Séance du
vendredi 8 mai 2015 à
20h30
1re
législature -
2e
année -
5e
session -
32e
séance
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Antoine Barde, président.
Assistent à la séance: MM. Pierre Maudet, Mauro Poggia et Antonio Hodgers, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, Anne Emery-Torracinta, Serge Dal Busco et Luc Barthassat, conseillers d'Etat, ainsi que Mme et MM. Michel Amaudruz, Edouard Cuendet, Vera Figurek, Florian Gander, Christian Grobet, Lionel Halpérin et Frédéric Hohl, députés.
Députés suppléants présents: Mme et MM. Christophe Aumeunier, Gilbert Catelain, Françoise Sapin et Charles Selleger.
Annonces et dépôts
Néant.
Premier débat
Le président. Nous en sommes au PL 10990-A, qui est classé en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de M. Vincent Maitre, à qui je donne la parole.
M. Vincent Maitre (PDC), rapporteur. Je vous remercie, Monsieur le président. Ce projet de loi modifie la loi cantonale sur l'intégration des étrangers et il part du constat suivant fait par ses auteurs: la loi actuelle ne précise pas que le séjour des étrangers doit être légal et durable, et ce projet de loi vise à préciser cela dans la législation cantonale. Le deuxième aspect concerne le Centre de Contact Suisses-Immigrés à qui il est octroyé des subventions afin de favoriser l'intégration des étrangers en situation régulière en Suisse mais qui étend son action à la défense des droits des personnes sans statut légal. Or, les auteurs de ce projet de loi estiment que les biens publics sont ainsi détournés de leur destination initiale et espèrent empêcher ce détournement par le biais du présent projet de loi.
La majorité de la commission a estimé qu'il ne convenait pas d'entrer en matière sur ce projet de loi, et ce pour les raisons suivantes: il part premièrement d'un faux postulat, d'une lecture erronée de la loi, puisque la loi cantonale actuelle sur l'intégration des étrangers encourage expressément la recherche et l'application de solutions propres à favoriser l'intégration des étrangers. Le postulat d'où part ce projet de loi est faux parce qu'il consiste à prétendre que la loi cantonale actuelle sur les étrangers favorise, faute de précision, l'intégration des étrangers illégaux, ce qui est erroné. Aussi, la modification de la loi cantonale donnerait comme solution a contrario que si le séjour n'est pas durable et n'est pas légal, les immigrés ne pourraient plus demander de l'aide, même pour pouvoir régulariser leur situation. Or, ce projet de loi va précisément dans le sens inverse de ce qui est voulu ou souhaitable, ne faisant qu'enfoncer la situation des immigrés illégaux et même renforcer, par exemple, les filières clandestines. Par ailleurs, contrairement à ce qui est prétendu par l'auteur de ce projet de loi, la loi fédérale sur les étrangers, elle, n'exige absolument pas que l'on encourage uniquement l'intégration des seuls étrangers dont le séjour est légal et durable mais bien de tous les étrangers; on le voit dans les articles 1 et 4 de la loi fédérale sur les étrangers qui parle bien - c'est le terme - d'étrangers et non pas d'étrangers légaux, voire illégaux. C'est donc dans la globalité qu'il faut entendre le terme «étranger». Par conséquent, une fois de plus, le postulat de départ de ce projet de loi résulte d'une lecture erronée du droit fédéral, puisque seule la participation active à la vie économique, sociale et culturelle - c'est la loi fédérale qui nous le dit - est soumise à la condition d'un séjour légal et durable pour les étrangers.
Deuxièmement, ce projet de loi pose un problème de terminologie juridique ou concrétise finalement une sorte d'antinomie juridique puisqu'on y introduit la notion de durabilité. Or, par définition, les titres de séjour que l'on octroie aux étrangers en Suisse sont, dans la plupart des cas, des titres de durée limitée. Il y a là donc une potentielle incohérence ou même une contradiction à imposer aux étrangers un séjour durable alors que leur titre, lui, n'est pas durable. Et enfin, ce projet de loi présente un grand risque notamment pour les enfants d'étrangers en situation irrégulière: comme vous le savez, ils ont le droit d'être scolarisés, et même doivent être scolarisés pour des raisons évidentes, ce que ce projet de loi pourrait remettre en cause, et ce qui aboutirait à déscolariser ces enfants d'étrangers illégaux. Pour la majorité de la commission et plus particulièrement pour le commissaire PDC qui vous parle, au regard de ce qu'a fait à l'époque le conseiller d'Etat Dominique Föllmi, c'est précisément un risque qui n'est ni acceptable ni tolérable. Les enfants, aussi illégaux soient-ils, doivent pouvoir être scolarisés et bénéficier des droits les plus fondamentaux qui leur sont dus, selon notre ordre juridique; il en va précisément de leur bonne intégration en Suisse et à Genève. C'est pour ces raisons que la majorité de la commission vous encourage à ne pas entrer en matière sur ce projet de loi. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Monsieur le rapporteur. Je vous informe que vous avez débordé sur le temps de votre groupe. La parole est à M. le député Stéphane Florey.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Tout d'abord, je suis assez surpris d'apprendre que le droit fédéral serait contraire à son propre esprit, puisque le rapporteur vient de dire que finalement, si on reprenait le droit fédéral au niveau cantonal cela poserait des problèmes. Je ne vois pas au nom de quoi il se permet d'affirmer cela puisque justement, ce que nous demandions était de reprendre une notion qui nous semble plus claire, celle du droit fédéral, et de l'appliquer telle quelle sur le droit cantonal. La deuxième chose, et je l'avais dit également en commission, c'est que la mesure qui permet aux enfants, quel que soit leur statut, d'intégrer nos écoles n'est absolument pas touchée par ce projet de loi puisque le droit fédéral le permet aussi, et donc, comme c'est de toute façon le droit fédéral qui prime, cette mesure n'est absolument pas touchée.
Maintenant, sur le fond, le groupe UDC est quand même surpris, non pas tant par le résultat, mais par la manière dont ce projet de loi a été traité par la commission des Droits de l'Homme. Ce projet n'a fait l'objet d'aucune audition, même pas celle du Conseil d'Etat. La commission aurait au moins pu se poser la question des incidences réelles découlant de la différence entre les textes du droit fédéral et du droit cantonal. Ce projet demande simplement de reprendre la forme du droit fédéral qui mentionne que cette loi s'applique uniquement aux personnes dont le séjour est légal et durable, ce qui n'est pas le cas de la loi cantonale qui reste floue à propos des personnes ayant droit aux prestations visées dans la loi qui est bien la loi sur l'intégration. Une personne qui désire réellement s'intégrer est quand même une personne qui pense rester dans notre pays durablement, d'où la notion telle qu'elle est mentionnée dans le droit fédéral. Le plus dérangeant, en tout cas pour nous - et le rapporteur l'a mentionné - ce sont les associations comme le Centre de Contact Suisses-Immigrés qui perçoivent des subventions et qui, au lieu d'aider directement les migrants à s'intégrer, utilisent - on en a la preuve - des fonds publics à des fins de propagande. Ainsi, vous pouvez lire sur le site de cette association, je cite: «Le Centre de Contact Suisses-Immigrés lutte pour défendre les droits des personnes sans statut légal»...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Stéphane Florey. ...alors qu'à la base, il me semble que ce n'est pas le but de ce centre, mais qu'il a pour but d'intégrer ces personnes. Or, cela contrevient clairement à ce que la loi fédérale prévoit justement, c'est pourquoi je demande, afin que cette question soit élucidée, de renvoyer ce projet à la commission législative pour qu'elle étudie clairement la question...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Stéphane Florey. ...qui vient d'être posée. Je vous remercie, Monsieur le président.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Il y a une demande de renvoi à la commission législative, je vous fais donc voter sur ce renvoi.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10990 à la commission législative est rejeté par 43 non contre 24 oui.
Le président. Nous poursuivons notre débat, et je passe la parole à Mme Bénédicte Montant.
Mme Bénédicte Montant (PLR). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, ce projet de loi a fait l'objet d'une seule séance de commission en octobre 2012. Comme cela vous a déjà été dit, il demande de préciser dans la loi cantonale sur l'intégration des étrangers, la LIEtr, que le séjour des étrangers doit être légal et durable, ce qui signifie, en toutes lettres, que les étrangers dont le séjour est temporaire ou illégal n'ont pas vocation à être intégrés en Suisse. Cela revient à limiter les aides monétaires aux associations qui ne visent pas uniquement l'intégration des étrangers dont le séjour est légal et durable. S'il est malheureusement facile de comprendre que cette limitation engendre de nombreux effets pour les sans-papiers, surtout par les temps que nous vivons, il faut savoir qu'il en est un parmi eux qui est absolument rédhibitoire et inacceptable: car ce projet de loi, chers collègues, limiterait les activités du Centre de Contact Suisses-Immigrés dans son aide à la scolarisation des enfants sans papiers, ce qui est déjà une limitation à l'accompagnement que nous ne pouvons accepter. Nul besoin d'en dire beaucoup plus, si ce n'est qu'évidemment le groupe PLR vous demande, chers collègues, de refuser ce projet de loi, que par ailleurs aucun commissaire n'a accepté lors de son traitement en commission.
M. Cyril Mizrahi (S). Chères et chers collègues, je souhaite rebondir sur le dernier élément soulevé par Mme Bénédicte Montant et partager ma surprise. En effet, je constate que si ce projet de loi a été traité ainsi en commission et que même les commissaires UDC et MCG se sont abstenus, c'est vraisemblablement qu'il a été considéré - même par ces commissaires - comme posant de toute évidence un certain nombre de problèmes, ce qui ne justifiait pas d'aller de l'avant; raison pour laquelle la commission s'est positionnée sans opposition et a proposé le traitement aux extraits. Je ne comprends pas très bien pourquoi finalement certains groupes ont jugé utile de retirer ce projet des extraits.
J'aimerais simplement rappeler quelques éléments. Le groupe socialiste vous invitera à voter contre ce projet de loi, cela va sans dire. J'aimerais quand même rappeler que personne n'est illégal ! Les sans-papiers sont peut-être en situation irrégulière du point de vue du droit des étrangers, mais cela ne fait pas d'eux des personnes privées de tout droit et notamment du droit à l'éducation. Je trouve absolument incroyable que certains remettent en cause cet acquis qui remonte aux années 80. J'aimerais rappeler également que les personnes sans papiers sont des personnes qui sont parmi nous, qui paient des charges sociales, qui travaillent... (Exclamations.) ...qui participent à la vie économique. Vous qui parlez tout le temps de vie économique, vous qui avez sans cesse ce mot à la bouche: ce sont des personnes qui participent à la vie économique au même titre que d'autres. Elles ont donc droit à un minimum de considération. Et quant à l'argument des impôts, s'il vous plaît, mes chers collègues, vous voulez poser des obstacles à des enfants à qui vous refusez la scolarisation indirectement par ce projet de loi: ce n'est vraiment pas correct ! Une fois de plus, arrêtez de vous en prendre à des associations qui font un travail méritoire pour essayer de sauvegarder les droits des gens qui en ont très peu. Ces associations ne touchent pas seulement des subventions publiques, Mesdames et Messieurs, elles touchent aussi...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Cyril Mizrahi. ...des deniers privés et elles ont également le droit de faire ce travail. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, il faut peut-être rappeler une évidence pour un certain nombre d'entre nous. Le parcours de l'immigration et de l'intégration est divers et il ne commence pas toujours par un statut légal. Bon nombre d'étrangers installés ici et au bénéfice d'un permis d'établissement, bon nombre d'étrangers ayant acquis la nationalité suisse sont arrivés ici comme clandestins. Et travailler aujourd'hui à l'intégration de ces personnes, c'est travailler à l'intégration en général. Penser autrement c'est vouloir très clairement exclure ces personnes et cela est dommageable. Maintenant, j'aimerais quand même préciser, ou rappeler - parce que cela a déjà été évoqué par d'autres ce soir - que ce projet de loi conduit non seulement à nier la réalité que vivent ces personnes, mais vise aussi à nier l'apport financier amené par cette économie grise de notre économie genevoise - on a eu l'occasion d'en débattre tout à l'heure encore, et même lors de notre dernière session. Il serait peut-être temps de prendre en compte cette réalité. Finalement, vouloir rejeter dans la précarité une série de personnes qui vivent aujourd'hui déjà une situation particulièrement dommageable, c'est vraiment faire preuve de manque d'humanité et aussi nier cette réalité genevoise. C'est pourquoi nous vous invitons également à refuser cette proposition. Je vous remercie de votre attention.
M. Yves de Matteis (Ve). Je crois que cela a été abordé auparavant, mais j'aimerais en parler davantage, et rappeler tout d'abord que les divers gouvernements qui se sont succédé au cours du temps ont chacun considéré qu'il était un devoir de donner un enseignement par exemple aux enfants des sans-papiers et qu'aucun enfant, quel qu'il soit, sur le territoire genevois, ne devait être privé d'éducation. Il est clair que si on lit la Convention des droits de l'enfant, que la Suisse a signée, la Constitution fédérale ou la constitution genevoise, qui vient d'ailleurs d'être révisée, le droit à l'éducation est un droit fondamental pour absolument tout le monde. Modifier cette loi dans ce sens-là contreviendrait donc à la fois à nos principes sur le plan international et aux principes des droits humains qui ont été acceptés par la Suisse.
Par ailleurs, j'aimerais quand même souligner que l'on est même allé plus loin au niveau fédéral, puisque la motion Barthassat par exemple préconisait même le fait de pouvoir offrir des permis de séjour à des jeunes au-delà de cette période allant de 1 à 18 ans, qui était l'âge auquel une éducation doit être garantie à tout prix, à nouveau d'après la Convention des droits de l'enfant.
Enfin, un dernier argument qui n'a peut-être pas été donné: si une association devait effectivement, selon ses statuts, défendre les droits des sans-papiers, dans le cas où elle serait vraiment illégale - dans d'autres pays, il existe de nombreuses associations de sans-papiers - elle ne pourrait tout simplement pas exister. Le fait qu'elle existe montre simplement qu'au-delà des principes un peu étroits qu'on a pu entendre de la bouche de certains députés, le principe des droits humains, le principe du droit à la dignité doit être protégé absolument, à chaque instant. (Quelques applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG). Bien évidemment, le groupe MCG va aussi s'opposer à ce projet de loi. L'enseignement et l'instruction des enfants sont des droits inaliénables, quelle que soit leur situation, leur provenance ou leur légalité. Le MCG a toujours défendu ce droit et continuera toujours à le défendre. Cela étant, et ce que je vais dire dépasse les frontières cantonales et s'adresse plutôt à la Berne fédérale et à ce qu'on appelle l'Union européenne, la grandeur de la Suisse et la grandeur de l'Europe ne se mesureront qu'à l'aune de l'aide qu'ils fourniront aux pays qui sont exportateurs de ces pauvres gens qui viennent ici chercher l'Eldorado. (Brouhaha.) Tant et aussi longtemps que l'Europe ne prendra pas la mesure de l'importance d'augmenter le niveau de vie de ces gens dans leur pays d'origine, ils seront toujours tentés, avec les drames quasi quotidiens que nous connaissons en Méditerranée du Sud, de venir chercher ailleurs un espoir de vie meilleure. Et c'est là que la Suisse et l'Europe ont vraiment un rôle à jouer qui doit être déterminant, non pas avec des aides à des systèmes corrompus ou qui prônent la corruption, mais avec des aides directes au travers des ONG présentes sur place; ce n'est que de cette façon que nous arriverons à enrayer ces phénomènes migratoires qui sont malheureusement un problème pour tous. Je conclurai simplement en disant que ce projet de loi n'a pas lieu d'être et que si un message doit être adressé à quelqu'un, c'est à la Berne fédérale et plus largement à l'Union européenne.
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Je suis un peu surpris des propos qui viennent d'être tenus, mais je bois ces paroles ! (Rires.) Je rappelle qu'il est loisible à ce parlement d'augmenter la part dévolue à la coopération et au développement... (Quelques applaudissements.) ...et qu'il s'agit, vous l'avez dit, Monsieur le député, de renforcer la sécurité mais aussi la qualité de vie des personnes dans les pays qu'elles quittent souvent pour les motifs que vous avez indiqués. Pour revenir au projet de loi, j'aimerais d'abord dire que le Conseil d'Etat regrette de ne pas avoir été auditionné. Cela aurait été l'occasion pour nous d'expliquer l'excellent travail que réalise le bureau de l'intégration dans ce domaine précis, les limites de son action, mais surtout, surtout le principe fondamental qui guide l'action du Conseil d'Etat, qui est celui de ne pas perpétuer l'hypocrisie sous-jacente, que j'exprimais d'ailleurs lors du débat de la session précédente, relative aux sans-papiers. Malheureusement, ce projet de loi renforce l'hypocrisie plutôt que de la combattre, parce qu'il renforce l'existence de cette catégorie de personnes qui n'apparaît pas, alors même que cette réalité est bien présente dans notre cité. Si l'objectif est de priver de moyens l'association citée tout à l'heure, on le manquera. Parce qu'en réalité aujourd'hui, ce sont les directeurs d'établissement - dans le primaire, comme dans le secondaire - qui enregistrent ces enfants à travers le bureau d'accueil, et non plus cette association; et c'est bien que ce soit ainsi. Le Conseil d'Etat réaffirme donc la volonté de poursuivre cette politique d'intégration, y compris pour des enfants et surtout, comme l'a relevé le député Stauffer tout à l'heure, parce que c'est un droit inaliénable, parce que la Convention des droits de l'enfant supplante le droit fédéral, on le rappellera à cette occasion, comme à d'autres occasions, et parce que c'est une question élémentaire d'humanité que de lutter contre cette forme d'hypocrisie. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons passer au vote sur l'entrée en matière.
Plusieurs voix. Vote nominal !
Le président. Etes-vous soutenus ? (Plusieurs mains se lèvent.) Vous l'êtes. Certaines personnes dont le dispositif de vote électronique ne marche pas voteront au moyen des cartons qu'on leur a distribués. Le vote est lancé.
Mis aux voix, le projet de loi 10990 est rejeté en premier débat par 74 non contre 7 oui et 1 abstention (vote nominal - Mmes et MM. Romain de Sainte Marie, Caroline Marti, Salika Wenger et Thomas Wenger ont voté non).
Débat
Le président. Nous sommes en catégorie II, trente minutes, pour la proposition de motion 2263. Je donne la parole à l'auteure de la motion, Mme Sarah Klopmann.
Mme Sarah Klopmann (Ve). Merci, Monsieur le président. Tout d'abord, j'aimerais rappeler et saluer l'excellent travail mené jusqu'à maintenant par l'Etat et notamment par le bureau de l'intégration des étrangers. Je vous conseille de vous rendre sur le site du bureau, où se trouvent les résultats du concours organisé à l'occasion de la Semaine contre le racisme, pour voir les excellents films, tweets et affiches réalisés par les élèves de Genève. On peut remercier le bureau de l'intégration pour tout ce travail.
Néanmoins, il serait intéressant de le poursuivre en mettant l'accent spécifiquement, cette fois-ci, sur les différentes sortes de racisme, et surtout celles qui doivent hélas être régulièrement pointées du doigt par les organismes internationaux compétents comme étant des problèmes que nous rencontrons ici. Comme cela a été démontré, il existe une recrudescence tant de l'antisémitisme que du racisme anti-noirs et du racisme anti-musulmans à Genève... (Commentaires.) Ce ne sont pas des races, mais c'est bien le mot racisme que l'on emploie pour signifier le fait que l'on traite les gens différemment selon leur origine, leur croyance ou, simplement, leur pays. La CICAD mentionne dans un rapport de 2014 une augmentation de 79% des actes antisémites dans le canton de Genève. La Commission européenne contre le racisme a également constaté que la situation avait largement empiré et que, par conséquent, celle de certaines personnes à Genève également. Chacun d'entre nous peut aussi malheureusement constater la banalisation grandissante de certains propos racistes et de préjugés à Genève et malheureusement même dans ce parlement.
S'il était excellent et légitime de mettre en place une prévention générale contre le racisme, car le mot est quand même le racisme, il serait maintenant urgent de se focaliser sur la protection des populations les plus sujettes aux discriminations et aux préjugés. Le terme racisme ne recoupe pas qu'une réalité: on a malheureusement les préjugés anti-noirs, les préjugés antisémites, les préjugés anti-musulmans, mais aussi... (Protestations.) La preuve, c'est qu'à chaque fois que je dis le mot «musulman», il y a des singes là-bas pour hurler; je ne comprends pas. Il existe aussi le racisme anti-Maghrébins, anti-Arabes, anti-Français, et j'en passe, et j'en passe. (Commentaires.) Il serait donc maintenant indispensable d'élaborer des projets distincts et de répondre de manière adéquate à chacun de ces mécanismes pour pouvoir les identifier, les analyser et, surtout, pour pouvoir les contrer.
Bon nombre d'instances internationales expliquent que la prévention du racisme et de l'antisémitisme passe par l'éducation aux droits humains. (Brouhaha.) Par ailleurs, la constitution genevoise nous dit aussi que «quiconque assume une tâche publique est tenu de respecter, de protéger et de réaliser les droits fondamentaux» et surtout que «l'Etat dispense une éducation»... Excusez-moi, mais si ça parle là-bas, moi je n'y arrive plus ! Merci. ...et surtout que l'Etat... (Commentaires.)
Le président. S'il vous plaît ! Vous poursuivez sur le temps de votre groupe.
Mme Sarah Klopmann. Merci. J'aime bien cette nouvelle technique ! (L'oratrice rit.) Et surtout que «l'Etat dispense une éducation au respect de la dignité humaine et des droits fondamentaux». Malgré tout cela, le Conseil d'Etat n'a prévu aucune mesure spécifique en matière d'éducation aux droits humains dans son rapport au Grand Conseil concernant le programme législatif d'application de la nouvelle constitution. C'est la raison pour laquelle nous proposons cette motion. En outre, la Confédération donne un nouveau mandat au canton et lui demande d'inclure désormais la prévention du racisme dans le cadre des programmes d'intégration.
Nous souhaitons donc qu'il y ait des campagnes, des programmes, des projets qui soient adaptés non seulement à chaque sorte de préjugé, mais aussi à chaque public qui l'entend. Pour cela il faut, évidemment, donner les moyens adéquats au DIP pour inclure ces actions dans les programmes d'éducation afin d'améliorer l'éducation aux droits fondamentaux avec un accent spécifique sur les nouveaux visages de la discrimination et des préjugés. De plus, avec notre soutien et le travail que fait l'Etat, nous pourrions motiver encore d'autres organismes à accorder des fonds supplémentaires pour la lutte contre le racisme, et cela nous permettrait d'aller plus loin encore.
La troisième invite demande de mieux collaborer avec les différentes associations. Il s'agit du véritable point clef de notre demande: en effet, pour mettre l'accent sur toutes les formes de racisme spécifiques, il faut évidemment travailler avec les gens qui savent comment lutter contre chaque forme de préjugé spécifique et comment s'adresser aux gens pour faire passer le message, et qui ont une force de travail essentielle dont on ne peut se passer pour réaliser notre travail de manière efficace.
J'espère sincèrement que tous les groupes de ce parlement, même ceux qui beuglent pendant que je m'exprime, accepteront cette motion dont la visée est simplement de promouvoir l'éducation qui sensibilise les gens à tous les droits fondamentaux de chacun et de chacune, d'où qu'ils viennent et quelles que soient leurs croyances. (Applaudissements.)
M. Bernhard Riedweg (UDC). Ce n'est pas parce que l'on commémore les vingt ans de l'entrée en vigueur de la norme pénale suisse contre la discrimination raciale ainsi que le cinquantième anniversaire de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale qu'il faut, soudainement, demander des ressources financières supplémentaires alors qu'elles sont déjà disponibles sur le plan cantonal et fédéral. Il est reconnu que l'Etat de Genève est exemplaire en matière de prévention du racisme et de l'antisémitisme et qu'il fournit déjà un accueil aux victimes du racisme. Dans ce cadre, les programmes scolaires traitent déjà les questions relatives aux droits de l'Homme au travers de manuels et de supports pédagogiques. Les parents des élèves ont, eux aussi, un rôle d'éducation à jouer et il faut les responsabiliser. Le Centre Ecoute contre le racisme oeuvre déjà contre le racisme; cela devrait largement suffire, d'autant plus que cinq associations sont également actives dans ce domaine et que celles-ci bénéficient de subventions accordées par le Grand Conseil. L'Union démocratique du centre vous demande de refuser cette motion.
Mme Nathalie Fontanet (PLR). Monsieur le président, chers collègues, le groupe PLR est extrêmement sensible à la motion déposée par Mme Klopmann. Les organisations actives en matière de lutte contre le racisme et contre l'antisémitisme rapportent effectivement une augmentation très sensible des actes racistes et antisémites, en particulier avec le développement d'internet et des réseaux sociaux. La lutte et la prévention contre toute forme de discrimination nous paraissent essentielles. Nous sommes convaincus qu'en matière de prévention contre le racisme et l'antisémitisme, le travail d'éducation et d'information, notamment auprès des enfants et des adolescents, est déterminant. Il est avéré que l'éducation à la matière, que ce soit par l'enseignement ou la sensibilisation aux différentes questions, est de nature à modifier les comportements. Le 17 avril dernier, la France a dévoilé son plan d'action 2015-2017 contre le racisme et l'antisémitisme. Il est indispensable que notre canton réfléchisse également à la façon dont il pourrait renforcer la lutte contre ces comportements. Le DIP est déjà très actif en la matière et de nombreuses opérations sont menées, notamment dans les établissements scolaires, afin de lutter contre le racisme et la discrimination sous toutes ses formes. Pour ces motifs, et pour faire le tour de ce qui aujourd'hui est déjà fait, nous souhaitons le renvoi de cette motion à la commission des Droits de l'Homme. (Quelques applaudissements.)
M. Guy Mettan (PDC). Mme Klopmann a déjà exprimé avec talent les raisons pour lesquelles il faut soutenir cette motion. Le parti démocrate-chrétien est tout à fait d'accord avec les objectifs fixés. Nous aurions souhaité la renvoyer directement au Conseil d'Etat, mais si le PLR souhaite la renvoyer à la commission des Droits de l'Homme, nous ne nous y opposons pas. Je pense qu'il sera effectivement utile de faire un tour de piste dans cette commission pour examiner la façon dont on peut mettre en oeuvre les trois invites proposées par cette motion. Mesdames et Messieurs, je vous invite donc à la renvoyer à la commission des Droits de l'Homme.
Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Le groupe MCG soutiendra très clairement cette motion. En tant que membre de la LICRA, je souhaiterais souligner que toutes les propositions faites ici - et je dois le rappeler car je pense qu'il existe de nombreux organismes à Genève qui n'ont pas besoin de se faire remonter les bretelles, puisqu'ils ont développé des programmes, tant au niveau de l'instruction publique qu'au niveau associatif et à celui des quartiers... Et la LICRA fait un travail remarquable depuis au moins vingt-cinq ans - en tout cas depuis que j'en suis membre, je sais qu'on a réalisé un grand nombre de choses.
Cela dit, je voudrais souligner que le fait que notre groupe ait été qualifié de simiesque est un signe d'une intolérance et d'un racisme de bas étage. (Remarque.) Je vous trouve médiocre, Madame la députée ! Je vous... Je trouve votre idée vraiment... Vous-même non, je n'en sais rien, et je n'ai pas envie de savoir. Mais par contre, ce que vous dites là, la manière dont vous l'avez dit et votre mode de pensée sont tout à fait révoltants ! Et dire que vous osez parler du racisme ! De l'antisémitisme ! Mais de quel droit ? De quel droit ? En quoi sommes-nous simiesques ? Peut-être que nos origines sont les mêmes que les vôtres ! (Remarque.) Et comme étrangère, arrivant dans ce pays, finalement quand vous parlez de l'égalité des droits, de quoi parlez-vous ? Mais que savez-vous de la vie des uns et des autres ? Que savez-vous de leur parcours ? De leur manière de ressentir les choses ? C'est insultant ! Et vous n'avez pas le droit en tant que députée et représentante...
Le président. Madame la députée !
Mme Marie-Thérèse Engelberts. ...des personnes qui vous élisent...
Le président. Madame la députée !
Mme Marie-Thérèse Engelberts. ...de nous parler de cette manière.
Le président. Vous vous adressez à moi.
Mme Marie-Thérèse Engelberts. Je vous le dis à vous, vous pouvez lui transmettre. Mais je trouve que cette manière de parler, en définissant un groupe comme étant simiesque, alors que l'on est en train de parler de racisme et d'antisémitisme...
Une voix. C'est vrai !
Mme Marie-Thérèse Engelberts. ...et alors qu'une partie de ma famille appartient à la communauté juive... Mais c'est insultant, Madame ! C'est révoltant ! (Commentaires.) Voilà. C'est tout ce que je souhaitais lui dire par rapport au contenu de son intervention, et nous soutiendrons cette motion avec grand plaisir. (Applaudissements. Huées.)
Des voix. Bravo !
Le président. Merci, Madame la députée. Je donne la parole à Mme la députée Danièle Magnin pour quarante-cinq secondes.
Mme Danièle Magnin (MCG). Merci, Monsieur le président. Je voudrais simplement dire que j'ai vécu en Afrique dans un pays qui sortait de la colonisation... (Commentaires.) ...et où les Africains avaient l'habitude de se faire traiter de macaques; ce qui fait que j'ai ressenti très violemment les propos de Mme Klopmann ! Et je pense qu'avant de donner des leçons aux autres, on aurait avantage à se comporter correctement ! (Commentaires.) Par ailleurs, dans tous les pays du Moyen-Orient, les chrétiens sont ostracisés...
Le président. Il vous reste vingt secondes.
Mme Danièle Magnin. ...et massacrés. De plus, il y a un racisme anti-blancs dans bien des endroits sur la planète... (Protestations.)
Le président. Il vous faut conclure.
Mme Danièle Magnin. ...et lorsqu'on entend ça, on ne traite pas les autres de singes ! (Protestations. Applaudissements.)
M. Christian Frey (S). Je souhaiterais revenir à l'objet de cette motion. (Commentaires.) Effectivement, à l'objet de cette motion... (L'orateur rit.) ...et dire que le parti socialiste la soutient entièrement. Il est vrai que ces questions d'actes racistes ou de discrimination globale sont alimentées par tout ce qui se passe actuellement dans le monde. On peut penser à ce qui s'est passé à Gaza, à des actes terroristes et à de nombreux autres cas, et il est en effet inquiétant de voir que ces actes racistes, ces actes de discrimination... On a encore pu lire dans le journal de la semaine passée que treize tombes avaient été profanées. Je ne veux pas vous faire une longue liste. (Remarque.)
Le président. Je vous prie... Monsieur Baertschi !
M. Christian Frey. J'aimerais revenir à mon sujet... (Commentaires.) ...et dire que nous soutenons entièrement cette motion: certes, cinq organismes s'occupent déjà de cette cause, et c'est une excellente chose. Ces organismes, la CICAD, la LICRA et d'autres que j'oublie, font un excellent travail, qu'il s'agit cependant de continuer: il faut leur donner, ainsi qu'au DIP, des moyens, y compris financiers, de sorte que cette formation aux droits fondamentaux soit un élément clef de l'enseignement à tous les élèves de notre canton et république de Genève.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, la tolérance et l'humanité ne sont pas forcément innées. Il ne s'agit pas, au travers de cette motion, de donner des leçons à qui que ce soit, ni de considérer que les organismes qui luttent contre le racisme et toutes les discriminations n'en font pas assez. Nous soutenons en revanche que légiférer ne suffit pas et que le dispositif existant n'est pas suffisant pour nous prémunir contre une augmentation de ces différentes manifestations de haine que constituent le racisme et toutes les autres formes de discrimination. Aujourd'hui, on constate que de nouvelles cibles sont désignées, comme si cela était le prétexte pour réveiller de vieux démons odieux. De nouvelles formes de discrimination apparaissent; certaines formes de racisme ou d'antisémitisme reviennent aujourd'hui à l'ordre du jour chez des personnes qui ne se les autorisaient plus, car on se permet d'adopter une attitude anti-islam primaire qui n'est pas acceptable, pas plus que ne l'est le racisme anti-blancs ou anti-noirs. Alors entendons-nous bien: quand on parle de lutte contre le racisme et les discriminations, cela comprend toutes les formes. Ne nous faisons pas de procès les uns les autres en nous accusant d'avoir nos racismes et nos discriminations de prédilection. Ce que nous demandons, c'est donc qu'un effort supplémentaire soit fait en matière d'information, de formation et de sensibilisation à ces éléments. C'est pourquoi notre groupe soutiendra cette motion. Et puisqu'une majorité semble aller dans le sens d'un renvoi en commission, nous soutiendrons le renvoi en commission. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Je donne la parole à Mme la députée Sarah Klopmann pour trente secondes.
Mme Sarah Klopmann (Ve). Merci, Monsieur le président. Plusieurs choses: tout d'abord, je n'ai pas souhaité comparer quiconque ici à un singe, et encore moins un groupe dans sa globalité. J'ai voulu parler d'un comportement qui devient franchement insupportable dès que certaines personnes parlent; il vient d'autres personnes, qui se permettent par ailleurs de nous traiter de prostituées sur internet avec un mépris...
Le président. Il vous reste dix secondes.
Mme Sarah Klopmann. ...plus que débordant. (Vives protestations.)
Le président. S'il vous plaît ! Monsieur Medeiros, s'il vous plaît !
Mme Sarah Klopmann. J'ai été largement mise en cause... (Chahut.) J'ai été largement mise en cause, Monsieur le président, donc si vous aviez peut-être la gentillesse de me laisser finir, ce serait très très aimable de votre part.
Le président. Poursuivez.
Mme Sarah Klopmann. Merci. Je ne fais absolument pas l'amalgame entre les singes et une quelconque origine. Pour moi, cela faisait allusion à un comportement animalier, simplement... (Protestations.)
Le président. Il vous faut conclure.
Mme Sarah Klopmann. ...et je souhaiterais m'excuser... (Protestations.)
Le président. Voilà, merci, Madame la députée.
M. Daniel Sormanni. Insupportable !
Le président. S'il vous plaît !
Mme Sarah Klopmann. ...et je souhaiterais m'excuser...
M. Daniel Sormanni. ...insupportable !
Le président. Monsieur Sormanni !
Une voix. Appelez la police !
Mme Sarah Klopmann. ...et je souhaiterais m'excuser si j'ai heurté certains de mes collègues. (Commentaires de M. Daniel Sormanni.)
Le président. Monsieur Sormanni, s'il vous plaît, vous n'avez pas la parole ! (Commentaires de M. Daniel Sormanni.) Je vous prie d'avoir un peu de respect !
Une voix. Ça suffit !
Une autre voix. Chut !
Le président. J'aimerais que vous concluiez rapidement, Madame la députée.
Mme Sarah Klopmann. Et je souhaiterais m'excuser si j'ai heurté certains de mes collègues avec ce mot malheureux sorti parce que je ne savais plus comment me défendre et que je regrette. (Exclamations. Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Madame la députée. J'espère que vous aurez tous pris note de ces paroles apaisantes. Je passe la parole à Mme Magali Orsini pour une minute et vingt-quatre secondes.
Mme Magali Orsini (EAG). Merci, Monsieur le président. A titre tout à fait personnel, je voudrais très brièvement rappeler que Genève est une république laïque et que le fait de renforcer les communautés n'est pas de nature à apaiser le racisme. Nous sommes d'abord des citoyens tous égaux devant la loi. Il serait temps de rappeler à chacun d'entre nous que nous sommes d'abord citoyens avant d'appartenir à une communauté religieuse, ethnique, ou quoi que ce soit d'autre.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Gilbert Catelain (UDC), député suppléant. Mesdames et Messieurs les députés, je ne pense pas qu'il faille s'écharper alors qu'il s'agit d'une motion dont la demande est simple: renforcer les efforts en matière de lutte contre le racisme. Je crois que tout le monde est d'accord. Le problème est qu'aussitôt que le débat porte sur le racisme dans cette assemblée, il se transforme en guerre. C'est quand même malheureux. On n'est pas crédibles ! On n'est pas crédibles surtout quand le premier signataire de cette motion allume le feu dans cette assemblée. Je crois qu'il faut peser ses mots. Or, le problème apparaît déjà dans la première invite car, que vous le vouliez ou non, vous avez constitué deux camps: les racistes d'un côté, les anti-racistes de l'autre; les juifs d'un côté et les autres. (Protestations.)
Une voix. Mais non !
M. Gilbert Catelain. Et vous auriez mis simplement... Mais bien sûr que si ! (Protestations. Commentaires.) Vous avez fait cet amalgame et c'est malheureux. Vous avez écrit un mot de trop. Aujourd'hui, toutes les communautés quelles qu'elles soient, d'une manière ou d'une autre, dans un pays ou un autre, sont victimes d'attaques que l'on peut considérer comme racistes. (Commentaires.) Trouvez-vous normal que dans un pays comme la France on doive mettre l'armée devant les églises ? Ce n'est pas normal. On assiste aujourd'hui à une dérive. (Commentaires persistants.) Et...
Le président. Il vous reste vingt secondes.
M. Gilbert Catelain. ...il est malheureux qu'on intègre dans cette motion une notion de conflit religieux. L'UDC pourra soutenir éventuellement un renvoi en commission mais certainement pas un renvoi direct au Conseil d'Etat, parce que je suis persuadé que le département que vous savez fait bien son travail et qu'il redouble d'efforts. (Quelques applaudissements.)
M. Cyril Mizrahi (S). Je pense qu'au-delà de cette querelle, il s'agit quand même d'une motion censée, Mesdames et Messieurs, chers collègues, tous nous réunir plutôt que de susciter ces petites polémiques stériles. A mon sens, il faut donc se réunir autour de cette motion et j'ai le sentiment qu'il est envisageable d'obtenir une majorité tout de suite pour la renvoyer au Conseil d'Etat. Néanmoins, si certains groupes estiment qu'il faut la renvoyer à la commission des droits humains, renvoyons-la à cette commission. Je préfère que nous ayons...
Une voix. Droits de l'Homme !
M. Cyril Mizrahi. Droits de l'Homme pour certains, pour ma part je préfère dire droits humains: ce sont les droits des hommes et des femmes. Ce sont les droits fondamentaux... (Commentaires.) De toute façon...
Le président. Il vous reste trente secondes. (Commentaires.)
M. Cyril Mizrahi. ...je ne vais pas poursuivre dans cette polémique également stérile. Tout cela ne vise qu'à détourner du thème. Par ailleurs, je m'interroge sur les raisons qui poussent un groupe au sein de cette assemblée à s'opposer au renforcement de la lutte contre le racisme...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Cyril Mizrahi. ...et l'antisémitisme. Je croyais qu'il me restait trente secondes, mais je vais conclure.
Le président. Eh bien il vous en reste quinze maintenant. (Rires.)
M. Cyril Mizrahi. Merci, Monsieur le président. Le racisme et l'antisémitisme sont des phénomènes particulièrement actuels dont on constate la recrudescence sur les réseaux sociaux, sur les blogs, notamment celui...
Le président. Je vous remercie infiniment, Monsieur le député.
M. Mizrahi. Je n'ai pas terminé, Monsieur le président.
Le président. Moi oui. (Rires. Quelques applaudissements.)
M. Cyril Mizrahi. Donc je vous invite à voter...
Le président. Monsieur le député, c'est terminé.
M. Cyril Mizrahi. ...le renvoi en commission. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député Mizrahi. (Commentaire.) Vous ne disposez plus de temps de parole, Monsieur Stauffer. Je vous fais donc voter sur le renvoi de cette motion à la commission des Droits de l'Homme.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2263 à la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) est adopté par 85 oui et 5 abstentions.
Débat
Le président. Nous en sommes à la proposition de motion 2266, en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole à l'auteure de la motion, Mme Anne Marie von Arx-Vernon.
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la problématique des mariages forcés est trop peu visible et est insuffisamment connue. Or, à Genève, des jeunes femmes, mais aussi des jeunes hommes, refusent de vivre comme leur mère ou leur grand-mère, ou comme leur père ou leur grand-père, et de subir un mariage qu'elles et qu'ils n'ont pas choisi et de devoir vivre avec une personne qu'ils ou qu'elles n'ont pas choisie. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Je vais continuer en parlant au féminin, étant donné que la majorité des victimes sont féminines - et somme toute, les 52% de l'humanité sont composés de femmes, cela ne gênera donc personne.
Pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, ces personnes refusent-elles cette pseudo-tradition culturelle ? Elles s'y opposent car la plupart d'entre elles sont devenues suisses par naturalisation facilitée; parce qu'elles ont suivi leur scolarité et leurs études à Genève et ont adopté les valeurs suisses; parce qu'elles se reconnaissent dans l'égalité homme-femme et reconnaissent notre style de vie comme un modèle de société auquel elles adhèrent totalement. Dans le cadre du bureau de l'égalité, des brochures et documents ont déjà été distribués dans des écoles, mais ceux-ci doivent aujourd'hui être actualisés et doivent être distribués de manière encore plus large, bien évidemment dans tous les milieux de scolarisation, Monsieur le président, mais aussi dans les milieux sportifs, et logiquement dans les milieux ayant un grand auditoire masculin. Car comme je l'ai mentionné, beaucoup de jeunes hommes courent également le risque d'être victimes d'un mariage forcé, ce qui peut entraîner parfois des crimes d'honneur. (Brouhaha.)
Mesdames et Messieurs les députés, il est important que les jeunes auxquels la brochure est destinée soient invités à la remettre également à leurs parents, de sorte qu'il soit annoncé haut et fort que cette pratique n'est pas acceptable, ni à Genève, ni en Suisse. Il est urgent de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, car cette période est propice à l'arrangement des mariages dans les pays d'origine de ces jeunes et car il est important qu'une communication soit faite. En outre, le Conseil d'Etat est le mieux placé pour mettre en place cette distribution et pour procéder à une mise à niveau de l'information. Cela est particulièrement important car à Genève, les préposés au mariage ont également besoin d'un message clair. En effet, les personnes dans les mairies de Genève habilitées à officialiser ces unions peuvent être parfois très déstabilisées et ont besoin d'avoir clairement le signal du Conseil d'Etat ainsi que celui du Grand Conseil affirmant que ce type de mariage est parfaitement inacceptable et est interdit en Suisse depuis juillet 2013. Cette pratique relevant du culturel est criminelle et nous devons absolument lancer ce message très clair et très fort: pas de cela chez nous ! Nous n'acceptons pas que des enfants soient traités comme des marchandises. Je vous remercie infiniment. (Applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG). Une fois n'est pas coutume, nous sommes totalement d'accord avec Mme von Arx-Vernon. (Commentaires.) C'est inacceptable et il n'y a rien à dire sur ce sujet; nous accepterons donc cette motion. Toute proposition qui peut aller dans ce sens doit être soutenue. (Brouhaha.) Néanmoins, puisqu'il est de mon devoir de dénoncer les mariages forcés, j'aimerais m'adresser au ministre de ces institutions et vous rapporter un mariage forcé survenu dans la commune d'Onex... (Rires.) ...où le PLR a été forcé à un mariage contre-nature avec les socialistes et inversement. Cette union est aussi à dénoncer car elle a été conclue sous la contrainte et je pense qu'elle devrait être poursuivie d'office. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Mme Nathalie Fontanet (PLR). Monsieur le président, chers collègues, c'est une évidence pour le groupe PLR qu'il convient de combattre fermement la pratique des mariages forcés. Non seulement celle-ci est contraire aux droits de l'Homme, plus particulièrement contraire aux droits de la femme, en l'espèce, mais c'est également une atteinte à la dignité humaine. Il est inimaginable que de telles pratiques puissent encore avoir cours dans notre canton et dans notre pays. Nous sommes donc favorables au renvoi de cette motion directement au Conseil d'Etat. (Quelques applaudissements.)
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, je souhaite rappeler que tant au niveau fédéral que cantonal, sont considérés comme mariages forcés: d'une part, avant le mariage, les pressions et le chantage de l'entourage obligeant l'une ou l'autre des personnes, ou les deux personnes, à se marier; les pressions et interdictions de l'entourage empêchant des personnes de vivre une relation amoureuse désirée; d'autre part, après le mariage, les pressions ou interventions interdisant à des personnes de divorcer ou de se séparer. Il est dommage que M. Stauffer ne soit plus là, car je pense que la troisième invite, au niveau politique, a du sens à Onex. En tout cas, en ce qui concerne les partis qui se sont unis pendant un temps, ce serait du mariage forcé si on leur interdisait de se séparer ensuite ! Blague à part, pour revenir au sujet, en 2012, sauf erreur, Genève et plus précisément le bureau de la promotion de l'égalité entre femmes et hommes ont réalisé une campagne d'information déployée dans les bus et dans les écoles sur les droits des personnes à refuser ces relations forcées. Comme recommandé au niveau fédéral, et ce point était très important, Genève a abordé cet aspect de la prévention des mariages forcés non pas sous l'angle des rapports Suisses-étrangers, mais sous l'angle des rapports de pouvoir entre genres; nous devons poursuivre la prévention avec ce type d'approche. En effet, les étrangers ne sont pas les seuls à obliger leurs proches à se marier ou à le rester. Cela n'exclut toutefois pas de se focaliser à certains moments sur les personnes passées par un processus d'immigration, ou se trouvant en cours de processus, car on sait parfaitement qu'à ces occasions, il existe d'évidentes fragilités: chantage au permis ou chantage au renvoi, tant dans le cadre légal que dans le cadre familial dans différents pays. Il est donc évident que nous soutiendrons cette motion: nous souhaitons que la prévention des mariages forcés ne s'arrête pas à une campagne à Genève mais bien qu'elle soit...
Le président. Il vous reste trente secondes.
Mme Lydia Schneider Hausser. ...régulièrement menée et que les instruments utilisés soient aussi régulièrement réadaptés et fassent partie d'une stratégie en la matière sur le long terme, car les mariages forcés et les contraintes relationnelles existeront certainement toujours et nous devrons continuer de les combattre. Cela doit s'apprendre sur la durée...
Le président. Il vous faut conclure.
Mme Lydia Schneider Hausser. ...et les enfants doivent apprendre, tout comme les adultes, que cette pratique est interdite et qu'elle le sera toujours à Genève. (Quelques applaudissements.)
Mme Christina Meissner (UDC). A titre personnel, je ne peux que m'associer entièrement aux propos de ma préopinante. En l'occurrence, qui peut s'opposer à une telle motion ? Il est évident que la problématique des mariages forcés existe, mais vous l'avez rappelé, Madame Schneider Hausser, il existe également celle de l'impossibilité de vivre une relation choisie et de l'impossibilité de choisir de divorcer. C'est souvent au sein même de la famille que la pression est la plus dure. Par ailleurs, dans de nombreux cas, la pression n'est pas liée à une violence physique mais à une violence psychique, ce qui est encore pire. En effet, alors que l'on se trouve déjà dans une situation d'instabilité par rapport à son propre choix de mariage, forcé ou non - car la passion l'emporte parfois de loin sur la raison et il arrive que l'on manque d'expérience - comment se mettre en plus en porte-à-faux par rapport à sa propre famille et se séparer de celle-ci ? (Brouhaha.) Ces situations sont vécues par les étrangers en grande majorité, mais également par les Suisses, il convient de ne pas l'oublier, car on méconnaît souvent la culture de l'autre et on la découvre souvent après le mariage. Or, les traditions sont dures, tout comme l'est la loi de la famille, où qu'elle se trouve.
Pour l'UDC, il est essentiel que nous continuions à mener ce travail de prévention et d'information. J'ignore si le Conseil d'Etat est le mieux placé pour accomplir ce travail car, finalement, où est la place de cette information ? C'est souvent au cours d'une conversation, par le hasard, que l'on découvre cette réalité; c'est à ce moment-là qu'il faut réagir et tout le monde doit y être attentif.
Il manque peut-être un élément dans cette motion. Elle devrait évidemment être renvoyée au Conseil d'Etat, mais je demanderais à celui-ci de répondre aussi à cette dernière invite que je me propose de formuler de manière informelle: au-delà de la prévention et de l'information, si l'on se trouve confronté à cette situation, où l'on constate qu'il s'agit effectivement d'un mariage forcé - je sais qu'il existe des associations de femmes, ou même des associations plus sociales, assistant celles qui se trouvent dans de mauvaises postures - que peut-on faire pour réprimer ce genre d'agissements ? J'aimerais trouver la réponse à cette question dans le rapport du Conseil d'Etat.
M. Yves de Matteis (Ve). Comme cela a déjà été dit, la problématique du mariage forcé est particulièrement grave. Pour notre part, nous sommes déjà très reconnaissants du travail accompli par les services de l'Etat et ses partenaires, qui nous semble d'une très haute tenue. Néanmoins, nous allons accueillir favorablement cette motion car elle permettra de renforcer le travail mené par l'Etat et les associations - travail nécessaire s'il en est puisque, la motion le dit, les cas de mariages forcés sont encore trop nombreux en Suisse. Le travail d'information est effectivement indispensable et j'aimerais, pour vous en persuader davantage, vous relater brièvement un cas dont j'ai eu l'occasion de m'occuper dans le cadre d'une des associations dont je suis membre. (Brouhaha.)
Une voix. Chut !
M. Yves de Matteis. Dans ce cas précis, le mariage forcé avait pris la forme d'un véritable enlèvement. Il s'agissait en l'occurrence non pas d'une femme, mais d'un jeune homme binational qui vivait dans une ville de Suisse romande - pas dans le canton de Genève - et qui malgré les insistances de son père, n'avait aucune envie de se marier, pour la simple et bonne raison qu'il avait en réalité un ami, fait que son père ignorait totalement. Lorsque son père l'a finalement appris, il a profité de vacances d'été passées dans le pays d'origine de la famille pour faire séquestrer son fils dans la maison de ses grands-parents après lui avoir retiré téléphone portable, portefeuille, billet d'avion et passeport, empêchant donc tout retour en Suisse. Il fut placé devant un choix: soit il épousait une fille de la région, soit il ne reviendrait jamais en Suisse. A noter que la mère et les grands-parents de ce jeune étaient évidemment aussi complices. L'histoire s'est bien terminée puisque ce jeune a pu bénéficier sur place de l'aide d'une association locale, puis d'une ONG internationale. En revanche, ni les autorités cantonales, ni les autorités fédérales, ni même la Mission suisse sur place n'ont pu intervenir et il a fallu faire passer clandestinement ce jeune homme dans le pays voisin de sorte qu'il puisse enfin obtenir un nouveau passeport et reprendre l'avion pour la Suisse. Ce sont en l'occurrence des particuliers et des ONG suisses qui ont permis ce passage. Sans cette aide, le jeune concerné aurait dû rester dans son pays d'origine durant encore quatre années avant de devenir majeur et de pouvoir rentrer en Suisse par lui-même et de son propre chef. Par ailleurs, il a affirmé qu'il se serait probablement suicidé avant ce terme.
Cette histoire témoigne de l'importance vitale de la thématique des mariages forcés et des situations extrêmement graves auxquelles ceux-ci peuvent mener. C'est la raison pour laquelle nous vous engageons également à renvoyer directement cette motion au Conseil d'Etat et de manière générale à soutenir le travail de l'Etat et de ses partenaires en la matière. (Quelques applaudissements.)
Mme Jocelyne Haller (EAG). Au cours de ma carrière, j'ai souvent été confrontée à des situations de mariages forcés, et elles sont terribles. Elles sont d'une violence incroyable. Ceux qui sont parvenus à y échapper souffrent d'un ostracisme terrible de la part de la famille: tous les liens sont rompus, ils doivent se débrouiller seuls, sans l'aide non plus d'amis, de voisins, de cousins; ils se retrouvent complètement isolés et exclus ici, dans notre canton. Quant à ceux qui n'ont malheureusement pas pu y échapper, ils vivent une autre forme de violence, tout aussi dramatique.
Effectivement, un certain nombre d'actions relativement efficaces sont menées ici et c'est tant mieux. Mais il faut accentuer ces efforts car aujourd'hui encore l'information n'est pas suffisante. Les parents prévoyant ce type de mariage forcé doivent savoir exactement à quoi ils s'exposent, et cet élément-là est fondamental, au même titre qu'il faut absolument que les victimes potentielles sachent où et vers qui se tourner, et à quoi elles pourraient aboutir. Aujourd'hui, il existe un certain nombre d'organismes spécialisés oeuvrant dans le domaine et ils sont effectivement très efficaces. Néanmoins, les gens ne les connaissent pas forcément. Il faut également prévoir d'autres accès pour que ces personnes puissent être orientées vers ces organismes spécialisés.
Pour répondre à Mme Meissner qui se demandait si le Conseil d'Etat est le bon interlocuteur: oui, très certainement, car c'est lui qui dispose des moyens de mettre en oeuvre cette politique, et sans doute également des moyens d'accélérer les efforts qui devraient être développés en la matière. C'est lui aussi qui peut prendre des dispositions pour qu'une politique de prévention soit réellement à l'oeuvre au sein de tous les organismes et de tous les services auxquels ces personnes pourraient s'adresser, et je pense notamment aux centres sociaux qui sont généralement en première ligne. C'est pourquoi notre groupe vous demande également de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. Je vous remercie de votre attention. (Quelques applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG). Monsieur le conseiller d'Etat, je viens d'apprendre une information capitale en ma qualité d'officier d'état civil d'une grande commune suburbaine: le mariage PLR-PS forcé était un mariage blanc et étant donné qu'il était stérile, il n'aurait de toute façon jamais pu enfanter. (Commentaires.)
Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Dans nos pays, nous voyons le mariage comme une histoire d'amour, et ce depuis environ la moitié du XXe siècle, mais pas tellement avant. Le mariage de mes grands-mères consistait plutôt en des contrats: il y avait tant de vaches, tant de chèvres, tant d'abricotiers, tant de ceci et de cela. C'est tout de même intéressant et Philippe Ariès, l'historien de la famille, l'explique extrêmement bien, de la même manière qu'il explique la relation aux enfants. Il va sans dire que nous allons soutenir le texte et le remettre au Conseil d'Etat, mais ce qui est terrible dans cette problématique des mariages forcés, c'est que finalement nous, ici, nous avons une certaine conception du mariage, de l'amour, de la relation aux autres, des relations d'égalité, etc., bien sûr. Ce que j'ai pu constater c'est que dans certains pays du Maghreb ou d'Afrique noire, la nécessité... Et c'est pour cela que l'aide au développement est importante: car sur place, il faut sensibiliser déjà tout le personnel médical, les infirmiers, tous les soignants dans les écoles...
Le président. Il vous reste vingt-cinq secondes.
Mme Marie-Thérèse Engelberts. Oui, merci, Monsieur le président. Et surtout les grands-mères, car c'est là que se loge la tradition à l'origine du retour des jeunes d'ici au pays, ceux-ci se retrouvant piégés par leur propre famille. Ce qui est terrible, c'est la coupure avec la tradition, la rupture de leur vie privée et la médiatisation qui peut en être faite, et ça, c'est très difficilement supportable. Voilà simplement l'apport que je souhaitais amener. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Je fais donc voter l'assemblée sur la prise en considération de cette motion.
Mise aux voix, la motion 2266 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 74 oui (unanimité des voix). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Débat
Le président. Le point suivant de l'ordre du jour est la proposition de résolution 785 de M. Stéphane Florey et consorts; nous sommes en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole à l'auteur de la proposition de résolution.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Cette résolution demande premièrement, comme mentionné dans le titre, d'accroître la contribution des personnes détenues à leurs frais de détention - contribution qui est aujourd'hui relativement dérisoire puisqu'elle est de 8 F par jour. Deuxièmement, elle demande que cette mesure s'applique à tous les détenus. En effet, lors de l'élaboration de cette résolution, nous nous sommes aperçus que la contribution aux frais de détention s'appliquait à des détenus sous certaines conditions. Or, pour des questions de logique et d'égalité de traitement, nous voudrions qu'elle soit étendue à tous les détenus, ce qui aurait l'avantage d'alléger quelque peu les budgets de l'Etat... (Brouhaha.) ...étant donné qu'une journée d'emprisonnement coûte excessivement cher, à savoir 480 F par jour. Par conséquent, si l'on doublait le montant de la contribution des détenus, les économies pourraient devenir intéressantes.
Il faut relever également que nous ne sommes pas les seuls à agir dans ce domaine. Aux Pays-Bas, par exemple, une mesure de ce type est récemment entrée en vigueur, et elle s'applique précisément à tous les prisonniers, comme nous le demandons. Actuellement, les détenus paient un montant de 16 euros par jour alors qu'une journée de prison aux Pays-Bas coûte en proportion quasiment moitié moins cher qu'en Suisse. C'est dans cet esprit-là que nous vous proposons cette résolution et c'est la raison pour laquelle nous demandons aussi le renvoi à la commission judiciaire pour approfondir le sujet et peut-être pour affiner certains propos. Je vous remercie.
Présidence de M. Jean-Marc Guinchard, premier vice-président
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, pour moi cette proposition de résolution de l'UDC est particulièrement choquante. Je crois qu'il ne faut pas se tromper: lorsqu'une personne est condamnée à de la prison pour avoir commis un délit, la peine consiste en une privation de liberté. A Genève, la rémunération d'un détenu s'élève - c'est inscrit dans le texte de la résolution, mais je ne suis pas allé vérifier - à 33 F brut par jour, dont les 65% sont à sa disposition, ce qui revient à plus ou moins 22 F par jour. Cela signifie donc qu'un détenu dispose en gros de 400 F par mois pour lui. Il a accès à une épicerie, il est possible qu'il ait de la famille qui se trouve peut-être à l'étranger, il a des enfants, il souhaite faire des cadeaux. Et, Mesdames et Messieurs les députés, ces détenus doivent faire face à la problématique de leur sortie, et c'est une réalité à laquelle la commission des visiteurs officiels est confrontée - je m'interroge par ailleurs quant à l'utilité réelle de son travail au vu de la façon dont celui-ci est traité au Grand Conseil. Leur sortie se prépare certes avec une part de cette rémunération qui est réservée, mais avec des montants aussi modestes, on peut s'interroger: la réalité d'une sortie après plusieurs années de prison, avec des rémunérations aussi faibles, n'est-elle pas simplement une condamnation d'office de ces personnes à retourner dans la criminalité ? Mais c'est peut-être le choix de l'UDC que d'accentuer la criminalité afin d'instaurer des mesures d'exception toujours plus fortes et toujours plus scandaleuses.
Mesdames et Messieurs les députés, en ce qui me concerne je n'ai même pas envie que cette résolution soit renvoyée en commission. Je pense qu'elle est hors de propos, elle parle de pourcentage... Et même imaginer payer les prisons genevoises avec ce montant de 8 F par jour - il faut arrêter de délirer, car même avec mille détenus à Champ-Dollon, ce qui heureusement n'est pas le cas, je ne vois pas comment on y arriverait. Je ne suis même pas sûr que cela paie les repas de la commission des visiteurs officiels quand nous allons visiter une prison. (Rire.)
Il faut donc tout simplement refuser immédiatement cette résolution. Si l'on doit se pencher sur le domaine pénitentiaire à Genève, c'est plutôt sur la question des ateliers dont le canton de Genève manque de façon flagrante actuellement. Et cette question n'est toujours pas réglée avec l'arrivée de M. Maudet. On a même vu à La Brenaz une cuisine équipée pour accueillir un atelier cuisine qui n'est même pas utilisée. C'est tout simplement scandaleux aujourd'hui à Genève: on ne permet même pas aux détenus en exécution de peine de travailler. Mesdames et Messieurs les députés, c'est cette problématique qu'il faut aborder plutôt que d'envisager ce racket auprès de détenus privés de liberté - car c'est cela leur peine, et non le vol de leur petit pécule. (Applaudissements.)
M. Jean-Michel Bugnion (Ve). Egalement membre de la commission des visiteurs officiels, je suis bien placé pour savoir de quoi nous allons parler. Autant vous le dire tout de suite: les Verts estiment que cette résolution est inadéquate car elle ne tient absolument pas compte du contexte réel de surpopulation. Premièrement, il faut savoir qu'à Champ-Dollon, par exemple, sur 400 détenus en exécution de peine, seulement 200 places d'atelier sont disponibles. (Brouhaha.) Cela signifie que les détenus sans possibilité de travailler ne touchent absolument rien. Deuxièmement, il faut également savoir qu'à Genève les conditions ne sont pas conformes à la détention en exécution de peine, en raison de la surpopulation et du fait que Champ-Dollon est une prison préventive. Le détenu devrait disposer d'une cellule individuelle, ce qui n'existe pas à Champ-Dollon où deux, trois ou six détenus sont entassés dans la même cellule. Le détenu devrait pouvoir entreprendre une formation, ce qui n'est pas possible, un cours - essentiellement de français - étant dispensé une fois par semaine durant quarante-cinq minutes, à malheureusement seulement une trentaine de détenus. Le détenu devrait pouvoir bénéficier de temps consacré au sport, or à Champ-Dollon, il n'est possible de faire qu'une seule heure de sport par semaine. Le détenu devrait pouvoir bénéficier de promenades en plein air, or la promenade maximale à Champ-Dollon est d'une heure par jour. Résultat: ceux qui ne travaillent pas restent grosso modo vingt-deux ou vingt-trois heures sur vingt-quatre en cellule, et ceux qui travaillent, dix-sept, dix-huit heures.
Venons-en maintenant à la rémunération. Nous avons vu qu'à Genève, elle est d'environ 20 F par jour. Cela représente deux paquets de cigarettes. De ces deux paquets, il faut en plus déduire 15 F par mois de location de frigo et de télévision. Il ne reste donc qu'une maigre somme. Et vous voulez encore soustraire une contribution à cette maigre somme ? Dans de telles conditions, cela revient à signifier à cette population qu'on les méprise. Ils ne peuvent ressentir à ce moment-là qu'un sentiment de révolte et d'injustice. Les gardiens de prison et la direction, dont la tâche est singulièrement compliquée, font un travail extraordinaire pour tenter d'empêcher que la cocotte-minute n'explose; le stress pesant sur leurs épaules sera encore plus lourd qu'il ne l'est déjà.
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Jean-Michel Bugnion. Merci, Monsieur le président. Je conclurai donc en soulignant que face à la situation explosive que connaît la détention, en tout cas à Genève, voter cette résolution revient clairement à jeter de l'huile sur un feu qui couve et qui ne demande qu'à s'embraser. Les Verts vous recommandent vivement de trouver une autre manière de recycler vos déchets oléagineux. (Quelques applaudissements.)
M. Christian Zaugg (EAG). Monsieur le président, chers collègues, cette idée pouvant donner l'impression que des détenus seraient punis pour des infractions ou des crimes commis en leur retirant une partie de leur pécule est totalement inappropriée. La peine privative de liberté est en soi suffisante et constitue pour eux, sans aucun doute, la plus grande des punitions. Il ne convient pas, au surplus, d'imaginer que des personnes se réjouissent d'aller en prison afin d'amasser un pécule, comme cela semble ressortir de l'exposé des motifs de cette résolution. Mesure-t-on également que le travail dans des ateliers au sein des établissements participe à un processus de réinsertion ? Je rappelle que l'on parle ici d'un montant brut de 33 F par jour de détention effectuée. Les auteurs de cette résolution prennent le problème à l'envers. Le prélèvement qui serait effectué sur une partie disponible du salaire, moins les 8 F déduits sur les 33 F à titre de compensation partielle des prestations en nature, ne pourrait que démotiver les détenus et réduire les demandes d'inscription dans les ateliers. Est-ce bien ce que l'on veut ? Si l'on ajoute à cela la remise en cause du secret médical et ses effets induits sur les thérapies, c'est bien tout l'ensemble du processus de réinsertion... (Exclamation.) ...qui serait remis en question avec cette résolution. Qu'y a-t-il derrière tout cela ? Manifestement, pour des raisons d'économie, la volonté est de mettre de côté toutes les mesures visant à réinsérer un criminel dans la société - un criminel qui, je le relève, finit par sortir au terme d'une réclusion de vingt ans, s'il ne bénéficie pas de libération anticipée ou d'autres mesures. Force est de constater que l'UDC veut libérer au terme légal de leur peine des criminels peu socialisés, bien méchants et qui vont s'empresser de faire pire en sortant, animés par un profond ressentiment et une rancune tenace vis-à-vis d'une société qui se sera contentée de les enfermer. C'est la raison pour laquelle je vous invite, chers collègues, à refuser cette proposition démagogique.
M. Bernhard Riedweg (UDC). En matière d'exécution des peines, le canton de Genève veut être un modèle de générosité mais cela lui coûte cher. Que des détenus perçoivent une rémunération pour un travail effectué durant la période de détention est difficile à admettre par les citoyens et citoyennes qui ont de la peine à nouer les deux bouts en fin de mois, et ceux-ci sont nombreux à Genève. Mais le comble est que le prisonnier est rétribué si l'établissement ne peut pas lui attribuer une place de travail, ce qui est souvent le cas, compte tenu des espaces à disposition derrière les barreaux. Entre les comptes 2010 et le budget 2015 du canton, le coût complet du programme «Privation de liberté et mesures d'encadrement» a augmenté de 47 millions de francs, soit de 49% à 145 millions. Avant de rémunérer un délinquant, on devrait estimer les dégâts matériels et immatériels qu'il a causés antérieurement à son arrestation.
Ainsi, un délinquant peut constituer une épargne privée, certes peu rémunérée en matière d'intérêts, et la retirer après avoir purgé sa peine qu'il pourrait souhaiter la plus longue possible. Cela peut l'inciter à récidiver car dans son pays d'origine, les conditions de travail sont certainement moins bonnes et moins bien rémunérées, sachant que de nombreux étrangers sont écroués à Champ-Dollon. (Commentaires.) En procédant de la sorte, on favorise les personnes en détention par rapport aux collaborateurs et collaboratrices consciencieux qui se forment, se déplacent et qui sont évalués régulièrement pour la qualité de leur travail. Une grande partie des employés libres doit s'organiser dans la vie pour s'assurer un minimum de confort alors que les détenus bénéficient d'une protection quasi totale pour un travail subalterne. (Commentaires.) Prélever un montant supplémentaire sur la rémunération d'un prisonnier n'est que juste car d'une part, il en a les moyens et, d'autre part, il n'a pas de frais fixes pour son entretien. Cela le dissuadera de commettre un nouveau crime. Cette manière de procéder bénéficiera à la collectivité qui sera moins mise à contribution au travers de ses impôts. Nous vous demandons de réserver un accueil favorable à cette résolution.
Mme Danièle Magnin (MCG). J'ai appris en lisant «L'Astragale» d'Albertine Sarrazin comment se déroulait la vie des détenus des prisons françaises et j'ai le sentiment que ce n'est pas très différent chez nous, en ce qui concerne l'achat des produits de nécessité. J'ignore si on fournit aux détenus de quoi se laver en dehors de l'eau, ou si on leur fournit autre chose que de la nourriture, des draps et le blanchissage. (Commentaire.) Je pense qu'ils ont besoin de petites choses pour agrémenter leur...
Une voix. Du kif !
Mme Danièle Magnin. Non, peut-être pas du kif comme le dit mon collègue devant moi, mais des petites choses telles que du savon, du déodorant, du shampoing, des livres, des timbres pour la correspondance, etc. (Brouhaha.) Les priver de ce peu de choses et de la possibilité de faire de petites économies pour leur sortie me semble tout à fait contre-productif et franchement, mon groupe ne votera pas ce projet. Je vous remercie de votre attention.
Présidence de M. Antoine Barde, président
Mme Béatrice Hirsch (PDC). Tout d'abord, il est intéressant de relever certains considérants assez piquants de cette résolution, par exemple le numéro 3: «La société n'admet pas que la part des coûts assumés par l'Etat soit si importante.» On ne sait pas bien de quels coûts il s'agit et surtout, sur quels critères et quelle enquête se base cette affirmation. L'avant-dernier considérant est assez joli également car il reprend l'invite de la résolution: «Il conviendrait d'accroître la participation des détenus aux frais d'hébergement.» Donc si on accepte de voter cette résolution, le considérant sera juste, mais si on la refuse, le considérant sera faux. (Rires.) Blague à part, je ne reviendrai pas sur l'aspect philosophique, ni sur ce qui a déjà été largement développé concernant la problématique de la double peine, ni sur la question des besoins des détenus en termes d'épicerie, etc. Mme Magnin en a fait toute une liste - elle a par ailleurs oublié le dentifrice et, comme Mme Flamand-Lew me le faisait remarquer, peut-être aussi le fil dentaire. (Rires.) Les produits dont les détenus ont besoin sont nombreux. (Commentaires.)
Mais surtout, un point rendant cette résolution totalement impraticable n'a pas encore été cité: pendant toute la période de détention précédant le jugement, les frais de justice représentant des milliers de francs sont entièrement à charge des détenus. Avant de pouvoir imaginer leur prélever un montant supérieur, on ne doit pas oublier qu'ils doivent déjà s'acquitter de ces frais de justice. Alors qu'ils ont déjà très peu, il s'agirait qu'ils aient encore moins. En l'occurrence, honnêtement, cette résolution n'est absolument pas applicable. Pour toutes ces raisons, le groupe démocrate-chrétien la refusera. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. le député Stéphane Florey pour trente-six secondes.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Tout d'abord, j'aimerais relever qu'en comparaison européenne, un détenu chez nous gagne trois fois plus qu'un ouvrier roumain et... (Protestations. Rires.) ...ceux qui ne travaillent pas touchent quand même une rémunération. Je suis désolé, mais ces personnes, des violeurs, des tueurs, des criminels, des escrocs, on ne leur a pas demandé d'aller en prison. Donc quelque part, il est normal qu'ils assument... (Commentaires.) ...et ce n'est pas à la société de prendre en charge l'entier de leurs conneries et des délits qu'ils ont commis. C'est pour cette raison que nous vous demandons d'envoyer cette proposition de résolution à la commission judiciaire. Je vous remercie.
M. Murat Julian Alder (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, très chers collègues, j'aimerais tout d'abord saluer la modération dont ont fait preuve les représentants des autres groupes qui s'opposent à cette résolution, parce que pour ma part je ne vais pas y aller avec le dos de la cuillère. (Rires.) Voter oui à cette résolution revient à introduire à Genève une tradition qui a cours dans un certain nombre de pays non démocratiques, qui consiste à facturer la balle à celui qui est condamné à mort et exécuté. C'est tout simplement inadmissible dans un Etat de droit, comme l'est Genève et comme l'est la Suisse, fondé sur des valeurs démocratiques. Cette résolution procède d'une grave méconnaissance de l'institution de la prison en ce sens qu'elle confond totalement l'institution de la détention provisoire et celle de l'exécution d'une peine, par l'emprisonnement ou par la réclusion. Je vous rappelle, Mesdames et Messieurs, que jusqu'au moment où une personne prévenue dans le cadre d'une procédure pénale est jugée - et quand je dis jugée, cela signifie par le biais d'un jugement entré en force de chose jugée, c'est-à-dire définitif - cette personne-là bénéficie de la présomption d'innocence.
Les personnes étant actuellement en prison au titre de la détention provisoire sont donc présumées innocentes et à ce titre, elles ne méritent en aucun cas qu'on leur facture quoi que ce soit. Les conditions d'une détention provisoire sont les suivantes: risque de fuite, de collusion ou de réitération. En dehors de ces cas-là, la personne qui fait l'objet d'une procédure pénale ne peut pas être mise en détention. Je ne vois pas au nom de quoi on facturerait quoi que ce soit à une personne en détention alors qu'elle n'a même pas encore été jugée. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Gilbert Catelain, à qui il reste quarante secondes.
M. Gilbert Catelain (UDC), député suppléant. Merci, Monsieur le président. A en croire mon préopinant, on pourrait tout simplement fermer Champ-Dollon puisque, de toute façon, à quoi sert la détention préventive ? (Protestations.)
Une voix. On vient de le dire !
M. Gilbert Catelain. A quoi sert-elle ? J'ai par ailleurs appris ce soir que la Hollande n'est pas un pays démocratique, c'est nouveau. On leur dira, on aura peut-être une réaction de l'ambassade. On peut être contre cette résolution; on peut aussi envisager une mesure beaucoup plus simple, à savoir qu'au lieu de récupérer 8 F, ce qui administrativement est peut-être très lourd, on pourrait tout simplement diminuer la rémunération.
Le président. Il vous reste dix secondes.
M. Gilbert Catelain. Je suis assez étonné. J'ai des enfants, de jeunes adultes, et je peux vous dire qu'ils n'ont même pas 20 F par jour et ils se débrouillent avec cette somme. (Commentaires.)
Le président. Il vous faut conclure.
M. Gilbert Catelain. C'est choquant pour toute une partie de cette jeunesse de voir que si l'on se trouve en exécution de peine ou en prévention...
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député.
M. Gilbert Catelain. ...on puisse toucher plus.
M. Eric Stauffer (MCG). Comme vous le savez, je suis actuellement président de la commission des visiteurs officiels et je suis littéralement affligé en lisant ce texte parlementaire. Je vous le dis comme je le pense, vous savez que l'hypocrisie n'est pas dans mon ADN... (Commentaires.) ...je trouve que, lorsqu'on est capable d'écrire de tels textes parlementaires, c'est au mieux qu'on a une méconnaissance totale, mais totale, du système pénitentiaire, et au pire... Je n'ose même pas l'imaginer. Alors laissez-moi vous dire ceci: lorsqu'une personne commet un crime, elle doit être punie, nous sommes dans un Etat de droit et cela est normal; le MCG a toujours prôné une répression dure pour les criminels. En revanche, une fois que cette personne a été jugée, il est du devoir de l'Etat de tout entreprendre pour lui assurer une formation ainsi qu'une réinsertion afin d'éviter les récidives. Et là, l'Etat fait une vraie économie. Car malheureusement, la population carcérale est formée de gens qui, pour la grande majorité, n'ont pas reçu d'instruction et chez qui le taux...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Eric Stauffer. Oui, bon, on peut aussi arrêter de parler, mais le sujet est quand même important ! ...chez qui on trouve un certain taux d'illettrisme. Si pendant qu'ils sont en détention, ces gens-là ont la chance de recevoir ne serait-ce qu'une bribe de formation, celle-ci sera peut-être l'étincelle qui les dissuadera de récidiver. Je vous propose, Mesdames et Messieurs, au nom du MCG, de refuser tout renvoi en commission et de mettre ce texte parlementaire là où il mérite d'être, à savoir dans la poubelle.
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le sujet que nous traitons ce soir est grave, et je le dis d'autant plus volontiers que la gestion d'une prison doit s'affranchir de toute forme de tension supplémentaire. Certains ont évoqué tout à l'heure, il me semble qu'il s'agissait de mon préopinant Vert, le travail quotidien des gardiens et de la direction, que l'on peut et doit saluer. Or, de toute évidence, on créerait ici une tension supplémentaire. Le député Stauffer l'a dit, à sa façon, d'autres aussi: s'il est un droit inaliénable que l'on doit absolument respecter, et surtout dans le domaine de la détention, c'est celui à la dignité. La dignité dans ce domaine si particulier qu'est celui de la détention s'acquiert notamment par le travail. Et le travail, ce sont les ateliers. On l'a dit tout à l'heure, les places sont insuffisantes aujourd'hui - merci d'avoir rappelé au passage la sous-dotation chronique dont nous souffrons à Genève; j'ose espérer que celles et ceux qui l'évoquaient auront à coeur de voter les crédits nécessaires pour renforcer les espaces carcéraux et précisément offrir les moyens de recouvrer une dignité à celles et ceux qui sont emprisonnés. Cette dignité s'acquiert par le travail et donc par ce petit pécule de 33 F versé en exécution de peine.
Mais si la plupart d'entre vous ont cité les raisons pour lesquelles cette somme de 33 F se trouve réduite, vous en avez oublié une. Je souhaite la rappeler car elle fait souvent partie des dispositifs de jugement: il s'agit du dispositif visant à rembourser la victime. Non seulement on prend au détenu un tiers de son pécule pour sa réinsertion future; non seulement on lui demande de contribuer à ses conditions d'hébergement; non seulement il doit payer, c'est vrai, des frais de justice qui parfois s'élèvent à plusieurs milliers de francs, mais en plus on lui demande, et c'est bien normal me direz-vous, de rembourser sa victime, que ce soit sous l'angle du tort moral ou d'autres torts divers qu'il aurait causés. Ainsi, pour la plupart des détenus, si ce n'est la quasi-totalité, à la fin de la journée, il reste en réalité zéro franc. Il reste zéro franc au détenu, mais à travers ce qu'il verse, il se sent au moins peut-être un peu en voie de recouvrer sa dignité. Je vous demande donc de rejeter ce texte afin de ne pas générer de tensions plus grandes que celles déjà connues dans le milieu carcéral, mais aussi par souci de l'inaliénabilité de la dignité du détenu. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je fais tout d'abord voter l'assemblée sur le renvoi de la proposition de résolution à la commission judiciaire et de la police.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 785 à la commission judiciaire et de la police est rejeté par 74 non contre 5 oui et 1 abstention.
Mise aux voix, la proposition de résolution 785 est rejetée par 77 non contre 7 oui.
Débat
Le président. Nous arrivons à la proposition de postulat présentée par M. Daniel Sormanni et consorts, classée en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole à son auteur.
M. Daniel Sormanni (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous inaugurons ce soir le premier postulat de cette législature. Il a été déposé il y a environ un an et je suis ravi de pouvoir enfin le développer; cela ne sera pas très long. Nombreux sont ceux qui utilisent Epsilon pour leurs tracts, très certainement en tout cas les partis politiques pendant les campagnes électorales; bien que nous arrivions au bout, nous sommes en plein dedans. Les gens travaillant pour cette société distribuent donc les flyers que nous produisons, et leurs conditions de travail sont, je crois qu'on peut le dire, assez lamentables; et encore, le mot est gentil. Or, il se trouve qu'Epsilon appartient à un opérateur public, à savoir la Poste. Et non seulement un employeur se devrait de respecter un certain nombre de conditions de travail minimum, mais en plus, s'il s'agit d'un opérateur public, cela devrait à mon sens faire d'office partie de son éthique. Il ne s'agit pas d'attaquer Epsilon pour le plaisir, mais on constate simplement que ses employés travaillent dans des conditions difficiles: ils doivent préparer les paquets et les trier avant de les distribuer, et ces tâches ne sont pas comptées comme du temps de travail. Cela revient donc à du travail bénévole. Ils sont ensuite modiquement rémunérés pour leur travail de distribution et doivent par ailleurs se débrouiller pour l'effectuer: certains se déplacent à pied, d'autres à vélo ou en scooter, les mieux lotis en voiture, et les frais liés à ces déplacements sont à leur charge personnelle. En outre, ils ne peuvent pas emporter les paquets qu'ils vont distribuer, les prendre et les remplir; ils doivent à chaque fois retourner au dépôt les chercher.
Je crois que d'une manière générale, il existe un problème à ce niveau-là. D'ailleurs, je me rappelle bien que M. le conseiller d'Etat Pierre Maudet a déclaré dans le journal «Le Matin» du 15 décembre 2013, dont j'ai gardé la coupure: «Je vais traquer le dumping salarial, le traquer et le punir.» Nous attendons donc que les services de M. Maudet, à savoir l'OCIRT, à qui on a posé la question mais qui n'a pas fait de commentaire, interviennent sur ce terrain-là, du moins pour cette entreprise puisque en l'occurrence c'est à son propos que j'interviens, et qu'ils vérifient que les conditions de travail de ces employés soient conformes, sinon à une convention collective - car je ne crois pas qu'il y en ait - au moins aux usages, c'est-à-dire tout simplement que les conditions de travail et la rémunération de ces travailleurs soient dignes de Genève. Monsieur le conseiller d'Etat, je vous demande donc à travers ce postulat de vérifier si les conditions de travail chez Epsilon - filiale de la Poste, je le redis - sont correctes et de nous présenter ce que vous allez mettre en oeuvre pour faire en sorte que ce genre de problématique soit le moins fréquente possible, ou du moins pour que ces cas soient dénoncés lorsqu'on en a connaissance et lorsqu'ils peuvent être dénoncés. Je sais que cela a déjà été dit, que cela a déjà fait l'objet d'articles dans la presse, que les syndicats s'en occupent, mais à ce que je sache, il n'existe pas de solution à ce problème.
Outre une intervention de l'OCIRT, nous souhaitons que celui-ci fasse un rapport à l'intention de ce Grand Conseil sur les mesures qui pourront être prises pour simplement rendre la dignité à ceux que l'on peut considérer comme des travailleurs de l'ombre; et qui, je le redis encore une fois, campagne électorale après campagne électorale - mais pas seulement - distribuent des journaux et autres imprimés. Nous les utilisons et notre groupe souhaiterait simplement qu'ils bénéficient de conditions de travail et salariales qui soient dignes de Genève. Je vous remercie par avance.
M. Bernhard Riedweg (UDC). La Poste suisse détient 100% du capital-actions de la société Epsilon. Si des employés et employées sont engagés par cette société, c'est qu'ils en acceptent les conditions de travail, y compris salariales. Ce travail consiste essentiellement en la distribution matinale de journaux et la distribution d'envois non adressés. Epsilon SA offre la sécurité de l'emploi car son actionnaire lui assure des mandats constants et récurrents. Si les employés ne sont pas satisfaits, ils peuvent démissionner après avoir trouvé une nouvelle activité. (Commentaires.) Les démissionnaires seront certainement remplacés par une multitude de demandeurs d'emploi potentiels. Cela m'étonnerait beaucoup que l'actionnaire unique qu'est la Poste suisse ne soit pas au courant des salaires pratiqués dans sa filiale genevoise. Ne mettons pas le Conseil d'Etat mal à l'aise en lui demandant de lutter contre le prétendu dumping salarial chez Epsilon, car nous craignons une fin de non-recevoir. Je vous demande le renvoi de ce postulat au Conseil d'Etat. (Commentaires.)
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Pour information, les postulats sont acceptés ou refusés; il n'existe pas d'autre alternative. Je donne la parole à M. Romain de Sainte Marie.
M. Romain de Sainte Marie (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je suis quelque peu surpris par les propos de mon préopinant, M. Riedweg. En effet, je crois que le Conseil d'Etat et l'OCIRT sont quand même là pour qu'on leur demande de contrôler les conditions de travail dans les entreprises, surtout si l'on se pose des questions sur les conditions de travail au sein d'une entreprise. Il est question d'agir, et non de mettre le Conseil d'Etat dans l'embarras; ces propos me surprennent un peu.
Les socialistes soutiendront bien évidemment ce postulat, mais nous espérons surtout voir un positionnement du MCG plus stable et continu en matière de lutte contre le dumping salarial. En effet, ce fléau touche Genève comme beaucoup de cantons en bordure de frontière, puisque nous connaissons des niveaux de vie différents d'un côté et de l'autre de la frontière avec la libre circulation des personnes, qui est malheureusement peu maîtrisée, d'une certaine façon, et qui souffre d'un manque de mesures d'accompagnement. Tout cela entraîne des effets de dumping salarial sur le marché du travail. Je pense qu'il faut malgré tout saluer les efforts effectivement fournis par l'OCIRT et par M. Maudet, que nous avons pu constater avec les membres de la commission de l'économie. Il reste toutefois encore beaucoup à faire.
Dans ce sens, je reviendrai avec une mesure extrêmement simple - je sais qu'elle est peu populaire dans la plupart des rangs de cet hémicycle - à savoir un salaire minimum qui constituerait une réelle mesure efficace contre le dumping salarial. D'autres mesures existent également comme l'extension des conventions collectives ou l'instauration de contrats types de travail. Dans certains secteurs comme celui de l'hôtellerie-restauration, les chiffres sont hallucinants puisqu'on en entend qu'il n'y a qu'un à deux commissaires pour la commission paritaire sur l'ensemble de la Suisse romande, alors même que l'on sait que ce secteur-là est le plus touché par la sous-enchère salariale. (Commentaires.) Nous restons malheureusement dans l'impasse, sans pouvoir agir, et nous espérons que le département instaurera dans le cas présent et dans d'autres secteurs également des contrats types de travail.
Par ailleurs, et j'espère que le Conseil d'Etat agira dans ce sens, nous sommes également dans la contrainte de l'application du vote...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Romain de Sainte Marie. ...du 9 février. Je vais conclure sur ce point. Pour l'instant, l'avant-projet proposé par le Conseil fédéral est absolument insatisfaisant en matière de contrôles de conditions de travail, puisque cet avant-projet préconiserait le fait d'effectuer ces contrôles en amont, au niveau des contrats, et non en aval, sur l'application même et sur les conditions réelles de travail. J'invite là surtout le Conseil d'Etat à agir, à peser au niveau fédéral...
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député, c'est terminé.
M. Romain de Sainte Marie. ...de manière que nous puissions lutter efficacement contre ce dumping salarial. (Quelques applaudissements.)
M. Boris Calame (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, il nous semble que pour cet objet, le postulat n'était pas le bon outil parlementaire pour un traitement rapide par le parlement et, le cas échéant, pour obtenir une réponse du Conseil d'Etat. Mais il fallait bien un premier postulat. Il s'agissait visiblement d'une urgence toute relative, qui attend patiemment l'avancée de notre ordre du jour, depuis plus d'une année. Il aurait sans doute été plus judicieux de recourir à une question écrite, qui aurait obligé l'administration par la voie du Conseil d'Etat à répondre à une question qui était alors peut-être légitime. Nous nous trouvons face à une problématique générale en lien avec la sous-enchère salariale dans le cadre des activités d'une entreprise de la place. Que l'entreprise soit liée ou non à la Poste n'a pas d'importance; ce qui compte, c'est que sa propre activité respecte le cadre légal. Il est probable qu'une interpellation directe de l'OCIRT par les personnes concernées ou même par les syndicats aurait eu une influence réelle contrairement à ce postulat qui nous semble pour le moins temporellement dépassé. Dans la mesure où l'outil n'est pas le bon et où l'urgence ou l'impatience des postulants ne semble pas démontrée, nous vous encourageons simplement à refuser ce premier postulat. Je vous remercie.
M. Serge Hiltpold (PLR). Je vais continuer sur la même voie que mon collègue M. Boris Calame, en soulignant premièrement que cette problématique est relayée normalement d'abord par les partenaires sociaux, à savoir les syndicats qui doivent prendre en considération les problèmes d'Epsilon. Si problème il y a, ils font leur travail et saisissent le Conseil de surveillance du marché de l'emploi, le CSME, dont le conseiller d'Etat est responsable puisqu'il le préside. S'il y a véritablement un problème, l'observatoire du marché de l'emploi a la possibilité d'établir un rapport. S'il n'existe pas de contrats types de travail, on s'organise avec la CRCT et on propose un contrat type de travail ensuite. Je crois donc que le mécanisme existe déjà. Deuxièmement, j'ai encore un petit souci de compréhension avec le projet d'initiative 151 des socialistes, qui demande un contrôle des entreprises mais sans avoir jamais demandé au Conseil d'Etat d'intervenir directement. Dans l'esprit de cette initiative, on n'interpelle pas non plus le Conseil d'Etat directement.
On laissera à notre collègue M. Sormanni l'avantage d'avoir créé le premier postulat de ce Grand Conseil... (Commentaires.) ...mais je pense qu'il faut le refuser. Sur le fond, je pense que le postulat constitue un outil parlementaire peu efficace car on ne peut même pas le renvoyer dans une commission, contrairement à la motion. J'invite donc les députés à ne pas utiliser cet objet parlementaire.
Une voix. Très bien !
Mme Béatrice Hirsch (PDC). L'avantage d'avoir utilisé le postulat est que, comme l'a relevé M. Calame, celui-ci a mis quelque quinze mois à arriver devant notre Grand Conseil. S'il n'a pas permis de répondre à une question qui à l'époque devait être relativement urgente, il a permis d'obtenir le rapport et le communiqué de presse du Conseil de surveillance du marché de l'emploi, dont on pourrait imaginer qu'ils constituent le rapport demandé en l'occurrence par le postulat, sur la façon dont on peut traquer le dumping salarial. (Commentaire.) De façon exemplaire, ça, ce n'est pas à moi de l'évaluer.
Comme cela a été dit par plusieurs préopinants, concernant les conditions de travail chez Epsilon, honnêtement ce n'est plus vraiment d'actualité. Dans la mesure où le rapport a été rendu, le groupe démocrate-chrétien vous encourage à rejeter ce postulat. Je vous remercie.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, il se peut que le postulat ne soit pas le bon moyen pour interpeller le Conseil d'Etat ou pour aborder certaines problématiques. Je rappelle simplement qu'il est le produit d'une assemblée constituante qui s'est distinguée par quelques propositions dont mon groupe notamment n'était de loin pas satisfait. (Commentaires.) Néanmoins, outre cette caractéristique, ce postulat a été déposé en janvier 2014. Cette question avait été dénoncée dans la presse en novembre 2013. Qu'est-ce qui a empêché ce parlement de se saisir plus rapidement de ce postulat, de le traiter et de lui donner une réponse ? (Brouhaha.) Aujourd'hui effectivement, nous arrivons un peu comme les carabiniers d'Offenbach: il est un peu trop tard et on ose espérer que la situation a changé, et si ce n'est pas le cas, c'est d'autant plus condamnable. Mais ce qui est certain, c'est que cette capacité d'inertie qui est fâcheusement la nôtre dans ce parlement devrait être sérieusement remise en question.
Cela étant, nous soutiendrons ce postulat car il a mis le doigt sur un vrai problème; quant aux questions de méthodes, on pourra en rediscuter, mais toujours est-il qu'il importe d'examiner la situation actuelle du personnel d'Epsilon, parce que les conditions de travail telles qu'elles étaient décrites ne sont pas acceptables et parce que la question de la sous-enchère salariale est effectivement un problème important, dans ce canton comme dans d'autres régions. Seulement, elle ne peut pas se concevoir à géométrie variable: si vous êtes inquiets et si la situation du personnel d'Epsilon vous émeut, alors soyez tout aussi sensibles à la situation d'autres catégories de personnel de ce canton qui ont elles aussi subi les affres de la sous-enchère salariale. Quelle que soit sa définition, littérale ou légale, aujourd'hui la réalité est la suivante: on baisse les salaires et on opère une sorte de translation des salaires vers le bas qui n'est pas acceptable.
Enfin, j'aimerais revenir sur les propos de M. Riedweg car ils sont inadmissibles. Que les gens acceptent de mauvaises conditions de travail en connaissance de cause, malheureusement oui, c'est souvent le cas. Mais il n'est pas tolérable de soutenir qu'elles ont le choix et que si elles refusent ces conditions d'autres sont prêts à les accepter, parce que c'est précisément cela qui alimente la sous-enchère salariale et c'est contre cela que ce parlement devrait lutter énergiquement. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Je passe la parole à M. Daniel Sormanni pour une minute trente-sept.
M. Daniel Sormanni (MCG). Merci, Monsieur le président. Très rapidement, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, peut-être que l'instrument n'était pas le bon, mais il n'empêche que, comme cela vient d'être dit, ce sont tout de même les constituants qui ont institué ce postulat et par conséquent, c'est un instrument à utiliser comme un autre. Et évidemment, en tout cas moi, et surtout les travailleurs d'Epsilon ne sont pas responsables du fait que ce Grand Conseil a mis quinze mois pour examiner ce postulat. Par conséquent, il faut faire avec cela, ou alors il fallait s'en saisir en urgence et essayer de traiter ce problème. A ma connaissance, il n'est pas résolu; les syndicats sont intervenus, mais toujours est-il que l'on n'a pas de nouvelles. Soutenir que si les conditions ne conviennent pas à ces travailleurs, ils n'ont qu'à démissionner pour prendre un autre emploi est quand même un peu fort de café. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Premièrement car pour certains, il faudrait encore pouvoir en trouver un autre, et deuxièmement, les gens sont dans une certaine situation et vous imaginez bien que ceux qui distribuent nos flyers, Mesdames et Messieurs...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Daniel Sormanni. Je termine tout de suite. ...n'ont souvent pas le choix. Et quand les responsables de la direction répondent: «Ah, mais vous savez, c'est de toute façon toujours un travail auxiliaire et ils ont souvent un autre emploi», c'est aussi un très mauvais argument: ce n'est pas parce que c'est un travail auxiliaire qu'on doit exploiter ces travailleurs. Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite donc à accepter ce postulat.
M. Stéphane Florey (UDC). On a beaucoup entendu la gauche pleurer ce soir sur la baisse de salaires et sur les conditions de travail, mais il faudrait une fois pour toutes vous poser la question: à quoi sont dues ces baisses de salaire ? Et ouvrir les yeux ! C'est simplement la libre circulation qui exerce une énorme pression sur nos conditions de travail et sur nos salaires, et je vous invite à revoir vos positions concernant ce que vous ressassez, à savoir les conséquences du vote du 9 février. La population a compris que ce vote avait justement une incidence sur ses propres conditions et sur son propre salaire et c'est pour cela qu'une majorité de la population a finalement voté oui à cette initiative. Les propos de ce qui semble être une majorité ce soir nous ont convaincus et nous refuserons aussi ce postulat. Je vous remercie.
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Je reviendrai sur la question du postulat dans un instant, mais j'aimerais d'abord rassurer M. Riedweg: ce texte ne met pas le Conseil d'Etat dans l'embarras, en tout cas pas en général. Nous avons affirmé des positions très claires depuis décembre 2013 s'agissant du dumping salarial: nous le traquons, nous le punissons. En témoigne cette semaine encore la conférence de presse que nous avons donnée côte à côte pour la première fois avec les syndicats ouvriers, et également avec les milieux patronaux qui ont eu l'occasion de signifier tout le bien qu'ils pensent du travail de l'OCIRT et de la détermination du Conseil d'Etat dans la lutte contre le dumping salarial. Cette lutte se caractérise à Genève en comparaison avec d'autres cantons par un nombre très élevé de contrôles, à savoir près de 2000 contrôles d'entreprises suisses et étrangères en 2014 - ce que demandait le SECO était un peu plus d'un millier de contrôles - et un grand nombre de têtes contrôlées, c'est-à-dire 14 000 employés durant l'année 2014. En effet, Genève est un canton qui développe les instruments appelés mesures d'accompagnement que sont les contrats types de travail ainsi que les conventions collectives de travail en amont et là où cela est possible, et qui précisément se donne de la peine pour aller au fond des choses. Cela nous fait passer parfois pour le canton en queue de classement car c'est ici qu'apparaissent, et c'est logique si on fait le contrôle, un certain nombre de cas scandaleux que nous punissons; mais en même temps, et c'est le paradoxe, c'est bien à Genève que l'on pousse le plus ces démarches-là. J'aimerais donc vous rassurer de manière générale sur le fait que, non, nous ne laissons pas passer le dumping salarial et, oui, chaque année est l'occasion d'enfoncer le clou encore davantage.
Si ce parlement prend l'habitude, à la faveur de postulats, de demander au Conseil d'Etat de se justifier sur des cas précis avec des entreprises citées nominalement, c'est là que le postulat nous mettra dans l'embarras, car l'OCIRT et ses activités, ses contrôles en particulier, sont couverts par le secret de fonction. Le Conseil d'Etat ne peut donc pas communiquer ne serait-ce que s'il y a eu des constats, ni leurs résultats, ni le contenu d'éventuelles demandes de mise en conformité - puisque l'on passe d'abord par une demande de mise en conformité et le cas échéant, par des sanctions, vous comprenez évidemment pourquoi. Ce que le Conseil d'Etat peut en revanche communiquer est le fait que la société que vous avez citée tout à l'heure, en sa qualité d'entreprise active sur un marché public, puisqu'elle est chargée de la distribution de la FAO, est tenue de signer un engagement à respecter les usages. Or si ceux-ci, par hypothèse, n'étaient pas respectés, au-delà de la mise en conformité, elle serait publiquement clouée au pilori puisque nous publions à intervalle régulier une liste figurant sur internet de toutes les entreprises qui ne respectent pas les usages. Je vous invite donc à faire les déductions qui devraient naturellement venir de l'absence de mention de cette entreprise sur la liste en question pour arriver au constat qui devrait être le vôtre.
Résultat: Mesdames et Messieurs les députés, sur la forme, je vous invite au nom du Conseil d'Etat à ne pas utiliser ce nouvel instrument généré par la nouvelle constitution pour poser des questions trop précises, car vous serez à chaque fois déçus. Je vous invite en revanche, effectivement, à ne peut-être pas attendre une année et demie, ou quinze mois, pour poser des questions de fond auxquelles nous répondrons volontiers. Je vous invite surtout à vous référer au communiqué de presse qu'a produit le Conseil d'Etat cette semaine avec les milieux patronaux et les milieux syndicaux pour réaffirmer des positions de principe et pour montrer aussi que dans les faits, à Genève, on ne laisse pas passer le dumping salarial.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je vais donc faire voter l'assemblée sur cette proposition de postulat.
Mise aux voix, la proposition de postulat 1 est rejetée par 49 non contre 39 oui et 1 abstention.
Premier débat
Le président. Pour le PL 11004-B, nous sommes en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de M. François Lefort à qui je donne la parole.
M. François Lefort (Ve), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je souhaite d'abord vous dresser un bref historique: ce projet de loi a été déposé en 2012, puis traité en commission lors de la dernière législature; le rapport rendu en janvier 2013 n'a été traité par le Grand Conseil que le 5 juin 2014, date à laquelle nous l'avons judicieusement renvoyé à la commission d'aménagement, à une très large majorité. Ce projet de loi est d'une certaine façon en lien avec l'urbanisation de la région prévue par le plan directeur cantonal 2030 sur lequel, vous le savez, le Conseil fédéral vient de prendre position. Comme le Conseil d'Etat nous l'a annoncé la semaine dernière, ce plan directeur a été accepté mais avec des réserves qui portent en particulier sur l'urbanisation de la zone agricole et sur l'utilisation des surfaces d'assolement, c'est-à-dire des meilleures terres. Et précisément, ce projet de loi consomme 3,7 hectares de surfaces d'assolement. Pour en faire quoi, Mesdames et Messieurs les députés ? Pour en faire deux terrains de football assortis d'une piste d'athlétisme. (Commentaires.)
La majorité de la commission de la législature précédente n'a pas pris en considération différents éléments. En effet, elle n'a tenu compte ni de la fiche sur la zone agricole contenue dans le plan cantonal 2030, ni du problème des surfaces d'assolement. Et surtout, l'intercommunalité, aspect primordial, n'a jamais été abordée. Il est certes possible de déclasser des zones agricoles pour installer des équipements sportifs, mais à condition que la zone sportive soit intercommunale. Le projet de loi en question enfreint donc déjà ce principe car ce n'est pas un projet intercommunal. Ce projet de loi n'est pas satisfaisant au regard du besoin prépondérant en logements et de l'existence de nombreuses infrastructures sportives à proximité de Perly, comme les auditions l'ont montré. Par les SDA que ce projet de loi va consommer, celui-ci entre en collision avec les projets de construction de logements du plan directeur cantonal. De plus, fait relativement rare, il est assorti d'une clause d'utilité publique, ce qui correspond à un recours à l'expropriation pour la construction de terrains de football, ce qui n'est pas très justifiable. La commission a également noté que si ce complexe sportif était construit, la localisation des terrains prévue au centre du village - ce qui est aussi une rareté à Genève - serait problématique pour le voisinage en raison des nuisances sonores. Finalement, un problème de temporalité se pose car la commune de Perly prétexte vouloir développer ces zones sportives en prévision de l'accroissement futur de sa population. Mais la méthode n'est pas adéquate: la méthode qu'il convient d'adopter est de développer en parallèle le logement et, si nécessaire, les surfaces de loisirs; cela doit aller de pair. Il y a même plus qu'un problème de temporalité dans ce projet de loi, car si le grand projet de Perly est effectivement un projet dit en préparation au plan directeur cantonal, il n'y a pourtant à ce jour aucune étude sur ce secteur. Pourquoi aucune étude n'a-t-elle été menée ? Parce qu'il n'y a pas d'enthousiasme particulier de la part de la commune pour ce grand projet, et Perly nous l'a montré: elle a été la seule du canton de Genève à avoir écrit au Conseil fédéral pour exprimer son désaccord avec le plan directeur cantonal. Il faut aussi le noter; c'est un élément extrêmement important.
Enfin, la commission et le Grand Conseil ont reçu cette semaine une lettre de la mairie de Perly - vous pouvez la trouver d'ailleurs dans la correspondance - nous demandant de renvoyer une troisième fois ce projet de loi en commission sous prétexte maintenant d'une proposition de compensation de la surface d'assolement. Cette proposition de compensation n'a à aucun moment été évoquée auparavant lors des deux auditions que nous avons consenties à la mairie de Perly. Il faut en convenir, les SDA sont une denrée rare à Genève et on ne voit pas bien comment et surtout où on pourrait compenser des surfaces d'assolement alors que nous en manquons. Cette proposition totalement farfelue, vous en conviendrez, vient de toute façon bien trop tardivement. A ce titre, la commission vous recommande bien sûr de ne pas renvoyer le projet de loi à la commission d'aménagement. Pour toutes ces raisons, la commission d'aménagement a refusé ce projet de loi à l'unanimité moins une abstention. Forte de cette majorité, la commission vous recommande également de refuser ce projet de loi.
M. Benoît Genecand (PLR). Mesdames et Messieurs, je le disais tout à l'heure, ce projet de loi n'apparaît pas dans la liste des projets admis par Berne, par Mme Maria Lezzi, et cela pose un problème démocratique. Néanmoins, il serait absolument contraire au but recherché d'imposer à Berne ce déclassement. Car si une vertu réside dans l'intervention de Berne à ce niveau-là, c'est bien celle de nous rendre attentifs à la rareté des SDA. En l'occurrence, ce projet n'était pas un bon projet et je crois qu'on a bien fait de le renvoyer en commission et de ne pas entrer en matière. Il faut simplement se rendre compte que pour la commune en question, il s'agit d'une intrusion assez forte sinon dans son autonomie, en tout cas dans sa capacité de proposition, et c'est ressenti comme tel. Il faudra donc agir de manière équilibrée sur l'ensemble du canton. Par rapport à la discussion de la répartition des tâches, une conviction que j'ai toujours eue dans ce domaine est que cette compétence de déclassement doit appartenir à notre Grand Conseil, au canton. On ne doit donc pas la déléguer plus loin aux communes. De temps en temps, cela implique qu'on leur dise non, même si cela fait mal, mais en l'occurrence il est juste de le faire. Et on ne doit pas non plus perdre cette compétence... (Commentaire.) ...au profit de Berne, car à mon avis, de Berne, on ne peut pas faire un aménagement efficace de ce canton. Le PLR n'entrera pas en matière sur ce déclassement parce que nous pensons qu'en l'occurrence l'utilisation du sol proposée ne justifie pas la surface de SDA consommées.
Mme Christina Meissner (UDC). Ce projet de modification de zone agricole en zone de développement concerne quand même un certain nombre de mètres carrés, pas moins de 50 000 environ si on compte toutes les surfaces. Alors, diktat de Berne ou non, il faudra bien qu'à Genève on apprenne à économiser nos terres; il faudra devenir créatifs. Il faudra peut-être aussi se demander si on peut encore se permettre le luxe de déclasser 30 000 mètres carrés de zone agricole pour y installer des terrains de football dans un endroit où on pourrait au contraire mutualiser les structures avec les communes avoisinantes, notamment lorsque non loin de là, on développe les Cherpines avec un complexe sportif. Il faudra véritablement devenir créatifs, et ce dans tous les domaines. Ce projet de modification de zones pose un autre problème, à savoir l'installation de terrains sportifs, en l'occurrence de football, en plein milieu d'une zone déjà habitée actuellement. Nous l'avons constaté à Vernier: des terrains de football au milieu de terrains habités posent des problèmes de cohabitation certains. Vaut-il vraiment la peine de faire subir aux habitants actuels des nuisances dont ils pourraient certainement se passer ? Enfin, il convient de rappeler, comme le rapporteur de la commission l'a relevé, que ce projet était loin de faire l'unanimité au sein même de la commune. Pour toutes ces raisons, le groupe UDC refusera de déclasser ce terrain comme il est demandé et refusera donc ce projet de loi 11004.
Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, le parti socialiste s'opposera également à ce projet de loi de déclassement pour plusieurs raisons. Premièrement, nous relevons un problème de temporalité dans ce projet, puisque la commune de Perly nous a affirmé vouloir créer un centre de village en vue du futur développement de la commune. En réalité, cela équivaut à créer un centre de village avant même qu'un village autour de ce centre n'existe, ce qui n'est pas très cohérent en termes d'aménagement. Deuxièmement, ce projet présente un problème de principe d'aménagement. En effet, Mme Meissner l'a également évoqué, nous avons été plusieurs commissaires à être pour le moins surpris de la volonté de la commune de construire un stade au beau milieu de ce qui serait le futur centre du village; pour des raisons liées aux nuisances, cela nous paraît fort peu opportun. Troisièmement, nous avons aussi jugé ce projet de loi relativement bancal, puisqu'il y est question d'infrastructures sportives réversibles, dont nous n'avons toujours pas très bien saisi le concept. Ensuite, ce projet demande le déclassement de terres agricoles pour des infrastructures sportives alors que cela n'est possible que lorsqu'il s'agit d'infrastructures sportives d'importance intercommunale, ce qui n'est pas le cas des infrastructures prévues par la commune de Perly-Certoux. Finalement, et c'est certainement le point le plus important, la partie de la zone agricole que ce projet de loi prévoit de déclasser est en surface d'assolement, en SDA. Or, je rappelle que le contexte actuel dans lequel nous nous trouvons est le suivant: le Conseil fédéral a accepté notre plan directeur cantonal 2030, mais avec de très grosses réserves. Il a par ailleurs reconnu des SDA supplémentaires pour le canton de Genève, ce qui nous laisse une bouffée d'oxygène jusqu'à 2023. Mais afin d'éviter de voir notre quota de SDA épuisé en 2023 et de se trouver dans l'impossibilité de faire aboutir la totalité des projets de notre plan directeur cantonal 2030, il faudra être extrêmement ingénieux pour trouver des solutions. Entre-temps, je pense qu'il faut aussi être particulièrement prudent quant au déclassement des surfaces d'assolement; ces déclassements ne doivent être utilisés que pour créer des zones à bâtir destinées à la construction de logements. C'est pour cette raison que les socialistes, comme je l'ai dit, refuseront ce projet de loi.
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi est l'occasion, et vous n'y manquez pas, de débattre de la problématique des surfaces d'assolement, ces terres arables, ces terres nourricières héritières du plan Wahlen et de l'idée de notre souveraineté alimentaire. Ces surfaces sont aujourd'hui devenues un outil de maîtrise du développement de notre territoire, un outil étriqué, difficile et contraignant, mais un outil qui valorise ce que nous avons de plus cher dans notre pays, à savoir nos terres, et qui nous oblige par là même à les préserver pour nous-mêmes et pour les générations futures. En cela, Mesdames et Messieurs, quand bien même le Conseil d'Etat adopte une attitude critique à l'égard de certaines rigidités de l'administration fédérale, nous devons reconnaître que globalement, l'objectif de protection des terres agricoles est souhaité non seulement par le Conseil fédéral et par les Chambres, mais surtout par le peuple suisse qui a accepté à une large majorité, comme le peuple genevois, la nouvelle loi sur l'aménagement du territoire.
Cette situation de limites d'empiétement sur les surfaces d'assolement a en effet amené le Conseil fédéral à indiquer aux Genevois qu'il nous reste, en l'état, 127 hectares de surfaces d'assolement et que finalement, d'un point de vue légal, les Genevois pourraient les utiliser comme bon leur semble. La Confédération nous recommande d'être parcimonieux, d'optimiser chaque hectare de SDA consommé; je ne peux que partager cet objectif et je pense qu'il en va de même pour la majorité de ce parlement. Ces prochains mois et ces prochaines années, nous devrons monter à Berne, que ce soit le Conseil d'Etat ou la députation fédérale, pour renégocier la manière dont les SDA sont calculées. Nous devrons aussi renégocier les mécanismes d'attribution des quotas de ces surfaces à chaque canton et permettre aux fonctionnaires fédéraux et au Conseil fédéral de comprendre une vérité, à savoir que les Genevois sont parcimonieux dans l'usage de leur territoire et que s'ils ont aujourd'hui besoin de consommer une partie de leurs terres agricoles, ce n'est pas parce qu'ils s'étendent, ni parce que chaque famille genevoise veut bétonner davantage pour son confort, mais bien parce que nous sommes une des régions les plus dynamiques de notre pays, voire d'Europe, et que notre dynamisme entraîne une démographie qui elle-même entraîne un besoin d'espace habitable. Mesdames et Messieurs, nous devons pouvoir continuer à nous développer, tout simplement parce que l'économie, elle, se développe et que si le logement ne suit pas, nous exportons notre crise du logement chez nos voisins vaudois et français, et ceci est un mal-développement que nous payons par la suite en matière de mobilité.
Ce long commentaire pour vous dire que la question de l'économie des surfaces d'assolement est réelle et pertinente et qu'il est juste que votre parlement devienne aujourd'hui plus rigoureux encore qu'il ne l'a été par le passé sur la consommation de celles-ci. Mesdames et Messieurs, ce projet de loi émane du Conseil d'Etat; je ne peux que le soutenir, mais face à une telle unanimité contre le Conseil d'Etat, il ne peut que s'incliner. Je m'en remettrai donc à votre vote.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Je fais donc voter l'assemblée sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 11004 est rejeté en premier débat par 87 non (unanimité des votants).
Le président. Mesdames et Messieurs, je vous souhaite une bonne soirée et une bonne nuit. Nous nous retrouvons début juin.
La séance est levée à 22h40.