Séance du
vendredi 8 mai 2015 à
15h
1re
législature -
2e
année -
5e
session -
30e
séance
P 1923-A
Débat
Le président. Nous ouvrons le chapitre des pétitions en catégorie II, trente minutes, avec la P 1923-A. Je cède la parole au rapporteur de majorité, M. Stéphane Florey.
M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Cette pétition, déposée dans le but de s'opposer à la construction de nouveaux centres de détention, pose certains problèmes, notamment parce que plusieurs éléments dont il est fait mention ne sont que des suppositions et non des faits. On évoque par exemple la détention des mineurs. Alors oui, le projet prévoit un certain nombre de cellules pouvant accueillir des familles, donc avec mineurs. Or, premièrement, ce n'est actuellement pas le cas, et deuxièmement, il est précisé que ce sont uniquement des suppositions et non des faits réels puisque ces projets sont encore à l'étude.
Il est d'ailleurs ressorti de nos travaux qu'il n'y a pas vraiment d'affectation précise pour le canton de Genève. En effet, le projet global au niveau fédéral prévoit que soient construits un centre d'accueil, un centre de détention et un centre de départ, les cantons qui se verraient attribuer ces centres n'étant pas encore précisément déterminés. S'il est fort probable que Genève en accueille un, on ne sait toujours pas lequel. A cela s'ajoute le fait qu'il existe un concordat romand sur le sujet ainsi que des accords avec la Confédération qui font que, de toute façon, il est préférable pour notre canton de pouvoir négocier maintenant dans le cadre de ce concordat plutôt que de ne rien faire et de se voir finalement imposer un centre dont il n'aurait pas voulu. C'est principalement pour ces raisons que la commission vous propose de refuser cette pétition en la déposant sur le bureau du Grand Conseil. Je vous remercie.
Présidence de Mme Christina Meissner, deuxième vice-présidente
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Cette pétition exprimait la crainte de ceux qui l'ont signée - près de 4000 personnes - de voir Genève se spécialiser en matière de détention et d'expulsion des requérants d'asile déboutés et des personnes sans statut légal. C'est cette inquiétude qui est mentionnée, et je suis étonnée d'entendre le rapporteur de majorité dire que tout cela ne repose finalement que sur des suppositions au même titre que la création de cellules familiales ou d'un centre romand de départ. C'est justement parce qu'un certain nombre d'options ont été décidées en la matière que ces craintes sont exprimées. Faudrait-il attendre qu'elles soient réalisées pour s'en inquiéter ? Ne faudrait-il pas au contraire y penser au moment où un certain nombre d'orientations sont envisagées pour pouvoir agir, faire en sorte que le débat ait lieu et que notre canton opte plutôt pour un centre d'accueil que pour un centre d'expulsion ? Car cette particularité deviendrait au final celle de Genève, à savoir celle d'un centre d'expulsion, un grand «hub d'expulsion» - c'est l'expression employée par les pétitionnaires - et cela cristallise l'attention des 4000 signataires.
Ce qui est aussi en question ici, c'est cette sorte de disproportion incroyable en matière de détention administrative: on assiste à une multiplication par six du nombre de places de détention administrative ! Aujourd'hui, une vingtaine de personnes sont en détention administrative sur une capacité de 30 personnes, et c'est un centre de 168 places qu'il est question de créer à Genève avec La Brenaz II. L'inquiétude exprimée par les personnes auditionnées, c'est que non seulement on rassemble et on multiplie les détentions administratives, mais que, pour remplir l'espace - la nature a horreur du vide, les prisons aussi, apparemment - on en vienne par ailleurs à incarcérer des personnes sans statut légal, celles-là même dont nous avons largement débattu lors de la dernière session - d'ailleurs, il est finalement apparu qu'il s'agit d'une zone grise de l'économie de ce canton et pas uniquement de personnes en irrégularité de situation. Voilà pourquoi la minorité de la commission souhaitait le renvoi de ce texte au Conseil d'Etat, et c'est ce qu'elle vous engage à faire aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés.
M. Bernhard Riedweg (UDC). Dans leur pétition, les signataires se prononcent sur le projet de La Brenaz II, qui leur semble démesuré, et se soucient de savoir comment remplir cette prison. Or il ne relève pas de leurs compétences de faire une telle déclaration. Les gens qui ont demandé l'asile et dont la requête a été refusée par la Confédération - ils ont donc été condamnés à être renvoyés dans leur pays d'origine - sont arrivés en Suisse sans papiers après s'en être volontairement débarrassés dans l'espoir de profiter de la qualité de vie économique du canton; ils ne sont plus considérés comme des requérants d'asile et ne doivent plus être traités en tant que tels, en application du droit fédéral, car ils sont en infraction avec la loi sur les étrangers. Si ces personnes n'étaient pas enfermées avant leur renvoi, étant donné qu'elles refusent de partir, elles disparaîtraient dans la clandestinité pour réapparaître certainement à l'aide sociale. Il y a lieu de faire preuve de fermeté dans le traitement des demandes d'asile afin de dissuader les requérants qui sont de plus en plus nombreux à passer nos frontières.
Cette pétition regroupe passablement d'exagérations. En effet, selon le conseiller d'Etat, M. Maudet, le nombre de détenus administratifs était de 42 en janvier de cette année. Comme vous pouvez le constater, on est loin des 168 nouvelles places de détention administrative mentionnées dans le texte de la pétition. Il faut encore préciser, à la charge des candidats au renvoi, que 75% des personnes en détention administrative sont non seulement en infraction avec la loi fédérale sur les étrangers, mais, de plus, ont des antécédents pénaux. Corréler le fait que Genève ne doive pas devenir un hub d'expulsion de la Suisse romande avec sa vocation humanitaire depuis des siècles n'est pas logique: c'est la présence de l'aéroport qui fait que Genève est une porte de sortie pour les requérants d'asile déboutés. Pour que nous, Mesdames et Messieurs les députés, ayons encore bonne conscience, sachez que la question de l'asile relève du droit fédéral. Cette pétition n'a pas lieu d'être et doit être déposée sur le bureau du Grand Conseil, ainsi que l'a proposé le rapporteur de majorité. Merci, Madame la deuxième vice-présidente.
M. Jean Romain (PLR). Chers collègues, après quelques chiffres, peut-être quelques lettres: la lettre A consisterait à dire que la législation fédérale autorise la détention administrative des mineurs à partir de quinze ans seulement, mais pas avant. La nature a horreur du vide, nous dit-on à gauche; c'est vrai. Je vous lis l'invite de cette pétition: «je condamne fermement l'usage» - c'est la plume des signataires - «de cellules familiales». Voilà qui tombe bien parce que, nous aussi, nous condamnons cet usage.
Mais nous ne sommes pas les seuls puisque la loi fédérale sur les étrangers stipule que les familles avec mineurs ne peuvent pas être placées en régime de détention administrative. Nous nous rejoignons évidemment. Le problème, c'est que ce n'est pas la nature qui a horreur du vide; là, on enfonce une porte ouverte et on tombe dans un certain vide. En fait, la détention administrative porte sur les personnes qui doivent être renvoyées et refusent de partir. A un moment donné, il faudra bien faire quelque chose, et je crois que le plus simple, puisque cette pétition a relativement peu d'objet, est de la déposer sur le bureau du Grand Conseil, comme nous invite à le faire la majorité.
M. Christian Frey (S). Ce que demande cette pétition n'est pas le refus de toute forme de détention administrative - c'est clair, les pétitionnaires le disent explicitement; ce texte n'a pas non plus été conçu par quelques Bisounours qui souhaiteraient ouvrir Genève à n'importe qui, n'importe quand, n'importe comment. Ce qui nous frappe, ainsi que les signataires, c'est la démesure d'un certain nombre de projets. A La Brenaz II, ce sont bien 168 places qui sont prévues dans le cadre de la détention administrative, ceci bien sûr dans une perspective romande. En effet, comme vous l'avez probablement lu dans le rapport, certains cantons comme celui de Neuchâtel ne font pas de détention administrative parce que c'est trop cher, mais utiliseraient sans doute des places de détention qui se trouvent ailleurs. C'est donc bien une question de démesure !
On pourrait ajouter à cela le centre de départ de 260 places prévu dès 2017. Ces chiffres nous ont été confirmés par un haut fonctionnaire du département de M. Maudet, ils ne sont pas tirés de n'importe où, ce sont des chiffres réels, et c'est sur la base de ceux-ci qu'il faut agir. S'agissant des enfants, ce même haut fonctionnaire nous a dit que la législation genevoise en particulier ne prévoyait pas ou interdisait la détention de mineurs. N'empêche que le concordat romand pourrait amener le canton de Genève à accueillir une famille avec des enfants mineurs; c'est pour cela que dans le projet de La Brenaz II, des cellules familiales sont prévues. Je n'invente rien, cela figure dans le rapport, c'est ce que nous a communiqué le haut fonctionnaire.
Maintenant, l'autre question qui se pose par rapport à la détention administrative, tout comme pour les séjours dans les abris PC, est de savoir combien de temps elle peut durer. Elle est prévue, nous a-t-on informés, pour une durée de trois mois, puis peut être prolongée jusqu'à dix-huit mois sans que les personnes concernées connaissent la durée exacte de leur détention. Comme vous le savez, certains pays...
La présidente. Il vous reste trente secondes.
M. Christian Frey. Pardon ?
La présidente. Il vous reste trente secondes, Monsieur.
M. Christian Frey. D'accord, alors je vais abréger un peu. Comme vous le savez, certains pays n'acceptent pas le retour de leurs ressortissants; du coup, à un moment donné, après avoir détenu des personnes pendant un certain temps, on les relâche faute de lieu où les envoyer.
Pour terminer, j'aimerais juste dire la chose suivante: si nous avons bien compris, il ne faut pas faire preuve d'excès de zèle dans ce domaine. Or il nous semble que le canton de Genève fait preuve d'excès de zèle en disant: «Nous sommes prêts»...
La présidente. C'est terminé.
M. Christian Frey. ...«à accueillir un centre de renvoi de tant et tant de places.» Peut-être M. Maudet pourra-t-il nous répondre. N'y aurait-il pas la possibilité de faire autrement et de favoriser une Genève terre d'accueil ?
La présidente. Merci, Monsieur le député.
M. Christian Frey. Ma Genève n'est pas uniquement un centre carcéral.
Mme Sarah Klopmann (Ve). Malgré ce que pense M. Riedweg, toute personne a le droit de déposer une pétition sur le sujet qui lui semble bon; celle-ci est donc totalement légitime. La détention administrative est une privation de liberté totale, et la loi fédérale stipule qu'elle doit être utilisée en dernier recours. Or à Genève, mystérieusement, on semble vouloir en faire la norme absolue. Enfermer des gens, des familles, des enfants, c'est créer de graves dégâts humains. Quoi que vous en disiez tous ici - à savoir qu'on n'enferme prétendument pas des enfants - vous avez accepté de voter pour construire des cellules qui permettraient d'enfermer des enfants, ce qui est dramatique. Nous enfermons des gens pour les enfoncer encore un peu plus, alors qu'ils sont déjà fragilisés par un parcours de vie que nous ne pouvons même pas imaginer: ils fuient la guerre, le danger, la misère. En outre, ils sont bien souvent enfermés sous des prétextes fallacieux parce qu'ils n'ont pas pu prouver leur identité - évidemment, quand on fuit un pays à la hâte, il est un peu difficile d'aller demander ses papiers d'identité. A Genève, on enferme, on renvoie, c'est honteux !
La pétition ne dit pas qu'il ne faut plus rien faire ou ne pas respecter la loi, elle indique simplement qu'il est très cher de construire toujours plus de cellules pour enfermer des gens et demande d'arrêter de construire et de dépenser de l'argent pour ça. Seulement, là aussi pour une raison mystérieuse, il semble qu'enfermer les gens soit la priorité numéro 1 de Genève, et les Verts s'opposent et s'opposeront toujours à cela. La pétition dénonce également le centre de départ pour requérants d'asile qui sera sûrement prévu à Genève en raison de l'aéroport - mais surtout parce que le magistrat le souhaite volontiers. Pour nous rassurer, on nous dit que ce centre ne sera pas une prison. Or, quand on demande quelles seront les conditions régnant dans ce centre, on nous dit qu'on ne peut pas encore répondre, que c'est trop tôt, qu'on ne les a pas encore évaluées. Mais si les personnes sont enfermées et ne peuvent pas aller et venir à leur guise, alors c'est une prison, quoi qu'on en dise, et il faut en être conscient.
Une voix. Et alors ?
Mme Sarah Klopmann. Alors c'est une honte, c'est une honte à Genève ! Genève se targue d'être une terre d'accueil, un pays d'asile, le canton des droits de l'Homme, mais ne fait qu'enfermer et renvoyer les gens, et les Verts ont honte de ça ! Nous renverrons évidemment cette pétition au Conseil d'Etat. (Applaudissements.)
La présidente. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Sandro Pistis.
M. Sandro Pistis (MCG). Merci, Madame la deuxième vice-présidente.
Une voix. La présidente !
M. Sandro Pistis. ...ou Madame la présidente, excusez-moi...
Une voix. De séance !
M. Sandro Pistis. ...de séance, oui - merci pour ces précisions.
La présidente. Poursuivez, Monsieur.
M. Sandro Pistis. Il est vrai qu'en lisant cette pétition, j'aurais été le premier à la signer. Je lis cette pétition et j'apprends qu'on enferme des enfants, des requérants d'asile, et je me dis que cette pétition devrait être signée. Néanmoins, on sait très bien aujourd'hui que la pratique n'est pas celle qui est dénoncée dans cette pétition, on sait très bien qu'aucun enfant n'a été enfermé dans une prison, aucun enfant ! D'ailleurs, cette question a été posée lors des travaux de la commission.
Les pétitionnaires font un amalgame entre des requérants d'asile qui n'ont jamais été en prison et des personnes qui n'ont plus à être chez nous et font l'objet d'une expulsion. Ce qui n'est pas acceptable, c'est le contenu de cette pétition qui, au final, est quand même trompeur. Cette pétition trompe celles et ceux qui la lisent... (Remarque.)
Une voix. Oh, ça va, laisse-le parler ! (Commentaires.)
M. Sandro Pistis. ...puisqu'il y a une différence flagrante entre un requérant d'asile qui, jusqu'à preuve du contraire, n'est pas d'office enfermé en prison, et un individu faisant l'objet d'une expulsion. Pour cette raison, le groupe MCG vous invite à ne pas donner suite à une pétition qui ne tient pas la route et génère de la désinformation. Je vous recommande ainsi de déposer ce texte sur le bureau du Grand Conseil.
Une voix. Bien ! (Quelques applaudissements.)
La présidente. Je vous remercie, Monsieur le député, et donne la parole à la rapporteure de minorité, Mme Jocelyne Haller. Il vous reste quarante secondes, Madame.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Je vous remercie, Madame la présidente. A entendre le discours de certains ici, on pourrait croire que l'exil et les statuts qui en découlent malheureusement, dans la clandestinité, parfois dans l'illégalité, sont une villégiature. Je vous engage simplement à rencontrer des gens qui vivent ce type de situation. Toute une série de choses ont été affirmées, qui sont fausses; cette pétition est cohérente, elle ne parle pas d'emprisonnements de familles actuels, elle dit que le risque potentiel existe à partir du moment où on prévoit des cellules de ce type. Alors ne faites pas semblant de ne pas comprendre ce qui est écrit et ne faites pas dire à cette pétition autre chose que ce qu'elle dit réellement. La question qui se pose est la suivante: que voulons-nous pour Genève ? Voulons-nous faire de ce canton un spécialiste en matière d'incarcération des requérants d'asile déboutés et des sans-papiers ainsi qu'un centre d'expulsion, ou voulons-nous au contraire une Genève terre d'accueil ?
Cela étant, j'aimerais juste rappeler, s'agissant des 75% de personnes qui ont fait l'objet d'une peine pénale, qu'elles se sont acquittées de leur dette envers la société et que la détention administrative est une double peine pour elles; il ne faudrait tout de même pas l'oublier ! De ce point de vue là, cette pétition est tout à fait légitime. Elle a qui plus est le sens qui doit lui revenir, soit celui d'obliger notre canton à se demander quelle politique il veut développer en matière de migration. Quelle est par ailleurs la position des partis de ce parlement en la matière ? On a entendu toute une série de contrevérités de la part de gens qui font semblant de ne pas comprendre ce qui est écrit dans cette pétition, et c'est indigne. Je vous engage à la relire, à la comprendre et à la renvoyer au Conseil d'Etat. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
La présidente. Merci, Madame la députée. Vous disposiez encore du temps de votre groupe. Je cède la parole au rapporteur de majorité, M. Stéphane Florey, à qui il reste une minute.
M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Certains réfugiés viennent ici parce qu'il y a la guerre chez eux, c'est vrai. Par contre, ceux que Mme Klopmann oublie de mentionner, ce sont les faux réfugiés qui viennent essentiellement pour des raisons économiques, pour profiter des richesses de notre pays ! Elle ne fait absolument pas mention de ça alors que ce sont principalement ces personnes qui se voient frappées de non-entrée en matière et sont détenues dans des centres puisqu'elles devront partir tôt ou tard. De toute façon, quelle que soit la nature du centre qui nous sera attribué, il ne faut pas oublier que Genève, tout comme les autres cantons romands, devra respecter le concordat et les décisions de la Confédération, et que l'association Coordination genevoise contre l'exclusion et la xénophobie, qui a déposé cette pétition...
Présidence de M. Antoine Barde, président
Le président. Il vous faut conclure.
M. Stéphane Florey. ...ne veut pas que l'on détienne des personnes en attente de renvoi et préfère qu'on les laisse simplement partir dans la nature. C'est pour ça que je vous recommande le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Je vous remercie.
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Ce débat a lieu à intervalles réguliers au sein de ce parlement. Il est certes intéressant, mais il serait quand même bon de tenir une fois compte d'un certain nombre de chiffres publics qui sont soit utilisés à tort et à travers, soit déformés. Si le Conseil d'Etat peut comprendre ce qui motive des gens à signer cette pétition, il saisit en revanche moins ce qui anime ses auteurs à perpétuer des arguments à tout le moins spécieux voire franchement mensongers.
J'aimerais d'abord rappeler qu'il s'agit d'une politique voulue et assumée par l'ensemble du Conseil d'Etat, qui consiste à s'inscrire dans ce que prescrit la Confédération afin de ne pas toujours faire apparaître le canton de Genève comme le vilain petit canard, diront certains, qui fait les choses différemment. Le canton de Genève assume sa politique de terre d'accueil, il en est fier; mais il assume également la plénitude de la politique migratoire voulue par ailleurs par la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga, socialiste de son état, qui ne me semble pas totalement éloignée de l'opinion de certains des préopinants. Celle-ci a proposé une réforme substantielle de l'asile que nous appuyons fortement et qui a été votée par le peuple genevois à 66 000 voix contre 42 000 le 9 juin 2013, lequel peuple avait l'ensemble des éléments en main et notamment ceux qui concernaient la création d'un centre de départ à Genève.
Un centre de départ est un centre dans lequel on peut se mouvoir, duquel on peut sortir, ce n'est pas un centre fermé, la législation fédérale est claire à cet égard. L'intérêt d'un centre de départ à Genève, c'est la proximité de l'aéroport. Un centre de procédure, c'est-à-dire un centre d'arrivée, sera vraisemblablement prévu dans le canton de Vaud, alors qu'un centre pour récalcitrants initialement prévu à Genève ne se fera finalement pas ici mais sans doute dans l'un des autres cantons romands. On ne cumule donc pas tous les centres à Genève, on a simplement une synergie sous l'angle des moyens d'expulsion. Ces moyens d'expulsion ont été augmentés parce que c'est la crédibilité de notre politique migratoire, voulue par la population, qui est en jeu: entre 2013 et 2014, nous avons augmenté les renvois de 40%. La bonne nouvelle, c'est que les gens restent moins longtemps en détention administrative; la mauvaise, diront certains, c'est que nous en renvoyons davantage. Mais c'est surtout que nous appliquons les lois fédérales à l'endroit d'individus qui ont été reconnus à la fin comme déboutés de toutes les instances judiciaires ! C'est le lieu de rappeler d'ailleurs qu'on ne pratique pas la détention administrative en dehors de tout cadre juridique, on la pratique avec un contrôle judiciaire, avec le Tribunal administratif de première instance, qui est systématiquement saisi de tous les cas. On ne peut pas maintenir à bien plaire des gens dont les perspectives de renvoi sont inexistantes, vous le savez très bien; prétendre le contraire relève précisément du mensonge.
S'agissant des familles, nous l'avons dit en commission et nous le redisons ici: si nous voulons pouvoir être subventionnés jusqu'à hauteur de 60%, sous l'angle des investissements pour ces établissements - ce que nous souhaitons - des normes fédérales nous obligent à prévoir des dispositifs avec des cellules plus grandes, le cas échéant pour des familles, respectivement pour des personnes handicapées. Chaque canton est aujourd'hui libre de pratiquer cela ou pas. A Genève, nous l'avons dit et le redisons, nous n'incarcérons pas de familles, nous n'incarcérons pas d'enfants, nous prévoyons simplement le dispositif pour des questions de normes et de remboursement de l'investissement. Nous avons aujourd'hui déjà à Frambois, Mesdames et Messieurs, une cellule dite familiale qui n'est jamais - jamais, jamais ! - et n'a jamais été utilisée pour des familles, c'est d'ailleurs noté dans le rapport.
Le dernier élément qu'il me semble important de vous rappeler - M. Riedweg l'a dit, mais tout de même ! - c'est que 77% des gens qui passent par la case de la détention administrative ont un passé pénal autre que l'infraction à la loi sur les étrangers. En réalité, en fait de passé pénal, il s'agit dans bien des cas de passé pénal récidiviste voire multirécidiviste. Nous faisons ici droit à la demande du parlement, que vous avez votée à l'époque dans le cadre du crédit de La Brenaz, d'augmenter sensiblement les places de détention administrative. Petit rectificatif au passage: il n'y a pas 20 places de détention administrative à Genève mais 40 puisque nous avons, peu de temps après mon arrivée, ouvert à l'administratif l'établissement de Favra, dévolu jusque-là au pénal; il n'y a donc pas de multiplication par six des places, mais par quatre. Vous me direz que ça vous fait une belle jambe, mais c'est tout de même... (Remarque.) Oui, mais cela correspond aux besoins évalués par Berne de 250 places pour l'ensemble de la Suisse romande. Finalement, nous sommes même quelque peu en dessous avec ces 168 places.
Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat vous répète ce qu'il vous a déjà dit à plusieurs reprises: non seulement nous sommes dans les clous au niveau juridique, mais nous pouvons être fiers d'être cités en exemple, s'agissant de la détention administrative, par la Commission nationale de prévention de la torture comme possédant l'un des établissements les plus adéquats par rapport à ce type de détention allégée. Nous continuerons dans cette direction car c'est la politique voulue par le Conseil d'Etat, c'est la politique voulue par le Grand Conseil à la faveur du vote sur La Brenaz en 2013 et c'est surtout, Mesdames et Messieurs, la politique voulue par le peuple à 66 000 voix contre 42 000 le 9 juin 2013 !
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons à présent voter sur les conclusions du rapport de majorité, soit le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
Une voix. Vote nominal !
Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, vous l'êtes.
Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 1923 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 49 oui contre 32 non et 1 abstention (vote nominal).