Séance du
vendredi 8 mai 2015 à
20h30
1re
législature -
2e
année -
5e
session -
32e
séance
R 785
Débat
Le président. Le point suivant de l'ordre du jour est la proposition de résolution 785 de M. Stéphane Florey et consorts; nous sommes en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole à l'auteur de la proposition de résolution.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Cette résolution demande premièrement, comme mentionné dans le titre, d'accroître la contribution des personnes détenues à leurs frais de détention - contribution qui est aujourd'hui relativement dérisoire puisqu'elle est de 8 F par jour. Deuxièmement, elle demande que cette mesure s'applique à tous les détenus. En effet, lors de l'élaboration de cette résolution, nous nous sommes aperçus que la contribution aux frais de détention s'appliquait à des détenus sous certaines conditions. Or, pour des questions de logique et d'égalité de traitement, nous voudrions qu'elle soit étendue à tous les détenus, ce qui aurait l'avantage d'alléger quelque peu les budgets de l'Etat... (Brouhaha.) ...étant donné qu'une journée d'emprisonnement coûte excessivement cher, à savoir 480 F par jour. Par conséquent, si l'on doublait le montant de la contribution des détenus, les économies pourraient devenir intéressantes.
Il faut relever également que nous ne sommes pas les seuls à agir dans ce domaine. Aux Pays-Bas, par exemple, une mesure de ce type est récemment entrée en vigueur, et elle s'applique précisément à tous les prisonniers, comme nous le demandons. Actuellement, les détenus paient un montant de 16 euros par jour alors qu'une journée de prison aux Pays-Bas coûte en proportion quasiment moitié moins cher qu'en Suisse. C'est dans cet esprit-là que nous vous proposons cette résolution et c'est la raison pour laquelle nous demandons aussi le renvoi à la commission judiciaire pour approfondir le sujet et peut-être pour affiner certains propos. Je vous remercie.
Présidence de M. Jean-Marc Guinchard, premier vice-président
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, pour moi cette proposition de résolution de l'UDC est particulièrement choquante. Je crois qu'il ne faut pas se tromper: lorsqu'une personne est condamnée à de la prison pour avoir commis un délit, la peine consiste en une privation de liberté. A Genève, la rémunération d'un détenu s'élève - c'est inscrit dans le texte de la résolution, mais je ne suis pas allé vérifier - à 33 F brut par jour, dont les 65% sont à sa disposition, ce qui revient à plus ou moins 22 F par jour. Cela signifie donc qu'un détenu dispose en gros de 400 F par mois pour lui. Il a accès à une épicerie, il est possible qu'il ait de la famille qui se trouve peut-être à l'étranger, il a des enfants, il souhaite faire des cadeaux. Et, Mesdames et Messieurs les députés, ces détenus doivent faire face à la problématique de leur sortie, et c'est une réalité à laquelle la commission des visiteurs officiels est confrontée - je m'interroge par ailleurs quant à l'utilité réelle de son travail au vu de la façon dont celui-ci est traité au Grand Conseil. Leur sortie se prépare certes avec une part de cette rémunération qui est réservée, mais avec des montants aussi modestes, on peut s'interroger: la réalité d'une sortie après plusieurs années de prison, avec des rémunérations aussi faibles, n'est-elle pas simplement une condamnation d'office de ces personnes à retourner dans la criminalité ? Mais c'est peut-être le choix de l'UDC que d'accentuer la criminalité afin d'instaurer des mesures d'exception toujours plus fortes et toujours plus scandaleuses.
Mesdames et Messieurs les députés, en ce qui me concerne je n'ai même pas envie que cette résolution soit renvoyée en commission. Je pense qu'elle est hors de propos, elle parle de pourcentage... Et même imaginer payer les prisons genevoises avec ce montant de 8 F par jour - il faut arrêter de délirer, car même avec mille détenus à Champ-Dollon, ce qui heureusement n'est pas le cas, je ne vois pas comment on y arriverait. Je ne suis même pas sûr que cela paie les repas de la commission des visiteurs officiels quand nous allons visiter une prison. (Rire.)
Il faut donc tout simplement refuser immédiatement cette résolution. Si l'on doit se pencher sur le domaine pénitentiaire à Genève, c'est plutôt sur la question des ateliers dont le canton de Genève manque de façon flagrante actuellement. Et cette question n'est toujours pas réglée avec l'arrivée de M. Maudet. On a même vu à La Brenaz une cuisine équipée pour accueillir un atelier cuisine qui n'est même pas utilisée. C'est tout simplement scandaleux aujourd'hui à Genève: on ne permet même pas aux détenus en exécution de peine de travailler. Mesdames et Messieurs les députés, c'est cette problématique qu'il faut aborder plutôt que d'envisager ce racket auprès de détenus privés de liberté - car c'est cela leur peine, et non le vol de leur petit pécule. (Applaudissements.)
M. Jean-Michel Bugnion (Ve). Egalement membre de la commission des visiteurs officiels, je suis bien placé pour savoir de quoi nous allons parler. Autant vous le dire tout de suite: les Verts estiment que cette résolution est inadéquate car elle ne tient absolument pas compte du contexte réel de surpopulation. Premièrement, il faut savoir qu'à Champ-Dollon, par exemple, sur 400 détenus en exécution de peine, seulement 200 places d'atelier sont disponibles. (Brouhaha.) Cela signifie que les détenus sans possibilité de travailler ne touchent absolument rien. Deuxièmement, il faut également savoir qu'à Genève les conditions ne sont pas conformes à la détention en exécution de peine, en raison de la surpopulation et du fait que Champ-Dollon est une prison préventive. Le détenu devrait disposer d'une cellule individuelle, ce qui n'existe pas à Champ-Dollon où deux, trois ou six détenus sont entassés dans la même cellule. Le détenu devrait pouvoir entreprendre une formation, ce qui n'est pas possible, un cours - essentiellement de français - étant dispensé une fois par semaine durant quarante-cinq minutes, à malheureusement seulement une trentaine de détenus. Le détenu devrait pouvoir bénéficier de temps consacré au sport, or à Champ-Dollon, il n'est possible de faire qu'une seule heure de sport par semaine. Le détenu devrait pouvoir bénéficier de promenades en plein air, or la promenade maximale à Champ-Dollon est d'une heure par jour. Résultat: ceux qui ne travaillent pas restent grosso modo vingt-deux ou vingt-trois heures sur vingt-quatre en cellule, et ceux qui travaillent, dix-sept, dix-huit heures.
Venons-en maintenant à la rémunération. Nous avons vu qu'à Genève, elle est d'environ 20 F par jour. Cela représente deux paquets de cigarettes. De ces deux paquets, il faut en plus déduire 15 F par mois de location de frigo et de télévision. Il ne reste donc qu'une maigre somme. Et vous voulez encore soustraire une contribution à cette maigre somme ? Dans de telles conditions, cela revient à signifier à cette population qu'on les méprise. Ils ne peuvent ressentir à ce moment-là qu'un sentiment de révolte et d'injustice. Les gardiens de prison et la direction, dont la tâche est singulièrement compliquée, font un travail extraordinaire pour tenter d'empêcher que la cocotte-minute n'explose; le stress pesant sur leurs épaules sera encore plus lourd qu'il ne l'est déjà.
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Jean-Michel Bugnion. Merci, Monsieur le président. Je conclurai donc en soulignant que face à la situation explosive que connaît la détention, en tout cas à Genève, voter cette résolution revient clairement à jeter de l'huile sur un feu qui couve et qui ne demande qu'à s'embraser. Les Verts vous recommandent vivement de trouver une autre manière de recycler vos déchets oléagineux. (Quelques applaudissements.)
M. Christian Zaugg (EAG). Monsieur le président, chers collègues, cette idée pouvant donner l'impression que des détenus seraient punis pour des infractions ou des crimes commis en leur retirant une partie de leur pécule est totalement inappropriée. La peine privative de liberté est en soi suffisante et constitue pour eux, sans aucun doute, la plus grande des punitions. Il ne convient pas, au surplus, d'imaginer que des personnes se réjouissent d'aller en prison afin d'amasser un pécule, comme cela semble ressortir de l'exposé des motifs de cette résolution. Mesure-t-on également que le travail dans des ateliers au sein des établissements participe à un processus de réinsertion ? Je rappelle que l'on parle ici d'un montant brut de 33 F par jour de détention effectuée. Les auteurs de cette résolution prennent le problème à l'envers. Le prélèvement qui serait effectué sur une partie disponible du salaire, moins les 8 F déduits sur les 33 F à titre de compensation partielle des prestations en nature, ne pourrait que démotiver les détenus et réduire les demandes d'inscription dans les ateliers. Est-ce bien ce que l'on veut ? Si l'on ajoute à cela la remise en cause du secret médical et ses effets induits sur les thérapies, c'est bien tout l'ensemble du processus de réinsertion... (Exclamation.) ...qui serait remis en question avec cette résolution. Qu'y a-t-il derrière tout cela ? Manifestement, pour des raisons d'économie, la volonté est de mettre de côté toutes les mesures visant à réinsérer un criminel dans la société - un criminel qui, je le relève, finit par sortir au terme d'une réclusion de vingt ans, s'il ne bénéficie pas de libération anticipée ou d'autres mesures. Force est de constater que l'UDC veut libérer au terme légal de leur peine des criminels peu socialisés, bien méchants et qui vont s'empresser de faire pire en sortant, animés par un profond ressentiment et une rancune tenace vis-à-vis d'une société qui se sera contentée de les enfermer. C'est la raison pour laquelle je vous invite, chers collègues, à refuser cette proposition démagogique.
M. Bernhard Riedweg (UDC). En matière d'exécution des peines, le canton de Genève veut être un modèle de générosité mais cela lui coûte cher. Que des détenus perçoivent une rémunération pour un travail effectué durant la période de détention est difficile à admettre par les citoyens et citoyennes qui ont de la peine à nouer les deux bouts en fin de mois, et ceux-ci sont nombreux à Genève. Mais le comble est que le prisonnier est rétribué si l'établissement ne peut pas lui attribuer une place de travail, ce qui est souvent le cas, compte tenu des espaces à disposition derrière les barreaux. Entre les comptes 2010 et le budget 2015 du canton, le coût complet du programme «Privation de liberté et mesures d'encadrement» a augmenté de 47 millions de francs, soit de 49% à 145 millions. Avant de rémunérer un délinquant, on devrait estimer les dégâts matériels et immatériels qu'il a causés antérieurement à son arrestation.
Ainsi, un délinquant peut constituer une épargne privée, certes peu rémunérée en matière d'intérêts, et la retirer après avoir purgé sa peine qu'il pourrait souhaiter la plus longue possible. Cela peut l'inciter à récidiver car dans son pays d'origine, les conditions de travail sont certainement moins bonnes et moins bien rémunérées, sachant que de nombreux étrangers sont écroués à Champ-Dollon. (Commentaires.) En procédant de la sorte, on favorise les personnes en détention par rapport aux collaborateurs et collaboratrices consciencieux qui se forment, se déplacent et qui sont évalués régulièrement pour la qualité de leur travail. Une grande partie des employés libres doit s'organiser dans la vie pour s'assurer un minimum de confort alors que les détenus bénéficient d'une protection quasi totale pour un travail subalterne. (Commentaires.) Prélever un montant supplémentaire sur la rémunération d'un prisonnier n'est que juste car d'une part, il en a les moyens et, d'autre part, il n'a pas de frais fixes pour son entretien. Cela le dissuadera de commettre un nouveau crime. Cette manière de procéder bénéficiera à la collectivité qui sera moins mise à contribution au travers de ses impôts. Nous vous demandons de réserver un accueil favorable à cette résolution.
Mme Danièle Magnin (MCG). J'ai appris en lisant «L'Astragale» d'Albertine Sarrazin comment se déroulait la vie des détenus des prisons françaises et j'ai le sentiment que ce n'est pas très différent chez nous, en ce qui concerne l'achat des produits de nécessité. J'ignore si on fournit aux détenus de quoi se laver en dehors de l'eau, ou si on leur fournit autre chose que de la nourriture, des draps et le blanchissage. (Commentaire.) Je pense qu'ils ont besoin de petites choses pour agrémenter leur...
Une voix. Du kif !
Mme Danièle Magnin. Non, peut-être pas du kif comme le dit mon collègue devant moi, mais des petites choses telles que du savon, du déodorant, du shampoing, des livres, des timbres pour la correspondance, etc. (Brouhaha.) Les priver de ce peu de choses et de la possibilité de faire de petites économies pour leur sortie me semble tout à fait contre-productif et franchement, mon groupe ne votera pas ce projet. Je vous remercie de votre attention.
Présidence de M. Antoine Barde, président
Mme Béatrice Hirsch (PDC). Tout d'abord, il est intéressant de relever certains considérants assez piquants de cette résolution, par exemple le numéro 3: «La société n'admet pas que la part des coûts assumés par l'Etat soit si importante.» On ne sait pas bien de quels coûts il s'agit et surtout, sur quels critères et quelle enquête se base cette affirmation. L'avant-dernier considérant est assez joli également car il reprend l'invite de la résolution: «Il conviendrait d'accroître la participation des détenus aux frais d'hébergement.» Donc si on accepte de voter cette résolution, le considérant sera juste, mais si on la refuse, le considérant sera faux. (Rires.) Blague à part, je ne reviendrai pas sur l'aspect philosophique, ni sur ce qui a déjà été largement développé concernant la problématique de la double peine, ni sur la question des besoins des détenus en termes d'épicerie, etc. Mme Magnin en a fait toute une liste - elle a par ailleurs oublié le dentifrice et, comme Mme Flamand-Lew me le faisait remarquer, peut-être aussi le fil dentaire. (Rires.) Les produits dont les détenus ont besoin sont nombreux. (Commentaires.)
Mais surtout, un point rendant cette résolution totalement impraticable n'a pas encore été cité: pendant toute la période de détention précédant le jugement, les frais de justice représentant des milliers de francs sont entièrement à charge des détenus. Avant de pouvoir imaginer leur prélever un montant supérieur, on ne doit pas oublier qu'ils doivent déjà s'acquitter de ces frais de justice. Alors qu'ils ont déjà très peu, il s'agirait qu'ils aient encore moins. En l'occurrence, honnêtement, cette résolution n'est absolument pas applicable. Pour toutes ces raisons, le groupe démocrate-chrétien la refusera. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. le député Stéphane Florey pour trente-six secondes.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Tout d'abord, j'aimerais relever qu'en comparaison européenne, un détenu chez nous gagne trois fois plus qu'un ouvrier roumain et... (Protestations. Rires.) ...ceux qui ne travaillent pas touchent quand même une rémunération. Je suis désolé, mais ces personnes, des violeurs, des tueurs, des criminels, des escrocs, on ne leur a pas demandé d'aller en prison. Donc quelque part, il est normal qu'ils assument... (Commentaires.) ...et ce n'est pas à la société de prendre en charge l'entier de leurs conneries et des délits qu'ils ont commis. C'est pour cette raison que nous vous demandons d'envoyer cette proposition de résolution à la commission judiciaire. Je vous remercie.
M. Murat Julian Alder (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, très chers collègues, j'aimerais tout d'abord saluer la modération dont ont fait preuve les représentants des autres groupes qui s'opposent à cette résolution, parce que pour ma part je ne vais pas y aller avec le dos de la cuillère. (Rires.) Voter oui à cette résolution revient à introduire à Genève une tradition qui a cours dans un certain nombre de pays non démocratiques, qui consiste à facturer la balle à celui qui est condamné à mort et exécuté. C'est tout simplement inadmissible dans un Etat de droit, comme l'est Genève et comme l'est la Suisse, fondé sur des valeurs démocratiques. Cette résolution procède d'une grave méconnaissance de l'institution de la prison en ce sens qu'elle confond totalement l'institution de la détention provisoire et celle de l'exécution d'une peine, par l'emprisonnement ou par la réclusion. Je vous rappelle, Mesdames et Messieurs, que jusqu'au moment où une personne prévenue dans le cadre d'une procédure pénale est jugée - et quand je dis jugée, cela signifie par le biais d'un jugement entré en force de chose jugée, c'est-à-dire définitif - cette personne-là bénéficie de la présomption d'innocence.
Les personnes étant actuellement en prison au titre de la détention provisoire sont donc présumées innocentes et à ce titre, elles ne méritent en aucun cas qu'on leur facture quoi que ce soit. Les conditions d'une détention provisoire sont les suivantes: risque de fuite, de collusion ou de réitération. En dehors de ces cas-là, la personne qui fait l'objet d'une procédure pénale ne peut pas être mise en détention. Je ne vois pas au nom de quoi on facturerait quoi que ce soit à une personne en détention alors qu'elle n'a même pas encore été jugée. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Gilbert Catelain, à qui il reste quarante secondes.
M. Gilbert Catelain (UDC), député suppléant. Merci, Monsieur le président. A en croire mon préopinant, on pourrait tout simplement fermer Champ-Dollon puisque, de toute façon, à quoi sert la détention préventive ? (Protestations.)
Une voix. On vient de le dire !
M. Gilbert Catelain. A quoi sert-elle ? J'ai par ailleurs appris ce soir que la Hollande n'est pas un pays démocratique, c'est nouveau. On leur dira, on aura peut-être une réaction de l'ambassade. On peut être contre cette résolution; on peut aussi envisager une mesure beaucoup plus simple, à savoir qu'au lieu de récupérer 8 F, ce qui administrativement est peut-être très lourd, on pourrait tout simplement diminuer la rémunération.
Le président. Il vous reste dix secondes.
M. Gilbert Catelain. Je suis assez étonné. J'ai des enfants, de jeunes adultes, et je peux vous dire qu'ils n'ont même pas 20 F par jour et ils se débrouillent avec cette somme. (Commentaires.)
Le président. Il vous faut conclure.
M. Gilbert Catelain. C'est choquant pour toute une partie de cette jeunesse de voir que si l'on se trouve en exécution de peine ou en prévention...
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député.
M. Gilbert Catelain. ...on puisse toucher plus.
M. Eric Stauffer (MCG). Comme vous le savez, je suis actuellement président de la commission des visiteurs officiels et je suis littéralement affligé en lisant ce texte parlementaire. Je vous le dis comme je le pense, vous savez que l'hypocrisie n'est pas dans mon ADN... (Commentaires.) ...je trouve que, lorsqu'on est capable d'écrire de tels textes parlementaires, c'est au mieux qu'on a une méconnaissance totale, mais totale, du système pénitentiaire, et au pire... Je n'ose même pas l'imaginer. Alors laissez-moi vous dire ceci: lorsqu'une personne commet un crime, elle doit être punie, nous sommes dans un Etat de droit et cela est normal; le MCG a toujours prôné une répression dure pour les criminels. En revanche, une fois que cette personne a été jugée, il est du devoir de l'Etat de tout entreprendre pour lui assurer une formation ainsi qu'une réinsertion afin d'éviter les récidives. Et là, l'Etat fait une vraie économie. Car malheureusement, la population carcérale est formée de gens qui, pour la grande majorité, n'ont pas reçu d'instruction et chez qui le taux...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Eric Stauffer. Oui, bon, on peut aussi arrêter de parler, mais le sujet est quand même important ! ...chez qui on trouve un certain taux d'illettrisme. Si pendant qu'ils sont en détention, ces gens-là ont la chance de recevoir ne serait-ce qu'une bribe de formation, celle-ci sera peut-être l'étincelle qui les dissuadera de récidiver. Je vous propose, Mesdames et Messieurs, au nom du MCG, de refuser tout renvoi en commission et de mettre ce texte parlementaire là où il mérite d'être, à savoir dans la poubelle.
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le sujet que nous traitons ce soir est grave, et je le dis d'autant plus volontiers que la gestion d'une prison doit s'affranchir de toute forme de tension supplémentaire. Certains ont évoqué tout à l'heure, il me semble qu'il s'agissait de mon préopinant Vert, le travail quotidien des gardiens et de la direction, que l'on peut et doit saluer. Or, de toute évidence, on créerait ici une tension supplémentaire. Le député Stauffer l'a dit, à sa façon, d'autres aussi: s'il est un droit inaliénable que l'on doit absolument respecter, et surtout dans le domaine de la détention, c'est celui à la dignité. La dignité dans ce domaine si particulier qu'est celui de la détention s'acquiert notamment par le travail. Et le travail, ce sont les ateliers. On l'a dit tout à l'heure, les places sont insuffisantes aujourd'hui - merci d'avoir rappelé au passage la sous-dotation chronique dont nous souffrons à Genève; j'ose espérer que celles et ceux qui l'évoquaient auront à coeur de voter les crédits nécessaires pour renforcer les espaces carcéraux et précisément offrir les moyens de recouvrer une dignité à celles et ceux qui sont emprisonnés. Cette dignité s'acquiert par le travail et donc par ce petit pécule de 33 F versé en exécution de peine.
Mais si la plupart d'entre vous ont cité les raisons pour lesquelles cette somme de 33 F se trouve réduite, vous en avez oublié une. Je souhaite la rappeler car elle fait souvent partie des dispositifs de jugement: il s'agit du dispositif visant à rembourser la victime. Non seulement on prend au détenu un tiers de son pécule pour sa réinsertion future; non seulement on lui demande de contribuer à ses conditions d'hébergement; non seulement il doit payer, c'est vrai, des frais de justice qui parfois s'élèvent à plusieurs milliers de francs, mais en plus on lui demande, et c'est bien normal me direz-vous, de rembourser sa victime, que ce soit sous l'angle du tort moral ou d'autres torts divers qu'il aurait causés. Ainsi, pour la plupart des détenus, si ce n'est la quasi-totalité, à la fin de la journée, il reste en réalité zéro franc. Il reste zéro franc au détenu, mais à travers ce qu'il verse, il se sent au moins peut-être un peu en voie de recouvrer sa dignité. Je vous demande donc de rejeter ce texte afin de ne pas générer de tensions plus grandes que celles déjà connues dans le milieu carcéral, mais aussi par souci de l'inaliénabilité de la dignité du détenu. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je fais tout d'abord voter l'assemblée sur le renvoi de la proposition de résolution à la commission judiciaire et de la police.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 785 à la commission judiciaire et de la police est rejeté par 74 non contre 5 oui et 1 abstention.
Mise aux voix, la proposition de résolution 785 est rejetée par 77 non contre 7 oui.