Séance du
vendredi 5 juin 2015 à
17h10
1re
législature -
2e
année -
6e
session -
36e
séance
PL 11398-A
Suite du premier débat
Le président. Nous reprenons nos urgences avec la suite du débat sur le PL 11398, et je passe la parole à M. le député Olivier Baud.
M. Olivier Baud (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi intitulé «Renforcement du frein à l'endettement» est une tromperie, une abomination voulue par les tenants du moins d'Etat, par les casseurs des services publics ! Contrairement à ce qui a été affirmé hier soir de manière faussement candide, il n'offre aucune soupape, aucune marge de manoeuvre. Ce sont des balivernes qui nous ont été servies ! Il faudrait économiser 500 millions par année sur le dos des fonctionnaires, mais les besoins nouveaux de la population seraient quand même honorés ? Quelle blague ! Les augmentations du nombre d'élèves se succèdent et, depuis plus de vingt ans, elles ne sont jamais vraiment compensées par des postes, par l'engagement de nouveaux enseignants. On se moque des besoins de la population depuis longtemps et on voudrait nous faire croire que le miracle est pour demain ? Avec un projet de loi du PLR ? Nous vous rappelons que les mécanismes salariaux sont sans arrêt attaqués, remis en question, alors qu'ils devraient être naturellement respectés. Les augmentations annuelles, dues au personnel, sont systématiquement bafouées, amputées, supprimées. Le PLR lui-même combat l'automaticité de ces augmentations, invente toutes sortes de prétextes pour refuser ces annuités, alors qu'elles sont légitimement prévues et - encore une fois - dues. Le MCG est donc bien gentil de nous parler de l'annuité 2016... Comme si elle dépendait de ce projet de loi ! Il propose aux fonctionnaires de se couper le bras gauche, de détériorer leurs conditions de travail, dans l'espoir de conserver le bras droit, mais sans aucune garantie !
Faut-il rappeler que lors du vote du budget 2015, le MCG ne s'est pas battu pour les fonctionnaires, n'a pas soutenu le versement de l'annuité pleine et entière, et qu'il a voté la suppression de l'annuité 2015 pour la majorité du personnel ? Et il voudrait faire croire aujourd'hui qu'il se préoccupe du sort des employés de l'Etat ? Qu'il se soucie des prestations à la population ? Moins d'emploi, moins de fonctionnaires, mais davantage de prestations de qualité à la population: voilà ce qu'il soutient. C'est tellement incohérent que la seule chose positive que l'on peut faire est de reconnaître un certain courage à celles et ceux qui débitent de telles turpitudes !
Mesdames et Messieurs, il convient d'être un peu sérieux et de dénoncer, d'une part, ce projet qui entend diviser la fonction publique, en essayant d'amadouer les personnes en place en leur faisant croire qu'elles n'ont rien à craindre, à condition qu'elles s'opposent à l'arrivée de leurs futurs collègues et qu'elles acceptent la surcharge de travail, au mépris de leur santé, pour pallier le déficit de postes ! C'est en tout point détestable, et si le mot solidarité n'évoque pas grand-chose aux oreilles de la droite, heureusement que ce n'est pas le cas de celles et ceux qui oeuvrent au quotidien au sein du grand Etat en mettant leurs compétences au service des habitants de ce canton.
D'autre part, Mesdames et Messieurs, il faut quand même s'attarder quelques secondes sur l'argument de ce projet de loi, sa volonté de réduire la dette à 8 milliards de francs. Pourquoi 8 milliards ? Mesdames et Messieurs, cet objectif est un leurre. Non seulement il est irréalisable avec les éléments que propose ce texte, mais, surtout, il faut être naïf pour imaginer que la droite poursuit réellement cet objectif ! La dette, c'est du pain béni; c'est l'excuse bien pratique pour mener une politique d'austérité - on le voit aujourd'hui et constamment. J'irai même plus loin: si la droite avait le bouton pour réduire la dette à zéro, elle n'appuierait pas dessus. Elle y tient trop ! C'est son fonds de commerce ! On le voit aussi quand il s'agit de défendre des projets aberrants qui coûteraient des milliards, comme la traversée du lac: là, on peut aggraver la dette sans problème.
Il faut donc résolument refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi inique. Et si d'aventure il doit connaître une suite, nous le combattrons par référendum, avec l'ensemble des syndicats, et la population, qui ne s'y trompera pas, nous donnera raison ! (Applaudissements.)
M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, comme cela a été dit, l'objectif de ce projet de loi est de diminuer la dette. Jusque-là, on peut dire que ce texte n'a pas nécessairement un mauvais fond. Toutefois, comme M. Baud vient de le souligner, il est certain que cette dette est ici un prétexte; un prétexte, car deux visions s'opposent aujourd'hui, à Genève: une vision - la vôtre, Mesdames et Messieurs de droite - tend à dire que nous connaissons une crise des charges, face à une vision qui dit plutôt que depuis une quinzaine d'années, Genève et la Confédération helvétique n'ont connu que des diminutions d'impôts et que le résultat de ces diminutions est aujourd'hui une véritable crise des recettes. Et il n'est donc pas étonnant de constater que la dette de notre canton avoisine aujourd'hui les 13 milliards de francs. Face à cette situation, plusieurs solutions sont proposées: d'un côté, l'approche de l'austérité, qui vise à couper dans les charges de l'Etat, en l'occurrence dans le nombre d'employés, c'est-à-dire les fonctionnaires - j'y reviendrai - alors que l'approche proposée par la gauche, par le parti socialiste, avec le PL 11569 notamment, texte pragmatique revoyant la progressivité du centime additionnel avec une part reversée au canton pour diminuer la dette, vise à soutenir les investissements dont notre canton manque tant aujourd'hui et, surtout, à apporter un peu d'air à nos finances. Vous avez refusé en commission ce projet de loi, sous prétexte d'un concept qu'on entend très régulièrement aussi, celui de la neutralité fiscale; une neutralité fiscale qui s'applique toujours dans un seul et même sens, à savoir celui de la diminution d'impôts, et jamais dans le sens de la compensation par des mesures complémentaires ou par de nouveaux impôts, et en tout cas pas dans le sens de la suppression de niches fiscales. Car, comme je l'ai déjà dit, depuis environ une quinzaine d'années, la Suisse et Genève ne connaissent que des diminutions de l'imposition. Hier, on a entendu M. Cuendet, je crois, suggérer la solution vaudoise. En effet, le canton de Vaud a réussi à se désendetter, mais au détriment des communes. Vous pourrez lui transmettre ! Je regarde aussi le président du Conseil d'Etat que cela va peut-être inspirer: endetter les communes pour désendetter le canton ? Là n'est peut-être pas la véritable solution puisque, dans le canton de Vaud, on a simplement assisté à un report des charges entre le canton et les communes.
Mesdames et Messieurs les députés, la réelle solution n'est donc pas d'appliquer une politique d'austérité. Bien au contraire, puisque si la politique d'austérité ne vous touche pas vous-mêmes, en tant que citoyens, elle touche par contre une très grande partie de la population. Lors de la discussion sur le budget 2015 que vous avez voté, vous vous êtes déjà attaqués aux prestations, sociales entre autres: on peut penser aux subsides d'assurance-maladie et aux diverses coupes dans les prestations sociales, dans les aides au logement, dans les aides pour les personnes âgées. Après vous être attaqués aux prestations, vous continuez en vous attaquant à la fonction publique et aux fonctionnaires. M. Baud l'a relevé, on entend là des incohérences énormes, quand même. On entend dire qu'il suffit de fournir plus de prestations avec moins de fonctionnaires. Vous pourrez transmettre à M. Stauffer que j'entendais vanter cette solution-là: je ne suis guère étonné par le résultat qu'il a obtenu aux dernières élections au Conseil administratif de la commune d'Onex. Parce que s'il a essayé d'appliquer un tel management à sa commune, autant dire que les électeurs et électrices de la Ville d'Onex ont bien compris que cela ne marchait pas ! En effet, nous n'arrivons pas à faire... (Commentaires.)
Le président. Monsieur Sormanni, s'il vous plaît !
M. Romain de Sainte Marie. Nous n'arrivons pas à garantir des prestations publiques de qualité avec moins d'employés, ou alors, expliquez-moi comment on fait ça et expliquez-moi où nous allons couper ! Car c'est ça, maintenant, Mesdames et Messieurs les députés de droite: il faut assumer et être responsables ! (Exclamations.) Votre projet de loi est un projet de loi aveugle ! Aveugle, car il faudra savoir où couper et on ne pourra plus porter des politiques ambitieuses qui servent l'ensemble de la population ou en tout cas les personnes qui en ont le plus besoin. Votre projet joue sur un ensemble de vases communicants qui ne répond absolument pas à la réalité et aux besoins de notre canton.
Quand j'entends le MCG parler du maintien des prestations et des conditions de travail des fonctionnaires en défendant ces mêmes conditions de travail, je serais curieux de savoir quel fonctionnaire serait en réalité satisfait d'un tel discours, quand on lui coupe les moyens pour les prestations, quand on coupe les moyens pour être suffisamment armé et suffisamment nombreux pour effectuer ces prestations ! Les fonctionnaires ne sont pas dupes et comprennent très bien que le discours tenu par le MCG est purement clientéliste et électoral. Non, Mesdames et Messieurs, il faut faire attention avec ce projet de loi: si vous le votez, vous sciez la branche sur laquelle se trouve notre canton, la branche sur laquelle se trouvent les habitantes et habitants de notre canton, et cela peut être très dangereux ! Puisque les prestations publiques et les fonctionnaires contribuent à la qualité de vie de notre canton, le jour où cette branche tombera, cela fera mal ! Peut-être pas à vous, privilégiés, mais à une grande partie de la population ! (Commentaires.) C'est ça qui est dramatique !
Soyez responsables avec les mesures que vous êtes en train de prendre. Je vous invite à refuser ce projet de loi et je sais d'ores et déjà que s'il passe, le peuple aura à se prononcer dessus et vous fera comprendre qu'il ne souhaite absolument pas votre politique d'austérité. (Applaudissements.)
Mme Lisa Mazzone (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, hier soir, nous avons eu l'occasion d'entendre un florilège de paroles de mauvaise foi sortant de la bouche des députés du PLR et de l'extrême droite - il n'y a effectivement plus de doute qu'il s'agit de l'extrême droite. (Vifs commentaires.)
Le président. Monsieur Baertschi ! Monsieur Baertschi, vous n'êtes pas pris à partie ! S'il vous plaît !
Mme Lisa Mazzone. Je ne savais pas que parler de l'extrême droite - ce qui vous qualifie - était une insulte ! (Brouhaha.)
Le président. Est-ce que vous pourriez vous taire et, s'il vous plaît, écouter l'oratrice ? S'il vous plaît !
Mme Lisa Mazzone. La mauvaise foi affleurait en particulier lorsque certains députés feignaient la solennité. Notamment certains députés PLR qui, passés maîtres dans l'art de la simulation, nous faisaient croire qu'il y avait réellement un enjeu pour le canton et qu'il fallait réellement trembler devant la dette. En réalité, la dette n'est qu'un épouvantail, un prétexte brandi pour mettre en place un véritable démantèlement des services publics et la vision d'une société désunie et démantelée petit à petit. Forcément, si on applique ce projet de loi, on devra mécaniquement licencier au sein de l'Etat et diminuer les prestations publiques. Ce qui me dépite en particulier, c'est un sentiment que je n'arrive pas à m'enlever de la tête: que certains députés MCG n'ont simplement pas compris de quoi il s'agissait et qu'ils n'ont pas compris la teneur de ce projet de loi. Alors soit c'est de la mauvaise foi extrêmement bien maniée, soit c'est une incompréhension étonnante - ou inquiétante - des conséquences d'un tel texte. Si on devait engager un fonctionnaire pour expliquer à chaque député MCG ce que représente chacune des lignes des projets de lois qu'il soutient, ça risquerait de coûter cher à l'Etat !
Enfin, j'aimerais dire qu'il s'agit ici d'un texte qui met en place une véritable vision du démantèlement des services publics. La population va augmenter. Elle va augmenter; on le prévoit; on le planifie dans des documents comme le plan directeur cantonal. Il s'agit de documents acceptés par le parlement dont vous faites partie. Il y aura évidemment plus d'élèves, plus de malades, plus de personnes âgées. Face à cette augmentation démographique, que propose ce texte ? Il ne propose pas d'accompagner l'augmentation du nombre d'élèves par une augmentation du nombre d'enseignants: aussi, les classes seront bondées et la qualité de l'enseignement dégradée. Il ne propose pas d'accompagner l'augmentation du nombre de malades par une augmentation du nombre de médecins pour leur venir en aide: les hôpitaux seront donc bondés et seuls les plus riches pourront accéder à des cliniques privées. Face à une augmentation du nombre de personnes âgées, ce projet de loi ne propose pas d'augmentation du personnel soignant: les EMS subiront les mêmes dégradations que les autres services publics.
Globalement, ce que l'on constate, c'est un vrai démantèlement des services publics et des prestations sociales. Au final, quelle est la conséquence de ce genre de vision ? On porte atteinte directement à la cohésion de notre société. On porte atteinte aussi à ce qui fait la force d'un canton qui propose une vraie qualité de vie pour toute la population, justement grâce à des services publics de qualité et accessibles à tout le monde. Votre proposition, avec ce texte, porte directement atteinte à la vie des citoyennes et des citoyens, à leur vie quotidienne, à la vie des enfants à l'école, à la vie des personnes qui auront besoin de faire appel à du personnel soignant et, même, à la vie de tout un chacun profitant au quotidien de prestations, ne serait-ce qu'en prenant le bus tous les jours. Cette proposition, je suis absolument certaine que la population n'en veut pas ! Elle n'en veut pas et le dira par le biais d'un référendum, de manière franche et affirmée. D'ici là, au nom du groupe des Verts, je vous invite à refuser ce projet de loi. (Applaudissements.)
Mme Salika Wenger (EAG). Chers collègues, depuis hier soir, nous assistons à un cirque. Pas un grand cirque, pas le Cirque du Soleil ! Non, un de ces petits cirques, comme dans «La Strada» de Fellini, vous savez, un de ces petits cirques un peu misérables qui se traînent. C'est ce que nous sommes en train de faire ici ! Nous avons eu l'équilibriste du PDC qui nous a fait le grand écart frontal !
Une voix. Bravo !
Mme Salika Wenger. Nous avons eu le prestidigitateur du PLR qui, avec rien dans les mains, rien dans les poches, hop, nous transforme une mesure antisociale en un monde merveilleux et plus juste ! Nous avons vu le jongleur: des chiffres, des chiffres, rien que des chiffres, jusqu'au vertige ! Nous avons eu M. Loyal qui, évidemment, fait son tour de piste, présente tous les numéros, mais n'a que son haut-de-forme pour unique talent ! (Rires.) Il manquait quelque chose dans ce cirque: le clown, le clown triste, Pierrot, et c'est moi qui serai Pierrot, ce soir !
J'entends depuis hier que la charge salariale existe au détriment de l'Etat. Je ne suis pas de celles et ceux qui défendent les fonctionnaires à tout prix, mais, en compensation, mon groupe et moi sommes de ceux qui défendent les services publics ! Et ça, nous le faisons de façon absolument décidée et formelle; et, à moins d'être magicien - ou d'être malhonnête ! - il va falloir m'expliquer comment, avec moins d'argent, nous pourrons fournir plus de prestations. Avec moins d'argent, nous aurions suffisamment de travailleurs pour fournir ces prestations ? Avec moins d'argent, moins de rentrées fiscales, nous allons rembourser une dette dont j'ai discuté et je discute toujours la légitimité ? Ce soir et depuis hier soir, j'ai l'impression que tout le monde est sorti de la réalité. Alors je vous invite à faire comme Ensemble à Gauche, à baisser le rideau et à revenir à une réalité qui est tout autre que celle que vous nous avez présentée !
M. Christian Frey (S). Pour les socialistes, parmi les choses très importantes figurent les prestations sociales, les prestations délivrées par les enseignants, par les assistants sociaux, par les infirmières, par toutes ces personnes indispensables au bien-être de notre population à Genève. Et je crois que personne ici ne peut honnêtement et sincèrement croire qu'avec ce projet de loi, on ne va pas couper dans ces prestations ! Il sera nécessaire de le faire pour deux raisons très simples: d'une part, il y a les charges obligatoires, très bien décrites dans les rapports de minorité; d'autre part, il y a l'évolution démographique, avec l'augmentation de la population et, surtout, son vieillissement accompagné de toutes ses conséquences. Je serais d'ailleurs mal placé pour défendre les coupes, après vous avoir présenté le rapport de la commission des affaires sociales sur les personnes handicapées en attente de places en institution: 220 personnes en attente, sans parler des besoins nouveaux.
Ce qui est encore étonnant dans ce texte, c'est qu'il exprime une défiance envers les magistrats élus des partis qui le proposent. Je crois avoir entendu M. Aellen dire qu'il fallait donner un coup de main au Conseil d'Etat, parce qu'il ne fait pas assez d'économies - un coup de main pour lui faciliter sa tâche de coupe dans les prestations ! C'est assez étonnant, parce que ça prouve qu'il n'y a pas de confiance. Siégeant à la commission des affaires sociales, je peux vous dire que nous n'arrêtons pas de traiter des programmes d'économies depuis le début de la législature. Tout y passe: prestations complémentaires pour les personnes à l'AI qui arrivent à l'âge de l'AVS, compléments d'intégration... Tout y passe, nous ne travaillons que sur ça ! (Commentaire.) Alors avec un tout petit peu d'ironie, j'aimerais vous dire: faites confiance à vos magistrats ! Ils sont en train d'économiser. Et surtout, n'appliquez pas cet automatisme qui ne peut que nous amener dans un cul-de-sac.
Que va-t-il se passer ? Hier, j'ai entendu que la reine des batailles allait se déclencher, je crois qu'on l'a dit de ce côté-là. (L'orateur désigne les bancs d'Ensemble à Gauche.) Qu'est-ce qui va se passer ? Ce PL va peut-être être accepté, la rue va réagir, il va y avoir des manifestations, un référendum, etc. Nos collègues suisses allemands, mais aussi d'autres cantons romands, vont dire: encore une genevoiserie ! On va se bloquer totalement avec ce projet de loi. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste vous propose de ne pas l'accepter, de ne pas entrer en matière, et de continuer à travailler de manière démocratique dans les commissions, avec les conseillers d'Etat, avec les magistrats concernés; de discuter de ce qui peut être fait et de ce qui ne peut pas être fait en termes d'économies, pour le bien de notre population.
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, je voulais reprendre la parole pour répondre à un certain nombre d'interventions et de points soulevés. Tout d'abord, M. Lussi nous a expliqué que nous étions arrivés à une situation dans laquelle la dette est devenue insupportable et qu'il fallait donc trouver un remède à ce problème-là. Certes, je ne veux pas sous-estimer le problème de la dette, je pense effectivement qu'il convient de se pencher dessus. Toutefois, le remède que vous proposez aujourd'hui tue le patient. C'est bien ça que nous contestons: la radicalité de ce projet de loi qui aura des conséquences extrêmement importantes pour l'Etat.
En effet, vous nous avez indiqué que ce projet de loi allait être limité dans le temps, que le jour où nous aurions assez réduit la dette pour qu'elle corresponde aux rentrées fiscales de ce canton, nous pourrions arrêter ce frein à l'endettement; mais il faut voir que ce laps de temps est extrêmement long: nous parlons ici d'une période de vingt ou trente ans ! Pendant vingt ou trente ans, nous allons donc devoir couper des centaines de millions de francs dans les charges de l'Etat. Si on peut, la première année, parvenir par un tour de passe-passe à faire en sorte que cela ne soit pas trop douloureux, après deux ans, la douleur sera véritable. Je vous laisse estimer l'impact réel sur les prestations de l'Etat sur une durée de vingt ou trente ans: vingt ou trente ans, cela veut dire que des postes seront mécaniquement supprimés, il ne sera pas possible de faire autrement; vingt ou trente ans, cela veut dire que des prestations à la population devront être supprimées.
Ce texte empêche en plus tout développement de politiques publiques telles qu'elles sont prévues dans le plan financier quadriennal. Il empêche le développement de toute politique anticyclique, exactement. L'Etat ne pourra plus avoir aucune réactivité pour faire face à des situations nouvelles. En ce sens, ce projet de loi promeut l'immobilisme. Je vous rappelle par ailleurs qu'il pourrait s'avérer anticonstitutionnel et ne pas respecter, en plus, la LGAF que nous avons votée il y a quelques mois, puisqu'il tente de réformer la répartition des compétences entre l'exécutif et le législatif, ce qui serait donc complètement anticonstitutionnel; il y a là une incertitude qu'il conviendrait de lever.
J'ajoute, comme je vous l'ai indiqué hier, que ce projet n'offre pas la garantie d'une bonne gestion de l'Etat. D'ailleurs, j'ai déjà entendu mon collègue Stauffer dire tout à l'heure que, de toute façon, on voterait les dépassements de crédit en commission. Ce n'est pas ainsi qu'on gère l'Etat ! Voter des dépassements de crédit ? (Remarque de M. Patrick Lussi.) Je sais que ce n'est pas vous, Monsieur Lussi, je vous fais confiance, en ce domaine ! Ce n'est pas respecter le principe de la sincérité budgétaire, un principe pourtant essentiel !
Un autre problème que je voudrais soulever est le suivant: ce projet de loi prévoit certes une dérogation de 1% pour les charges générales et de 0,5% pour les charges de personnel. Tout d'abord, il faudrait que le Grand Conseil accepte cette dérogation, ce qui ne serait peut-être pas évident. En plus, à nouveau se pose ce problème de temporalité: normalement, nous n'avons pas l'autorisation de réduire ou d'aggraver le budget d'un exercice qui a été déposé par le Conseil d'Etat. Nous ne pouvons pas faire cela a posteriori, il faudrait donc le faire a priori, avant le dépôt d'un budget. Ce que je trouverais délicat: décider avant le dépôt du budget si on veut déroger ou pas ? Ensuite, cela mènerait éventuellement à une situation avec des votes de dépassements de crédits et on aurait à la fin des comptes peut-être déficitaires. Cela nous mènerait automatiquement à ce que vous essayez d'éviter, c'est-à-dire au frein au déficit et à la consultation de la population sur l'augmentation des taxes et des impôts ou sur la réduction des prestations dans certains domaines.
Ce projet de loi couvre des charges qui n'avaient pas à être couvertes, des charges sur lesquelles Genève n'a aucune prise, des charges qui sont liées à la RPT, à des obligations légales, sur lesquelles nous n'avons aucune marge de manoeuvre, et qui augmentent mécaniquement chaque année. Pour toutes ces raisons et pour celles indiquées en début de séance, le groupe des Verts vous appelle à refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de première minorité. D'abord, hier, j'ai entendu notre collègue Stauffer dire qu'un budget de fonctionnement de 2,2 milliards de francs était extraordinaire pour une collectivité de 400 000 âmes. C'est vrai, mais cette collectivité a aussi un produit intérieur brut de 45 milliards de francs ! C'est très rare, ça aussi, Monsieur ! Quand on a un PIB de 45 milliards de francs, ça veut dire qu'on a des activités économiques importantes, sauf si on est un paradis fiscal. Ça veut aussi dire qu'il y a une population qui requiert un certain niveau de prestations, de qualité. C'est notamment pour ça que des entreprises viennent chez nous, parce qu'il y a une qualité dans le domaine de la santé, une qualité de l'école, une qualité de l'espace, etc. Effectivement, cela coûte, Mesdames et Messieurs, et c'est pour cela que nous avons un tel budget. Aller dans l'autre sens, c'est dégrader cette situation !
Notre collègue Cuendet nous dit que la pyramide fiscale est très pointue. C'est vrai, Monsieur Cuendet, et cela me gêne énormément ! Ce n'est pas très sain pour une collectivité fiscale qu'une bonne partie - le tiers - de nos rentrées soit assurée par une faible proportion de la population: cela veut dire qu'il y a une disparité invraisemblable dans la distribution des richesses ! Si les richesses étaient mieux réparties et si on avait des activités industrielles un peu plus importantes dans ce canton, on n'aurait pas une telle pyramide, qui nous fragilise effectivement. Je ne verrais pas d'inconvénients à ce que cette pyramide soit un peu plus aplatie; je serais même d'accord avec vous. Notre collègue Stauffer dit qu'il paie beaucoup d'impôts, mais ce n'est pas ça ! Monsieur Stauffer, si vous gagnez de l'argent, c'est parce que des gens consomment ! Vous vendez un produit que des gens achètent. Et comme des gens l'achètent, vous faites un bénéfice. Même les gens qui paient peu d'impôts l'achètent et participent à votre richesse. S'il s'agissait de sujets, comme à l'époque où il y en avait qui dépendaient du prince, le prince aurait dit: le pognon, c'est pour moi, les restes pour vous ! Aujourd'hui, ce n'est plus comme ça; on est en république, et la république a voulu qu'il y ait une meilleure répartition des richesses, que les gens deviennent des citoyens et ne soient plus des sujets. Ce qui veut dire qu'ils s'assument et que leur travail est payé afin qu'ils puissent subvenir dignement à leur vie, sans être à la merci des riches ou avoir recours à l'Hospice général - malheureusement. Voyez-vous, je suis contre l'Hospice général ! J'aimerais bien qu'il disparaisse, parce que cela voudrait dire que les gens auraient tous un travail, qu'ils pourraient tous s'assumer, payer des impôts et s'offrir ce qui leur est nécessaire. Mais non, chaque année, il y a plus de gens à l'Hospice général ! Chaque année, malgré l'augmentation de la richesse, malgré l'augmentation du produit intérieur brut, le nombre de chômeurs augmente, paradoxalement, ainsi que le nombre de personnes à l'Hospice général ! (Brouhaha.) Monsieur le président, est-ce que je peux parler sans que les gens du MCG aient l'incorrection... (Commentaires.) C'est une question d'éducation !
Le président. S'il vous plaît ! Poursuivez, vous avez raison !
M. Alberto Velasco. Je disais que cette augmentation de la pauvreté appelle malheureusement aussi une augmentation de la fonction publique. Or, votre projet bloquerait la situation et la dégraderait.
M. Aellen déclare encore qu'on doit financer cette dette et qu'on ne peut pas la laisser à nos enfants. Monsieur Aellen, je tiens à vous dire qu'aujourd'hui, on paie la dette de nos aïeux, et nos aïeux payaient la dette de leurs aïeux ! Si nous n'investissons pas et que nos enfants et petits-enfants n'ont rien à payer, ce sera un désastre, Mesdames et Messieurs. C'est ce qu'on a connu à Genève: on faisait des investissements de 125 ou 200 millions de francs et, résultat, aujourd'hui, il faut débourser aux alentours de 800 ou 900 millions de francs, parce que pendant des années, on n'a pas investi les sommes nécessaires ! Mesdames et Messieurs, il est normal que chaque génération assume une part des investissements faits par la génération précédente. C'est tout à fait logique ! La question est de savoir si la part de la dette qu'on transmet peut être assumée ou pas, mais qu'il y ait une dette, c'est tout à fait normal. N'avez-vous point de dettes, Mesdames et Messieurs ? Je suis certain que MM. Stauffer, Aellen et tout le monde ici achète qui une maison, qui une bagnole. Vous avez une dette aussi, quand vous achetez une voiture. (Commentaires.) Monsieur Lussi, vous êtes un homme riche, vous, et vous avez peut-être suffisamment de moyens, mais la plupart des citoyens ne sont pas dans ce cas-là !
Enfin, il est quand même incroyable ce projet de loi, parce que si vous avez lu l'article 2 souligné et l'article 137 nouveau, la dérogation évoquée par Mme Sophie Forster Carbonnier ne peut avoir lieu que si les deux tiers de ce Grand Conseil l'acceptent ! Alors c'est marrant, parce que si, demain, il y a une majorité autre que la vôtre, avec une différence de deux ou cinq députés, par exemple, on n'aura jamais la possibilité de voter ce budget, parce que cet alinéa instaure une majorité de deux tiers ! C'est quand même incroyable qu'une majorité s'instaure ici pour diminuer la démocratie et la majorité que le peuple a bien voulu accorder. Mais cet article, c'est un déni de démocratie...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Alberto Velasco. Je n'ai plus de temps ?
Le président. Trente secondes. Poursuivez !
M. Alberto Velasco. Cet article est un déni de démocratie. Vous avez tellement peu confiance en ce Grand Conseil, c'est ça la réalité. Vous n'avez pas confiance dans la responsabilité du Conseil d'Etat et, face à cette prétendue irresponsabilité, vous pondez un article 137 qui limite le pouvoir de ce Grand Conseil. C'est donc totalement anti-démocratique, et je vous prie, chers collègues, de bien réfléchir avant de voter quelque chose comme ça. Mon groupe ne votera pas l'entrée en matière de ce projet de loi pour les raisons que je viens de vous exposer.
Le président. Merci bien. Je passe la parole à M. le député Patrick Lussi, rapporteur de majorité. La liste des orateurs est close.
M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, on a tout entendu, mais l'essentiel a été occulté. Nous avons entendu les sorciers, chamans et autres diseurs de mauvaise aventure de la gauche décrire les privilèges incontournables de certains, oubliant que, quand la tempête fera sombrer l'ensemble, tout le monde coulera. Des responsables aveugles et autistes: c'est en ces termes qu'il faut décrire les outrances de la gauche ! Le fléau endémique de la dette publique ravage nos sociétés occidentales et plus d'une est à ce jour au bord de la faillite. Mesdames et Messieurs les députés, le fonctionnement d'une communauté, d'une société, d'un Etat, n'est sain et viable qu'avec des limites discutées et fixées. Ce projet de loi propose et définit la façon de revenir à une limite pérenne pour les finances cantonales, en retrouvant l'équilibre et la parité entre l'ensemble des revenus et cet endettement démesuré actuel. Il faut du courage et de la volonté politique pour remettre en question l'illogisme conventionnel et l'équilibre des forces qui cimentent les politiques dominantes perpétuant le credo actuel voulant que la dette n'ait aucune importance. Pour toutes ces raisons, j'invite dès à présent le Grand Conseil à avoir le courage d'oser le changement de paradigme proposé par le projet de loi 11398, dont l'objet final et non caché est de retrouver les moyens d'investir, moyens qui nous font cruellement défaut actuellement.
Mesdames et Messieurs les députés, je pense que cette citation de Georges Clemenceau illustre toute la démarche exprimée par la majorité: «Il faut savoir ce que l'on veut; quand on le sait, il faut avoir le courage de le dire et, quand on le dit, il faut avoir le courage de le faire.» Pour l'avenir de ce canton, pour votre avenir, celui de vos familles, de vos proches, pour notre indépendance et notre liberté, réagissons contre ce chant des sirènes qui nous entraîne dans cet abysse de l'endettement. Car la démocratie, la vraie, cher rapporteur de deuxième minorité, c'est aussi la liberté financière ! Je vous remercie d'entrer en matière sur ce projet de loi 11398.
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat partage un constat que fait une partie de ce parlement: si nous ne maîtrisons pas notre dette, si nous ne la réduisons pas, nous allons avoir des problèmes, de gros problèmes. Je rappelle juste que la dette n'est pas une illusion comptable, comme j'ai eu l'occasion de le lire il y a quelques mois. Son service nous coûte environ 240 millions de francs par année. Ces 240 millions nous permettraient à titre d'exemple de financer chaque année trois nouveaux cycles d'orientation flambant neufs ! Or, vous le savez, nos moyens et notre capacité à investir sont entamés précisément par l'ampleur de cette dette. Il y a dans la loi une disposition votée par ce parlement qui va rendre les choses beaucoup plus difficiles lorsqu'un niveau d'endettement sera atteint. Or, nous allons bientôt atteindre ce niveau.
Comment fait-on pour stabiliser une dette ? C'est relativement simple, en théorie en tout cas: il faut éviter de perdre de l'argent dans l'exploitation, c'est-à-dire qu'il faut avoir des comptes au moins équilibrés et, en même temps, il faut avoir un autofinancement des investissements. Pour l'instant, en tout cas l'année dernière, nous y sommes parvenus, suite à des événements un peu particuliers, dirais-je. Mais sur le long terme, nous en sommes encore incapables. Le constat, nous le partageons donc. C'est d'ailleurs pour cela que l'année dernière, précisément afin de respecter la première partie de l'équation - avoir un budget et des comptes équilibrés - le Conseil d'Etat a proposé des mesures à hauteur de 150 millions de francs environ. J'observe que parmi ceux qui soutiennent la loi en question, dans ce parlement, il y a des gens qui n'ont pas suivi le Conseil d'Etat dans cette volonté d'économie. C'est juste une observation que je me permets de faire au nom du Conseil d'Etat. Voilà donc pour ce constat, bien entendu partagé par le Conseil d'Etat qui oeuvre dans ce sens.
Quelle est la méthode proposée ici ? Comme je l'ai indiqué, nous avons un dispositif dans la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat qui vise à limiter notre endettement. Il y a également un frein au déficit. Et maintenant, on voudrait en quelque sorte nous mettre un corset supplémentaire ? J'ai envie de vous dire qu'un corset n'a jamais permis à qui que ce soit de maigrir, jusqu'à preuve du contraire. Peut-être permet-il d'affiner la silhouette, mais pas de maigrir ! Pour pouvoir maigrir et pour maîtriser son poids, il faut une discipline; il faut un travail sur le fond; il faut de la réflexion; il faut du débat politique; il faut de l'analyse; il faut des prises en considération empreintes d'une certaine subtilité. Cela peut conduire à un régime, mais vous savez très bien que les régimes qui ne durent qu'une semaine ou qu'une année, qui sont concentrés sur des objectifs annuels - comme le propose ce projet de loi - ne sont pas des régimes efficaces. Ce sont des régimes sur le long terme qu'il faut, avec un changement de son hygiène de vie, de son mode de pensée, et c'est de cette manière qu'on peut réussir. C'est à mon avis en s'imprégnant de cela, comme le fait le Conseil d'Etat, qu'on peut y parvenir, plutôt qu'en inscrivant des conditions irréalisables et irréalistes dans la loi.
Pourquoi est-ce irréaliste ? Plusieurs d'entre vous l'ont abondamment rappelé: parce qu'il y a des charges liées à des lois, liées à des engagements intercantonaux, et parce qu'il y a des lois fédérales qui varient. Force est de constater que ces dernières années, ces charges, malheureusement, n'ont fait qu'augmenter. Avec le carcan, le corset que les auteurs du projet proposent, ces charges seront forcément payées au détriment d'autres choses. Le Conseil d'Etat n'est pas d'accord avec cela, Mesdames et Messieurs, et il vous propose évidemment de refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi. Le Conseil d'Etat entend faire de la politique, il entend faire des arbitrages, il entend faire les choix qui lui appartiennent, et il n'entend pas se faire mettre un corset par le Grand Conseil. Nous assumons notre responsabilité et c'est dans ce sens que nous voulons agir. C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat vous recommande de refuser l'entrée en matière et de refuser ce projet de loi. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Je vais vous faire voter...
Une voix. Vote nominal !
Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, nous passons donc au vote nominal pour l'entrée en matière sur ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 11398 est adopté en premier débat par 59 oui contre 33 non (vote nominal).
Deuxième débat
Le président. Ont demandé la parole un certain nombre de personnes qui vont s'exprimer sur les amendements. Monsieur Aellen, c'est à vous.
M. Cyril Aellen (PLR). Merci, Monsieur le président. Je souhaiterais indiquer pourquoi il faut voter dans leur intégralité les articles de loi en deuxième débat, tels qu'ils sont prévus par le texte de la loi initiale, sans aucun amendement. Avec mon collègue Slatkine et notre assistant parlementaire Julien Marquis, nous avons procédé à la rédaction de ce projet de loi et nous imaginions bien que cela allait interpeller, qu'allait surgir un débat passionné et engagé. Cela a été le cas, mais très franchement, jamais je n'aurais pensé que ce débat aurait conduit à tant de débordements, hier soir, à tant de procès d'intention, et - c'est peut-être le plus important - à aussi peu de critiques directes et constructives, et surtout, sans proposition d'une alternative à la solution proposée. (Commentaires.)
Je ne reviendrai pas sur les écarts de forme, encore ce matin, sur des blogs dont les auteurs, qui font partie de ce parlement, devraient avoir honte. En revanche, le PLR souhaiterait expliquer pourquoi il voudrait une modification de la LGAF, c'est-à-dire exclusivement une modification de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat. C'est de cela qu'il s'agit et de cela seulement ! Permettez, chers collègues, que le PLR ait envie de définir dans la loi quelques règles en matière de gestion administrative et financière, précisément. Des convictions et des souhaits d'ordre politique doivent nous conduire à voter les articles tels qu'ils sont inscrits dans la loi sortie de commission. Un de ces principes est un niveau de dette acceptable, un niveau qui peut évoluer au rythme du budget, au rythme des revenus. Un deuxième principe très simple demande qu'on dépense ce que l'on a, pas plus, et si possible, moins.
En réalité, le PLR souhaite fixer un objectif à nos autorités; pas seulement au Conseil d'Etat, mais à l'entier des autorités législatives, pour atteindre un objectif, celui d'une dette raisonnable, en fixant un cadre dans lequel il est raisonnable de dépenser. Le niveau de la dette, Mesdames et Messieurs de la gauche, vous l'avez beaucoup critiqué. Celui-ci n'est pas important, mais vous n'avez jamais dit quelle était la dette acceptable. Deux années de revenus ? Trois ? Quatre ? Cinq ? Aucune ? Je l'ignore encore aujourd'hui. Pas de proposition, pas d'amendement en ce sens ! C'est ça qui m'inquiète le plus, vous avez remis en cause cet équilibre d'une équivalence des dépenses et des revenus. Vous avez sciemment dit qu'il fallait dépenser plus que ce qu'on a, plus que ce que l'on gagne. Pourquoi ? Jusqu'à quand ? Comment les choses vont-elles pouvoir évoluer ? Alors il y a prétendument des charges mécaniques, des charges contraintes et, quand on regarde le texte des auteurs de minorité sur ces charges mécaniques, contraintes, on voit qu'il ne s'agit en réalité ni de mécanismes ni de contraintes, mais de lois votées par ce parlement qu'on peut changer à tout moment. Il y a une seule vraie dépense mécanique et contrainte, c'est celle des intérêts de la dette.
Vous avez beaucoup parlé de démantèlement de l'Etat. Dois-je rappeler que le projet de loi propose non seulement d'avoir un budget équivalent à ce qu'il a été ces dernières années, mais qu'il est adapté à l'inflation et que ce budget peut encore faire l'objet de mesures pour être augmenté - certes à une majorité qualifiée ? L'austérité, selon la gauche, c'est avoir un budget qui augmente légèrement. Lorsque, dans une situation économique difficile, on devra le baisser parce qu'on n'aura plus les moyens de dépenser, comment l'appellerez-vous ? Les mesures d'économies n'ont pas été proposées par le Conseil d'Etat, elles n'ont, pour la plupart d'entre elles, pas été votées par ce parlement, ni par vous-mêmes principalement. Vous transmettrez, Monsieur le président, Mme Forster Carbonnier dit qu'avec ce projet-là, il va falloir vingt à trente ans pour retrouver un niveau de dette acceptable. Vous avez tort, probablement: les Vaudois ont fait cela beaucoup plus rapidement. Toutefois, admettons que vous ayez raison: dans l'hypothèse que ce projet de loi, trop sévère, nécessite vingt ou trente ans, s'il est moins sévère, combien de temps cela prendra-t-il ? Cent ans, deux siècles ? Difficile à dire. Par ailleurs, Monsieur Velasco, vous avez beaucoup parlé des dettes d'investissement, mais là, on parle exclusivement du fonctionnement.
Enfin, un dernier mot: la CPEG ! Caractéristique pour moi de la situation actuelle de notre canton, elle se fonde sur une croissance des charges, une croissance du personnel de 0,6%, pour trouver l'équilibre. C'est une course en avant inacceptable, mais, là aussi, ce n'est pas une charge contrainte, c'est une loi que l'on peut changer, que l'on peut modifier. La fonction publique n'est en réalité pas concernée par ce projet de loi; elle sera concernée par la deuxième étape, lorsqu'il faudra faire des choix, parce qu'on ne peut pas tout augmenter à la fois sans en assurer le financement !
Voilà pour l'essentiel. Il y a eu peu de propositions et je le regrette. Peut-être que certaines d'entre elles auraient mérité d'être étudiées, comme celle d'Emilie Flamand-Lew nous disant qu'il fallait peut-être intégrer la donnée de l'évolution de la population. Ça, c'est certes une proposition intelligente, mais jamais en commission, jamais, s'agissant d'amendements, on n'a discuté de cela. C'est pour cela qu'il faut rester sur le texte tel qu'il est sorti de commission. (Applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, nous avons entendu depuis hier soir la gauche nous dire que c'était une catastrophe et qu'elle allait combattre ce projet de loi par référendum. Moi, je suis prêt à l'affronter devant le peuple. Mon préopinant l'a dit: avec vos déclarations, vous êtes en train d'expliquer à la population que le budget ne peut pas être maîtrisé et qu'il faut dépenser plus que ce que l'on gagne. Si je vous donne le chiffre de 240 millions de francs, c'est beaucoup d'argent. C'est presque une vingtaine de millions par mois. Eh bien, vous avez tous entendu que les taux d'intérêt sont extrêmement bas aujourd'hui, mais figurez-vous que ces 240 millions de francs, c'est le prix qu'on paie aujourd'hui en intérêts sur la dette ! Ça, ça rentre évidemment dans le fonctionnement.
Le projet de loi dit qu'il faut essayer de réduire la dette et de maîtriser les dépenses, non pas réduire le nombre de fonctionnaires: j'insiste, il n'y a pas de licenciement, pas de baisses de salaires. Réduire la dette, ça réduira d'autant les intérêts que le canton de Genève doit payer. Si on avait aujourd'hui 240 millions de francs à se partager dans l'exercice budgétaire 2016, combien de prestations pourrions-nous proposer ? Bien plus qu'aujourd'hui ! C'est là que votre message est confus, Mesdames et Messieurs de la gauche et du PDC. Aujourd'hui, vous dites: peu importent les recettes, il faut dépenser, la dette n'est que théorique. Mais les intérêts sont concrets et le canton de Genève doit les payer ! Que dire encore lorsque le Conseil d'Etat ne parvient pas à réduire ce déficit structurel ? C'est quelque chose qu'on a aussi de la peine à expliquer, au MCG, puisque nous sommes un parti gouvernemental. Le MCG est intervenu dans les débats budgétaires pour faire certaines coupes. Pourquoi ? Parce que si les comptes sont équilibrés, on va de l'avant; mais du moment qu'il y a un déficit structurel, on ne parle pas de la dette, on parle de fonctionnement, et là, il y a un problème: c'est qu'on dépense plus que ce que l'on gagne. A quoi est-ce que ça équivaut ? Quel est votre message, Mesdames et Messieurs de la gauche et du PDC ? C'est qu'à chaque exercice budgétaire, puisqu'on est en déficit structurel, il va falloir contracter des emprunts auprès de banques et payer des intérêts pour assurer le fonctionnement. Définitivement, ce n'est pas comme ça que ça fonctionne ! Certains de gauche diront qu'il faut augmenter les impôts, mais d'autres, de gauche aussi, ont donné un contre-argument, sans le vouloir: c'est M. Velasco, quand il dit que Genève a une économie florissante. Oui, mais pourquoi ? Pourquoi est-ce que la France n'a pas la même économie florissante ? Eh bien parce qu'en France, trop d'impôt tue l'impôt !
Une voix. Mais non !
M. Eric Stauffer. Eh oui, Mesdames et Messieurs ! Ce qui a fait le succès du canton de Genève, cette économie forte, c'est qu'il y a une fiscalité raisonnable. Encore une fois, loin de nous d'imaginer licencier des fonctionnaires, mais quand on voit qu'à Genève, nous avons dix équivalents temps plein de plus que dans le canton de Zurich... (Commentaires.) ...Mesdames et Messieurs, j'en appelle à votre raison, à votre bon sens, ce projet de loi demande de maîtriser les dépenses. C'est tout ce qu'il demande ! Il ne dit pas qu'il faut réduire le budget de fonctionnement, puisqu'il prévoit même que celui-ci peut augmenter et qu'il y a des exceptions avec des majorités qualifiées. (Commentaires.) Mais voilà quoi, Monsieur Velasco ? Votre message, c'est quoi ? Peu importe les recettes, dépensons ? Moi aussi, et le MCG avec moi, nous aimerions bien qu'il y ait un instituteur par élève. Nous aimerions bien, dans un monde idéal, qu'il y ait une crèche et une éducatrice par bébé. Ça serait parfait, avec une nounou payée par l'Etat qui viendrait à domicile. (Commentaires.)
Le président. S'il vous plaît !
M. Eric Stauffer. Mais évidemment, ce n'est pas possible dans le monde réel. Alors, il faut faire des choix. Et ces choix que le MCG vous propose aujourd'hui, ce sont des choix responsables et qui ne s'attaquent pas à la fonction publique, au contraire. Je vous ai cité le chiffre de 240 millions de francs, Mesdames et Messieurs. C'est le prix actuel que nous payons pour la dette. Si je vous dis 40 millions, ça vous cause ? C'est le montant des annuités que l'Etat paie aux fonctionnaires chaque année ! Eh bien, si on réduisait cette dette, on arriverait évidemment à payer ces 40 millions d'annuités. Et le MCG se bat depuis dix ans pour que les fonctionnaires puissent avoir leur annuité. (Huées.) Mais oui, à un moment donné, nous devons faire des concessions et c'est ce que nous avons fait. Nous avons réussi deux fois à dégager une majorité pour accorder une demi-annuité. Ce que je veux vous dire, c'est que si nous ne nous battons pas pour cette annuité, elle ne passe pas, parce que vous n'avez pas la majorité sur les bancs de gauche, et c'est bien le MCG qui est l'arbitre de ce Grand Conseil. (Huées. Commentaires.)
Le président. S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs !
M. Eric Stauffer. Vous avez vu le vote d'entrée en matière ? Je pense que la démonstration est faite ! Alors le MCG a pris une décision. Nous avons entendu M. Dal Busco, notre conseiller d'Etat en charge des finances.
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Eric Stauffer. Il nous dit que le Conseil d'Etat a pris conscience qu'il faut faire quelque chose de significatif. Eh bien, Monsieur le conseiller d'Etat, nous allons vous donner cette opportunité pour le budget 2016 ! Je demande l'ajournement immédiat de ce projet de loi, et si le projet de budget 2016 ne nous sied pas... (Commentaires.) ...nous ressortirons ce projet de loi ! Je demande l'ajournement, Monsieur le président !
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. L'ajournement étant demandé, seuls les rapporteurs et le Conseil d'Etat peuvent s'exprimer pour trois minutes. Je passe la parole à Mme Sophie Forster Carbonnier, rapporteure de seconde minorité.
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. J'en profiterai pour répondre à deux ou trois affirmations. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Merci, Monsieur le président ! Certes, les Verts n'ont proposé aucun amendement sur cet objet, j'en conviens, Monsieur Aellen. C'est simplement parce que nous estimons que les mécanismes qui existent déjà dans la LGAF sont pour l'instant suffisants et qu'il convient de les laisser se mettre en action et prendre de l'ampleur avant de passer à l'étape supérieure. Ensuite, vous dites que ça n'a aucun impact sur les investissements: sur ce point, je dois malheureusement vous donner tort. En effet, si vous diminuez et corsetez les charges de fonctionnement comme vous le faites, cela a évidemment un impact sur les amortissements et les frais de fonctionnement liés aux amortissements. Cela va donc forcément amener le Conseil d'Etat à réduire fortement les investissements ces prochaines années. A nouveau, je répète mon argument: est-ce vraiment le moment, quand l'économie est en difficulté, alors qu'il n'y a plus d'inflation, de réduire les investissements et de priver ainsi l'économie genevoise d'une manne providentielle ?
Vous remettez en question le fait que ce projet de loi devrait être appliqué sur vingt ou trente ans et qu'on arriverait à résorber la dette bien avant. Mais ce n'est pas moi qui ai inventé ces chiffres ! M. Riedweg est venu avec des chiffres très précis pour dire de combien il faudrait diminuer les dépenses chaque année pour réduire en vingt ou trente ans le niveau de la dette. Il a parlé de 250 à 500 millions de francs; si je me rappelle bien, 250 millions sur vingt ans et 500 sur dix ans. Ces charges, c'est chaque année qu'il faut les économiser, et c'est là que nous disons que le cumul de ces économies, chaque année, est destructeur. Ce cumul, chaque année, est destructeur et provoque mathématiquement la suppression de postes au sein de l'administration. Il ne faut pas se leurrer; Monsieur Stauffer, ne nous leurrons pas et cessez de mentir aux Genevois ! Cela fera une belle jambe aux fonctionnaires de savoir que vous vous êtes battus pour l'annuité quand on devra supprimer leurs postes ! (Commentaires.) Pour toutes ces raisons et pour combattre l'hypocrisie de ce parlement, le groupe des Verts refuse l'ajournement de ce projet de loi.
Le président. Je vous remercie, Madame le rapporteur. Je passe la parole au rapporteur de première minorité, M. Alberto Velasco, pour trois minutes.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. M. Aellen a dit tout à l'heure qu'on dépense ce que l'on a. Si cette maxime est vraie, les Etats-Unis auraient déjà dû disparaître ! Parce que s'il y a un pays au monde qui dépense justement ce qu'il n'a pas, ce sont bien les Etats-Unis. Ils ont une dette abyssale... (Commentaires.)
Le président. S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs, un peu de respect !
M. Alberto Velasco. Tout le monde reconnaît qu'ils ont une dette abyssale, à l'exception des grands économistes du MCG, évidemment. Pourtant, ce pays existe toujours. (Commentaires.) S'agissant de la dette, ce qui se passe en Europe est intéressant: l'Europe est en train d'infliger à la Grèce une importante cure d'amaigrissement pour réduire sa dette, mais vous voyez les conséquences sur la population, la santé, l'instruction publique. Si réduire la dette veut dire mettre toute une population dans la misère, franchement, quel est l'objectif ? Si réduire la dette veut dire que nos écoles n'auront plus suffisamment d'enseignants, à quoi ça sert de réduire la dette ? En plus, une dette ne se réduit pas en cinq ou en dix ans, elle se réduit sur plusieurs générations. Le conseiller d'Etat a été clair, Monsieur Lussi ! Quant à savoir si le budget doit être établi en fonction de l'inflation, Monsieur Aellen, est-ce que le nombre d'élèves dans les classes augmente en fonction de l'inflation dans le canton ? Est-ce que la pauvreté dans le canton augmente en fonction de l'inflation ? Est-ce que l'immigration augmente en fonction de l'inflation ? Eh bien non ! Cela n'a rien à voir, il n'y a pas de corrélation entre le niveau d'inflation et le budget ! L'inflation est un élément économique exogène, tandis que le budget est endogène: c'est nous qui décidons du budget, en fonction des nécessités imposées pour l'avenir de ce canton, l'avenir de nos enfants.
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Alberto Velasco. A ce titre, voter ce projet de loi, c'est aller, bien que de façon moindre, dans la même direction que celle imposée aux Grecs, avec des destructions à venir. Seulement, ce jour-là, ceux qui auront voté avec allégresse ce projet de loi ne seront plus là. Ils ne seront plus là pour réparer le désastre que vous allez imposer avec un tel projet de loi. Il est évident que nous n'accepterons pas l'ajournement. Il faut aller de l'avant, et à la limite, il faut aller devant le peuple. (Applaudissements.)
M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de majorité. Nous devons nous prononcer sur une demande d'ajournement; évidemment, à nouveau, chacun y est allé de son credo, de ses convictions, de son dogmatisme, et on est complètement sorti du sujet. En ce qui me concerne, en tant que rapporteur de majorité, le sujet est de savoir si ce parlement sait ce qu'il veut faire, comment est-ce qu'il veut le faire et quand il veut le faire. Il semblerait que, suite à une dernière déclaration, tout le monde est suspendu au vote d'un certain groupe politique qui dit faire la loi dans ce parlement. En ce qui me concerne, je demande à chacun de voter en son âme et conscience et je ne donne aucune consigne de vote pour cette demande d'ajournement.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le rapporteur de majorité.
Une voix. Vote nominal !
Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) C'est le cas, je vais donc vous faire voter sur l'ajournement de ce projet de loi au vote nominal.
Mis aux voix, l'ajournement sine die du rapport sur le projet de loi 11398 est adopté par 56 oui contre 40 non et 2 abstentions (vote nominal).