est que ces chômeurs, au bout d'un certain temps, aboutissent comme vous le savez à l'Hospice général, ce qui veut dire qu'ils sont financés par le trésor public. Du coup, non seulement ils n'ont pas de travail et dépendent la plupart du temps de l'assistance sociale, mais en plus ils ne peuvent pas contribuer, comme tout citoyen, au paiement de l'impôt, alors qu'ils aimeraient pouvoir le faire. C'est un véritable problème parce que ça alourdit les charges de l'Etat des deux côtés: d'une part parce que ces personnes-là ne sont pas contributrices, d'autre part parce qu'elles n'ont pas un revenu adéquat et qu'il faut leur venir en aide. Pourtant, on ne peut pas dire que l'économie de ce canton régresse, notre produit intérieur brut augmente même de façon assez intéressante, ce qui n'est pratiquement pas le cas dans d'autres bassins économiques similaires; or, malgré cela, un chômage élevé persiste dans ce canton, et je dois dire que c'est là un échec de la politique.
Enfin, avec certains collègues comme M. Barrillier, nous nous interrogeons toujours sur la formation, notamment la formation des apprentis, qui est un élément fondamental. Il est éminemment important que tous - je dis bien tous ! - les jeunes de ce canton aient accès à un apprentissage. Si certains ne peuvent pas accéder à des études supérieures, ils doivent quand même pouvoir accéder à une formation de base. Or, là encore, les places d'apprentissage manquent, il y a donc un effort à faire.
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Alberto Velasco. Puisqu'il ne me reste plus que trente secondes, Monsieur le président, je terminerai avec l'IMAD: les problèmes soulevés l'année passée quant au stress du personnel et au manque d'encadrement subsistent. Dans ce canton, il y a un réel problème de santé, à savoir une augmentation du stress du fait des conditions de travail et des difficultés que rencontrent bien souvent les citoyens. Tôt ou tard, ce stress se concrétise par une admission à l'hôpital et des problèmes de santé.
Voilà, Mesdames et Messieurs, les problèmes que je viens d'énumérer sont assez importants, et je considère qu'il n'y a pas eu beaucoup d'évolution par rapport à l'année dernière. Monsieur le président, j'aurais voulu développer sur la dette mais ce n'est pas possible, alors j'y reviendrai plus tard.
Une voix. Bravo ! (Applaudissement.)
M. Cyril Aellen (PLR), rapporteur de minorité. Plusieurs d'entre nous se sont levés ce matin avec l'idée de passer un jour et demi au sein de ce parlement pour discuter des comptes et du rapport de gestion du Conseil d'Etat 2014. Certains ont débuté leur journée par une lecture de la presse grâce au travail de porteurs qui se sont sans doute levés avant 5h du matin pour gagner un modeste pécule; d'autres sont passés au café pour être servis par des garçons qui eux-mêmes se sont levés dès 6h, pour gagner eux aussi un modeste pécule; d'aucuns sont venus en taxi, d'autres ont profité de la matinée pour aller chez le coiffeur en prévision des vacances - d'ailleurs, en parlant de vacances, certains parmi vous prendront l'avion grâce au travail de bagagistes sur le tarmac; d'autres encore sont arrivés à leur bureau et ont constaté que les corbeilles avaient été vidées par des nettoyeurs en dehors des heures de bureau.
Nous aurons aujourd'hui l'opportunité de discuter de certaines prestations, nous pourrons débattre pour savoir si mille collaborateurs de plus dans le grand Etat, c'est bien, c'est trop, ce n'est pas assez; nous aurons également l'occasion de déterminer si 116 906 F de salaire moyen dans le grand Etat, c'est bien, c'est trop, ce n'est pas assez; enfin, nous pourrons nous demander si la provision de 203 millions en faveur de la caisse de pension, c'est bien, c'est trop, ce n'est pas assez - ceci douze mois après avoir consacré 800 millions à la fonction publique à ce même titre. Certains partis rappelleront très justement que la pyramide des contribuables fait qu'un très petit nombre de personnes imposables paient des recettes fiscales considérables, largement supérieures à la moitié, et ils auront raison; ils rappelleront que c'est aussi grâce à elles que nous finançons l'Etat social, et ils auront encore raison. Mais ce dont nous devons nous souvenir avant tout, c'est que le porteur de ce matin, le serveur, le chauffeur de taxi, le coiffeur, le bagagiste, le nettoyeur paient eux aussi des impôts pour assurer le train de vie de l'Etat, ce sont surtout eux qui constituent le tissu économique de notre canton. La générosité éventuelle de parlementaires n'a strictement aucune valeur parce qu'elle est faite avec l'argent des autres. La raison et la morale nous imposent de gérer les deniers qui nous sont confiés par ces travailleurs de l'ombre, ces artisans du tissu économique, avec précaution, avec attention, parce que c'est leur argent que nous gérons.
Le budget 2014 était dispendieux; c'était de la responsabilité de ce parlement, pas du Conseil d'Etat. Traiter le rapport de gestion et les comptes, c'est déterminer si les lois ont été respectées par nos autorités exécutives, si celles-ci ont respecté le budget. Or chacun d'entre nous aura pu constater en commission ou à la lecture des rapports que le Conseil d'Etat a effectué sa mission: il a respecté les lois ainsi que le budget qui lui avait été alloué par notre parlement. Nous n'avons donc pas d'autre choix aujourd'hui que d'admettre que la gestion du Conseil d'Etat a été correcte par rapport à la législation en vigueur et au budget que nous avons nous-mêmes voté. Le reste est pure posture politique; le reste est ce que vous voudrez bien faire, mais il faudra en assumer les responsabilités et il conviendra de savoir ce que nous voulons donner comme signe à ce gouvernement au sein duquel presque tous les partis de cet hémicycle, à l'exception de deux, sont représentés. (Quelques applaudissements.)
M. Eric Leyvraz (UDC). L'année passée, pour la première fois, l'UDC a accepté le budget proposé: nous nous disions que dans une situation difficile, il fallait que toutes les forces se mettent ensemble pour permettre au nouveau Conseil d'Etat de réussir sa mission. Ce Conseil d'Etat nous avait fait beaucoup de promesses: vous allez voir ce que vous allez voir ! Eh bien on n'a pas vu grand-chose. Ce rapport de gestion est un rapport de satisfaction du Conseil d'Etat sur sa propre mission; y sont évoqués toute une série de voeux pieux, mais on n'en a pas vu les résultats - comme d'habitude, je dirais, car ce n'est pas la première fois qu'un rapport du Conseil d'Etat va dans le même sens: nous sommes contents de notre action ! Quand on nous parle de maîtrise de la dette, par exemple, on peut avancer tous les arguments qu'on veut, le résultat, et c'est ça qui compte, est que la dette a augmenté de 1,1 milliard cette année, ce qui est colossal. Et on nous parle de maîtrise, Mesdames et Messieurs ? Ce n'est pas tout à fait le cas.
Voici le deuxième problème qui se pose à nous: le Conseil d'Etat nous a dit qu'il avait proposé un train d'économies de 152 millions; fort bien ! Mais il a bien oublié de préciser où il avait augmenté les dépenses, ce qui fait que ces économies à hauteur de 152 millions sont une simple illusion, ce que je n'estime pas tout à fait correct de sa part. De plus, il y a le problème de la caisse de pension où, Mesdames et Messieurs, nous avons injecté 800 millions. Quand nous avons voté la caisse de pension, on nous a garanti que ce serait 800 millions plus 130 millions par année jusqu'en 1952, que ça suffirait pour assurer son équilibre.
Des voix. Jusqu'en 2052 !
M. Eric Leyvraz. Jusqu'en 2052, oui, pardon ! Or que voit-on dans l'immédiat ? A peine l'année passée, on réserve déjà 203 millions supplémentaires pour cette caisse de pension, et les 130 millions se transforment en 143 millions. Est-ce qu'on va pouvoir continuer comme ça ? Bien sûr que non, ce n'est pas la vérité qu'on nous présente, et d'autres difficultés vont surgir.
Parlons aussi du problème des fonctionnaires, Mesdames et Messieurs: on nous a promis qu'on mettrait SCORE en vigueur, qu'on avancerait dans ce dossier; sans SCORE, en effet, sans cette nouvelle grille d'évaluation des paies des fonctionnaires, on ne s'en sortira pas. Mais on repousse à chaque fois ce problème lancinant. Pourquoi ? Parce qu'on n'ose pas affronter le problème de face ! On est là, on discute, on discute, le système devait être fonctionnel en 2014, mais le sera-t-il seulement en 2016 ? Ce n'est même pas certain. Ce problème est lancinant parce qu'on nous promet une stabilité ou une légère augmentation du nombre de fonctionnaires alors qu'on sait très bien que si on n'augmente pas le nombre de fonctionnaires de 0,6% à 1% ces prochaines années, la caisse de pension n'arrivera tout simplement pas à survivre. Voilà le problème qui se pose à notre Etat et que le nouveau Conseil d'Etat, à qui nous avons fait confiance, est tout simplement incapable de résoudre après une année et demie, et il ne nous donne pas non plus de pistes pour le résoudre.
Mesdames et Messieurs, nous ne sommes pas du tout satisfaits par ce rapport de gestion du Conseil d'Etat, il est incroyable de penser qu'on n'arrive pas à s'en sortir avec 8 milliards de budget. Je crois que le Conseil d'Etat n'a plus qu'une chose à faire, c'est se retrousser sérieusement les manches et montrer un courage politique certain, faute de quoi nous allons droit dans le mur. Voilà dix ans que nous l'annonçons, et ce mur se rapproche de plus en plus: notre Etat va connaître des difficultés fondamentales, le frein à l'endettement approche, ça ne va pas être drôle. L'UDC refuse ce rapport de gestion. (Quelques applaudissements.)
M. Benoît Genecand (PLR). Mesdames et Messieurs, il apparaît qu'une forte minorité ou une majorité se dessine pour refuser ces comptes, ce qui nous semble, à nous PLR, relever de la posture politique. Je voudrais juste faire remarquer au rapporteur de majorité qu'il s'emmêle un peu les pinceaux dans les chiffres et que s'il avait eu les bons chiffres, il aurait peut-être accepté les comptes. Il écrit la chose suivante, à la page 7 de son rapport: «La réponse que l'on nous fournit année après année est que l'Etat n'a plus les moyens ! Et ce alors même que nous sommes une cité des plus riches, avec un produit intérieur brut d'environ 14 milliards qui ne cesse de progresser, et que par contre notre assiette fiscale se réduit en valeur relative et n'est plus en mesure d'assurer les prestations au public !» Monsieur le président, vous voudrez bien communiquer au rapporteur de majorité que nous sommes effectivement dans une cité riche, que le produit cantonal brut n'est pas de 14 milliards mais bien de 54 milliards - ça peut peut-être changer ses conclusions - et que pour le reste, il n'est en revanche pas plus dans la cible puisque la plus grande activité aujourd'hui répertoriée par l'office de la statistique n'est ni la banque - plus depuis longtemps ! - ni le trading; non, le plus grand secteur d'activité de ce canton, c'est l'Etat, avec 22% à 23%. Je peux donc vous dire qu'il se porte très bien et qu'il n'est pas en décroissance, Monsieur le rapporteur de majorité, ne vous faites aucun souci pour lui !
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je salue à la tribune une classe d'élèves de l'Institut Florimont accompagnés de leurs enseignants, Mme et MM. Grégory Ode, Sylvain Champeau, Rémy Lamon et Christèle Ruffieux, qui viennent nous rendre visite ! (Applaudissements.) La parole est à M. le député Edouard Cuendet.
M. Edouard Cuendet (PLR). Merci, Monsieur le président. Je serai très bref dans cette phase introductive parce que nous allons consacrer beaucoup de temps à de longs et fastidieux débats sur le rapport de gestion, lesquels n'auront au final pas grande importance puisque, qu'on l'accepte ou non, ça n'aura aucune conséquence. J'aimerais m'attarder rapidement sur un thème en présentant des chiffres et une comparaison - je sais qu'on n'aime pas les comparaisons dans ce Grand Conseil mais je la ferai quand même. Notre budget de fonctionnement frôle les 8 milliards de francs par année, ce qui est sans doute un record mondial pour une communauté de 500 000 personnes à peine, dont largement plus de la moitié sont attribués au paiement des revenus et des salaires de la fonction publique. Sans doute la profonde précarité dont souffre la fonction publique sera-t-elle mise en avant par les bancs de gauche; je rappellerai donc qu'en 2014, le salaire médian des serviteurs de l'Etat se situait à 13 108 F, en augmentation de plus de 300 F par rapport à 2013. Le salaire moyen en 2014 atteignait 116 906 F, comme l'a dit mon collègue Aellen, en hausse de 461 F par rapport à 2013.
J'ai ainsi décidé de faire une comparaison en choisissant au hasard un domaine que je connais bien, celui de la banque, où tout le monde sait que les salaires sont indécents et les bonus obscènes. Selon la dernière enquête de l'Association suisse des employés de banque, le salaire médian en 2015 à Genève est de 110 000 F, en baisse de 10 000 F par rapport à 2013, alors que le salaire de la fonction publique, lui, est de 113 000 F et a augmenté entre 2013 et 2014. Ce sondage révèle aussi que le bonus médian en 2015 est d'environ 10 000 F, en stagnation par rapport à 2013, étant précisé que ce n'est pas la majorité des employés du secteur bancaire qui touchent un bonus. On peut donc constater que la fonction publique n'est pas si mal lotie que ça avec son salaire médian de 113 000 F, et je pense que durant les débats qui vont suivre où l'on va se lamenter, comme je l'ai dit, sur la précarité de la fonction publique, il faudra garder ces chiffres en tête. Je vous remercie.
Mme Béatrice Hirsch (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, ce Grand Conseil, s'il suit la majorité de la commission des finances, va donc refuser le rapport de gestion du Conseil d'Etat. Le rapporteur de majorité l'a déjà dit, ce refus montre le manque de cohérence de ce parlement: «C'est un échec de la politique», a-t-il dit. Oui, c'est un échec de la politique de notre parlement, mais ce n'est pas un échec de la gestion du Conseil d'Etat. Aujourd'hui, ce parlement construit des majorités de circonstance qui ne laissent aucun parti satisfait et nous mettent dans la situation qui est la nôtre aujourd'hui, à savoir que nous allons refuser le rapport de gestion du Conseil d'Etat principalement à cause de décisions prises par ce parlement. Notre Grand Conseil doit aujourd'hui, pas demain, pas après-demain - M. Leyvraz l'a dit, ça devient urgent - trouver une majorité stable qui nous permette de donner une direction et une perspective pour Genève, il est primordial de sortir de ce blocage.
Le premier test sera non pas le rapport de gestion - parce que, comme mon préopinant M. Cuendet l'a rappelé, que nous l'acceptions ou le refusions, cela ne va pas changer grand-chose - mais bel et bien le budget 2016. Serons-nous capables d'avoir une vision commune, serons-nous capables de faire des compromis, de vrais compromis de la part des uns et des autres, pour pouvoir répondre aux futurs enjeux dans une conjoncture qui sera difficile - tout le monde à peu près l'a relevé - et donc prendre nos responsabilités ? Faisons la part des choses, acceptons la direction que nous, parlement, avons donnée, expliquons au Conseil d'Etat les différents éléments que nous n'avons pas appréciés dans sa gestion. Par exemple, l'une des raisons pour lesquelles ce rapport de gestion a été refusé est le fait d'avoir provisionné la caisse de pension; certains auraient préféré qu'on laisse l'argent sur la table pour pouvoir le dépenser plutôt que de l'économiser. Aujourd'hui, il serait peut-être temps de ne pas reprocher au Conseil d'Etat nos propres dysfonctionnements. Le parti démocrate-chrétien acceptera le rapport de gestion du Conseil d'Etat parce que, comme l'a dit le rapporteur de minorité, le Conseil d'Etat a respecté les lois et le budget alloué par ce parlement, il a effectué sa mission. Maintenant, c'est à nous, parlement, de prendre nos responsabilités et d'améliorer la situation. Je vous remercie, Monsieur le président.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, notre refus du rapport de gestion du Conseil d'Etat est devenu un rapport de majorité alors qu'il aurait naturellement dû être un rapport de minorité. Nous, socialistes, sommes dans l'opposition et, la majorité du Conseil d'Etat étant à droite, nous pourrions dire que c'était dans l'ordre des choses que de refuser ce rapport de gestion. Mais non, les choses ne sont pas si simples, elles sont même beaucoup plus complexes. L'une des composantes importantes de notre opposition - le rapporteur de majorité a déjà parlé de certaines politiques publiques - est la constitution en dernière minute d'une provision de 203 millions pour la caisse de pension sans qu'il y ait eu de demande de la part de la fonction publique et alors même que le délai de recapitalisation de cette caisse est fixé en 2030, soit dans un lointain, très lointain avenir. Cette provision nous pose problème tant en termes financiers que de principe.
Mais notre opposition va chercher sa source dans des causes bien plus profondes et importantes encore. Pour les socialistes, dans la plupart des politiques publiques, l'Etat ne remplit pas ou plus convenablement sa mission première, qui consiste à être à l'écoute de la population, à suivre l'évolution des besoins et à y répondre. Les socialistes ont refusé plusieurs politiques publiques, à savoir «Emploi, marché du travail», «Action sociale», «Environnement», «Sécurité et population», «Mobilité», «Finance et impôts», «Activités de support et prestations de moyens», c'est-à-dire sept politiques publiques sur l'ensemble des dix-sept - nous aurons le temps de les développer par la suite.
Politiquement, nous, Conseil d'Etat et Grand Conseil, nous trouvons dans une situation très particulière - cela a déjà été dit: d'un côté, notre canton attire des gens de tous horizons - plus de 8000 personnes rien que cette dernière année - et, de l'autre, la majorité du Conseil d'Etat tente pour ainsi dire de maintenir un couvercle sur un chaudron en caoutchouc, parce que c'est assez fluide, il tente de contenir les coûts, de diminuer les moyens en brandissant l'épouvantail de la dette, bien sûr. Dans le même temps, la majorité présente dans cet hémicycle se cherche: tantôt elle veut diminuer le volume de l'Etat, tantôt elle propose d'investir dans des ouvrages pharaoniques d'utilité douteuse, et elle passe beaucoup de temps à voter des diminutions ou des non-augmentations fiscales. Genève fait du sur-place; depuis le début de la législature, les parlementaires palabrent et on ne sait pas trop quelle est la position du Conseil d'Etat, ce qui n'arrange pas la situation. Nous nous retrouvons dans une situation de quasi-blocage ou du moins de flou.
Les socialistes ont fait de vrais choix: lors du dernier budget, ils ont apporté des propositions d'équilibrage entre les rentrées et les dépenses de l'Etat, mais celles-ci ont été taxées de passéistes. La majorité pense être la seule à pouvoir répartir les richesses de manière sérieuse à Genève, c'est-à-dire de manière que les inégalités s'accroissent, comme nous sommes en train de le vivre actuellement, ou du moins une grande partie de la population. Résultat: nous flottons, et cela n'est pas responsable. De plus en plus de personnes sont exclues du système, passent entre les mailles du filet social - comme certaines contributions fiscales d'ailleurs - et je souhaite sincèrement que le Conseil d'Etat comme le Grand Conseil puissent trouver un nouveau sens dans les décisions prises ici et pas seulement développer une politique tacticienne à court terme. (Quelques applaudissements.)
Mme Emilie Flamand-Lew (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, une fois n'est pas coutume, les Verts ne feront pas preuve d'une grande originalité et refuseront, comme quatre autres groupes de ce parlement, le rapport de gestion du Conseil d'Etat pour l'année 2014, c'est-à-dire qu'ils accepteront le présent projet de loi. En effet, les priorités politiques et financières du Conseil d'Etat qui se reflètent dans ce rapport ne sont pas les nôtres; dans un inventaire à la Prévert, suivant plus ou moins l'abécédaire des politiques publiques, on peut citer la question de l'emploi et surtout de la réinsertion des chômeurs dont la Cour des comptes a souligné les nombreuses failles, la politique sociale consistant ces derniers mois à prendre dans la poche des plus pauvres pour équilibrer le budget de l'Etat, la politique environnementale dont on peine à la critiquer tant elle est devenue inexistante, la boulimie carcérale dévoreuse de ressources, notamment avec la détention administrative qui vient entacher la réputation de notre Genève, ville des droits de l'Homme.
On relève également la politique de mobilité, qui consiste essentiellement à aller à contre-courant de ce qui se fait dans toutes les villes agréables à vivre en Europe, à savoir rouvrir des rues piétonnes aux voitures, démanteler l'offre de transports publics ou refuser encore et toujours un Vélib' à la population, ainsi que le développement effréné et plus quantitatif que qualitatif de l'aéroport au détriment de l'environnement et de la qualité de vie des riverains, ou encore la gestion des bâtiments et en particulier des bâtiments scolaires, dans lesquels des élèves de notre canton étudient dans des conditions absolument désastreuses.
Sur le plan fiscal, on peut aussi noter les promesses non tenues du Conseil d'Etat quant à la recherche de nouvelles recettes, notamment via la suppression de niches fiscales, pour compenser la baisse prévisible due à la réforme de l'imposition des entreprises, et enfin la décision hautement contestable de constituer une provision pour la caisse de pension de l'Etat de Genève au lieu de consacrer la manne fiscale inattendue reçue en 2014 au remboursement de la dette. Une dette bien utile pour certains, qui l'invoquent à cor et à cri pour réclamer des freins à l'endettement et autres mécanismes visant à porter atteinte aux prestations de l'Etat. Les Verts ne souscrivent pas à ce bilan; nous profiterons de ce débat pour poser des questions plus spécifiques sur les différentes politiques publiques et vous invitons à entrer en matière sur ce projet de loi.
Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à Mme Magali Orsini. (Brouhaha.)
Mme Magali Orsini (EAG). Je n'ai pas compris...
Le président. J'ai dit Mme Magali Orsini - je crois que c'est vous-même !
Mme Magali Orsini. Ah, excusez-moi, je n'avais pas compris avec tout ce brouhaha ! Merci, Monsieur le président. Ensemble à Gauche avait voté l'entrée en matière sur ce rapport de gestion dans l'optique de pouvoir le retravailler, mais nous ne le soutenons en aucun cas tel quel. En effet, c'est sans surprise que nous ne sommes pas satisfaits de la politique publique M «Finance et impôts», vous vous en doutiez bien. Comme cela vient d'être mentionné, aucun effort en matière de recettes n'est prévu, qui passerait par une ponction sur les plus fortunés après leur avoir accordé une succession de cadeaux tous plus importants les uns que les autres. Nous refusons également la politique publique P «Activités de support et prestations de moyens» pour le motif qui a été développé, c'est-à-dire l'exception faite aux normes IPSAS - une dérogation supplémentaire ! - pour la constitution d'une provision, mais nous aurons bien entendu l'occasion d'y revenir plus tard. Nous ne sommes pas d'accord non plus avec la politique publique B «Emploi et marché du travail», il est évident que rien ne nous satisfait dans ce domaine. Idem pour la politique publique C «Action sociale»: nous aurons tout loisir d'en reparler, mais ce qui se passe actuellement en matière d'asile illustre parfaitement les limites de l'action du Conseil d'Etat, qui n'a rien prévu par rapport à ça. Enfin, nous ne sommes pas satisfaits non plus de la politique publique H «Sécurité et population». Nous reviendrons en détail sur chacune de ces politiques publiques et annonçons d'ores et déjà que nous refuserons le rapport du Conseil d'Etat.
M. François Baertschi (MCG). On voit très bien que deux visions de l'Etat de Genève se confrontent dans cette enceinte: il y a d'un côté les personnes qui veulent punir les contribuables, de l'autre celles qui veulent punir les fonctionnaires. Ce n'est bien évidemment pas la politique qu'entend mener le Mouvement Citoyens Genevois, qui souhaite que l'on respecte les citoyens contribuables, que l'on respecte les citoyens fonctionnaires également, que l'on respecte l'ensemble de notre société; c'est ce que nous cherchons, c'est notre objectif. Dans ce contexte, il est certain que la gestion du Conseil d'Etat est, de manière globale, décevante.
Au niveau des comptes, et cela apparaît très clairement, le nombre de postes de fonctionnaires a augmenté bien plus que ce qui avait été promis, notamment au travers de reports d'une année à l'autre: d'après les chiffres qui nous sont donnés, on se situe à 3,6% de hausse, ce qui est à notre sens excessif. On constate également que malgré les efforts entamés pour une priorité cantonale, le nombre de travailleurs frontaliers et de permis G au sein de l'Etat a augmenté de 0,2%, ce qui est encore trop élevé selon nous - on ne devrait pas aller dans ce sens-là mais plutôt dans celui d'une décrue. Voilà la réalité dans laquelle nous nous trouvons.
Nous avons encore un certain nombre de récriminations, notamment s'agissant de la politique des transports, qui nous mène dans une impasse, en particulier avec le CEVA, mais pas seulement; le développement des transports publics, où le choix du tram a été fait au lieu de celui du métro, et la guerre contre le transport privé ne peuvent nous mener qu'à la catastrophe. Ce bilan, à notre sens, n'est pas acceptable, tant en termes sociaux que citoyens. Voilà pourquoi nous avons pris la décision de refuser la gestion du Conseil d'Etat telle qu'elle nous est présentée.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député, et cède la parole à M. le député Eric Stauffer... qui n'est pas là. Mesdames et Messieurs, la parole n'étant plus demandée, nous allons nous prononcer sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 11615 est adopté en premier débat par 67 oui contre 16 non.
Deuxième débat
Le président. Nous passons au deuxième débat avec l'examen du rapport de gestion du Conseil d'Etat. Voici comment nous allons procéder: je vais appeler chaque politique publique en commençant par I «Justice». Les rapporteurs disposent de trente minutes sur l'ensemble des politiques publiques, les groupes de cinquante minutes, chaque intervention étant limitée à cinq minutes. A la fin de chaque politique publique, le Conseil d'Etat répondra aux questions que vous lui poserez, puis nous voterons.
I - JUSTICE
Le président. Nous commençons donc avec la politique publique I «Justice», et je donne la parole à M. le député Georges Vuillod.
M. Georges Vuillod. C'est une erreur, Monsieur le président, excusez-moi.
Le président. Très bien, je la passe donc à M. le député Eric Stauffer.
M. Eric Stauffer. C'est une erreur aussi.
Le président. Bien, la parole n'étant plus demandée, j'ouvre le scrutin sur la politique publique I.
Mise aux voix, la politique publique I «Justice» est adoptée par 51 oui contre 28 non et 3 abstentions.
J - MOBILITE
Le président. J'appelle la politique publique J «Mobilité» et cède la parole à Mme la députée Lisa Mazzone.
Mme Lisa Mazzone (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, voici l'hymne de notre conseiller d'Etat: «Paroles, paroles, paroles» ! Comme il donne beaucoup de voix pour chanter cet hymne, je vous fais grâce de la mienne - peut-être certains devraient-ils suivre la même voie ! Ainsi, au fil des points presse, on apprend d'abord qu'un sondage a été lancé, puis qu'un groupe de travail a été constitué, que le sondage a ensuite été dépouillé - après avoir été lancé, vous vous souvenez - après quoi un nouveau groupe de travail a été créé, puis le sondage a été communiqué - puisqu'il avait été lancé puis dépouillé, il fallait bien le communiquer - et, subséquemment, un nouveau groupe de travail a été composé. Tout ça pour quoi et pour nous mener où ? Dans quel but notre Conseil d'Etat s'époumone-t-il ainsi ?
Tout ce vent ne parvient pas à dissiper les taux de pollution de l'air que nous constatons et qui devraient nous préoccuper car ils concernent la santé de toutes et tous, en particulier des enfants. J'ai fait une petite recherche sur le champ lexical. Ainsi, je relève les mots suivants: scooters, motos, voitures, deux-roues motorisés, voitures à nouveau et motos encore une fois. Que nous propose donc le Conseil d'Etat avec cette politique de mobilité ? Un monde où les piétons doivent commencer à faire attention la nuit. En tant que piétonne, je l'ai moi-même constaté l'autre jour en traversant la rue à Bel-Air. En effet, puisqu'on y a installé des feux à l'orange clignotant, ce sont les piétons qui sont censés prendre garde, sortir avec un casque pour se protéger des dangers qui pourraient survenir. Bientôt, les piétons devront aussi porter des masques à gaz pour éviter les polluants que notre Conseil d'Etat ne parvient pas à dissiper dans l'air.
Ce qu'on constate, c'est que le Conseil d'Etat s'est attelé pendant cette année à défaire un travail qui a été fait pendant les années précédentes en démantelant le service de transports publics de manière pernicieuse, par une réduction de l'offre aux heures de pointe ainsi que, annoncée pour décembre, une suppression de certains terminus, une réduction... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Merci. ...de la desserte de plusieurs lignes de transports publics et enfin une réouverture des rues piétonnes à la circulation, comme cela a été le cas à la rue Ami-Lullin et à celle de l'Ecole-de-Médecine. Voilà les hauts faits du Conseil d'Etat en matière de mobilité, à savoir revenir en arrière sur une fermeture de rue qui avait pourtant permis d'une part aux transports publics de mieux circuler et d'améliorer leur vitesse commerciale, d'autre part à la population de se réapproprier l'espace public. On constate par ailleurs une certaine propension à s'intéresser aux deux-roues motorisés, comme je l'ai dit, notamment en créant sur la voie publique des espaces de stationnement gratuits en quantité. Et tandis que l'on créait 350 places pour deux-roues motorisés en ville, on se contentait d'écrire un guide à destination des communes concernant les deux-roues non motorisés, c'est-à-dire les vélos.
Justement, parlons-en, des vélos: je vous rappelle qu'une initiative est actuellement pendante, qui a été acceptée par la majorité de la population, soit l'initiative pour la mobilité douce qui demande l'aménagement de pistes cyclables sur les routes primaires et secondaires du réseau. Or que constate-t-on ? Que le Conseil d'Etat n'accorde pas l'argent nécessaire à la réalisation de cette initiative, si bien qu'aujourd'hui, rouler à vélo relève encore du parcours du combattant et représente un danger; aussi, bien des gens renoncent à utiliser ce mode de transport à la fois efficace et respectueux de l'environnement tout en étant bon pour la santé, parce qu'ils ne se sentent pas à l'aise dans la circulation.
J'aimerais encore relever un autre élément en matière de transports publics puisque, on l'a vu, le choix a été fait de porter atteinte au développement pourtant remarquable des transports publics de ces dix dernières années, d'abord en réduisant l'offre puis en prévoyant - mais on se situe là encore au stade des paroles...
Le président. Il vous reste trente secondes.
Mme Lisa Mazzone. Merci. ...d'ouvrir les voies de bus aux deux-roues motorisés et de réduire ainsi la vitesse commerciale de nos transports publics, alors que cela représente une manne financière importante pour ceux-ci, alors qu'on recherche justement des fonds pour pouvoir poursuivre et développer leur offre. Je terminerai en soulignant un dernier fait: dans l'accumulation des groupes de travail qui se créent, il y a encore un projet qui ne sort plus de la bouche du Conseil d'Etat, il s'agit de la traversée du lac...
Le président. Il vous faut conclure.
Mme Lisa Mazzone. ...une traversée du lac qui nous coûtera plusieurs milliards alors qu'on nous serine en permanence que nous n'avons pas d'argent...
Le président. Je vous remercie, Madame la députée.
Mme Lisa Mazzone. Eh bien, faisons des choix, et des choix en faveur d'une mobilité durable !
Le président. Merci bien !
Mme Lisa Mazzone. Nous refusons cette politique publique.
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, s'agissant de la première partie de l'intervention de Mme Mazzone, le MCG va être d'accord - c'est un fait assez important pour être souligné - c'est-à-dire qu'il y a beaucoup de blabla venant du conseiller d'Etat en charge de la mobilité Luc Barthassat - «Paroles, paroles, paroles», en effet - mais très peu d'action. Depuis son entrée en fonction, de nombreuses promesses ont été faites mais la mobilité ne s'est pas améliorée dans le canton de Genève, je dirais même qu'elle a empiré à certains endroits.
C'est vrai, les Verts ont lancé l'initiative 154 que la majorité a évidemment refusée. Néanmoins, quelque chose d'intéressant est en train de se passer, à savoir qu'il se formerait peut-être un consensus pour un contreprojet. Et, pour une fois, tenter un consensus intelligent où le bon sens prime sur les dogmes, c'est peut-être quelque chose que ce Grand Conseil arrivera à faire dans le courant de l'année 2015. Là où, Mesdames et Messieurs, je vais encore une fois donner raison à Mme Mazzone - vous pourrez inscrire deux coches au mur - c'est que les taux de pollution dans le canton de Genève ne sont de loin pas satisfaisants et mettent en danger la santé de nos concitoyens et spécifiquement, comme elle l'a relevé, des enfants. De plus en plus de gens sont atteints d'asthme, et c'est un problème. Au MCG, nous nous sommes penchés sur la question pour déterminer quelle était l'augmentation du nombre d'immatriculations des véhicules dans le canton de Genève. Eh bien figurez-vous, Mesdames et Messieurs, que depuis quinze ans, c'est-à-dire depuis le début des années 2000, il n'y a pas eu d'augmentation du nombre d'immatriculations de véhicules genevois. Or c'est bien depuis 2000 que les problèmes de l'immobilité dans le canton de Genève et des taux de pollution se sont déclarés.
Alors essayons, dans un élan de bon sens, de passer outre les dogmes et les déclarations partisanes: le problème de la mobilité à Genève, Mesdames et Messieurs, vous l'aurez tous compris, c'est l'afflux de pendulaires - et je me fais violence pour ne pas prononcer un autre mot. Ce sont bien les pendulaires qui génèrent 550 000 mouvements de véhicules par jour aux frontières genevoises, voilà où est le problème ! Certains disent que le CEVA va régler la situation; mais le CEVA ne va rien régler du tout parce que tant et aussi longtemps, Mesdames et Messieurs, que ces automobilistes venus de France voisine et du canton de Vaud disposeront de places de parking sur leur lieu de travail, ils continueront à venir en véhicule ! Résultat des courses: l'Etat, qui devrait montrer l'exemple, ne le fait pas, l'Etat des grands établissements publics dits autonomes continue à octroyer des places de parking à ceux qui viennent depuis le plus loin. Evidemment, ceux-ci traversent constamment le canton de Genève, et ça crée des flux interminables de véhicules. Alors, pour régler le problème de la mobilité...
C'est bien la raison pour laquelle nous nous opposons aux comptes 2014, c'est que les priorités ne sont pas définies de manière correcte, et on continue à vouloir embêter le résident genevois alors que tout le monde sait - c'est un secret de Polichinelle - que le problème vient de l'afflux massif des pendulaires. Oui, il faut construire des parkings P+R, Genève l'a fait sur son territoire, la France n'a qu'à les financer sur le sien. Je vous le dis, Mesdames et Messieurs: ne sous-estimez pas la colère citoyenne car elle est vraiment avérée s'agissant de la mobilité ! Les gens renoncent à prendre leur voiture, prennent des scooters !
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Eric Stauffer. Vous avez fait supprimer les places pour les deux-roues, vous ne voulez que des vélos, mais le vélo n'est pas la solution non plus, c'est l'une des solutions. Il faut qu'il y ait la possibilité de choisir, ça s'appelle la liberté, ça s'appelle une société démocratique et non pas dictatoriale ou dogmatique. Nous refuserons ces comptes.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Thomas Wenger (S). Mesdames et Messieurs les députés, on peut saluer l'arrivée de Luc Barthassat au moment de ce débat sur la mobilité. Son retard est peut-être dû, s'il est venu en transports publics, à la baisse de l'offre des TPG: il était en train d'attendre désespérément à un arrêt qu'un tram 12 ou un bus 10 daigne enfin arriver; s'il est venu à vélo...
M. Luc Barthassat. Je suis venu à vélo !
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Thomas Wenger. Alors on peut effectivement saluer ce geste ! Dans ce cas, son retard est certainement dû au fait qu'il n'y a pas assez de pistes cyclables continues et sécurisées, ainsi que le demande l'IN 144 ! En tout cas, j'espère qu'il n'est pas venu en deux-roues motorisé sur les voies de bus et que ça ne se fera d'ailleurs jamais dans notre canton.
Parlons donc, pour commencer, de la baisse de l'offre des TPG. On a fait une action, notamment avec l'Association transports et environnement. La baisse des tarifs des TPG a mené à une baisse des prestations, laquelle est qualifiée par le Conseil d'Etat et les TPG d'indolore. Or elle n'est pas du tout indolore ! Ça commence comme ça, avec des fréquences un peu réduites, puis on va continuer en modifiant les terminus comme pour le bus 11 - c'est prévu pour décembre - qui s'arrêtera à Carouge et n'ira plus jusqu'au Bout-du-Monde, et, petit à petit, on va réduire les prestations des TPG. Que se passe-t-il dans notre canton ? Vous l'avez vu, il y a 8000 habitants supplémentaires et une demande en forte croissance s'agissant de la mobilité, et que répond l'Etat ? L'Etat répond qu'il va baisser l'offre et les prestations des TPG ! Bien entendu, les socialistes ne pourront pas voter une telle politique.
Du côté des faits positifs, on peut quand même citer la poursuite des travaux du CEVA, notre futur RER qui, après un énième concours du DETA, va s'appeler le Léman Express. A l'ATE, nous avions aussi réalisé un sondage, et la préférence allait à l'appellation Léman Express régional, qu'on aimait bien parce que ça faisait l'acronyme LER - on aurait pu dire: «Je vais prendre LER.» Et je crois que c'est ce dont Genève a besoin, d'un peu plus d'air; mais pour avoir un peu plus d'air, il faut un peu plus de mobilité douce et un peu plus de transports publics notamment.
Pour poursuivre sur le développement du ferroviaire, comment ne pas parler de l'extension de la gare de Cornavin ? En 2014, les études ont été poursuivies avec le comité de pilotage. A ce sujet, nous avons une vraie inquiétude parce que d'après les chiffres qu'on a pu entendre, le coût serait plus élevé que le montant de 1,2 milliard initialement prévu. Nous attendons donc les contre-expertises et nous réjouissons que le Conseil d'Etat revienne rapidement vers nous pour nous rassurer par rapport à ces coûts. Je vous rappelle que 790 millions de francs sont financés par la Confédération et, puisque M. Stauffer parlait de consensus, que cette votation sur le FAIF était un vrai consensus: 67% de la population genevoise a accepté le financement de la Confédération pour l'extension en souterrain de la gare de Cornavin parce que les partis de droite comme de gauche, mis à part le MCG et l'UDC qui ne veulent jamais trouver de solution, se sont mis ensemble pour obtenir l'argent de la Confédération, et c'est important.
Je continue avec les infrastructures et la politique routières. Comment ne pas parler de la traversée autoroutière du lac ? A la commission des transports, nous sommes en train de l'étudier étant donné qu'une initiative a été déposée. Je ne vais pas refaire le débat sur la traversée du lac, on sait qu'elle va poser d'énormes problèmes tant de trafic qu'environnementaux. En gros, et je schématise un peu, l'Office fédéral des routes nous dit: «Tant que vous n'avez pas développé la rive gauche, votre autoroute sur le lac ne sert à rien.» Et surtout - vous me direz que ça ne relève pas du budget de fonctionnement mais des investissements, il est cependant peut-être bon d'y penser quand même - cette traversée va coûter entre 3 et 4 milliards... (Remarque.) ...voire plus, comme dit le rapporteur. A quoi ce Grand Conseil va-t-il devoir renoncer en termes d'investissements ? A des EMS, à des bâtiments scolaires, à du logement, à des infrastructures de mobilité, etc. On pourra en reparler plus tard, mais c'est une vraie question qu'on doit se poser aujourd'hui; vous êtes tous en train de nous parler de frein à l'endettement, alors je crois qu'on doit se poser cette question.
Pour terminer, je serai rapide, il y a effectivement beaucoup de blabla au département des transports, beaucoup d'études, de sondages, de communication. D'ailleurs, pour en revenir aux comptes, on note à la nature 31 relative aux charges 859 000 F de dépassements à cause d'études liées à la traversée du lac et à la mise en oeuvre des états généraux sur la mobilité. Ça paraît quand même beaucoup, 859 000 F; si on transpose ça à la traversée du lac, elle va nous coûter au moins 10 milliards !
M. Bernhard Riedweg (UDC). En écoutant mes préopinants, il m'a semblé qu'ils parlaient davantage du futur que du passé. Or nous sommes dans les comptes 2014, nous parlons du passé. L'enquête sur la mobilité, à laquelle ont tout de même participé 12 000 personnes, a révélé que la population est en faveur des transports publics et de la mobilité douce, qu'il faut rendre prioritaires dans l'hypercentre. C'est un changement de mentalité: plus on s'éloigne du centre-ville, plus la voiture prend de l'importance.
Les travaux de mise en application d'une nouvelle conception d'exploitation multimodale des carrefours à feux se sont poursuivis en 2014, et quarante carrefours ont été sélectionnés pour fonctionner à l'orange clignotant durant la nuit, ce qui a été concluant puisque aucun accident n'a été signalé. Le département nous a assurés que cette expérience serait étendue à d'autres carrefours. Enfin, la voie réservée sur le pont du Mont-Blanc fait gagner un million de francs par an aux TPG, ce qui représente un gain de productivité. Merci, Monsieur le président.
M. Bertrand Buchs (PDC). Si on écoute les orateurs précédents, on a l'impression que tout va mal dans la mobilité à Genève; pourtant, lors des discussions en commission, je n'ai pas cette impression: les gens trouvent qu'il y a des points à débattre et qu'enfin - M. Stauffer l'a relevé - on sort de la guerre des tranchées, enfin on se parle et on essaie de trouver des solutions, ce qui est très positif ! Or si on commence enfin à discuter, c'est bien grâce au conseiller d'Etat, M. Barthassat. Certes, on peut ne pas être d'accord avec sa façon de communiquer, mais il y a tout de même enfin de l'air frais qui est entré dans le département des transports, enfin on arrive à chercher des solutions pour l'ensemble de la population. Si chacun reste dans son pré carré - moi je veux des vélos, moi je veux des voitures, moi je veux des motos, moi je veux me déplacer à pied - on n'arrivera à rien du tout.
Ce à quoi il faut arriver, Mesdames et Messieurs, dans le cadre d'une politique publique aussi essentielle que la mobilité, c'est à s'entendre, et le parti démocrate-chrétien demande depuis le début qu'il y ait une entente et qu'on cherche ensemble des solutions. Et on va les trouver, ces solutions: au sein de la sous-commission qui s'occupe du contreprojet à l'initiative du parti des Verts, il y a un dialogue, des propositions intelligentes - vous serez d'ailleurs surpris des propositions qui vont sortir de cette commission. Certains partis politiques ont accompli des changements complets de paradigme, il n'y a plus de guerre entre les pro-voitures et les pro-vélos. Du coup, je voudrais qu'on fasse preuve d'un peu plus d'objectivité quand on prend la parole sur cette politique publique, parce qu'à force de toujours taper sur le conseiller d'Etat, que ce soit Mme Künzler auparavant ou M. Barthassat maintenant, on manque d'objectivité et on fait de la politique politicienne, on ne pense pas à la population qui a besoin d'une meilleure mobilité.
Il est clair que la mobilité est une politique publique qui coûte cher. On nous dit qu'on demande trop d'études; mais on est bien obligé de demander des études ! Que fait la commission des transports ? Elle demande des études, elle dit à l'administration de revenir avec des chiffres et des études, et l'administration revient. Dernièrement, on a voté un projet de loi demandant 250 000 F pour réaliser une étude sur le péage urbain. Eh bien on a décidé de demander 250 000 F ! Et on reproche maintenant à M. Barthassat d'avoir dépensé pour 800 000 F d'études en une année ? Honnêtement, ce sont de mauvais sujets, il vaudrait mieux parler de ce que l'on veut. Bien entendu, on peut être d'accord ou non avec la traversée du lac; pour notre part, nous sommes pour, mais d'autres sont contre, il y aura un débat puisqu'il y aura une votation et la population choisira ce qu'elle veut, mais il faut arriver à des solutions. Si vous vous rendez dans le canton de Zurich, vous verrez qu'on a construit des autoroutes à trois voies, un chemin de fer qui fonctionne extrêmement bien; ça a coûté des milliards et des milliards, mais personne ne s'est plaint. Il faut donc voter cette politique publique, qui est essentielle. Je vous remercie.
Une voix. Bravo !
M. Benoît Genecand (PLR). Chers collègues, vous me savez en campagne pour les fédérales, comme certains d'entre vous, donc je lis un peu en allemand. Dans le «Tages-Anzeiger» de ce jour figure un article intitulé: «Genf setzt SBB wegen Bahnhoferweiterung unter Druck». Pour ceux qui ne maîtrisent pas la langue de Goethe, ça signifie: «Genève met les CFF sous pression à cause de l'extension de la gare». On peut lire ceci dans cet article: «Für den Genfer Staatsrat und Verkehrsverantwortlichen Rémy Pagani» - alors là, on apprend que le responsable des transports à Genève est Rémy Pagani, ça fait plaisir ! (Rires.) - «wird es auch darum gehen, die Früchte seiner Arbeit zu ernten.» Je traduis à nouveau: il s'agirait pour Rémy Pagani de collecter les fruits de son travail, qui est d'avoir sapé la solution en surface et fait en sorte que seule la solution souterraine soit discutée dans ce parlement.
Mais surtout, on a là enfin les chiffres, parce qu'ici on ne les a pas, ça ne franchit manifestement pas la Sarine, les experts sont mieux informés de l'autre côté: il y a donc deux variantes, Mesdames et Messieurs - je ne vous les lis pas en allemand parce que ça va être un peu compliqué: une à 17 mètres de profondeur qui coûte 777 millions de plus que ce qu'on nous a annoncé, une autre qui se situe 4 mètres plus bas, soit à 21 mètres de profondeur, et coûte 834 millions de plus. Voilà donc l'état de la situation à Zurich: une première solution chiffrée à 2 milliards, une seconde à 2,1 milliards. A Genève, on ne sait pas, on n'a pas le droit d'en discuter, tout est apparemment encore trop imprécis. Plus bas, on nous dit - et ça, je ne sais pas comment ça se prononce en allemand - que ces chiffres ont mis les Genevois en rage. Donc en fait, à Genève, quand on n'aime pas des chiffres, on ne les publie pas, on ne les commande pas, on n'en parle pas !
Du coup, ça va se passer comme avec le tarif de l'électricité, Mesdames et Messieurs: il y a un très bon moment dans l'année pour annoncer les mauvaises nouvelles, qui se situe entre le 15 et le 30 juillet. A ce moment-là, hop, les chiffres sur la gare souterraine vont vous parvenir avec toute une série de commentaires alambiqués pour vous expliquer en quoi ce n'est pas si grave. Or pour ces mêmes personnes qui vous expliquent pourquoi il n'est pas si grave de claquer 1,2 milliard de plus que ce qui était prévu - je rappelle quand même que la gare en surface serait gratuite pour nous, alors que là c'est 1, 1,2 ou 1,3 milliard, et hop, on y va ! - dès qu'il s'agit de la traversée du lac, ce n'est plus possible, on n'a plus un franc en poche, il n'y a plus rien, l'argent n'est plus là, il s'est évaporé ! Evidemment, si on l'a mis sous terre pour réaliser une gare manifestement problématique et extrêmement onéreuse, on ne l'aura pas deux fois, c'est clair ! Tout ça alors qu'il existe une solution en surface - je le rappelle et le rappellerai autant de fois qu'il faudra. Ce n'est pas parce que cinq cents personnes ont dit qu'il ne fallait pas construire en surface qu'il ne faut pas construire en surface, ce n'est pas parce que ce parlement, la tête dans le sac, a décidé de voter comme un seul homme sauf trois personnes et quelques abstentions - les collègues se reconnaîtront - pour la solution en souterrain sans jamais se demander combien ça coûterait, qu'on va la faire et qu'on va simplement baster. Les Suisses allemands sont informés, Mesdames et Messieurs, lisez les bons journaux, lisez le «Tages-Anzeiger», vous aurez peut-être de quoi alimenter votre réflexion sur le futur de la gare souterraine ! (Applaudissements.)
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, une députée PDC a expliqué tout à l'heure qu'on pouvait accepter ce rapport de gestion parce que le Conseil d'Etat avait effectué sa mission. Voilà qui pose assez bien les données de l'exercice d'aujourd'hui, comme chaque année: il s'agit en fait de déterminer quel est le rapport qualité-prix des prestations fournies par l'Etat, dirigées par le Conseil d'Etat, à la population genevoise, il s'agit de savoir si on en a réellement pour notre argent.
Concernant la politique publique J «Mobilité», cette question est particulièrement pertinente: est-ce qu'on en a pour notre argent ? A la commission des finances, M. le conseiller d'Etat n'a pas cessé de nous rappeler qu'il avait respecté le budget qui lui avait été alloué. Mais pour quel résultat, Mesdames et Messieurs les députés ? Si on dépense un million de francs mais qu'on ne fait rien, ça ne veut pas dire qu'on a des prestations satisfaisantes; si on dépense un million de francs en jouant au loto, on ne peut pas dire qu'on a des prestations intéressantes pour la population. C'est donc bien ça que nous jugeons ici: en avons-nous eu pour notre argent s'agissant de la mobilité à Genève ? Eh bien je crois que c'est très clair: à la commission des finances, ce n'était pas de la politique politicienne parce que seul un parti a soutenu cette politique publique, à savoir le PDC, le parti du magistrat. L'ensemble des autres partis a reconnu que nous n'en avions pas eu pour notre argent. Par rapport aux dépenses consenties en 2014 et aux moyens alloués par ce Grand Conseil, ma foi, les résultats obtenus sont totalement insuffisants. Voilà le premier constat, que ce soit pour la mobilité motorisée, les transports publics ou la mobilité douce, on n'en a pas pour notre argent !
Je vais prendre quelques exemples, tout d'abord l'initiative 144 acceptée par le peuple. J'aimerais vous reposer la question, Monsieur le conseiller d'Etat: qu'est-ce qui prime dans une démocratie, une votation populaire ou un sondage ? Pour ma part, Mesdames et Messieurs les députés, je peux vous donner la réponse: ce qui prime dans une démocratie, c'est une votation populaire. Quand une initiative est acceptée, elle prime sur un sondage fait au coin d'une table et auquel quelques personnes répondent - on ne sait même pas d'où elles viennent exactement - et dont, qui plus est, on interprète les résultats n'importe comment. Ainsi, concernant l'initiative 144, rien ne se passe au niveau du Conseil d'Etat, les aménagements pour piétons et cyclistes sont aujourd'hui totalement déficients et insuffisants.
S'agissant de l'offre des TPG, mon excellent collègue Thomas Wenger l'a rappelé tout à l'heure: les prestations des transports publics sont à la baisse, le personnel manifeste son mécontentement parce qu'il est mal considéré et pas pris en compte dans la perspective politique par le conseiller d'Etat pour essayer de le lier à l'amélioration de la mobilité à Genève. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Les exemples sont nombreux: pour la mobilité douce, on sait très bien que l'entretien des pistes cyclables est particulièrement lacunaire, il y a régulièrement des cas de chantier où, tout à coup, plus aucune signalisation n'est installée pour les piétons ni les cyclistes; en matière d'automobile, il y a des problèmes de stationnement, la Fondation des parkings n'est pas capable de faire suffisamment de contrôles et, franchement, les résultats sont réellement insatisfaisants par rapport aux dépenses consenties.
En revanche, on apprend à la page 185 du rapport sur le PL 11616 - oui, on parle ici du PL 11615-A mais cela figure dans cet autre rapport - qu'il y a eu des dépassements de crédit en raison des nombreux frais d'études pour la traversée du lac, ce qui est particulièrement curieux... (Remarque.) Oui, Monsieur le conseiller d'Etat, c'est indiqué à la page 185, cette réponse provient de vos services, il y a pour 900 000 F de dépassements. Ensuite, à la page 100 du tome 3 des comptes, on relève le projet de loi 10789, voté en 2012 et ouvrant un crédit d'étude de 550 000 F en vue d'une passerelle pour les vélos et les piétons entre les Avanchets et la piste cyclable de l'aéroport; là, le Conseil d'Etat dépense seulement 56 000 F sur les 550 000 F prévus. Bon, d'accord, on peut se dire qu'il fait des économies, mais le problème, c'est que le Grand Conseil a voté cette loi en 2012 en demandant une étude dans un délai d'une année, étude dont nous n'avons toujours pas connaissance !
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Roger Deneys. Monsieur le conseiller d'Etat, il y a réellement des problèmes d'efficacité dans votre département et, au Grand Conseil, une insatisfaction générale, en tout cas chez les socialistes, quant aux résultats. Nous refuserons donc ces comptes et ce rapport de gestion pour votre département. (Quelques applaudissements.)
Mme Lisa Mazzone (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, on m'a reproché tout à l'heure de beaucoup critiquer, alors j'aimerais quand même revenir sur notre vision; à de nombreuses reprises et à propos de bien des textes, nous avons eu l'occasion de la développer, mais c'est aussi l'occasion de vous montrer comment le groupe des Verts s'attelle à améliorer la qualité de vie au quotidien dans le cadre du travail parlementaire, de manière conséquente et cohérente. Je vous rappelle ainsi que l'offre des transports publics a doublé en dix ans; sans ce développement et en raison du nombre de déplacements, qui n'a cessé d'augmenter en parallèle à l'augmentation de la population - vous savez qu'on frise aujourd'hui le million d'habitants dans l'agglomération - la circulation serait aujourd'hui tout simplement infernale. Par rapport à dix ans plus tôt, 66% de voyageurs supplémentaires ont choisi les transports publics, tandis que les déplacements en transport individuel motorisé ont diminué de 11%. Aussi, la solution est claire: si l'on veut absorber le nombre de déplacements qui continuera d'augmenter dans les années à venir, il faut poursuivre dans cette direction. Or le Conseil d'Etat va justement à contresens, nous menant droit dans le mur, ou à l'asphyxie !
En conclusion, voici les solutions qu'il faut continuer à déployer: d'abord le développement du réseau ferroviaire, pour lequel nous avons déposé un bouquet de motions que nous vous invitons d'ailleurs à soutenir; ensuite le développement d'un transport public efficace, permettant d'acheminer un grand nombre de personnes dans l'agglomération; enfin, de manière subsidiaire, le développement de la mobilité douce. Pourquoi ? Evidemment, ça ne correspond pas à tout le monde, je suis tout à fait d'accord avec vous. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Néanmoins, quand on sait que 30% des déplacements font moins de 3 kilomètres et que 45% font moins de 5 kilomètres, on mesure le potentiel de développement des trajets à pied et à vélo. Faisons donc de vrais choix, qui peuvent même s'appuyer sur un sondage réalisé par le Conseil d'Etat... (Brouhaha.)
Le président. Un peu de silence, s'il vous plaît, Mesdames et Messieurs !
Mme Lisa Mazzone. Merci. ...lequel plébiscite, à 85%, des zones piétonnes dans le centre, de nouvelles pistes cyclables à 63%, et même, à 50%, la mise en sens unique de certaines rues. Aussi, je vous invite à faire de vrais choix, qui ont fonctionné par le passé et continueront de fonctionner, de même qu'à cesser ce démantèlement de l'offre des transports publics qui nous mène tout simplement droit dans le mur. Je vous remercie.
M. Stéphane Florey (UDC). Avec tout ce que j'entends aujourd'hui, j'ai un peu l'impression d'être au bal des pleureuses ! On nous dit que la droite n'apporte en général aucune solution. Eh bien, pour ma part, je vais vous en donner, des solutions ! S'agissant d'abord de l'initiative de l'AVIVO, le miracle n'a pas eu lieu: les TPG n'ont pas vendu un seul abonnement supplémentaire, ils ont même eu de la peine à stabiliser les recettes. En revanche, on peut saluer le Conseil d'Etat qui s'est démené pour conserver tous les emplois car il n'y a eu aucun licenciement; cela dit, on peut quand même lui reprocher son manque de réactivité et le fait d'avoir mené une campagne à zéro franc où il n'a quasiment rien dit, parce que s'il avait fait preuve d'une réelle détermination, cette initiative aurait peut-être finalement été refusée.
Qu'entraîne la baisse des tarifs ? Au mois de décembre de cette année, au moment du changement d'horaire, nous allons passer, rien que pour la ligne 12, d'une fréquence de trois minutes à une fréquence de cinq minutes. Voilà ce qu'a amené votre initiative ! Il serait ainsi temps - et c'est là ma première solution - que ce parlement se penche une fois pour toutes sur cette question, cesse de se voiler la face et avoue qu'il s'est planté sur ce coup-là, que l'initiative est néfaste pour les transports publics; il est urgent que soit le gouvernement, soit un groupe politique, soit la commission des transports dépose un projet de loi pour réhabiliter tous les tarifs en vigueur avant cette initiative.
Concernant les pistes cyclables, on entend dire que l'Etat ne fait rien; c'est totalement faux, et vous le savez. Il n'y a pas si longtemps, nous avons eu un débat par rapport aux travaux: plus de 50% du réseau de pistes cyclables est maintenant réalisé pour ce qui concerne l'Etat - les communes font leur part, elles font ce qu'elles peuvent avec leur budget - alors ne venez pas dire que l'Etat ne fait rien ! Non seulement il entreprend suffisamment, mais il fait bien les choses dans le sens où il ne construit pas une piste cyclable pour la démolir juste après s'être aperçu que le réseau souterrain est à refaire entièrement, puis recommence une deuxième fois; non, il agit par opportunité, il rénove en souterrain et aménage les pistes cyclables en dernier, ce qui est plutôt logique.
Pour ce qui est de la traversée du lac, vous transmettrez ceci à M. Genecand, Monsieur le président: de notre côté, on avait amené une solution pour subventionner en partie un total de 100 millions par année, mais vous l'avez refusée. Il s'agissait d'affecter le résultat de l'impôt automobile uniquement aux routes. Pour ça, il aurait juste fallu modifier la LGAF afin de permettre l'affectation des impôts. Vous avez refusé cette solution, il faut maintenant trouver l'argent ailleurs.
Enfin, s'agissant du développement du réseau que Mme Mazzone a évoqué, je vous rappelle qu'il pouvait se faire quand le prix du billet s'élevait encore à 3,50 F ! D'où l'importance de se pencher sur cette question, comme je l'ai dit avant, et de revenir à des tarifs raisonnables, parce que la population avait accepté le billet à 3,50 F, c'est justement ce qui a permis de développer un réseau performant et d'amener de nouveaux clients. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas, nous courons à la catastrophe et, personnellement, je préconise de revoir les choses une bonne fois pour toutes. Il faut bien se l'avouer: cette initiative a été néfaste pour la mobilité dans notre canton. Je vous remercie.
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Monsieur le président, voilà quatorze ans que je siège dans ce parlement, et j'ai rarement eu affaire à autant de mauvaise foi en même temps ! Ceux qui critiquent cette politique publique avec autant d'habileté n'ont vraiment pas lu le rapport. Je me permets d'en évoquer les points forts: développement des réseaux ferroviaires - national, régional, urbain - exploitation multimodale des carrefours, transports collectifs, parkings pour deux-roues motorisés, chantiers et mobilité, états généraux des transports, prestations opérationnelles.
Les infrastructures routières et de transports publics sont des projets d'importance stratégique, on n'est pas dans le bac à sable, ce sont des projets d'agglomération comme l'assainissement du bruit routier, les infrastructures de transports publics, les prestations opérationnelles, les routes nationales et cantonales. L'atteinte des objectifs figurait au budget de fonctionnement. Monsieur le président, c'est tout de même intéressant, il n'y a qu'à lire les programmes et on comprend tout de suite: «Transports et mobilité», «Infrastructures routières et de transports publics». Ce sont d'énormes chantiers en cours et, bien sûr, il n'y a pas de baguette magique ni de possibilité de régler ça simplement par un tour de passe-passe, parce que ce n'est le genre ni du parti démocrate-chrétien, ni de nos conseillers d'Etat, et surtout pas de M. Luc Barthassat ! Je trouve vraiment malhonnête de le stigmatiser comme celui qui ne ferait que parler sans agir, je maintiens qu'il fait ce qu'il dit et dit ce qu'il fait ! Je vous remercie.
M. Bertrand Buchs (PDC). J'aimerais revenir sur ce qu'a dit mon prédécesseur M. Florey sur les transports publics, car c'est très important. Concernant ce sacré questionnaire de M. Barthassat, tout le monde a hurlé au départ, mais comme quinze ou seize mille citoyens ont quand même répondu, certaines personnes trouvent brusquement qu'il est génial. Grâce à ça, on sait au moins maintenant que la population veut une mobilité douce au centre-ville ainsi que la priorité aux transports en commun, ce qui est très important; on ne peut pas dire qu'il s'agisse d'un mauvais sondage parce que les choses qui en sont sorties sont très intelligentes et importantes.
Lorsqu'on a étudié les offres des TPG à la commission des transports, tous les spécialistes sont venus nous dire que deux éléments priment dans la décision des gens de prendre les transports publics: la rapidité et le confort. Ce n'est pas le prix, ce n'est jamais le prix. On a donc la preuve qu'il est faux de prétendre que le fait de baisser les prix va inciter les gens à prendre les transports en commun. Comme l'a très bien dit M. Florey, les derniers chiffres montrent que la population n'a pas davantage pris les transports publics parce qu'ils étaient moins chers.
Par contre, si on est maintenant obligé de diminuer les fréquences du tram 12 et d'autres lignes parce qu'on n'a plus les moyens de faire autrement, parce qu'il n'y a plus de recettes, encore moins de gens vont opter pour les transports en commun, et je rejoins Mme Mazzone pour dire qu'on aura à nouveau des problèmes. Aussi, j'annonce que le parti démocrate-chrétien va déposer un projet de loi pour rétablir les tarifs antérieurs. Je vous remercie.
Une voix. Super, bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole au rapporteur de minorité, M. Alberto Velasco.
Une voix. De majorité !
Le président. Excusez-moi, je voulais dire le rapporteur de minorité, M. Cyril Aellen.
M. Cyril Aellen (PLR), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. J'ai écouté attentivement les différentes déclarations. Par rapport aux propos tenus, il me plaît de relever quelques éléments sur lesquels certains groupes devraient méditer. Tout d'abord, M. Deneys rappelait que les moyens ne sont pas tout et qu'il faut encore savoir ce qu'on en fait. Je me réjouis qu'il applique cela à la procédure budgétaire ! Je rappellerai ceci régulièrement sur les différentes politiques publiques: on a ici 3,5 millions de plus entre 2013 et 2014; constatons-nous une amélioration de la situation ? Voilà la question ! Il faut se demander s'il est nécessaire d'avoir davantage de personnes pour améliorer la situation, si le fait d'avoir plus d'employés améliore obligatoirement la situation. En l'occurrence, on relève 5,7% d'augmentation de postes fixes; la situation s'est-elle améliorée de 5,7% ? Je pose la question.
Parfois, ce parlement prend un certain nombre de décisions en adoptant des postures politiques, en disant par exemple qu'une baisse des tarifs des TPG aura pour résultat une augmentation de la fréquentation. On s'est battu, et maintenant on sait qu'une baisse des prix ne crée pas forcément d'augmentation de la fréquentation, on le sait. Aurons-nous le courage d'en tirer la conclusion qui s'impose ? Je me réjouis du dépôt du projet de loi du PDC qu'à titre personnel et en raison de cette conclusion, j'approuverai très certainement.
Enfin, les TPG iront-ils mieux si on leur donne plus de subventions ? Entre 2013 et 2014, Mesdames et Messieurs, la subvention a augmenté, elle est passée de 204 millions à 207 millions. Est-ce qu'il faut être pragmatique, par exemple avec la sous-traitance de certaines lignes ? On le sait, on a étudié la situation en commission, ce sont des coûts de 20% à 30% inférieurs: cela signifie qu'on a 20% à 30% de plus pour le même prix. Or qui était opposé à cela ? La question mérite d'être posée, et je vous laisse le soin d'y répondre personnellement. Voilà pour ce qui est des chiffres et de la gestion de cette politique publique.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité. Il est rare que je sois le rapporteur de majorité, Monsieur le président, voilà sans doute pourquoi il y a eu confusion ! (L'orateur rit.) J'aimerais dire au rapporteur de minorité qu'il est peut-être moins cher de transférer des prestations aux privés, mais les salaires ne sont pas les mêmes, Monsieur, ni les conditions de travail. Cela étant dit, j'ai une question à poser à M. le conseiller d'Etat: ce matin, on a pu lire dans la «Tribune de Genève» qu'il y aurait moins de trams entre 9h et 13h dès décembre. Or, parallèlement, on le sait, la pollution au centre-ville de Genève est de plus en plus importante. N'y a-t-il donc pas une sorte de contradiction à essayer de lutter contre la pollution tout en réduisant les trams ? Vous imaginez bien que la population ne comprendra rien du tout ! Peut-être le projet de loi du PDC va-t-il régler les choses, mais ce n'est pas parce qu'il y a une erreur dans un projet de loi qui a été soumis au peuple que celui-ci doit en payer les frais.
Par ailleurs, Monsieur le conseiller d'Etat, la collectivité au sens large du terme investit passablement de millions dans les revêtements phono-absorbants - en effet, quand les voitures passent, on entend beaucoup moins de bruit. Mais ce qu'on constate aujourd'hui, c'est que les deux-roues sont en augmentation constante dans cette république, les millions qu'on investit dans le phono-absorbant ne servent donc à rien du tout parce qu'il y a un bruit d'enfer. Là aussi, Mesdames et Messieurs, Monsieur le conseiller d'Etat, il y aurait un effort à faire de la part des collectivités par rapport aux sommes qu'elles investissent, par exemple en luttant contre la pollution au centre-ville, en favorisant les transports publics - non pas en les diminuant - et en veillant à ce que tous les engins respectent les normes qui leur sont imposées.
M. Luc Barthassat, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais tout d'abord m'excuser pour mon retard; comme vous le savez, l'actualité à propos de la gare Cornavin nous cause quelques soucis, ce qui tombe bien puisque nous parlons justement de mobilité. Concernant cette politique publique J, je vais résumer la situation en vous disant ceci: j'ai travaillé avec un budget qui avait déjà été amoindri par rapport à celui de ma prédécesseure, et ce budget a été tenu même s'il y a certaines variations d'un dicastère ou d'un service à l'autre. Non seulement le budget a été tenu, mais des mesures d'économies ont pu être prises afin de mettre davantage d'argent pour certaines choses qui nous paraissaient plus importantes, et nous n'avons demandé ni dépassements ni crédits supplémentaires. Si je porte un regard général sur ces comptes, Mesdames et Messieurs, nous avons donc respecté l'enveloppe budgétaire votée par vous-mêmes.
A propos des différents détails, vous me dites que nous ne faisons pas assez, pas assez souvent, pas assez vite. Une chose est sûre: quand je suis arrivé dans ce département, nous avons mis énormément de choses en place, des choses qui n'avaient jamais été entreprises ces quinze dernières années. Vous évoquez par exemple la fameuse initiative sur la mobilité douce votée par le peuple; je vous réponds que mes prédécesseurs auraient tout à fait pu la mettre en oeuvre bien avant que je n'arrive - d'autant qu'ils ne s'attendaient pas à ce que j'arrive ! Alors je veux bien reprendre le bébé, mais il faudrait de votre côté m'octroyer les financements nécessaires pour le nourrir et changer ses langes, faute de quoi nous n'y arriverons pas. Je l'ai dit, redit et je le répète encore une fois devant ce Grand Conseil: je dispose d'un crédit d'un million par année à destination de la mobilité douce. Si nous souhaitons respecter la volonté du peuple, il faudra m'allouer 2 millions supplémentaires; si ces 2 millions me sont accordés par vos soins, la Ville de Genève, sous la houlette de M. Pagani, serait prête à entrer en matière pour 2 millions de plus. En effet, je vous rappelle encore la chose suivante, Mesdames et Messieurs de la gauche comme de la droite: les fameux points noirs que l'on soulève sans cesse pour tenter d'assassiner le conseiller d'Etat se trouvent en ville de Genève, et pas forcément sous la responsabilité du canton ! Heureusement, nous travaillons main dans la main avec les services de M. Pagani pour trouver des solutions.
Ensuite, on demande pourquoi autant de frontaliers viennent chez nous. Eh bien tout simplement parce que notre essor économique en dépend ! En outre, ces personnes ne peuvent pas se garer dans des P+R qui auraient pu être financés pour une partie minime par l'Etat de Genève, puisque le peuple a refusé cette proposition. Et on reproche maintenant au Conseil d'Etat de ne pas s'être assez engagé, alors même que vous lui interdisez de s'engager à la moindre votation ? J'ai laissé passer les tarifs TPG, j'ai laissé passer les P+R; par contre, je n'ai pas laissé passer la rade, et nous avons gagné, je n'ai pas laissé passer le FAIF, et nous avons gagné. Vous vous doutez que j'ai bien compris la leçon et que je m'engagerai dorénavant envers et contre tout, même si cela en dérange certains.
S'agissant du chantier du CEVA, vous savez fort bien que j'en ai hérité. J'ai mis en place devant ce Grand Conseil un groupe d'experts qui, pas plus tard que cette semaine, ont été entendus par la commission des travaux et se sont exprimés de manière tout à fait libre en présentant des directives et des marches à suivre pour l'élaboration des travaux. Voilà qui a changé beaucoup de choses non seulement par rapport à l'équilibre du chantier et tout ce qui touche aux adjudications, mais également par rapport à beaucoup d'éléments sur lesquels vous n'étiez pas satisfaits. Désormais, un rapport trimestriel est communiqué, ce qui n'était pas la coutume avant mon arrivée, c'est nouveau aussi - il est dommage que les autres n'y aient pas pensé non plus auparavant.
Pour en revenir à la gare Cornavin et puisque je vous ai dit que nous avions gagné la votation sur le FAIF, je me permets de vous répéter que nous nous sommes positionnés sur la base d'estimations, nous l'avons dit durant toute la campagne, et d'aucuns feraient bien de relire quelque peu les communiqués de presse pour pouvoir se rappeler que ces prix étaient une estimation. Un nouveau comité de pilotage composé d'experts va se réunir samedi prochain; ils devraient pouvoir nous renseigner quant au coût fixe de cette gare de Genève. On peut lire aujourd'hui dans la presse qu'elle sera réalisée plutôt en 2030 qu'en 2025; je ne vais pas vous dire qui s'amuse à jouer à ce petit jeu malsain. En tout cas, nous oeuvrons conjointement et de manière assez soudée avec la Ville de Genève, voire avec l'office fédéral concerné, pour contrôler les prix, et nous viendrons vous en parler, non pas avec des propos alambiqués, parce que je ne bois pas d'alcool la semaine - ou seulement de temps en temps le soir - mais de façon suffisamment transparente pour ne plus avoir besoin de vous répéter le même sermon à chaque séance, sermon que certains ne veulent toujours pas entendre.
Je veux bien que nous n'en ayons pas assez fait pour la mobilité douce alors que cela figurait dans des budgets dont je ne dispose pas, je veux bien que de petits problèmes subsistent dans le dossier de la gare Cornavin alors que nous avons tout mis en oeuvre avec la Ville de Genève pour tenir bon face aux pressions, notamment des CFF, et aux coûts qui nous étaient proposés, je veux bien qu'on nous accuse s'agissant du CEVA. Mais aujourd'hui, le CEVA ne cause plus aucun dépassement et les budgets sont tenus, et s'ils venaient à dépasser un jour, je vous en ferais part en toute transparence, comme je l'ai fait avec les bilans trimestriels, une transparence que vous n'aviez jamais connue ces dernières années. Si le fait d'être transparent, de boucler les comptes, d'entreprendre des mesures d'économie, de réduire la voilure pour pouvoir renforcer les investissements ne vous plaît pas, alors, Mesdames et Messieurs, c'est que vous demandez des miracles - je suis parfois en ligne directe avec le bon Dieu, et même lui pousse de drôles de soupirs en vous entendant. Je veux bien qu'on fasse de la politique dans cet hémicycle, je veux bien qu'on mette la pression sur le Conseil d'Etat, mais, au bout d'un moment, si ces petites haines ne cessent pas, nous n'arriverons à rien !
Concernant la traversée du lac, j'ai déposé un rapport et un plan d'action, que je maintiens et qui prévoient le premier coup de pioche en 2025 avec un aboutissement escompté en 2030. Hier encore, nous étions réunis, notre conseillère fédérale, Mme Doris Leuthard, M. le président Longchamp, mon collègue Hodgers et moi-même, pour parler de certains sujets comme les surfaces d'assolement, le transport du chlore et bien entendu la traversée du lac, et déterminer si Genève pourrait commencer à travailler en disposant d'un préfinancement. Je ne vais pas vous donner de source ou vous dévoiler de secret, mais, même si certains disent que ce n'est pas possible, si nous considérons notre future traversée du lac comme une route cantonale, s'il s'agit simplement de demander l'autorisation pour un péage urbain, nous n'aurons même pas besoin de passer par Berne. De nouveau, les socialistes s'époumonent à grands cris, mais cela figurait dans mes propositions de campagne depuis bien longtemps. Je crois, Mesdames et Messieurs, qu'au lieu de faire de la politique politicienne, vous devriez vous placer au-dessus de la mêlée et regarder le bien commun, respecter tout ce qui est en train de se mettre en place de manière concrète. Je ne parle même pas du projet de loi sur la mobilité; encore une fois, combien d'années y a-t-il que le libre choix des transports a été voté ? Personne n'avait bougé ! Le seul à avoir bougé, c'est moi, en essayant de réunir toutes les forces politiques.
Vous parlez de pollution, mais, Mesdames et Messieurs, voilà dix ans que des Verts sont au pouvoir...
Le président. Il vous faudra conclure.
M. Luc Barthassat. ...et jamais personne n'a proposé d'établir la limitation à 80 kilomètres à l'heure, jamais personne n'est allé concrètement émettre des réserves, plus de 400 000 F ne sont pas dépensés aujourd'hui alors qu'on pourrait offrir un demi-tarif pendant les pics de pollution. Mesdames et Messieurs, les choses n'ont jamais autant bougé en quinze ans que depuis dix-huit mois, alors respectez mes efforts pour obtenir votre confiance. Refuser les comptes aujourd'hui serait un non-sens par rapport à tout ce qui est en train de se mettre en place. Raisonnez-vous, et s'il n'est pas possible de le faire à gauche, essayez de le faire au centre et à droite. Si vous ne voulez pas le faire du tout, nous passerons outre les résultats de demain et cela nous fera tout simplement revenir en arrière par rapport à ce que vous souhaitez aujourd'hui. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat, et lance le vote sur cette politique publique.
Mise aux voix, la politique publique J «Mobilité» est rejetée par 65 non contre 13 oui et 5 abstentions.
K - SANTE
Le président. Nous passons à la politique publique K «Santé». La parole revient au rapporteur de majorité, M. Alberto Velasco.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. M. Poggia n'est pas là, et j'aurais voulu lui poser une question concrète. Je m'interroge en effet, parce que dans le rapport de gestion, sous le programme K02 «Régulation sanitaire», sous le titre «Projets d'importance stratégique», il est indiqué: «Sur les neuf premiers mois de l'année 2014, les coûts totaux ont augmenté de 1,4% dans le canton de Genève contre 1,1% en Suisse.» Ensuite, un peu plus loin dans le même paragraphe, on peut lire: «Comme en 2013, l'augmentation de la facturation de la médecine ambulatoire est cependant restée la principale cause de la hausse.» Alors là, Monsieur le président, je ne comprends rien du tout ! On nous répète sans arrêt que la médecine ambulatoire a pour objectif de diminuer le nombre de lits, même si une partie des charges est reportée sur les malades. Je ne comprends plus rien parce que cette politique avait justement pour but fondamental de diminuer les coûts, et on nous dit ici que la principale cause de l'augmentation des coûts, c'est la politique ambulatoire ! Je ne comprends rien du tout, et c'est dommage que M. le conseiller d'Etat ne soit pas là.
Le deuxième élément sur lequel j'aimerais intervenir, Monsieur le président, c'est l'IMAD: dans ce qui nous est présenté ici, il n'est fait mention d'aucun des problèmes dont souffre l'IMAD aujourd'hui, c'est-à-dire une sous-dotation de personnel par rapport aux prestations à fournir, alors même que ces charges sont justement couvertes par la facturation. Or s'il y a bien un domaine où on peut vraiment engager des personnes parce qu'elles sont de toute façon couvertes par la facturation, c'est là ! On ne répond pas aux besoins de l'IMAD, et cela crée du stress et un taux d'absentéisme importants. Voilà, Monsieur le président, j'aurais aimé que le conseiller d'Etat nous réponde là-dessus, mais il n'est malheureusement pas là - soit. Merci.
Mme Sarah Klopmann (Ve). Beaucoup de choses concernent la santé cette année. D'abord, nous lisons dans ce rapport que le conflit avec les assurances-maladie a été en partie réglé et que les Genevois vont être partiellement remboursés des primes payées en trop. Le Conseil d'Etat nous annonce qu'il est très satisfait de cette situation. Or nous, les Verts, ne le sommes pas vraiment car être un peu remboursés est la moindre des choses, et nous trouvons simplement scandaleux de ne pas l'être complètement. Nous souhaiterions donc que le Conseil d'Etat continue de défendre les Genevois auprès des assurances-maladie.
Nous apprenons ensuite que la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients comporte neuf nouveaux membres. Il semble cependant que ces membres soient pratiquement tous issus du corps médical et qu'il n'y ait dans cette commission qu'un seul représentant des patients, une représentante, en l'occurrence, qui n'est apparemment pas très bien écoutée. Cela est dommage et ne peut que nous encourager à agir beaucoup plus en amont en ajoutant un représentant des patients au conseil d'administration des HUG. Je parlerai des HUG plus tard dans les débats, mais j'aimerais déjà souligner que les Verts sont proprement scandalisés par le fait que les HUG se permettent de ne pas respecter la loi - je parle évidemment de la loi demandant de ne plus offrir de quatorzième salaire aux cadres des HUG qui ne sont pas médecins - et souhaitent que bon ordre soit remis.
L'autre axe essentiel de la santé, pour les Verts, est évidemment la promotion de la santé et la prévention des maladies. Dans ce cadre-là, nous avons certes de bons programmes et de bonnes campagnes de prévention; néanmoins, sur les aspects concrets, nous regrettons une certaine mollesse et même un abandon de certaines priorités. L'axe visant à permettre aux gens de faire de l'activité au quotidien n'est maintenant plus que l'axe manger et marcher à pied; l'axe cyclable est ainsi totalement oublié, tout cela pour ne pas construire de pistes cyclables à Genève, ce qui est vraiment malheureux compte tenu du fait que le Conseil fédéral, dans ses programmes de prévention des maladies et de promotion de la santé, insiste sur l'intérêt et l'utilité d'aménager des pistes cyclables dans les villes pour la santé des citoyens. Nous regrettons par ailleurs que le Conseil d'Etat soit fier de nous annoncer qu'il continue son combat contre la prolifération du VIH, alors même qu'il refuse encore et toujours d'appliquer la gratuité des tests VIH que nous lui avons pourtant demandée et que nous redemanderons encore.
Enfin, concernant l'IMAD, nous en reparlerons aussi plus tard, mais vu que le rapporteur de majorité - c'est tellement étrange ! - l'a déjà mentionné, je souligne déjà ceci: les employés de l'IMAD doivent maintenant faire face à beaucoup plus de patients puisqu'ils sont obligés de les accepter, et il est clair que c'est pour eux un défi extrêmement difficile à relever. En effet, en plus de l'augmentation des personnes, il y a également des cas de plus en plus lourds, comme certains patients qui nécessitaient avant une visite deux ou trois fois par semaine et qu'il faut maintenant aller voir six à sept fois par semaine ! L'IMAD a évidemment besoin de davantage de personnel et de moyens. Nous, les Verts, soutiendrons cette institution et espérons que le reste du parlement en fera de même.
M. Jean-Charles Rielle (S). Chères et chers collègues, l'examen de la politique publique K «Santé» nous conduit à nous poser toutes sortes de questions. Pour ma part, j'en ai deux - d'autres personnes de mon groupe prendront la parole par la suite. La première concerne le dossier informatisé du patient, MonDossierMedical.ch. Ce système peut être une source d'économies et de meilleurs contrôles des examens effectués et des prescriptions données aux patients. Certes, des volontés s'affichent, quelques mesures sont prises, mais le dossier semble avancer au ralenti: 900 personnes en 2013, 2000 en 2014. Les HUG et l'IMAD devraient en être les moteurs, de pair avec les médecins de ville et l'AMG, sans oublier les patients eux-mêmes. Ma question est la suivante: que compte faire le département pour accélérer de manière significative la mise en place et la promotion du dossier informatisé du patient ?
Ma deuxième question est en lien avec le TARMED. Vous savez que le conflit sur la valeur du point TARMED a été réglé, les HUG avaient recouru et gagné devant le Tribunal fédéral. Résultat: une économie de 59,3 millions avait été réalisée, et à quel prix humain: sur l'effort de gestion et de rationalisation au niveau du fonctionnement. Les HUG voulaient que la majeure partie de cette provision soit affectée à des réserves pour des investissements futurs, ce que le Conseil d'Etat a refusé. La source de ces 59,3 millions est décomposée ainsi: 52,4 millions d'économie de 2012 à 2014 grâce aux mesures «Per4mance» et 9,6 millions prélevés sur la réserve quadriennale 2008-2011. Le Conseil d'Etat est-il conscient de l'effort fourni, notamment par le personnel, et cette provision ne devrait-elle pas mieux servir en étant utilisée pour améliorer les conditions internes et l'environnement de travail, afin de respecter davantage les collaborateurs et collaboratrices de l'hôpital ? Je vous remercie.
M. Thomas Bläsi (UDC). Messieurs les conseillers d'Etat, Messieurs et Mesdames les députés, évoquons tout d'abord les points qui font plaisir s'agissant de la politique de la santé, comme MonDossierMedical.ch, dont a parlé M. Rielle; je ne reviendrai pas dessus mais c'est effectivement un dossier intéressant dont il faut suivre l'évolution. Deuxième point qui fait plaisir: le désossement de ce lieu de plaisir souterrain des HUG, qui a coûté 700 000 F et nous a tous fait passer pour des abrutis. Peut-être, si je reprends les arguments de M. Genecand, aurait-on dû construire un bistrot en surface, les constructions en sous-sol coûtant plus cher !
L'UDC, comme vous le savez, a déposé plusieurs motions concernant notamment la dermatologie, où un certain nombre de membres du personnel ne sont toujours pas payés, l'ophtalmologie en raison de l'intervention directe du premier concurrent des HUG dans le processus de nomination de la cheffe de service, l'orthopédie, la psychiatrie et la maternité. J'aimerais encore évoquer la récente enquête administrative sur le service de comptabilité qui pose problème à l'UDC: à l'heure actuelle, nos informations nous permettent de vous dire que pendant cinq ans, une facture d'un million a été adressée par un avocat de la place à la comptabilité des HUG, qui l'a honorée, ainsi qu'une facture de 5 millions pour la dernière année, soit une facturation totale de 10 millions ! Les HUG se sont acquittés de cette facturation provenant d'un avocat dont nous ne savons rien: pour qui, pour quoi ? Nous n'avons pas l'once d'un début d'explication sur les contre-prestations générées par ces 10 millions. Alors, à ce stade, les HUG refuseront évidemment ces comptes et demanderont des explications au département. Merci, Monsieur le président.
Des voix. Les HUG ?!
M. Thomas Bläsi. Excusez-moi: l'UDC refusera évidemment ces comptes et demandera des explications au département.
Présidence de M. Jean-Marc Guinchard, premier vice-président
M. Bernhard Riedweg (UDC). Les charges de cette politique publique sont de 1,1 milliard, ce qui représente 13,7% du total des charges du canton - c'est le deuxième plus gros poste de charges de toutes les politiques publiques. Les subventions accordées sont les plus importantes avec 1 milliard et représentent 27% du total des subventions accordées, qui s'élève à 3,7 milliards. La subvention est de la consommation immédiate; si le bénéficiaire ne guérit pas, la subvention durera la vie entière, et celui-ci peut devenir victime d'addiction. Il faut que la subvention soit un médicament et que l'état du patient s'améliore, faute de quoi les bénéficiaires s'habituent aux subventions et certains d'entre eux ne font plus d'efforts. L'Etat peut subventionner sans limite pour chercher à plaire mais il sera bien obligé, à un moment ou à un autre, de diminuer une partie des subventions pour les bénéficiaires, ce qui aura une influence directe sur les salaires du personnel et diminuera les charges. Le canton de Genève a payé 50 millions pour les citoyens ayant un contentieux avec les assurances-maladie et présentant des factures impayées qui se sont soldées par un acte de défaut de biens. C'est le paiement le plus élevé de Suisse, soit 118 F par assuré, et l'augmentation est de 10% par rapport à l'année précédente. Merci, Monsieur le président.
M. Edouard Cuendet (PLR). L'audition des HUG était assez satisfaisante dans la mesure où on a pu constater que la progression des frais était moindre à Genève par rapport aux autres hôpitaux universitaires du pays. Cependant, cette augmentation plus faible est trompeuse parce qu'on part malheureusement de beaucoup plus haut: à Genève, nous avons en effet les coûts de la santé par point les plus élevés de Suisse. Cela a été confirmé lors de l'audition des HUG et provient d'ailleurs de leur propre rapport, qui est fort bien fait: le coût du point DRG, qui est au fond la base de calcul au niveau suisse, est de 12 000 F à Genève alors que celui des autres hôpitaux universitaires suisses est en moyenne de 11 000 F. Le temps qu'il nous faudra pour rattraper cette différence se compte ainsi en années et, dans l'absolu, nous sommes pour l'instant toujours beaucoup plus chers que les autres hôpitaux universitaires.
Mais pourquoi donc ? Comme vous le savez, j'aime beaucoup faire des comparaisons. Pourquoi donc sommes-nous beaucoup plus chers ? Parce que, et ça ressort du rapport des HUG, les coûts de personnel sont de 15% à 20% plus chers à Genève que dans les autres hôpitaux universitaires suisses. Pour le personnel infirmier, ça représente même jusqu'à 25% de plus qu'au CHUV. Il ne faut donc pas s'étonner si nos coûts de la santé prennent l'ascenseur plus rapidement qu'ailleurs. On me rétorque que le coût de la vie est plus élevé à Genève. Alors permettez-moi ma petite minute MCG: parmi le personnel infirmier, c'est une réalité dont il faut être conscient, 70% des employées et employés - mais ce sont surtout des employées dans ce domaine-là - résident en France. Il ne faut pas me dire que la question du coût de la vie joue un rôle là-dedans puisque celui-ci est moins élevé en France et qu'en plus, par l'effet de la décision de la Banque nationale, le niveau de vie de ces personnes a explosé de 15% à 20% depuis le 15 janvier. C'est donc un argument fallacieux de dire que la différence de salaire se justifie par la différence du coût de la vie. A l'inverse, les médecins des HUG sont moins bien payés qu'au CHUV...
Une voix. C'est un scandale !
M. Edouard Cuendet. C'est vrai, et ça conduit à un problème, à savoir qu'on a de la peine à retenir les médecins aux HUG parce qu'ils migrent dans d'autres cantons suisses où ils sont mieux payés. Et puis le sommet de la pyramide - c'est une pyramide un peu inversée - c'est l'exemple des nettoyeurs: aux HUG, les nettoyeurs sont payés 1500 F de plus par mois que ce qui figure dans la convention du nettoyage. Vous voyez qu'on se trouve dans une situation qui nous conduit à des aberrations et à des coûts nettement plus élevés qu'ailleurs, je tenais à le relever.
Une autre spécificité de Genève, c'est qu'on consacre - c'est vrai et c'est tant mieux - beaucoup de moyens à différents silos: le silo des HUG, celui de l'IMAD, celui des EMS, et entre tous ces silos devrait fonctionner un réseau de soins. Or il ressort des auditions que ce réseau de soins ne marche pas; il fonctionne par le biais de colloques, de conférences, de groupes de réflexion, de «think tanks», de toutes sortes de choses un peu abstraites mais qui concrètement ne marchent pas. L'une des meilleures preuves que ça ne marche pas, c'est le nombre de patients en attente de placement aux HUG, qui stagne autour des deux cents personnes et coûte extrêmement cher à notre système de santé. Là aussi, il y aurait des efforts à faire.
En revanche, ce que je salue en termes de réseau de soins, c'est l'intégration des cliniques de Joli-Mont et de Montana aux HUG. En effet, la clinique de Montana s'était retrouvée dans une situation catastrophique et ne trouvait même plus de médecin responsable, elle était à peu près en déshérence, ce qui posait de gros problèmes de gestion. Par conséquent, il me paraît juste qu'elle soit placée sous la houlette des HUG en termes de gestion, tout en conservant une certaine autonomie dans les soins.
Enfin, mon collègue Alberto Velasco, avec qui j'ai le privilège de mener les auditions en sous-commission de la commission des finances, a évoqué l'IMAD. Depuis quelques années, l'IMAD a fait des efforts d'efficience absolument remarquables et prend des décisions courageuses. Il nous a été expliqué que les heures de soins étaient en augmentation de 8% alors que les heures d'aide pratique, elles, diminuaient. La directrice nous a indiqué qu'il n'était pas évident de faire diminuer les heures de soins parce qu'à Genève, dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, on s'était habitué à un certain confort et qu'un certain nombre de ces heures de soins ne se justifiaient pas pour des raisons médicales: pour les gens à domicile, c'était devenu au fond une manière d'avoir une femme de ménage payée par la collectivité. Je dois saluer la force de caractère de la direction de l'IMAD, qui résiste à notre tendance genevoise à nous comporter en enfants gâtés et à croire que tout nous est dû; et je pense que d'autres secteurs de l'Etat devraient s'inspirer de ce bel exemple. Je vous remercie.
Une voix. Bravo ! (Quelques applaudissements.)
Présidence de M. Antoine Barde, président
M. Patrick Saudan (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, je ne fais pas partie de la commission de la santé et, en tant que médecin des HUG, je ne vais pas m'exprimer sur des thèmes ayant trait à cet établissement. Néanmoins, j'ai été quelque peu déçu en lisant les chapitres consacrés à la politique de la santé tant dans le projet de loi que dans le livre. En effet, au moment des comptes, on devrait tirer un bilan et faire certains constats. Or un constat n'est pas fait à Genève - hormis par le département, je le concède, parce que M. Poggia y fait mention - c'est le problème de l'obésité. Il existe un indicateur tout simplement effarant, une bombe atomique bien plus importante que tous les problèmes de santé évoqués jusqu'à maintenant, à savoir les 10% d'enfants entre 4 et 6 ans qui se trouvent déjà en surpoids, dont 3% sont obèses.
On peut ergoter sur les coûts de la santé et expliquer pour quelles raisons ils augmentent, notamment à cause de salaires un peu plus élevés à Genève, M. Cuendet a tout à fait raison. Si les coûts de la santé représentent 18% du PIB aux Etats-Unis, ils s'élèvent à peu près à 11% à Genève, la différence étant simplement liée au fait qu'il y a davantage de gens en surpoids aux Etats-Unis. Or on est en train de prendre le même chemin que les Etats-Unis, et nos coûts de la santé vont exploser à l'avenir si on ne fait rien. C'est au niveau de l'école qu'il faut intervenir par rapport à ces 10% d'enfants en surpoids ! Mais excepté M. Poggia qui, dans le projet de loi, indique que le parlement doit s'associer aux campagnes de promotion de la santé contre l'obésité, je n'ai relevé chez les commissaires des finances ou de la santé aucune mention de ce problème, qui est bien plus important que tous les problèmes évoqués jusque-là s'agissant de la politique de la santé. Je vous remercie.
M. Jean-Luc Forni (PDC). On peut évidemment toujours se plaindre de notre système de santé, c'est vrai qu'il pourrait être amélioré. Par définition, le Genevois est râleur, il voudrait tout, tout de suite, et que tout soit pris en charge et remboursé; cela a inévitablement un coût. Mais je crois qu'il y a quand même une certaine vision de la maîtrise des coûts dans notre canton, notamment via les accords passés avec les hôpitaux vaudois voisins comme le CHUV, par exemple s'agissant de la prise en charge hospitalière à Genève de certains patients du canton de Vaud et de Nyon en particulier ou, à l'inverse, de Genevois dans le canton de Vaud, qui a permis de mettre en place des accords de facturation. On voit aussi que le contingentement attribué aux cliniques permet de trouver une solution satisfaisante, à l'exception d'un cas, pour que les patients qui ne pourraient pas être pris en charge rapidement dans une structure LAMal puissent l'être dans une clinique au tarif LAMal. Evidemment, on peut voir tous les points négatifs, comme peut-être le manque d'écoute des patients au niveau de la commission de surveillance, on a effectivement l'impression que les patients sont un peu oubliés dans l'histoire. Cela signifie-t-il pour autant qu'il faut introduire un représentant des patients au sein du conseil d'administration des HUG ? Là, je crois qu'on se trompe de débat.
Le système de santé de notre canton comprend plusieurs éléments favorables comme MonDossierMedical.ch qui, malgré le fait qu'il ait un peu de peine à démarrer, est tout de même le seul dossier informatisé reconnu comme vraiment fonctionnel en Suisse. Notre optique est de pouvoir trouver et générer une communication entre patients, éviter par la diffusion d'informations la redondance de certaines pratiques ou de certains examens et peut-être aussi, résultat final de tout cela, quantifier certains coûts par pathologie, ce que le système de santé genevois ne peut pas se permettre de faire aujourd'hui. Je pense que c'est un élément extrêmement important, même s'il comporte quelques défauts de jeunesse notamment quant à l'enregistrement des patients. Un nouvel essor nous est promis pour cet été avec un enregistrement plus facile, qui permettra de multiplier le nombre des patients; mais il faut aussi que les professionnels de la santé s'impliquent davantage dans l'échange et la transmission des données, faute de quoi cela restera un bel outil mal utilisé.
On a également parlé des coûts de la santé. A Genève, l'un des axes prioritaires de notre plan cantonal de promotion de la santé, comme l'a rappelé M. Saudan, est l'obésité. Il faut vraiment que, sous l'impulsion de la direction générale de la santé, tous les professionnels du secteur, mais aussi les milieux en contact avec les adolescents - je pense au DIP - se mobilisent pour éviter que les jeunes ne suivent l'exemple américain, et ne pas négliger l'apport du tissu associatif et les compétences que l'on peut trouver au sein du réseau. Trop souvent, en effet, on estime que le milieu associatif coûte trop cher à la collectivité, mais il faut également prendre en compte les bénéfices que ce milieu peut apporter, en synergie avec les organismes d'Etat concernés. Je vous remercie de votre attention.
M. Christian Frey (S). J'aimerais reprendre la question des réseaux de soins mais pas tout à fait de la même manière que le député Cuendet - vous lui transmettrez, Monsieur le président. Aujourd'hui, nous recevons de la part de M. Poggia, qui est absent, une communication de presse nous indiquant qu'un nouveau portail web informe la population genevoise sur les prestations d'aide et de soins disponibles dans le canton. C'est daté d'aujourd'hui, 25 juin, juste au bon moment. Mais j'ai envie de dire que s'il n'y a pas de personnes, d'assistants sociaux, d'infirmières, bref, de professionnels pour dispenser ces prestations, ça ne sert à rien de faire de la pub ! Il faudrait peut-être dire à M. Poggia - vous lui transmettrez, Monsieur le président - de cesser de faire de la pub pour le réseau de santé tant qu'il n'y a pas assez de professionnels pour répondre aux besoins.
La question de l'IMAD a été mentionnée par le député Cuendet; je souhaite l'aborder aussi, non pas pour dire qu'on renonce enfin à des prestations de confort afin que l'IMAD se concentre sur les vrais problèmes - on reviendra sur ceux-ci au moment où on traitera le rapport sur la gestion de l'IMAD - mais pour souligner que le problème des réseaux de soins reste exactement le même. En 2014, deux cents personnes attendaient à l'hôpital une place en EMS, un chiffre qui a momentanément diminué grâce à l'ouverture de places dans deux EMS, Béthel et Liotard, pour immédiatement remonter à deux cents personnes en attente à la fin de l'année, vu la demande. On voit qu'il y a un véritable problème. Pour aller un tout petit peu dans le sens de M. Cuendet, un logiciel est en train d'être mis en place, qui est d'ailleurs mentionné dans le rapport, à savoir le projet «Gesplace». J'aurais souhaité poser une question au magistrat sur la mise en fonction de ce logiciel ainsi que sur les premiers résultats obtenus, mais il n'y aura probablement personne pour répondre, je resterai sur ma faim.
En résumé, il faut du personnel pour répondre aux besoins, et c'est ce que la directrice de l'IMAD nous a dit - nous y reviendrons au moment d'analyser la question de l'IMAD. Pour cette raison et pour celles mentionnées par mon collègue Jean-Charles Rielle, qui s'est exprimé précédemment, un certain nombre d'entre nous, au groupe socialiste, s'abstiendront sur cette politique parce qu'elle n'est pas correctement menée pour le moment. Je vous remercie.
M. François Baertschi (MCG). Dans une politique de santé, les attentes sont énormes. Il est vrai qu'on pourrait avoir un nombre de soignants considérable mais, à un moment donné, la réalité apparaît, à laquelle il faut donner suite. Il est certain que nous avons une médecine de haut niveau, il est certain également que des domaines doivent être améliorés; c'est la logique du système, je pense que c'est la logique de tout système.
Pour en revenir aux HUG, certaines améliorations de gestion ont été amenées l'année dernière, et ce à plusieurs niveaux - on voit d'ailleurs que les comptes sont très favorables en termes purement financiers, ce qui est à notre sens un élément positif. Toutefois, il reste un nuage s'agissant des ressources humaines: les HUG ont un effort considérable à faire pour améliorer les ressources humaines, qui sont vraiment le point faible de l'institution. A côté de ça, il faut malgré tout relever qu'un effort important a été fait au niveau des engagements; d'après ce qui nous a été transmis en commission, 150 personnes ont été engagées directement via l'office de l'emploi, c'est-à-dire qu'il y a un effort pour engager des résidents genevois dans des domaines techniques ou administratifs, qui ne sont pas des domaines de soins mais où il y a d'énormes possibilités d'emploi. Là, le travail a été fait de manière considérable. Il y a encore un énorme travail à réaliser concernant les soins, notamment pour augmenter le nombre de professionnels des soins au niveau de la formation afin qu'ils puissent être engagés au sein des HUG.
Quant à l'IMAD, il est vrai qu'on constate une amélioration, sans doute grâce à l'enveloppe financière considérable utilisée, qui ne correspond plus au centime additionnel qui avait été prévu et voté à l'époque pour l'aide à domicile, et on peut s'en réjouir. On apprend notamment que la doyenne du canton, qui avait plus de 105 ans et habitait dans le Mandement, a pu être soignée chez elle jusqu'à la fin de ses jours, si je ne m'abuse. Nous avons donc un système performant, en avance sur celui d'autres cantons. Ce système, c'est certain, est gigantesque et comprend un nombre de professionnels considérable, qui se comptent en dizaines de milliers de personnes, ce qui nécessite bien évidemment un suivi constant afin d'éviter tous les dysfonctionnements possibles, et ça, c'est notre travail. Mais, de manière globale, le résultat est positif selon le MCG. Je vous remercie.
M. Bertrand Buchs (PDC). J'aimerais juste rappeler qu'on parle du département de la santé; lorsqu'on abordera les comptes et les rapports de l'hôpital et de l'IMAD, on pourra revenir sur ces structures, mais là, on doit se concentrer sur ce que fait le département. Le grand problème, c'est que si on enlève l'hôpital, si on enlève l'IMAD, si on enlève un tas de choses, le rôle premier que devrait jouer le département est celui de la prévention. Certes, il y a des plans de prévention, des réunions, on en parle, mais ça reste malgré tout le parent pauvre de la santé. Eh oui, la prévention reste malheureusement le parent pauvre, mais pas seulement à Genève, partout en Suisse !
Ceci alors que, comme l'a très bien dit M. Saudan, on rencontre des problèmes de santé publique majeurs dans ce canton sans se donner les moyens de les traiter. Ça, c'est en dehors des assurances-maladie, en dehors du fonctionnement de l'hôpital ou de l'IMAD. Les problèmes majeurs que l'on constate sont les suivants: obésité chez les jeunes, santé chez les personnes âgées, soins à domicile, maintien à domicile des personnes âgées, familles et proches aidants qui doivent prendre en charge les gens à domicile. Je pense qu'on ne donne pas assez de moyens à l'Etat pour pouvoir régler tous ces problèmes, on n'en parle pas assez dans les rapports. Chaque année, on redit la même chose s'agissant de la prévention; chaque année, pas un sou supplémentaire n'est versé. Il nous revient donc aussi à nous, députés, de réfléchir et peut-être d'augmenter les crédits pour la prévention parce que c'est très important.
Je voudrais encore faire une autre remarque: si je regarde le fonctionnement du canton de Vaud, je remarque une collaboration beaucoup plus directe entre le gouvernement et les grandes structures comme le CHUV, lequel n'a pas de conseil d'administration et est géré conjointement par le conseiller d'Etat M. Maillard et le directeur de l'hôpital. Je crois qu'on gagnerait probablement en efficience et qu'on éviterait les silos évoqués par M. Cuendet si on avait un contrôle direct de l'Etat sur ces grandes structures; peut-être pouvons-nous nous demander s'il ne faudrait pas un jour intégrer l'hôpital et l'IMAD au petit Etat. Je vous remercie.
M. Bernhard Riedweg (UDC). A Genève, 107 703 personnes, soit 22% de la population, sont au bénéfice de réductions individuelles de primes de l'assurance obligatoire des soins LAMal, ce qui correspond à environ 272 millions. Ces personnes n'ont pas d'assurance-maladie complémentaire. Pour les HUG, l'objectif est de maintenir le canton parmi les meilleurs sites hospitaliers universitaires de formation et de recherche en comparaison tant nationale qu'internationale, tout en accroissant la compétitivité. Le leitmotiv des HUG, c'est de devenir plus humains durant les cinq années à venir: cela passe, selon les mots du président du conseil d'administration, par un plus grand bien-être du patient, de l'humanisme, le sens de l'autre, la cordialité, l'empathie et le sens du service public.
Mais le contexte est difficile pour cet hôpital de 10 500 employés, avec l'augmentation et le vieillissement de la population. Il faudra compter avec la mobilité accrue des patients, la concurrence des cliniques privées et la modernisation des infrastructures. A lire la presse de ce mois de juin 2015, l'autosatisfaction semble de mise: en encourageant l'excellence clinique, la stimulation de la culture et la qualité, en assumant les responsabilités sociale et environnementale, les responsables des HUG disent qu'ils sont sortis de l'époque difficile où l'essentiel du discours portait sur les économies. Mais n'oublions pas que les HUG doivent rester un hôpital et non un hôtel cinq étoiles assurant un confort au patient, ce qui aurait des conséquences financières pour l'Etat ainsi que sur les primes d'assurance-maladie.
L'analyse de l'évolution des coûts totaux à charge de l'assurance obligatoire des soins montre que ceux-ci ont augmenté de 1,4% à Genève contre 1,1% en Suisse. Par contre, la progression annuelle des coûts semble s'être considérablement ralentie par rapport aux deux années précédentes, qui avaient été marquées par la réforme du financement hospitalier et la levée de la clause du besoin concernant les médecins. L'administration des HUG est d'environ 30% supérieure à la moyenne européenne pour les hôpitaux de même catégorie. Dans cette politique publique, Mesdames et Messieurs les députés, il y a des économies possibles à faire au niveau des soins hospitaliers de pointe et des salaires fixés par les grilles salariales de l'Etat, qui engendrent un surcoût de plus de 10% par rapport aux hôpitaux des autres cantons suisses. Merci, Monsieur le président.
Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais tout d'abord excuser Mauro Poggia, qui est absent pour le moment mais va arriver sous peu. Il s'est en effet rendu à Berne pour une conférence intercantonale, et les calendriers de notre canton ne sont hélas pas forcément les mêmes que ceux des autres gouvernements ! C'est ainsi souvent assez compliqué, d'autant plus quand on ne sait pas exactement à l'avance à quel moment telle politique publique sera traitée. Puisque nous reprendrons le livre avec les aspects financiers demain, il est évident que M. le conseiller d'Etat Poggia pourra répondre aux questions plus techniques; elles ont été consignées par le département via M. Marc Brunazzi ici présent.
Cela dit, je peux déjà vous donner quelques éléments de réponse maintenant. Mme Klopmann est intervenue, et à juste titre, sur le quatorzième salaire aux HUG. Pour votre information, le Conseil d'Etat, lors de sa séance d'hier, a pris la décision d'écrire aux HUG pour leur demander d'appliquer la loi. On peut penser ce qu'on veut du fond de cette loi, on peut être d'accord ou non, mais il s'agit en l'occurrence de l'appliquer, et le Conseil d'Etat va le rappeler aux HUG. S'agissant de l'IMAD, je peux vous indiquer qu'en 2014, une vingtaine - sauf erreur - d'ETP supplémentaires ont été ajoutés, mais sur le budget de l'IMAD lui-même, c'est-à-dire qu'ils peuvent être financés avec la facturation de l'IMAD. Concernant le dossier informatisé du patient, MonDossierMedical.ch, vous savez qu'il est assez difficile de convaincre les gens tout comme les médecins, il y a souvent une certaine méfiance, la peur que ces informations ne soient utilisées d'une manière ou d'une autre. Il faudrait déjà essayer de convaincre chez les petits, et l'une des pistes pourrait d'ailleurs être le développement de ce système en pédiatrie. Nous savons par ailleurs que la commission des finances est intéressée par ce sujet et qu'une présentation lui sera bientôt faite - peut-être les députés eux-mêmes se laisseront-ils convaincre ! L'idée est également de faire une présentation à l'ensemble des députés ici, dans la salle des Pas-Perdus: si l'on convainc cent personnes et éventuellement leurs proches, cela pourra créer un effet boule de neige qui nous mènera plus loin.
J'ai été extrêmement intéressée par l'intervention des députés Saudan et Buchs sur la question de l'obésité et de la prévention. Il s'agit d'un débat important, et j'ai aussi été interpellée indirectement puisque l'école a été évoquée. J'aimerais vous dire deux choses. Premièrement, l'obésité est liée à la précarité: plus on est pauvre, plus on a de chances, paradoxalement, de développer des problèmes de poids. On le voit non seulement dans d'autres pays mais aussi chez nous, et c'est bien ce qu'avaient démontré certains rapports du centre d'analyse territoriale des inégalités à Genève, à savoir que l'obésité est un facteur de risque dans les régions précarisées. Si nous voulons lutter contre l'obésité, il faut donc lutter contre la précarité sociale par la même occasion.
Deuxièmement, nous suivons actuellement quelques pistes au DIP s'agissant de cette question. D'abord, il s'agit de faire en sorte que tous les élèves suivent des cours d'éducation physique. Aujourd'hui, un certain nombre d'élèves échappent à ces leçons pour différentes raisons et notamment, dans certains cas, justement pour des questions liées à l'obésité; ce sont par exemple des jeunes filles qui n'ont pas envie de se montrer dans des salles de gym et essaient d'obtenir des certificats médicaux de la part de médecins, qui les délivrent parfois. Il peut également s'agir de jeunes en situation de handicap qui ne peuvent pas participer aux cours d'éducation physique ou d'asthmatiques qui brandissent leur asthme comme justificatif pour ne pas suivre ces leçons. La proposition du DIP, qui est testée en ce moment dans le secondaire II et que nous souhaiterions pouvoir élargir à l'ensemble des écoles du secondaire II puis à tout le cursus scolaire, c'est ce qu'on appelle l'éducation physique individualisée. Bien sûr, ce ne sont pas des cours de gym privés, il s'agit en fait de regrouper dans d'autres cours, en fin de journée, les élèves au bénéfice de certificats médicaux, puis d'adapter l'éducation physique à leur problème. Par exemple, un asthmatique ne peut peut-être pas courir, mais il peut faire de la musculation. On va ainsi adapter les cours en fonction des problèmes des élèves. Cela nécessite simplement certains budgets, lesquels vous seront demandés dans le cadre du projet de l'école inclusive, qui vise à ce que l'école s'adapte aux besoins de tous les enfants, c'est l'un des projets que je souhaiterais développer.
Autre projet en lien avec la question du surpoids au DIP, c'est la fameuse troisième heure d'éducation physique que l'on nous réclame sur le plan fédéral pour l'école obligatoire et qui a déjà été mise en place pour l'école primaire avec l'introduction du mercredi matin, la refonte de l'horaire scolaire et le nouveau plan d'études romand: c'est réglé pour les petits. Demeure la question des cycles d'orientation; cela prendra probablement plus de temps car cela nécessite non seulement un changement de grille horaire - or la grille horaire du cycle va être revue en 2018 - mais également des moyens, faute de quoi il nous faudra rogner une heure de cours dans une autre discipline. Il s'agit d'une piste que nous devons développer, et si nous ne pouvons pas le faire pour l'ensemble des élèves, nous pourrions au moins la développer au sein de certains regroupements ou sections du cycle, ceux justement où l'on retrouve les enfants les plus précarisés, qui ont besoin de faire davantage d'éducation physique. En ce qui concerne mon département, ce sont là des pistes en lien avec la santé que je vais développer. Quant aux autres éléments, je vous invite à écouter demain les explications du conseiller d'Etat Mauro Poggia. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à voter sur cette politique publique.
Mise aux voix, la politique publique K «Santé» est adoptée par 54 oui contre 26 non et 4 abstentions.
L - ECONOMIE
Le président. J'appelle maintenant la politique publique L «Economie». Si personne ne souhaite s'exprimer, nous passons immédiatement au vote.
Mise aux voix, la politique publique L «Economie» est adoptée par 57 oui contre 12 non et 10 abstentions.
M - FINANCE ET IMPOTS
Le président. Nous abordons la politique publique M «Finance et impôts», et je donne la parole à M. le député Edouard Cuendet.
M. Edouard Cuendet (PLR). Merci, Monsieur le président. N'en déplaise à certains, je vais poursuivre mes propos par une autre comparaison, toujours avec le canton de Vaud. Je sais que les Genevois détestent être comparés aux Vaudois, parce qu'ils sont habités par un profond sentiment de supériorité à l'endroit de ces rupestres voisins, sympathiques certes, mais rupestres tout de même. Mais comme les chiffres sont têtus, je vais vous en rappeler quelques-uns, comme le ferait mon excellent collègue Riedweg, que je salue d'ailleurs au passage: en 2014, le coût de fonctionnement du canton de Vaud a atteint 9,5 milliards pour une population de 755 000 âmes, ce qui représente à la louche 12 600 F par tête de pipe. Durant la même année, le dispendieux canton de Genève a dépensé 7,9 milliards pour son fonctionnement, pour une population de 474 000 personnes, ce qui fait 16 600 F par habitant. Le calcul est simple: on dépense 30% de plus à Genève que dans le canton de Vaud. Entre 2004 et 2014, l'endettement de notre aimable voisin est passé de 8,6 milliards à moins de 600 millions, soit une diminution d'environ 8 milliards, et sa notation par Standard & Poor's est passée de A à AAA. Durant la même période, la dette de Genève est passée de 12,4 milliards à 12,7 milliards tandis que sa notation par Standard & Poor's est passée de A à AA-, ce qui est évidemment moins bon que AAA.
Alors on pourra me raconter tout ce que l'on veut, que comparaison n'est pas raison, que ce sont les communes vaudoises qui ont trinqué, que le canton de Vaud n'a pas suffisamment investi - j'en passe et des meilleures - mais les chiffres sont là. Et, comme je l'ai dit, ils sont têtus et ont des conséquences concrètes, parce qu'ils permettent au canton de Vaud d'avoir une marge de manoeuvre beaucoup plus large que celui de Genève face à l'enjeu majeur de la législature, je dirais même presque le seul enjeu véritable de la législature, soit la réforme de l'imposition des entreprises. En effet, je vous rappelle que suite aux pressions exercées par l'Union européenne et d'autres pays, nous devons réformer notre imposition des entreprises et supprimer les statuts spéciaux dont bénéficient les cantons. Le Conseil fédéral vient de publier son message, qui a été plutôt favorablement accueilli par notre Conseil d'Etat. A Genève, cette réforme va concerner environ mille sociétés et des dizaines de milliers d'emplois à très haute valeur ajoutée, c'est un enjeu vital, ça coule de source. Et là, je dois saluer notre gouvernement, qui a su anticiper le problème en entamant la réflexion il y a plusieurs années déjà sous la houlette de David Hiler, grand argentier de l'époque. Compte tenu de la spécificité de notre tissu économique, il est apparu que la seule solution raisonnable était la fixation d'un taux unique à 13% pour toutes les personnes morales. Dans son immense sagesse, que je salue encore une fois, le gouvernement genevois a coordonné son action avec son grand voisin - en termes géographiques, bien sûr - pour avoir plus de poids au niveau de la Berne fédérale, et on ne peut qu'applaudir cette démarche raisonnable.
Mais je reviens maintenant à la comparaison avec le canton de Vaud. Au sein de l'exécutif vaudois, un consensus s'est dégagé autour d'un taux d'imposition unique à 13,7%, donc assez près des 13% genevois. On nous a annoncé que le projet de loi y relatif serait déposé sous peu devant le Grand Conseil vaudois, tout début juillet 2015. A Genève, comme toujours, le rythme des réformes est plus lent, donc on parle d'un projet de loi pour l'automne 2015 - notre grand argentier ici présent pourra peut-être nous le confirmer. On a donc de la peine à imaginer que les débats soient finis avant la fin de l'année 2015, alors que M. Broulis a, sinon donné instruction - parce que le parlement vaudois est souverain - du moins demandé que celui-ci se prononce d'ici fin octobre. Pourquoi est-ce que je vous parle tellement d'agenda et de dates ? Pour une raison toute simple, que vous comprendrez très vite: il est fort probable, même presque sûr, que le canton de Vaud adopte sa réforme puisqu'un consensus s'est dégagé, et il est fort probable qu'il l'adopte avant nous - peut-être y aura-t-il un référendum, mais je pense que compte tenu du consensus qui existe dans le canton de Vaud, ce projet sera adopté par le peuple vaudois.
Or à Genève, la situation est bien différente, avec un parti socialiste totalement déchaîné qui nous menace de toutes sortes de turpitudes face à ce taux à 13%, ainsi que de lancer un référendum; et puis nous sommes pris dans l'initiative 150 qui réclame la mort des multinationales et donne un signal extrêmement négatif à toute notre population de multinationales. Dans quelle situation se trouvera Genève, chers collègues, Monsieur le président, si la réforme passe dans le canton de Vaud avec un taux de 13,7% - 13,9%, pardon ! mais échoue à Genève ? Est-ce que je dois vous faire un dessin ? Toutes les entreprises genevoises vont migrer dans le canton de Vaud parce que le canton de Genève gardera son taux de 24% ! C'est évident, la concurrence intercantonale est forte, Genève n'est pas une île et nous ne voulons pas être ridicules. Je pense que le parti socialiste, qui nous menace, comme je vous l'ai dit, d'un référendum et est très virulent dans son combat contre ce projet - je ne parle pas de l'Alliance de gauche parce que son influence est relativement limitée - doit prendre ses responsabilités. Je vous le dis: si le canton de Vaud adopte un taux unique - ce qui sera le cas, j'en suis sûr - et que Genève ne le fait pas, l'exode des entreprises sera massif, et le parti socialiste en assumera l'entière responsabilité ! Je vous remercie.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, à la commission des finances, les Verts ont refusé cette politique publique pour plusieurs raisons. Tout d'abord, s'agissant du programme de législature qui nous avait annoncé des pistes pour de nouveaux revenus et nous avait satisfaits à ce moment-là, force est de constater que depuis dix-huit mois, on ne voit pas venir grand-chose sur ce thème-là. En effet, s'il faut souligner que l'engagement de nouveaux contrôleurs fiscaux a permis une augmentation des revenus de 10 millions de francs, ce qui est une bonne chose pour l'Etat de Genève, concernant les autres mesures, en revanche, nous restons vraiment sur notre faim. Nous contestons même le terme de mesures: si nous prenons le rapport de gestion tel qu'il nous est présenté, on nous parle de la réorganisation de l'office cantonal de la population, qui engendre de nouveaux revenus, d'une hausse de la participation financière de la Confédération pour la sécurité à l'aéroport, de valorisations de terrains et de réévaluations d'émoluments - pas de quoi s'enthousiasmer ni de quoi nous rassurer pour l'avenir. Nous savons tous qu'avec la réforme de la fiscalité des entreprises qui s'annonce, ce ne sont pas quelques hausses d'émoluments ni une réorganisation de l'office cantonal de la population qui vont nous tirer d'affaire.
Le moment est venu de nous atteler un peu plus sérieusement à la tâche. Depuis de nombreuses années, nous indiquons au Conseil d'Etat que Genève connaît un certain nombre de particularismes fiscaux, des niches qui n'existent nulle part ailleurs, et je pense que le moment est venu de s'y attaquer, de mettre les choses à plat de sorte à pouvoir dégager de nouvelles recettes de façon plus durable que des réévaluations de terrains; de toute façon, une fois que ces dernières sont faites, vous ne pouvez plus répéter l'exercice les autres années.
Encore une chose qui nous déçoit un peu, c'est qu'on a vu que le Conseil d'Etat revenait avec un projet de loi pour tout ce qui a trait à la fiscalisation, donc aux forfaits fiscaux. Une fois encore, Genève se singularise par rapport aux autres cantons et prévoit une imposition extrêmement mince et ténue de la fortune des bénéficiaires de forfaits, par rapport à ce que les autres cantons pratiquent. Les autres cantons font des multiples de sept, voire plus, de la base forfaitaire du revenu de ces personnes; quant à nous, nous proposons une majoration de 10% qui, au regard des fortunes en jeu, est tout simplement risible. De nouveau, sans faire fuir ces personnes pour autant, nous manquons peut-être l'occasion d'augmenter les revenus fiscaux de manière importante pour Genève.
Enfin, mon groupe est particulièrement inquiet en ce qui concerne la réforme du taux d'imposition des entreprises. Nous estimons que le Conseil d'Etat devrait ouvrir des négociations beaucoup plus larges, engageant tous les partis, de manière à trouver des mesures compensatoires acceptables pour tous. Nous avons entendu que la FER avait fait des propositions et aimerions maintenant connaître la position du Conseil d'Etat à ce sujet. Il nous semble en effet que si on veut arriver à un large consensus dans le canton sur cette question-là, il faut des compensations agréées de tous pour que ce projet puisse être porté plus largement, et pas uniquement par une minorité de ce Grand Conseil. C'est la raison pour laquelle, pour l'instant, en raison de la déception liée aux nouvelles sources de revenus et d'une inquiétude pour l'avenir, nous refuserons cette politique publique. Je vous remercie, Monsieur le président. (Quelques applaudissements.)
Mme Magali Orsini (EAG). Comme je l'ai dit tout à l'heure, Ensemble à Gauche ne peut pas accepter cette politique publique, car, ainsi que vient de le mentionner Mme Sophie Forster Carbonnier, aucun effort sérieux en matière de recettes n'a été prévu pour compenser les pertes abyssales que certaines dispositions vont entraîner. Il est évident que le Conseil d'Etat va présenter des budgets avec des restrictions portant entièrement sur les prestations sociales et publiques, il les a déjà amorcées la fois dernière. Nous voyons mal comment on pourra compenser ces centaines de millions de dette que l'on nous annonce à l'occasion de la réforme du taux d'imposition des entreprises.
Si le Conseil d'Etat y travaille depuis quatre ans, nous aussi ! Pour ma part, j'ai fait partie des premiers groupes de travail avec les syndicats qui ont essayé de trouver des alternatives à cette proposition de M. Hiler, qui était d'emblée inacceptable - je me souviens d'ailleurs que le milieu du négoce disait à l'époque qu'à 15%, il resterait. Je n'ai donc jamais compris pourquoi on faisait une telle sous-enchère. On en est toujours resté là, sans aucune explication ni entrée en matière excepté une étude CREA tout à fait globale, sommaire et sans commune mesure avec d'autres études réalisées à Zurich ou ailleurs. C'est ainsi sur cette seule base qu'on nous a dit que ce serait 13%, pas un centime de plus, point final, circulez, y a rien à voir ! Il est évident que nous déposerons un référendum, non pas en tant qu'Alliance de gauche - celle-ci n'existe plus depuis une dizaine d'années, M. Cuendet pourrait se renseigner quelque peu sur la composition de ce Conseil... (Commentaires.) - mais bien en tant qu'Ensemble à Gauche, en même temps, nous l'espérons, que les autres forces de gauche. Voilà pour la première chose.
Cela mis à part, je voudrais quand même évoquer toutes les occasions de recettes que nous avons systématiquement ratées, en particulier une proposition socialiste de réévaluation anticipée de la valeur fiscale des appartements et des immeubles qui n'avait pas été faite depuis des années... (Remarque.) Depuis des années, Monsieur, et sans rapport avec vos propres propriétés, n'est-ce pas, sur lesquelles nous ne vous réclamons aucun compte, nous ne vous demandons pas d'être pauvre ou riche pour avoir le droit de dire ce que vous dites, donc vous permettrez que la protection de la vie privée que vous revendiquez soit applicable à tout le monde ! Nous avons ainsi raté cette occasion-là tout comme celle d'abolir le bouclier fiscal dont on ne vous entend jamais parler, car vous ne cessez de pleurnicher sur le taux d'imposition de la fortune, comme si celui-ci n'était pas amendé par le bouclier fiscal ! Nous avons aussi constaté l'échec de l'initiative pour l'impôt sur les successions, comme s'il n'était pas de notre devoir à Genève de lutter pour rétablir la justice à partir d'un certain niveau de fortune absolument indécent ! Ne parlons pas de la campagne outrageusement fallacieuse qui a été faite au sujet des forfaits fiscaux, comme si ce n'était pas, là aussi, le devoir de tout citoyen de lutter contre les privilèges éhontés qui sont toujours consentis aux plus riches !
Il y a une certitude, c'est que les inégalités se creusent; qu'on soit de droite ou de gauche, si on a un minimum d'honnêteté scientifique, on doit le reconnaître puisque les économistes de tous bords le constatent. On vient ensuite se plaindre que seuls 2% des contribuables assurent 90% des recettes du canton: bien entendu, dans la mesure où ils sont de plus en plus riches par rapport à des gens de plus en plus pauvres, lesquels ne peuvent évidemment pas payer d'impôts. Oui, c'est un secteur qui nous hérisse particulièrement. En ce qui concerne l'administration fiscale, nous sommes de ceux qui exigent plus de taxateurs pour pourchasser davantage la fraude indigène, qui est au moins aussi importante que la fraude étrangère, et nous sommes également contre toute espèce de projet d'amnistie qui aille encore plus loin que l'amnistie actuelle, qui prévoit que lorsqu'on annonce spontanément ses omissions, on n'ait pas la moindre amende, on ne fasse que payer l'impôt qui aurait été légitimement dû. Voilà, ce sera tout pour le moment. Merci, Monsieur le président.
M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, il est assez intéressant d'entendre M. Cuendet parler de consensus, et, en général, les propos tenus par la droite. J'ai l'impression que le seul consensus qui vous convienne est celui de la droite. (Commentaires.) Le vrai consensus, celui que l'on peut observer dans le canton de Vaud - je reviendrai dessus... (Remarque.)
Le président. Monsieur Stauffer, s'il vous plaît ! Vous pouvez poursuivre, Monsieur le député.
M. Romain de Sainte Marie. Je ne vois pas pourquoi M. Stauffer dit cela...
Le président. Je ne sais pas non plus.
M. Romain de Sainte Marie. Je ne suis pas propriétaire, mais bon...
Le président. Poursuivez, Monsieur !
M. Romain de Sainte Marie. Je reviens sur cette notion de consensus. J'aimerais relever que dans ce parlement, il y a une gauche, dont le parti socialiste fait partie, qui tente d'apporter des recettes supplémentaires à notre canton. Aujourd'hui, l'évolution démographique et surtout la paupérisation de la population font que nous sommes obligés d'avoir une augmentation des charges si nous souhaitons vivre dans une certaine cohésion sociale. Par contre, les recettes ne font que diminuer depuis un certain nombre d'années. Vous allez me dire que non, elles augmentent, mais le manque à gagner et les baisses d'imposition successives que nous avons votées dans ce parlement ont créé un réel manque à gagner. (Remarque.) Oui, en effet ! M. Deneys me fait remarquer que c'est vous qui les avez votées, je nous incluais dans le parlement mais bien évidemment pas dans cette décision-là.
Ce qui est également frappant, c'est d'entendre parler de la part du Conseil d'Etat et de la droite du concept très à la mode de neutralité fiscale. Mme Orsini a évoqué tout à l'heure le dossier de la réestimation des valeurs immobilières, par rapport auquel on entend parler de neutralité fiscale. Attention, si les recettes sont susceptibles d'augmenter, il faut tout de suite les diminuer, et l'objectif du Conseil d'Etat est de diminuer l'impôt sur la fortune à partir du moment où le futur projet de loi, une fois les réévaluations établies, sera proposé. Je suis très étonné de ne pas entendre parler de ce même concept de neutralité fiscale s'agissant de la réforme de l'imposition des entreprises, alors que 500 millions de pertes fiscales sont envisagées; dans ce cas, le Conseil d'Etat et la droite ne proposent pas 500 millions de recettes supplémentaires ailleurs. Encore une fois, nous sommes dans un système de consensus de droite, c'est-à-dire un consensus quand ça arrange.
Parlons justement de la réforme de l'imposition des entreprises, le grand dossier de ces prochaines années, qui aura des conséquences importantes sur le développement économique et la stabilité de notre canton: eh bien oui, Monsieur Cuendet, inspirons-nous du canton de Vaud, qui sait discuter et qui, pour discuter et essayer d'établir un consensus, ne commence pas par insulter ses interlocuteurs - j'apprécie toujours autant les insultes que vous infligez au parti socialiste; au moins, vous faites preuve d'un certain respect quant à la puissance de notre groupe ! Le canton de Vaud, on le voit et on a pu le lire encore récemment dans la presse, prévoit des mesures compensatoires, possède une véritable feuille de route et écoute partenaires sociaux et syndicats, et les mesures compensatoires voulues par les syndicats sont prises en compte par ce consensus gauche-droite. A Genève, la gauche n'a de cesse de proposer des mesures compensatoires, les syndicats également. Or, pour l'instant, qu'avons-nous de la part du Conseil d'Etat ? Rien ! Depuis 2012, nous n'avons qu'un chiffre, ce taux unique de 13%. Au parti socialiste, nous souhaitons l'égalité entre les entreprises et agissons en faveur des PME, ce qu'on peut saluer, alors que vous, du côté de la droite, agissez toujours en faveur des plus grandes entreprises, jamais des petites. Malheureusement, aucune discussion n'a encore été entreprise avec les partis de gauche et les syndicats, et c'est malheureux.
Revenons à la comparaison avec le canton de Vaud. C'est très intéressant qu'on utilise ici le canton de Vaud comme exemple à suivre en disant: «Regardez l'assainissement de la dette du canton de Vaud !» Je sais que c'est un peu le modèle voulu par le président du Conseil d'Etat, c'est-à-dire déshabiller les communes pour rhabiller le canton. (Commentaires.) Maintenant, s'agit-il réellement d'un projet viable qui permettra une stabilité à notre canton et aux communes ? Je ne le crois pas - les Vaudois et surtout les municipalités vaudoises pourront en témoigner. La conclusion...
Une voix. Ah !
M. Romain de Sainte Marie. Vous l'attendez, je sais ! Le Conseil d'Etat nous promet de faire la guerre aux niches fiscales, d'essayer de récolter quelques recettes supplémentaires; on sait que les budgets seront difficiles à établir pour les années à venir et, si l'on veut avoir des budgets équilibrés et conserver les charges actuelles, il faudra forcément des recettes supplémentaires. Le nombre de niches fiscales à Genève est bien trop important et nous n'avons pour l'instant pas vu l'once d'une tentative du Conseil d'Etat pour arranger ça - enfin, peut-être sur certains points oui, c'est vrai, mais qui n'arrivent pas à trouver une majorité dans ce Grand Conseil à cause des mêmes groupes dont vous êtes membres ! C'est malheureux, et ça demande à être amélioré.
Enfin, M. Cuendet soulevait ce point tout à l'heure, oui, nous voterons, le peuple genevois votera sur la question des allégements fiscaux des entreprises. On dit souvent que la fiscalité est l'unique facteur d'attractivité des entreprises et que si on y touche en la rendant plus juste et équitable, elles partiront toutes. Mais quand on voit le cas de Merck Serono et d'autres cas récents qui créent des fuites d'emplois vers le canton de Vaud, on constate qu'il ne s'agit pas uniquement de questions de fiscalité: ce sont des entreprises qui font preuve d'une véritable volatilité, et si nous avons réussi à les attirer à Genève, elles peuvent en repartir tout aussi vite. Par conséquent, cette politique de développement économique avec une attractivité fiscale beaucoup trop élevée et des allégements qui défient toute concurrence n'amène à terme aucune stabilité pour le canton de Genève. Nous voterons ainsi sur la suppression des allégements fiscaux, et ce sera déjà un début pour le canton de Genève. Essayons d'éviter ce manque à gagner qui, en dix ans, représente plus d'un milliard de francs et n'amène finalement pas grand-chose à l'économie. Je vous remercie donc, Mesdames et Messieurs, de refuser cette politique publique.
M. François Baertschi (MCG). Concernant cette politique publique, il convient d'abord de parler du racket des frontaliers. En effet, nous avons pu constater que sur les 500 millions amenés par les frontaliers, nous n'en gardons que 285; une bonne partie du reste s'en va dans les communes transfrontalières, dans les départements ou Dieu sait où dans le no man's land français, et 48 millions disparaissent dans la péréquation intercantonale. Il y a donc là un racket exercé sur la substance fiscale du canton de Genève.
Deuxième problème inquiétant, les impôts sur les personnes morales. On observe pour ainsi dire une stagnation: dans les comptes 2013, on se retrouvait avec 1,448 milliard, et on a à peine 17 millions de plus l'année suivante. Qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire qu'une grande partie de la substance fiscale de ce canton a été détruite en raison de la politique menée par les partis de gauche, le PDC et le PBD. Avec la destruction du secret bancaire et de la place financière genevoise, malgré le fait que quelques multinationales ramènent encore un peu de substance fiscale dans notre canton, cette alliance de centre-gauche mène la Suisse au bord du gouffre et détruit Genève dans sa substance fiscale au nom d'une pseudo-morale, voilà ce à quoi on aboutit ! Tout un travail de sape est en train d'être mené, et après on n'arrive plus à financer à la fois nos tâches sociales et nos fonctionnaires parce qu'une politique catastrophique est menée par la gauche, un certain centre mal inspiré. Je pense qu'il faut y être très attentif et bien voter cet automne lors des élections fédérales. Il faut donner de la substance économique à Genève, on en a besoin pour nos tâches sociales, on en a besoin pour la fonction publique !
Une voix. Bravo ! (Quelques applaudissements.)
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Il a été dit tout à l'heure que comparaison n'est pas raison; mais concernant la politique publique M, il faut penser aux normes IPSAS qui ne sont pas appliquées dans le canton de Vaud ! A Genève, ces normes IPSAS nous imposent des procédures qui ne permettent pas les stratégies utilisées par le gouvernement vaudois et soutenues par le parlement vaudois, notamment en matière de gestion de la dette. Au parti démocrate-chrétien, nous sommes attentifs à la gestion des finances, nous sommes très bien placés pour faire confiance à notre magistrat, mais nous savons aussi que les finances genevoises sont complexes: les investissements, par exemple, ne sont pas encore autofinancés alors que nous avons pourtant vingt ans de retard dans ce domaine. La dette est pesante et doit être réduite, bien évidemment, mais il est toujours utile de rappeler que la caisse de pension de l'Etat a été sauvée, ce qui a certes plombé les finances de l'Etat, mais aussi permis d'assurer les retraites des fonctionnaires. Il s'agit tout de même d'un premier versement de 800 millions et ensuite de 130 millions par an, ce sont des sommes très importantes, et il est utile de le rappeler aussi souvent que nécessaire. Pour le parti démocrate-chrétien, la gestion des finances est rigoureuse et, en conclusion s'agissant de la politique publique M, nous trouvons absolument logique, Monsieur le président, de l'accepter. Je vous remercie.
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, nous allons être d'accord avec la gauche: les impôts ne sont pas assez élevés, il faut les augmenter - mais non, je plaisante, bien évidemment ! Que dire ? Il est des schémas que vous devriez prendre garde de ne pas reproduire au nom de votre groupe, Monsieur Romain de Sainte Marie. Si Genève est l'un des quatre cantons contributeurs en Suisse, ce n'est certainement pas grâce à une fiscalité à la française ou à la soviétique, mais bien parce qu'il a su déployer une économie très forte que nos voisins nous envient chaque jour de l'année.
Laissez-moi juste vous dire la chose suivante, Mesdames et Messieurs de la gauche, vous qui appelez de vos voeux l'augmentation de la tarification des impôts sur les personnes physiques, et également morales puisque vous êtes contre la réforme fiscale à 13%, vous qui vous attaquez sans cesse aux multinationales ainsi qu'à tout citoyen qui parviendrait, à force de labeur, à gagner un petit pécule que vous convoitez - je ne dirai pas certains mots, on va rester poli: si ces gens s'en vont, si les multinationales s'en vont - aujourd'hui, délocaliser devient très simple - cela touchera 27 000 emplois indirects et quasiment autant d'emplois pour les multinationales. Si rien qu'une ou deux multinationales décidaient de quitter le territoire, ça se chiffrerait en milliers d'emplois. Qu'allez-vous dire lorsque le chômage aura augmenté de 3000 ou 3500 personnes ? Vous allez dire: «On vous l'avait bien dit, il fallait augmenter les impôts.» Et c'est parti pour un système comme en France, pays qui a une dette absolument abyssale et n'arrive plus à maîtriser son Etat, où même un gouvernement de gauche socialiste est en train de mener une politique d'économie de marché, qui est normalement l'apanage de la droite. Votre système est révolu ! (Rire.)
Je ne dis pas qu'il faut tout laisser à l'économie, mais il faut être juste. Ne mordez pas la main qui vous donne à manger, Mesdames et Messieurs ! Regardez ce qui se passe dans d'autres cantons qui essaient, à coup de réformes fiscales, d'attirer des gens, ce n'est pas si facile que ça. A Genève, nous avons cette chance. Oui, il faut payer des impôts, mais il ne faut pas en payer trop, car trop d'impôt tue l'impôt. (Remarque.) Si vous ne voulez pas comprendre, lorsque tous ces gens possédant une certaine fortune auront déménagé en Valais, à Zoug ou peu importe... (Remarque.)
Le président. Monsieur Deneys !
M. Eric Stauffer. ...eh bien qu'aurez-vous à gagner ? Qu'aurez-vous à gagner si ce n'est une dégradation de tous les pans de l'économie genevoise ? Mais évidemment, vos discours, comme pour le logement, sont empreints de mensonges, d'inexactitudes et de dogmatisme. Vous êtes les champions du monde pour dire comment il faut agir, mais sans agir de la même manière. J'en veux pour preuve votre candidat socialiste au poste de procureur général, qui loue un studio de 24 mètres carrés à un prix cinq fois supérieur à celui prévu par la LDTR: c'est un scandale, et c'est bien la démonstration que vous vous moquez de la population, Mesdames et Messieurs de la gauche. Vous n'êtes pas cohérents, vous êtes devenus une gauche caviar qui ne défend plus le peuple ouvrier, ceux qui recherchent un emploi. Vous prônez une Europe à tout-va, vous ne voulez pas entendre parler de préférence cantonale, alors occupez-vous des affaires européennes, nous nous occuperons ici des affaires genevoises pour faire en sorte que l'économie de notre canton reste forte et que nous soyons fiers d'habiter dans ce canton, parce que vous, à vous entendre aujourd'hui, ne vous y sentez pas à votre aise. Vous savez, au MCG, on n'a jamais retenu personne !
Mesdames et Messieurs, je conclurai simplement en disant que nous accepterons cette politique publique. Evidemment, l'équation n'est pas simple à résoudre, mais le MCG invite le gouvernement à prendre des mesures d'économies, car il n'est pas acceptable que dans un canton d'un demi-million d'habitants nous soyons au-dessus de 5 milliards de masse salariale annuelle - je fais l'amalgame entre grand Etat, petit Etat et administrations communales; ce n'est pas concevable, il n'y a pas d'équivalent sur la planète. Alors faites des efforts, faites des économies, il faut que les choses soient proportionnées. Je vous le dis à vous, Mesdames et Messieurs de la gauche: les gens les plus défavorisés ne veulent pas de fonctionnaires en plus, ils veulent des prestations. Or les prestations, c'est de l'argent, ce n'est pas... (Commentaires.)
Le président. S'il vous plaît !
M. Eric Stauffer. ...une personne qui reçoit un dossier et le passe... (Remarque.)
Le président. Madame Wenger, s'il vous plaît !
M. Eric Stauffer. ...à son collègue, qui va le repasser à un autre collègue ! (Remarque.)
Le président. Madame Wenger !
M. Eric Stauffer. Les gens les plus précarisés du canton veulent des prestations, et nous nous battrons pour les défendre, à la différence de vous-mêmes !
Une voix. Bravo ! (Applaudissements. Huées. Brouhaha.)
Une autre voix. Elle a son anniversaire aujourd'hui, mais ce n'est pas une raison !
Le président. Il semblerait que ce soit votre anniversaire, Madame Wenger ? (Commentaires. Un instant s'écoule.)
Mme Salika Wenger. Non mais j'y crois pas !
Le président. Vous ne croyez pas en quoi ? Est-ce bien votre anniversaire aujourd'hui ?
Mme Salika Wenger. Oui, Monsieur !
Le président. Nous vous souhaitons alors un très joyeux anniversaire !
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Cela étant, cela ne vous donne pas le droit d'interrompre les orateurs ! (Rires.) Je passe la parole à M. le député Patrick Dimier.
M. Patrick Dimier (MCG), député suppléant. Merci, Monsieur le président. Juste deux principes de base: l'histoire nous a appris que les marxistes ont toujours voulu s'en prendre aux riches... (Rire.) ...et à la fin de l'histoire, ils ont fini par voler les pauvres ! (Rire.) Je pense que votre vision économique est fausse. Ce que propose le Conseil d'Etat est plus que correct et, comme l'a dit M. Stauffer avant moi, si vous voulez un Etat social qui tienne debout, il faut forcément des gens riches qui le financent, ce qu'ils font à une hauteur... (Remarque.)
Le président. Madame Wenger !
Une voix. C'est pas bientôt fini ou bien ?
Le président. Madame Wenger !
M. Patrick Dimier. ...dont peu de gens ont conscience, si on analyse les chiffres vraiment en profondeur. Quant aux socialistes, je constate qu'à la fin du jeu, ils ne savent plus à quel saint se vouer, pas même à Sainte Marie !
Une voix. Bravo ! (Rires.)
M. Benoît Genecand (PLR). Mesdames et Messieurs, dans les comptes consolidés de l'Etat de Genève, on trouve l'information suivante: les revenus de notre Etat se sont élevés à 11,117 milliards en 2014. Tout à l'heure, j'apprenais à M. Velasco que le produit cantonal brut était de 54 milliards; si vous faites le rapport entre les deux, ça fait 21%, un chiffre resté à peu près constant ces dix ou quinze dernières années. Il n'y a donc pas de réduction. Le problème, c'est qu'à chaque fois que l'économie croît, notre Etat prend sa part, grignote sa part. La croissance de 2014 est de 1,5%; vous me direz que ce n'est pas beaucoup, mais dans un univers sans inflation, ça représente quand même 1,5% de revenus supplémentaires. Or la même année, les charges ont augmenté de 1,9%, 1,9% des charges à 10,965 milliards. L'année passée, j'avais demandé à cette assemblée d'essayer de trouver une seule communauté au monde qui fonctionne avec presque 11 milliards de charges pour 500 000 personnes, j'attends toujours l'exemple de M. de Sainte Marie - vous transmettrez, Monsieur le président. Pendant la même année, nous avons réussi à faire croître notre dette consolidée de 7%, nous passons de 15 milliards à 16,8 milliards en une année, donc non seulement nous avons des richesses absolument incomparables, mais nous dépensons toujours un peu plus que ce qu'on prend quand l'économie croît, et nous sommes incapables de diminuer cette dette endémique.
S'agissant de la neutralité fiscale, vous direz de ma part à M. de Sainte Marie, Monsieur le président, que nous avons vécu dans une «Zweiklassengesellschaft»- j'essaie d'améliorer mon accent pour M. Murat Alder ! - et que nous n'avons pas tellement le choix. On n'a pas le choix ! Ce n'est pas comme si on était en train de dire: «Chouette, on a un taux de 24% et on va le baisser à 13%, c'est une super idée, on va enlever 11% d'impôts !» Ce n'est pas ça, la réalité; la réalité, c'est que toute une partie de nos personnes morales est taxée à un niveau qui n'est absolument pas celui du reste des PME et grandes entreprises du canton. Et si on ne fait rien, si on place tout le monde à 24%, elles vont partir. Pour moi, la question centrale de la neutralité, Monsieur de Sainte Marie, et ce que vous devrez démontrer si vous faites une campagne référendaire, c'est que votre proposition, en admettant qu'elle soit de 15%, 16% ou quelle qu'elle soit... (Remarque.) Attendez, laissez-moi finir ! ...ferait perdre moins d'impôts à court terme au canton, c'est cette démonstration qu'il vous faudra faire. Ce n'est pas comme s'il y avait le choix entre ne pas perdre d'impôts et laisser 500 millions sur la table, l'OCDE ne nous laisse pas le choix, on peut s'en réjouir ou le déplorer, mais c'est la réalité. Cet argent a déjà potentiellement disparu, alors voici la question: qu'est-ce qu'on fait ? Est-ce que 13% est le taux optimal ? J'ai encore un doute sur la question, Monsieur de Sainte Marie. Si on me démontre que 14% est un meilleur taux, je m'inclinerai. Mais meilleur, selon moi, signifie que c'est le taux qui fera entrer le plus d'argent compte tenu des circonstances présentes. Si c'est 13%, et c'est la conviction du Conseil d'Etat, je ferai confiance au Conseil d'Etat, je me rallierai à ce taux.
Dernier point, vous nous parlez du canton de Vaud en nous disant qu'il s'y fait des choses formidables. Comme pour les autres cantons suisses, Monsieur de Sainte Marie, ma réponse est toujours la même: si vous appliquez à Genève tous les paramètres fiscaux du canton de Vaud, je serai d'accord. Vous pouvez le faire avec n'importe quel canton, je serai toujours d'accord parce que nous sommes les plus chers. Il ne faut donc pas juste prendre un petit exemple comme le canton de Vaud parce que ça vous arrange sur le moment, il faut prendre toute la situation; vous pouvez prendre n'importe quel modèle fiscal en Suisse, le PLR sera toujours d'accord, on peut piocher dans l'ensemble des revenus fiscaux des autres cantons parce que la situation des citoyens genevois, qu'ils soient des personnes physiques ou morales, s'en trouverait améliorée. Merci de votre attention.
Une voix. Bravo ! (Quelques applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député, et cède la parole à Mme la députée Lydia Schneider Hausser.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Bonjour, Monsieur le... Mais qu'est-ce que je dis ! (L'oratrice rit. Rires.)
Le président. Bonjour, Madame la députée ! Bienvenue !
Mme Lydia Schneider Hausser. Après toutes ces envolées lyriques sur la RIE III, je souhaite pour ma part revenir au rapport de gestion en commençant par relever ceci: certes, Genève compte 450 000 habitants, mais s'agissant du volume des gens durant la journée, on n'est pas loin du million avec les personnes qui viennent de France voisine, du canton de Vaud - lequel ne nous retransmet d'ailleurs pas grand-chose en termes d'imposition alors que de nombreux Vaudois travaillent ici. Ça, c'est une première chose. Que M. Stauffer mette à l'épreuve notre système auditif, c'en est une autre; quant à ce qu'il dit, ma foi, je lui en laisse la responsabilité, même s'il mélange allégrement tous les partis de l'Alternative - il lui faudrait peut-être reprendre un peu ses notes.
Pour en revenir au rapport de gestion, le département des finances doit bien sûr être exemplaire quant à la politique qu'il mène, laquelle doit représenter la position majoritaire de ce Grand Conseil et du Conseil d'Etat. Cependant, on voit bien qu'on est en train d'atteindre une limite en termes d'organisation et de gestion, il suffit de lire le rapport de gestion de l'administration fiscale. On se trouve dans un paradoxe, c'est-à-dire qu'à force de devoir faire des économies à chaque budget, on en arrive à ne plus avoir assez de taxateurs. C'est incroyable ! En 2014, il y avait 25 000 taxations de personnes physiques et 1500 taxations de personnes morales en retard. Il ne s'agit pas de dire aux gens qui travaillent à l'administration fiscale qu'ils font mal les choses, c'est juste qu'ils travaillent à saturation. On atteint la limite du nombre parce que la population augmente et qu'il y a toujours plus de travail à faire. Et là, on ne parle que des revenus; en termes de liquidités, en termes de suivi, ça fait pas mal de choses en moins.
Alors bien sûr, on peut dire qu'il suffit de faire avec moins de taxateurs, que les gens remplissent de toute façon leur déclaration et qu'on n'a qu'à prélever ce qu'ils déclarent. Mais on se rend tout de même compte que les contrôles et le suivi des dossiers permettent d'augmenter de 600 millions les revenus du canton, ceci alors même que l'ensemble des dossiers ne sont pas traités. Il est vrai que dans 60% des cas, les erreurs ne sont pas volontaires, mais les déclarations ne sont en général pas suffisamment bien remplies, il y a des choses à reprendre. On ne peut pas juste dire «y a qu'à, faut qu'on» ! Pour mener une politique fiscale, celle que nous menons déjà, il faut avoir du personnel en suffisance et qu'il soit formé. Je voulais juste dire que c'est là que se situe le paradoxe. Pour les revenus, on constate qu'on aurait besoin de davantage de forces; imaginez pour les dépenses ! En effet, il y a le même problème de l'autre côté, à l'Hospice général ou chez d'autres prestataires cantonaux: beaucoup de gens sur le terrain sont saturés, ne savent plus comment faire pour délivrer les prestations. Peut-être y a-t-il des réflexions à mener sur la hiérarchie de l'Etat, et nous sommes prêts à en discuter. Sur le terrain, que ce soit à l'administration fiscale ou chez d'autres prestataires, il y a saturation des gens qui y travaillent. (Quelques applaudissements.)
M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, on entend beaucoup de choses et, selon sa couleur politique, on apprécie ou pas. Mais il y a quelqu'un dont on n'a pas parlé ce soir, et l'Union démocratique du centre aimerait le faire, c'est le citoyen lambda de la classe moyenne, celui qui travaille, celui qui voudrait qu'il lui reste suffisamment pour vivre, élever ses enfants, partir en vacances. A quelques francs près, dans l'ensemble de la Suisse, ces gens travaillent plus de six mois par an pour payer les divers impôts, taxes et prélèvements. Et c'est quelque chose dont on devrait se soucier, Mesdames et Messieurs les députés ! Je viens d'entendre la gauche dire que le volume de population a augmenté. C'est vrai, et je vous rappelle ce récent rapport indiquant que 80 000 migrants sont arrivés chez nous - j'ai la faiblesse de croire que ce ne sont pas tous des réfugiés qui viennent profiter de l'assistance sociale, qu'il y a parmi eux des travailleurs. Du coup, la masse d'impôts augmente aussi.
Or que se passe-t-il, Mesdames et Messieurs les députés ? Au fil des années, plus nous avons, et on constate que la masse fiscale augmente effectivement, plus nous dépensons. Vous arrivez avec des projets qui nous obligent à dépenser davantage que ce que nous gagnons, ce qui fait que nous avons à nouveau creusé les dettes cette année, tout simplement parce que vous refusez cette équation économique toute simple: on ne peut pas dépenser plus que ce que l'on gagne ! Si vous remarquez, ceux qui se rendent quotidiennement au travail, ceux qui doivent travailler plus de six mois par an pour payer leur dû, ces gens-là ne manifestent pas parce qu'ils habitent dans un trois-pièces avec cinq enfants alors qu'ils aimeraient avoir quelque chose d'autre; non, la grande majorité d'entre eux sont trop disciplinés, trop gentils, ils ne font que payer, accepter tout ce qui vient en plus et entendre sans arrêt des gens de la gauche dire qu'ils ne paient pas assez et qu'il faut augmenter leurs impôts.
Mesdames et Messieurs les députés, nous le disons: nous arrivons à une situation où nous ne pourrons plus continuer. L'Union démocratique du centre acceptera cette politique publique et est très contente que l'on arrive à cette diminution d'impôts pour les entreprises parce que, et je suis fier de le dire, nous devons encourager et favoriser ceux qui rapportent, pas ceux qui coûtent.
Une voix. Bravo !
M. Cyril Aellen (PLR), rapporteur de minorité. J'ai écouté attentivement les différentes interventions, qui ont consisté en affirmations sans justification ni référence aucune aux divers rapports et documents qui nous ont été fournis, à l'exception de deux, celles de nos collègues Genecand et Schneider Hausser. J'aimerais donc féliciter ces deux intervenants, qui se sont penchés sur les chiffres et nous ont donné des exemples précis; les autres se sont contentés d'affirmer des choses sans les étayer.
Pour ma part, très brièvement et s'agissant des différents points évoqués, je souhaiterais me référer à la documentation qui nous a été transmise ainsi qu'à celle qu'on trouve sur les sites Internet, en particulier sur celui du Département fédéral des finances. Je commencerai ainsi par répondre au député de Sainte Marie - vous transmettrez, Monsieur le président - que s'il va consulter une documentation de base du Département fédéral des finances - c'est comme ça que c'est intitulé - qui donne les statistiques d'exploitation du potentiel fiscal en pourcentage par canton, il constatera que le canton qui exploite le plus, c'est-à-dire qui prélève le plus au sein de sa population, est le canton de Genève, avec un peu plus de 35%; quant à celui qui prélève le moins, c'est Schwytz, avec moins de 15%. Vous pouvez donc affirmer tout ce que vous voulez, allez voir les statistiques, regardez ce qui se passe, c'est la réalité: c'est à Genève qu'on exploite le plus les habitants et qu'on prélève le plus, c'est comme ça.
La deuxième chose concerne l'évolution maîtrisée ou les charges qui ne croissent pas; on va aller vérifier. Prenez la page 7 du rapport sur les comptes consolidés 2014 et observez l'évolution des ETP dans notre canton, qui est de +936, avec une précision intéressante, à savoir que dans le périmètre consolidé, quand c'est un peu loin de nous, il y a peu d'augmentation parce qu'on l'a restreinte avec des contrats de prestations un peu sévères, mais quand c'est plus proche de nous et que ça concerne notre maîtrise propre et entière, on augmente les ETP de façon extrêmement sensible: +580 pour la seule année 2014 ! Voilà la réalité des comptes 2014, il faut se référer aux chiffres qui nous ont été donnés. Un mot aussi sur la caisse de pension: cette problématique pourra être traitée en parallèle avec le programme P02. J'y reviendrai donc mais je vous invite déjà à consulter la page 19, ce qui nous permettra de discuter sur un certain nombre de chiffres.
Maintenant, il nous est affirmé que les comptes et les recettes baissent. Or les revenus de fonctionnement ont augmenté, et il n'y a pas besoin d'aller chercher cette information bien loin, elle figure à la page 5 du tome 1, où on peut voir qu'on est passé de 7,796 milliards aux comptes 2013 à 7,95 milliards, il suffit d'aller lire, donc il ne faut pas affirmer n'importe quoi. Ensuite, quelle est l'évolution de l'endettement, et avons-nous fait face à la maîtrise des charges ? Là, il faut feuilleter un tout petit peu plus loin, à la page 7, où on relève que la dette financière 2013 était de 12,792 milliards tandis que la dette financière 2014 s'élève à 13,389 milliards. En passant, vous ferez un petit détour à la page 8, qui récapitule tout ça, ce qui devrait vous inquiéter un peu s'agissant du frein à l'endettement.
Je passe aux recettes fiscales puisque c'est là qu'il faut s'attarder. Rendez-vous à la page 11 et lisez la rubrique intitulée «Impôt courant 2014»: «L'impôt courant 2014 est supérieur de 551 millions (+8,6%) à celui prévu au budget 2014.» C'était juste pour vous donner cette petite indication. Il est également mentionné que l'impôt courant des personnes physiques imposées au barème ordinaire est de +393 millions, soit +12,3%, et que les droits de succession et donations s'élèvent à +134 millions, soit +105,9%. Puis, poursuivons avec les impôts sur les personnes morales: «L'impôt courant des personnes morales dépasse le budget de 149 millions (+11,6%).» Vous pouvez continuer d'affirmer sans justification aucune qu'on prélève de moins en moins, mais alors il faut me dire sur quels documents vous vous fondez, parce que ceux que nous avons reçus et qui ont été étudiés en commission des finances indiquent exactement le contraire !
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité. Tout d'abord, j'aimerais dire la chose suivante à mes collègues qui, année après année, s'adressent à la gauche: nous ne sommes pas majoritaires, Messieurs ! C'est vous qui avez la majorité, et pas juste depuis quelques années, non, depuis pratiquement quatre-vingts ans !
Une voix. Majorité ou minorité ?
M. Alberto Velasco. Majorité. Vous avez donc une majorité pour imposer tout ce que vous prônez là, Mesdames et Messieurs, soit à travers une initiative soit dans ce parlement. Quant à nous, nous vous disons simplement que nous ne sommes pas d'accord, mais ne venez pas prétendre que c'est nous qui avons mis en place ces politiques. La seule période - je vous l'ai rappelé plus d'une fois - où nous étions majoritaires, c'était entre 1999 et 2003, Mme Calmy-Rey était à la tête des finances et c'est la seule période où il y a eu une baisse de l'endettement. Voilà ce que je peux vous dire, Mesdames et Messieurs, alors vous devriez prendre vos responsabilités et cesser de nous accuser constamment.
Maintenant, notre collègue Aellen nous dit qu'à Genève, on extorque plus que dans les autres cantons; mais peut-être les gens bénéficient-ils à Genève de prestations supérieures qu'ailleurs, peut-être y a-t-il à Genève des impondérables qu'il n'y a pas ailleurs. Vous savez, il faut toujours relativiser les chiffres.
Quelques mots concernant les multinationales. Mesdames et Messieurs, vous savez qu'il est important de se plonger dans l'histoire: au Moyen Age, il y avait les princes et leurs prérogatives; puis la Révolution nous a donné la république, qui a introduit l'effort fiscal en fonction de la richesse, ce que l'on appelle un effort proportionné. Que nous dites-vous aujourd'hui ? Vous nous dites de prendre garde parce que les multinationales peuvent partir, donc vous nous faites du chantage. Pour ma part, j'ai rendu visite à une multinationale qui avait invité notre parti: ils nous ont montré leurs problématiques, ils nous ont signifié quelles étaient leurs revendications - crèches, éducation, formation, etc. A un moment donné, je leur ai dit: «Vous savez, tout ça coûte de l'argent. Pour que les collectivités publiques mettent en place les choses que vous demandez, qui sont par ailleurs tout à fait justifiées, ça coûte de l'argent.»
Vous voulez baisser les impositions d'entreprises, peut-être que vous avez raison, on verra par la suite. Mais vous savez qu'il y a une baisse des salaires aujourd'hui, il y a une pression sur les salaires de par la libre circulation, vous le savez très bien, c'est une évidence totale, vous pouvez en discuter sur tous les chantiers, vous comprendrez. Or vous êtes d'accord - je m'adresse ici au président du département des finances - que si les revenus des personnes baissent, celles-ci paient moins d'impôts, et si vous multipliez ça par un nombre donné de travailleurs, vous aurez aussi une baisse de revenus fiscaux.
Notre collègue nous dit qu'il y a des augmentations; c'est vrai, vous avez raison, Monsieur le rapporteur de minorité. Mais nous ne disons pas qu'il y a moins, nous disons qu'il n'y a pas ce qu'il aurait dû y avoir, c'est différent. L'Etat de Genève a été construit avec une assiette fiscale x, et alors que celle-ci a été réduite, on n'a pas réduit les prestations. Vous avez raison, l'assiette fiscale s'est réduite, son évolution est ce qu'elle est, elle n'est pas ce qu'elle aurait dû être; mais les prestations de l'Etat ont non seulement été conservées, mais carrément augmentées, Monsieur le président. Année après année, des projets de lois sont déposés ici par les uns et les autres, qui demandent justement qu'on garde ces prestations, qu'on améliore cela, c'est une conséquence réelle. Ce que je veux dire par là, c'est qu'il faut voir l'économie comme un bloc, et si vous touchez à l'un des paramètres, il y a des risques de déséquilibre. Faites une baisse d'impôts, faites une baisse des revenus salariaux, les rentrées fiscales s'en retrouveront automatiquement réduites et on ne pourra pas financer l'Etat. Voilà, Mesdames et Messieurs, je pense qu'il ne faut pas verser dans le chantage, nous devons défendre nos valeurs, notre république.
Ensuite, je trouve absolument déplorable qu'un député MCG, transfuge du parti libéral, qui a peut-être été libéral à l'époque mais ne l'est plus aujourd'hui, s'amuse à dire que nous, la gauche, exploitons les pauvres. Venant d'un parti qui défend prétendument les pauvres tout en étant plus libéral que libéral en matière financière, c'est quand même incroyable ! Je trouve absolument infect de dire que nous exploitons les pauvres, c'est vraiment dégueulasse, alors que vous avez un M. Zacharias, multimillionnaire...
Le président. Pouvez-vous vous adresser au président, Monsieur ? (Commentaires.)
M. Alberto Velasco. Mais oui, c'est la vérité !
Le président. Monsieur Velasco ? (Commentaires.)
M. Alberto Velasco. Il n'y a pas de honte à avoir !
Le président. Adressez-vous au président !
M. Alberto Velasco. Monsieur le président, il n'y a pas de honte à être millionnaire... (Remarque.)
Le président. Monsieur Mizrahi, s'il vous plaît ! (Brouhaha. Commentaires.)
M. Alberto Velasco. Monsieur le président, puis-je m'exprimer ?
Le président. Oui, vous pouvez vous exprimer mais en vous adressant à moi.
M. Alberto Velasco. D'accord. Monsieur le président, je ne pensais pas qu'être millionnaire ou multimillionnaire était une honte, mais presque plutôt une qualité pour certains, et donc je ne comprends pas que ces messieurs réagissent. (Commentaires.) Voilà, c'est très simple. Je ne comprends pas que des partis qui ont en leur sein des personnes fortunées...
Le président. Ne personnalisez pas le débat.
M. Alberto Velasco. ...s'adressent à nous en disant que nous exploitons les pauvres, c'est absolument infect, infect ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Voilà, Mesdames et Messieurs... (Remarque.)
Le président. S'il vous plaît, Monsieur Baertschi !
M. Alberto Velasco. J'aimerais finir, Monsieur le président, en disant que nous avons en effet un endettement important dans le canton. Dans le rapport de gestion du Conseil d'Etat, à la page 12, on peut lire: «A ce stade, et compte tenu de l'estimation des futurs revenus fiscaux, un excédent proche de 300 millions est projeté pour 2018, ce qui permettrait alors d'autofinancer les investissements.» Je vous crois, Monsieur le président, mais il est ensuite mentionné: «Le PFQ 2015-2018 indique que malgré les mesures déjà prises, le niveau d'endettement devrait continuer à croître et pourrait franchir le premier seuil du frein à l'endettement dès 2016.» Là, je ne comprends plus rien ! Si nous avons un excédent, comme vous dites, et qu'on peut donc autofinancer nos investissements, alors logiquement, Monsieur le président - enfin, avec le peu de connaissances que j'en ai - l'endettement ne devrait pas continuer. Soit l'endettement augmente si on n'arrive pas à autofinancer nos investissements, soit on arrive à les autofinancer et dans ce cas il n'y a pas d'augmentation de la dette. Il y a une contradiction entre ces deux paragraphes, il faut le relever. C'est l'un ou l'autre, Monsieur le président, mais on ne peut pas avoir les deux. (Quelques applaudissements.)
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi de revenir sur quelques aspects évoqués, parfois de manière contradictoire, par les uns et les autres. Ce qu'essaie de faire le Conseil d'Etat dans cette situation délicate s'agissant des finances publiques, c'est de faire preuve d'un tant soit peu de cohérence. Il y a d'abord un constat à rappeler, c'est qu'à Genève, un certain nombre de contribuables - malheureusement, une part faible d'entre eux - paient une grande partie de l'impôt, et cela vaut tant pour les personnes morales que physiques. M. Aellen a évoqué l'augmentation spectaculaire de l'impôt courant; vous savez bien à quoi cela est dû, la presse s'en est abondamment fait l'écho: si nous n'avions pas eu cette heureuse surprise, nous serions véritablement dans des chiffres très rouges aujourd'hui, il faut juste le rappeler. (Remarque.) Exactement ! Là, on est d'accord.
Ce que je voudrais indiquer également, c'est que contrairement à ce que l'on a pu entendre, plutôt de ce côté-ci du parlement... (L'orateur désigne les bancs de gauche.) ...les dépenses et les revenus, en tout cas ceux des fonctionnaires, augmentent, continuent d'augmenter, tout comme les charges. C'est ce qui est arrivé pendant la décennie écoulée: les charges ont augmenté de manière à neutraliser l'augmentation extraordinaire de revenus. Dans le canton de Vaud, c'est un tout autre mécanisme qui a eu lieu: les charges ont certes augmenté, mais le gouvernement a réussi en parallèle à créer un différentiel et à diminuer la dette.
Mesdames et Messieurs, voici la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui: un ralentissement économique s'annonce, on l'a vu, notamment suite à la décision de la Banque nationale du 15 janvier, le taux de croissance du PIB sur lequel sont fondées les progressions dont vous avez connaissance va se stabiliser, et les revenus risquent ainsi de ne plus progresser, voire de baisser. Il nous faut être extrêmement prudents en la matière et éviter toute action intempestive.
On a fait beaucoup de comparaisons entre le canton de Vaud et celui de Genève; il y a certainement des différences fondamentales dans la manière dont les débats se déroulent au parlement, je ne pense pas que cela se passe de la même manière dans le canton de Vaud, où il y a un certain bon sens, un certain équilibre, une certaine prise de conscience des réalités. Je vous rappelle qu'il y aura très bientôt, probablement la semaine prochaine, l'annonce d'une feuille de route très précise du Conseil d'Etat vaudois avec un taux avoisinant les 13%, un Conseil d'Etat dont la majorité - j'entends souvent parler de majorité - n'est pas la même que dans notre Conseil d'Etat, c'est une majorité différente, Mesdames et Messieurs. Et pourtant, il y a cette prise de conscience des réalités, laquelle fait malheureusement défaut dans ce parlement.
Je voudrais vous dire encore, je l'ai déjà indiqué à plusieurs reprises, qu'il faut faire très attention, notamment en cas de velléités de remettre en cause la substance fiscale de ce canton: nous encourons un danger à agir de manière intempestive, en particulier en supprimant le bouclier fiscal ou en faisant appel au peuple pour supprimer les allégements fiscaux. C'est une politique extrêmement dangereuse, Mesdames et Messieurs, je vous le répète, parce que nous ne pouvons pas nous offrir le luxe de voir des entreprises ou des contribuables fortunés quitter ce territoire. C'est tout simplement une question de bon sens, et j'en appelle à la raison de ceux qui auraient encore ce genre de velléités.
Maintenant, pour en venir aux reproches qui ont été adressés au Conseil d'Etat quant à son absence de volonté d'augmenter les revenus, c'est faux, Mesdames et Messieurs ! Nous venons d'ailleurs de déposer un projet de loi, vous l'avez certainement relevé, visant à limiter la déductibilité des frais de déplacement. S'agissant de l'impôt à la source - M. Baertschi a évoqué le prétendu faible rendement de celui-ci - ce sont tout de même 300 millions qui rentrent; par rapport aux charges que cela occasionne, c'est un gain net. Il faut savoir que depuis un certain nombre de mois voire d'années, il existe la possibilité de déduire un certain nombre de frais. Je souhaiterais - et je m'adresse à ce pan-ci du parlement, du côté du MCG - que vous réserviez un bon accueil à ce projet de loi, parce qu'il aura un effet extrêmement favorable et va en particulier agir dans le sens de la qualité de l'air: il permettra, en quelque sorte, de déduire moins de frais de déplacement. J'ai bien entendu les prises de position de ce côté-là du parlement... (L'orateur désigne les bancs du MCG.) ...et j'espère donc que vous accueillerez favorablement ce projet de loi qui nous apportera quelques revenus supplémentaires. Ce sera la même chose avec un projet de loi destiné à limiter la déductibilité des primes de caisse maladie - aujourd'hui, il y a des niches qui sont de véritables «Genferei» et ne sont pas conformes au droit fédéral. Il est donc faux de prétendre que le Conseil d'Etat ne travaille pas sur les revenus.
Je ne vais peut-être pas commenter tout ce qui a été dit, mais je voudrais tout de même évoquer quelques éléments concernant la RIE III. Il se trouve que j'ai failli arriver en retard ce matin précisément parce que j'étais auditionné par une commission parlementaire fédérale sur la RIE III. Mesdames et Messieurs, la partie ne sera pas facile, nous nous battons pour obtenir des compensations au niveau fédéral mais il n'est pas sûr du tout que nous les obtenions. J'ai expliqué devant la commission en question la particularité genevoise, et ce que l'on m'a signifié, c'est que la manière dont nous menons notre politique et en particulier notre politique budgétaire et fiscale - et je l'entends aussi de la part de parlementaires fédéraux d'autres cantons - est critiquable. On est en train de nous dire: «Vous nous demandez dans le fond de vous subventionner les baisses de taux !» Vous comprenez qu'il n'y a pas d'oreille très attentive par rapport à ces problèmes, que nous devons résoudre par nous-mêmes. Nous devons nous montrer raisonnables, comme sauront l'être les Vaudois, qui vont maintenant aller dans la direction que je vous ai indiquée, celle que le Conseil d'Etat suit depuis plusieurs années. Ils ont trouvé un consensus avec des compensations qui, Mesdames et Messieurs, se font de manière raisonnable. Vous savez que les milieux économiques se sont montrés tout à fait à l'écoute et sont prêts à entrer en matière, des propositions concrètes ont été faites et j'ai moi-même mené des discussions avec la plupart des groupes politiques. Madame Orsini, je vous trouve toujours extrêmement souriante et sympathique, mais j'ai adressé une invitation à votre groupe - j'ignore comment il faut le nommer, «A gauche», «Tous ensemble» ? - précisément pour venir discuter avec nous des mesures de compensation, et je n'ai jamais obtenu de réponse. Tous les autres groupes ont répondu favorablement excepté le vôtre, pas de réponse ! Je suis tout à fait enclin à vous rencontrer pour entendre vos propositions à ce sujet.
Mesdames et Messieurs, cela doit bien être la dixième fois que je le dis ici: la question de la réforme de la fiscalité des entreprises est fondamentale pour ce canton. A un moment donné, et j'espère que ce sera à partir d'aujourd'hui, il faudra arrêter de s'écharper sur cette question et faire preuve de raison, comme le font les Vaudois. Il faut certainement trouver des équilibres mais en tout cas pas contester le bien-fondé de cette réforme, faute de quoi nous irons droit dans le mur et cela risque d'être dévastateur pour l'emploi dans ce canton comme pour nos finances publiques. Le Conseil d'Etat est plus déterminé que jamais à mener cette réforme à terme et à bon port, et nous allons évidemment nous calquer de manière raisonnable sur l'agenda fédéral, dont vous savez qu'il est en cours et qu'il avance, tout comme sur l'agenda vaudois; il est évident que si les Vaudois prennent des décisions concrètes à ce sujet, nous devrons suivre avec une certaine célérité, nous ne pourrons pas nous permettre de voir la situation concurrentielle de ce canton être gravement dégradée - les dangers ont été évoqués par certains d'entre vous. Mesdames et Messieurs, j'en appelle, au nom du Conseil d'Etat, à de la raison de la part de chacun, en commençant par une diminution du ton et des invectives; tout le monde s'en portera mieux, en particulier les intérêts de notre canton. Je vous remercie.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat, et appelle l'assemblée à s'exprimer sur cette politique publique.
Mise aux voix, la politique publique M «Finance et impôts» est adoptée par 58 oui contre 31 non et 1 abstention.