Séance du
vendredi 17 avril 2015 à
20h30
1re
législature -
2e
année -
4e
session -
27e
séance
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Antoine Barde, président.
Assistent à la séance: MM. Pierre Maudet et Mauro Poggia, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, Anne Emery-Torracinta, Serge Dal Busco, Luc Barthassat et Antonio Hodgers, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Murat Julian Alder, Thierry Cerutti, Emilie Flamand-Lew, Serge Hiltpold, Lisa Mazzone, Philippe Morel, Pierre Ronget, Pierre Weiss et Salika Wenger, députés.
Députés suppléants présents: Mme et MM. Christophe Aumeunier, Alexis Barbey, Jean Batou, Christian Decorvet, Magali Origa, Charles Selleger et Alexandre de Senarclens.
Annonces et dépôts
Néant.
Premier débat
Le président. Nous reprenons avec le PL 11502-A de M. Cyril Aellen et consorts. Nous sommes en catégorie II - 30 minutes. La parole n'étant pas demandée, je vous fais voter sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 11502 est adopté en premier débat par 40 oui (unanimité des votants).
Deuxième débat
Le projet de loi 11502 est adopté article par article en deuxième débat.
Le président. Aucun conseiller d'Etat n'étant présent, il revient au Bureau de demander le troisième débat. Le Bureau est-il unanime pour le demander ? (Commentaires.) Il l'est. Nous sommes donc en troisième débat.
Troisième débat
La loi 11502 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 11502 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 53 oui (unanimité des votants).
Débat
Le président. Pour ces deux propositions de motions, nous sommes en catégorie II - 40 minutes. Je passe la parole à M. Alberto Velasco.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité. J'attends qu'il y ait du silence, Monsieur le président. (Le président agite la cloche.) Bien, merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, il y a quatre ans, j'avais quitté ce Grand Conseil avec des motions de ce style-là. Cinq ans plus tard, je reviens et je retrouve des motions comme cela. A l'époque, c'était M. Lüscher, entre autres, qui déposait de tels objets, parce que ça faisait élire, ça faisait passer au Conseil national. Mais franchement, il est temps d'arrêter.
Je ne sais pas si vous êtes allés voir l'excellent film «L'Ile aux mendiants», qui passe au Bio, qui est fait par des Suisses, avec une aide de la Confédération. Ce film poignant vous montre la misère humaine, vous montre que ces mendiants ne font pas ça gratuitement pour se «faire du blé», comme vous dites. L'enquête prouve qu'ils reçoivent environ 10 F à 12 F par jour. Avec 10 F par jour, ils essaient de se nourrir et d'envoyer quelque chose en Roumanie pour leur famille. Et cela vous gêne. En réalité, ce qui vous gêne, Mesdames et Messieurs, c'est le reflet que vous renvoient ces gens. C'est le reflet d'une société opulente comme la nôtre, où nous avons tout: des revenus assez confortables, de quoi nous nourrir, de quoi nous loger et de quoi aller à l'hôpital, et dans cet îlot de richesses, ces gens vous démontrent l'existence d'une misère. Et je comprends que quand vous les voyez dans la rue, c'est choquant. Mais en réalité, c'est la misère du monde qui vous gêne, Mesdames et Messieurs, et je vais plus loin: quand vous allez en voyage au Maroc ou dans certains pays du Sud, vous voyez des mendiants, et ça ne vous empêche pas d'aller dans ces pays-là, Mesdames et Messieurs. Ça ne vous empêche pas de profiter de la plage ni des hôtels. Par contre, ici... (Brouhaha.) Monsieur le président, peut-être que les gens qui ont beaucoup de choses à faire peuvent aller à côté: il y a des salles plus intéressantes. Le sujet qu'on traite touche quand même à la dignité des personnes !
Le président. Certes, poursuivez.
M. Alberto Velasco. En réalité, je trouve que vous traitez avec une certaine légèreté la misère des êtres humains. Ensuite, vous ne pouvez pas dire que c'est une armée qui a envahi Genève et qui à chaque coin de rue nous gêne. Vraiment, je ne vois pas en quoi cela vous gêne. Enfin, troisièmement, toutes les lois et toutes les dispositions que vous avez voulu voter et ajouter à notre législation figurent. La police nous l'a dit lorsqu'elle a été auditionnée: elle a tous les moyens pour faire son travail et elle le fait. Mais enfin, ils ne peuvent quand même pas brûler ces personnes, ou les mettre dans des camps de concentration ! Il y a des limites ! Par conséquent, je trouve qu'il serait digne de votre part, Mesdames et Messieurs, que vous arrêtiez là. Nous allons traiter ces motions, mais s'il vous plaît, on s'arrête là, laissons faire les autorités.
D'autre part, ma foi, si vous ne voulez pas donner un sou ou un franc à ces personnes, ne leur donnez pas, personne ne vous y oblige. Ils ne vous attaquent pas: ceux qui commettent des larcins, ce ne sont pas forcément les Roms, Mesdames et Messieurs. J'ajoute en fin de compte que vous stigmatisez une population. A l'époque où j'allais en Roumanie pour représenter une société, j'ai connu des Roms qui étaient au ministère des affaires économiques. C'étaient des universitaires, des gens d'un certain niveau, et ils étaient roms ! Il ne faut donc pas stigmatiser les Roms comme si c'étaient tous des criminels ou des mendiants. Non, Mesdames et Messieurs, c'est une situation qui peut vous arriver à tous, et à tout le monde. En Roumanie, cette population est stigmatisée et laissée de côté. La Communauté européenne ne s'en occupe pas comme il faut. Mais en Suisse, ça devient grave, si on ne peut pas leur donner 12 F par jour. Et il faudrait encore les poursuivre jusqu'à l'extrême, alors que leur vie est déjà invivable, Mesdames et Messieurs ! Elle est suffisamment invivable comme ça, alors on s'arrête ! Et s'il vous plaît, arrêtons d'utiliser la misère et la dignité de ces personnes pour des raisons électoralistes. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Je vous informe que vous avez pris sur le temps de votre groupe. La parole est au rapporteur de minorité de la première proposition de motion, M. Patrick Lussi.
M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cher rapporteur de majorité, je pense que nous sommes dans un sujet où nous parlons de choses à propos desquelles nous n'avons pas du tout les mêmes valeurs ni les mêmes référents. Vous entrez dans une dynamique... Excusez-moi: vous êtes très à gauche, je suis de droite. La première chose que je tiens à dire et à dénoncer, et que je continuerai à dénoncer - même si vous me voyez comme un tortionnaire - après avoir vu récemment une jeune femme sur la plaine de Plainpalais, c'est ceci: comment est-ce possible qu'on laisse des réseaux criminels venir faire mendier des gens chez nous notamment des femmes d'à peine vingt ans et des enfants de quelques mois pour éveiller notre clémence et notre sollicitude ? Le problème n'est pas là, et je dirais, là où je peux peut-être vous rejoindre... (Remarque.) Oui, nous devons continuer à dénoncer cela, parce que le principal responsable de cette arrivée, ce sont ces accords de Schengen, qui ont permis à ces gens de venir sans visa. Vous me connaissez, Monsieur Velasco; je vous rejoins sur un point - et c'est peut-être pour ça que l'Union démocratique du centre intervient davantage: vous avez raison, les premiers que vous devriez incriminer, ce sont les gouvernements de Roumanie. Les Roumains «pure souche» - comme diraient les Français - ne supportent plus les Roms ! Ils font tout ce qu'ils peuvent pour les renvoyer de chez eux. Quand on sait qu'en Roumanie, un Rom ne peut pas être fonctionnaire... Mais ça, c'est une chose qu'on ne dit pas. Il y a donc des réseaux qui les envoient chez nous pour mendier, comme le montrent différentes enquêtes.
Enfin, je terminerai par autre chose, il faut avoir le courage de le dire car cela peut paraître très dur: il y a eu récemment, sur Antenne 2 je crois, un rapport d'enquête montrant des gens de Roumanie qui mendient l'hiver - il est vrai que ça se passe plutôt en France - puis qui arrivent chez eux dans un village où ils ont une maison avec une belle salle de bain. Je vous accorde que je n'aimerais pas habiter dans cette maison, mais ils vivent malheureusement... Excusez-moi, mais nous parlons franchement: la deuxième chose que je voudrais dire et qui me disculpe totalement de l'opprobre dans lequel vous me jetez, ce sont les centaines de millions donnés au plan fédéral à la Roumanie pour qu'elle accepte d'intégrer dans son pays la communauté rom, ce qu'elle ne fait pas.
J'aimerais vous dire une dernière chose, Monsieur Velasco: vous avez raison, mais moi, ce n'est pas en Afrique du Nord que je vais... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Je vous le dis sans ambages: chaque fois que je vais en France, à Paris - j'y étais dernièrement - et que je vois des SDF, qui n'ont rien à voir avec des Roms, des gens qui ont eu des problèmes parce qu'ils n'ont pas de qualification, qui dorment dans la rue et qui sont dans l'alcool, ça me fend le coeur ! Nous arrivons encore à cacher cette misère des gens qui sont de chez nous, oui, vous avez peut-être raison. J'ai encore quelques photos que des gens m'envoient, puisqu'ils savent qu'ils sont là, mais je ne voulais pas les montrer; mon cher Monsieur le rapporteur de majorité, il ne s'agit pas de la stigmatisation que vous entendez nous présenter. Il faudrait avoir la rigueur de dire que ces gens sont exploités par les leurs. Vous voyez, il y a un roi rom - il y en a même deux: un en Bulgarie et un en Roumanie !
Une voix. Et alors ?
M. Patrick Lussi. Et alors ? Et alors, Madame, revenons à l'Ancien Régime, ayons des serfs chez nous puisqu'ils les traitent comme des serfs, ce que nous n'avons pas. Bref, nous ne nous entendrons peut-être jamais. En ce qui concerne l'Union démocratique du centre, nous pensons que c'est un abus et que, même pour eux, ces gens devraient être renvoyés chez eux, car, une fois de plus, ils viennent ici sans visa et parce qu'ils se sont filé le bon truc. Ces gens n'amènent rien et ne produisent rien, ils sont là pour solliciter notre bon coeur avec des infirmités simulées; ils ne sont pas dans la détresse, ils ne sont pas dans la sincérité. Ils sont exploités par des réseaux, c'est vrai, mais face à ceci, nous nous permettrons toujours de dire que la solution pour ces gens n'est pas qu'ils viennent mendier chez nous, et je pense ne pas démériter, je pense ne pas être un tortionnaire, ni même un xénophobe, contrairement à ce que beaucoup aiment nous dire. Je vous demande donc d'accepter cette motion. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. De même que M. Velasco, je vous informe que vous avez pris sur le temps de votre groupe. Je passe la parole à M. Jean-Marie Voumard, rapporteur pour la seconde proposition de motion.
M. Jean-Marie Voumard (MCG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Mon rapport concerne donc les campements de Roms. Vous avez vu les invites: il s'agit uniquement de faire appliquer la loi, de faire systématiquement enlever les campements de Roms et de sauvegarder les espaces naturels et les lieux publics détériorés par ces campements. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Selon les statistiques de la police qui nous ont été fournies en 2014, je constate que 22 tonnes de matériel divers ont été évacuées - des matelas et autres déchets - et 27 tonnes en 2014. Cette proposition de motion a été déposée il y a un certain temps, mais le problème des Roms, comme l'a expliqué M. Velasco - et je le comprends - est un problème européen. La misère existe, mais la loi aussi et on est là pour la faire appliquer. C'est ce que fait le Conseil d'Etat à l'heure actuelle, et pour ne pas relâcher la bride, il faut éviter de laisser ces campements s'installer.
D'autre part, je vous rappelle que le 24 mars dernier, un incendie a eu lieu à 10h46 sous le pont des Acacias, puis un autre le 25 mars à la route des Franchises 28, dans un immeuble squatté d'où une vingtaine de Roms avaient été évacués il y a une année. Je pense donc qu'il s'agit aussi d'une question de sécurité et non pas uniquement de salubrité relativement au bien-être de nos citoyens. Pour cette raison, je vous demande d'accepter cette motion et de la renvoyer au Conseil d'Etat.
M. Michel Amaudruz (UDC). Monsieur le président, vous pouvez transmettre à M. Velasco - peut-être connaît-il ce texte - qu'il y a une très jolie nouvelle d'Anton Tchekhov qui fait six pages et qui s'appelle «Le Mendiant». Cet auteur résume et décrit fort bien la situation du mendiant qui trouve son salut dans le travail ou, malgré tout, dans une recherche d'honnêteté et de bonne volonté. Monsieur Velasco, je suis conscient du fait que la mendicité est un phénomène social. Je ne sais plus comment c'était dans la Grèce antique ni sous l'Empire romain, mais au Moyen-Age, il y avait des mendiants et ils n'étaient pas forcément bien traités. Dans notre société d'aujourd'hui, on retrouve ce phénomène de mendicité qui, dans certaines limites, doit être accepté parce qu'il fait partie de notre vie sociale. Malheureusement, si c'est du travail qu'on peut trouver en remède à la mendicité, il y a énormément d'abus, de paresse et il y a des excès qui tendent à déboucher à une certaine forme de pollution, passez-moi l'expression, Monsieur Velasco. Dans ce contexte-là, il est normal que notre société doive réagir.
Je suis conscient du problème qui vous préoccupe, mais vous devez être conscient du fait que notre société se doit de garder certaines limites, et qu'il est bon et sain d'opposer une certaine réaction. Si le temps me le permet encore, je terminerai par cette petite histoire, puisque nous avons eu un cours ex cathedra sur le droit monégasque: un jour, je me promenais dans une petite principauté et j'ai vu un mendiant. Le hasard a fait que j'ai rencontré le prince, et je lui ai dit: «Vous avez un mendiant !» Il m'a dit: «Comment ! Un mendiant ?» Et le mendiant a disparu. Eh bien, dans notre société, genevoise ou suisse, nous n'en sommes pas là. Mais Monsieur Velasco, je crois qu'il est bon sociologiquement que l'on respecte certaines limites. C'est dans ce sens qu'il faut accepter et approuver cette motion. Je vous remercie, Monsieur le président.
Mme Nathalie Fontanet (PLR). La commission judiciaire a examiné ces deux motions et le groupe PLR a suivi le rapporteur de majorité. Pourquoi ? Pour plusieurs raisons. La première, s'agissant de la motion qui souhaite mettre fin aux campements de Roms, c'est simplement que nous avons été convaincus d'une part par les auditions: M. Voumard vient de rappeler que d'innombrables quantités de déchets étaient débarrassées chaque année de ces campements. Mais d'autre part, nous avons aussi été touchés par la situation de misère dans laquelle se trouvent ces Roms. Parce qu'il faut bien le savoir, Monsieur le président: pendant l'hiver, nos places d'accueil dans des abris sont limitées et l'ensemble de la population rom qui se trouve sur notre territoire ne peut pas s'y loger. Cela ne signifie pas que le groupe PLR souhaite voir s'accroître cette population sur son territoire, cela ne veut pas dire non plus que le groupe PLR souhaite voir davantage de campements de Roms, mais cela signifie avant tout que nous avons été heurtés par certains des propos tenus en commission. Aujourd'hui, nos deux rapporteurs de minorité se sont montrés extrêmement «soft» et raisonnables dans leurs propos. Certains auditionnés et certaines personnes dans les débats ne se sont pas montrés aussi «soft» et nous ne nous sommes pas sentis en mesure de voter en tout cas la motion sur les campements de Roms, ce d'autant que nous étions convaincus que le travail était fait, comme je l'ai dit.
S'agissant de la motion qui visait à mettre fin à la mendicité et à faire appliquer la loi, nous avons entendu notre magistrat, M. Pierre Maudet, qui nous a expliqué de quelle façon la loi est appliquée. Nous avons vu aussi les progrès par rapport aux joueurs de bonneteau. Nous sommes arrivés à la conclusion que certes, la loi doit être appliquée, mais que notre police est fort occupée et qu'il n'y a pas lieu de mettre une brigade de police sur le terrain de la «chasse» - entre guillemets - aux Roms. Nous sommes donc partis du principe que notre magistrat fait bien son travail: la loi est appliquée, les Roms ont l'autorisation de rester sur notre territoire pendant trois mois, et à partir du moment où ils sont là, on ne peut pas simplement les chasser s'ils n'ont pas commis d'infraction; aujourd'hui, la mendicité est une infraction, mais la loi ne permet pas de renvoyer un Rom chez lui sur cette simple base. La loi est donc appliquée telle qu'elle peut l'être, c'est la raison pour laquelle nous refuserons ces deux motions. Merci, Monsieur le président.
M. Jean-Michel Bugnion (Ve). «Insalubrité», «dépotoirs», «touristes de la misère», «bidonvilles», «intolérable de voir ces horribles campements et cette misère», etc. Ce sont des termes tirés des deux motions. Le sens est clair: pour les motionnaires, la mendicité, c'est sale, misérable, contagieux peut-être; à éradiquer sûrement, pour garantir la salubrité publique. Pourtant nous ne parlons pas ici d'une maladie, nous parlons bien d'êtres humains dont le tort est de vivre dans une totale précarité. Cette stigmatisation honteuse doit être confrontée à la réalité des faits rapportés par les auditionnés.
Les motionnaires nous disent qu'il y a une augmentation du nombre de mendiants. Faux: en lisant le rapport, on s'aperçoit qu'il se stabilise entre 150 et 170. Les motionnaires nous disent que c'est une population uniforme, les Roms. Faux: M. Vincent Gall montre qu'il y a d'une part des Tziganes, ou gens du voyage, et d'autre part des Roumains, pas plus roms que moi, qui sont dans une extrême précarité et qui viennent en Suisse essayer de s'en sortir. On nous parle de criminalité et de réseaux mafieux. Encore une fois, faux: 7% à 8% d'infractions à la LCR et 1% au maximum d'infractions criminelles. Même le soupçon de réseau mafieux s'est dégonflé: il s'agissait de personnes arrêtées en France, mais toutes ont été acquittées. Passivité de la police, se plaignent les motionnaires. Encore une fois, faux: M. Maudet l'a montré, la police agit en collaboration avec les polices municipales et avec la France. Des milliers d'amendes sont dressées et beaucoup de saisies d'argent effectuées. Il faut dire que cette chasse coûte cher et qu'elle est peu efficace.
Au final, ces motions s'avèrent des coquilles vides qui ne font que véhiculer un préjugé inacceptable et infondé sur une communauté d'êtres humains qui essaient seulement de survivre. Il n'y a aucune raison de leur donner suite. Le groupe des Verts demande qu'elles soient déposées sur le bureau du Grand Conseil.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député, mais il ne s'agit pas de pétitions. Je passe la parole à M. le député Bernhard Riedweg pour vingt-cinq secondes.
M. Bernhard Riedweg (UDC). Merci, Monsieur le président. En venant chez nous, ces Roms pensent qu'avec la mendicité et tous les systèmes de solidarité, leurs revenus seront plus importants que ce qu'ils peuvent gagner dans leur pays. Ce que l'Etat peut faire, tout au plus, c'est agir dans leurs lieux d'origine, à savoir la Roumanie ou d'autres pays de la région, étant donné que ces gens ne souhaitent pas s'intégrer dans notre pays. Merci, Monsieur le président.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député, et passe la parole à Mme la députée Irène Buche.
Mme Irène Buche (S). Merci, Monsieur le président. Combien de temps me reste-t-il ?
Le président. Il vous reste trois minutes, Madame la députée.
Mme Irène Buche. Merci. Mesdames et Messieurs les députés, ces deux motions déposées par le MCG et l'UDC en 2012 contiennent des termes injurieux, méprisants et stigmatisants envers la population rom, ce qui est tout à fait inacceptable. De plus, elles sont totalement inutiles puisqu'elles demandent simplement l'application de la loi que le département de la sécurité applique déjà strictement, souvent beaucoup trop strictement à nos yeux. Faut-il rappeler que le département de la sécurité en a fait un de ses huit axes de priorité ? Ces motions n'apportent donc rien du tout. Il aurait été logique que le MCG et l'UDC retirent ces textes après les travaux de commission et les auditions. Ils ne l'ont pas fait, manifestement pour des raisons purement électoralistes. Au final, ces motions et leur étude en commission ont pour seul mérite de tordre le cou à certains clichés et préjugés tenaces, dénoncés par les personnes auditionnées, en particulier par les représentants de la police. Non, les Roms ne sont pas des criminels et ne commettent pas les cambriolages et autres délits que d'aucuns cherchent à leur imputer ! Non, il n'y a pas de réseaux mafieux, contrairement à ce que certains disent encore aujourd'hui ! (Protestations et rires.) Non, il n'y a pas eu et il n'y aura pas d'invasion... (Exclamations.)
Le président. S'il vous plaît !
Mme Irène Buche. ...de Genève par la population rom; on peut au contraire constater une stabilisation de cette population entre 150 et 170 personnes environ, selon les déclarations de la police elle-même. Non, les Roms n'ont aucun désir de s'établir à Genève. Pour toutes ces raisons, je vous invite instamment à refuser ces deux motions. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à Mme la députée Danièle Magnin.
Mme Danièle Magnin (MCG). Merci, Monsieur le président. De combien de temps est-ce que je dispose, s'il vous plaît, Monsieur le président ?
Le président. De quatre minutes.
Mme Danièle Magnin. Merci beaucoup. Je voudrais d'abord dire que je n'étais pas là en 2012, pour recadrer par rapport à ce qui vient d'être dit en face. En revanche, j'ai eu à deux reprises des camps de Roms juste à côté de chez moi. Maintenant, j'en ai un à côté du lieu où j'habite, au chemin de la Tour-de-Champel. Qu'est-ce que cela implique ? Cela implique qu'ils sont en contrebas d'une propriété, dont ils forcent les portails, dont ils découpent les clôtures. Ils essaient de chasser ou d'attraper - je ne sais pas lequel des deux - les animaux, les chiens qui peuvent se promener là, c'est très désagréable. Il y a des déprédations. Précédemment, j'ai eu un autre campement de Roms en face de chez moi, j'habitais alors en face du CMU. Il y a une grande esplanade plein sud derrière, ils s'étaient installés sur place, et dans un coin, ils allaient faire leurs besoins, dans un autre coin, ils allaient mettre leurs matelas, bref: ils occupaient toute la surface et les gens à qui ce lieu était destiné ne pouvaient plus s'en approcher. Alors ce ne sont peut-être pas des criminels, mais ce sont des délinquants. Personnellement, je sais qu'il faut chaque fois recommencer, remettre l'ouvrage sur le métier pour évacuer tout ce qu'ils ont apporté. Cela ne convient pas à notre mode de vie en Suisse où nous avons une loi sur l'aide sociale, une Constitution fédérale qui prévoit la dignité humaine... Ces gens sont là sans autorisation, on ne peut pas savoir combien de temps ils restent ni combien de temps ils veulent rester, ni ce qu'ils veulent faire: tout ce qu'on nous demande, c'est d'assumer. Eh bien nous ne sommes pas d'accord !
Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Je passe la parole à M. le député Jean Batou... (Un instant s'écoule.) ...dont le micro fonctionne à nouveau !
M. Jean Batou (EAG), député suppléant. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, pour ce qui concerne le groupe Ensemble à Gauche, c'est évident que nous refusons cette motion et demandons son classement. Ceux qui s'expriment ce soir en faveur de ces motions font assaut d'humanisme: ils sont là pour protéger les Roms contre ceux qui les exploitent, ils sont là pour aider la Roumanie à garder ses Roms; on les attend quand il s'agira de voter des budgets pour l'aide au développement ou de développer une politique en faveur de l'accueil. (Brouhaha.) Le texte de la motion est beaucoup plus clair que les déclarations hypocrites de ce soir. Que lit-on dans cette motion ? «Enlever des campements», «mettre fin au tourisme de la misère» - vous apprécierez la métaphore - «expulser les mendiants»: voilà de quoi devrait s'occuper aujourd'hui l'Etat de Genève. Eh bien moi, je vous dis qu'avec ce type d'attitude, on ne fait que se transformer en fourriers du racisme... (Remarque.) ...en fourriers du racisme, vis-à-vis d'un peuple qui a été victime d'un génocide pendant la Seconde Guerre mondiale, et qui subit des discriminations au quotidien. Les mêmes ici appelleront à se souvenir du génocide des Arméniens, et ils auront raison, mais souvenons-nous aussi du génocide des Roms, des conditions dans lesquelles vivent ces populations; quand les Roms arrivent en Suisse, nous devrions faire un effort pour comprendre quelle est leur trajectoire, pour faire comprendre à la population ce qui se passe dans leurs pays d'origine plutôt que de prendre des mesures de police, dont la légalité est extrêmement discutable d'ailleurs. Je vous invite donc à classer cette motion sans autre forme de procès.
Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Je vais faire entendre une voix dissonante, je m'en excuse d'emblée auprès de mon groupe. Simplement pour dire que par rapport à cette situation, je pense qu'on évoque un sujet extrêmement complexe lorsqu'on parle des Roms et que finalement, on fait ici des amalgames. J'aimerais dire qu'il s'agit de 170 personnes à Genève, cela m'a été confirmé par M. le conseiller d'Etat. Or, je ne me sens pas gênée par 170 personnes différentes autour de moi. Je ne remets pas en question le bien-fondé et la manière de penser d'autres, que je respecte infiniment, mais je m'abstiendrai sur ces motions, j'espère que vous le comprendrez. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Carlos Medeiros (MCG). Chers collègues, si je comprends bien, nous avons d'un côté les gentils et de l'autre les méchants. Ce n'est pas le cas ! Je tiens à vous rappeler que suite aux accords bilatéraux avec la Communauté européenne, la Confédération a donné, pour ce qu'on appelle des fonds structurels, un milliard de francs suisses à la Bulgarie, à la Roumanie et à la Pologne, quand ces trois pays sont entrés dans la Communauté européenne. Cet argent était destiné en priorité à aider justement les minorités, entre autres, de ces pays. On l'a fait ! Nous avons un bon coeur ! Nous sommes des gens corrects ! Maintenant, est-ce qu'au nom d'un certain humanisme, nous devons accepter un mode de vie qui ne nous convient pas ? Je suis désolé, mais si nous allons tous faire la manche devant la Migros, la Coop ou Denner, ça ne marche pas ! Tout ce qu'on demande aujourd'hui avec cette motion, c'est que la loi soit appliquée. On ne va pas expulser des gens, ou les maltraiter. Non ! Tout ce qu'on demande, c'est que le droit soit appliqué, et rien d'autre que ça. Tout le monde est gentil... (Remarque.) Vous savez, Monsieur, les Portugais sont venus pour travailler, pas pour faire la manche.
Une voix. Ha ha ! Bravo ! (Quelques applaudissements.)
M. Carlos Medeiros. Tout ce qu'on demande, aujourd'hui, c'est exactement ça ! Ce n'est pas que nous ayons quelque chose contre des individus...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Carlos Medeiros. Tout ce que nous demandons, c'est que la loi soit respectée. Bien sûr, je comprends que certaines minorités sont persécutées dans leurs pays d'origine, mais encore une fois: nous avons donné un milliard de francs ! A ces pays donc de protéger leurs minorités, et de grâce, ne nous transformez pas en monstres ! L'humanisme, ce n'est pas uniquement à gauche: nous aussi, nous avons un coeur, Mesdames et Messieurs. (Quelques applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Vincent Maitre (PDC). «Nous aussi, nous avons un coeur», nous dit M. Medeiros. «Tout ce que nous demandons, nous dit-il presque la larme à l'oeil, c'est que le droit soit appliqué.» Voilà la vérité, voilà la réelle intention des motionnaires, Mesdames et Messieurs les députés, mais les pauvres gentils Roms: dehors ! «Pour un vrai handicapé, cent escrocs, donc en cas de doute, je préfère les virer tous»: cette citation est sur les réseaux. Elle est de Carlos Medeiros, et elle démontre la parfaite hypocrisie et la dangerosité du discours du MCG ce soir. (Quelques applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le rapporteur de minorité Jean-Marie Voumard, qui a encore deux minutes trente de temps de parole.
M. Jean-Marie Voumard (MCG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Juste pour dire que, pour une fois, je suis d'accord avec les socialistes... français. Manuel Valls, ministre de l'intérieur, fait évacuer les campements roms. François Hollande, président de la République, fait évacuer les campements roms. D'autre part, j'aimerais vous lire ceci: «Les Roms n'ont pas leur place à Genève», «il faut donc continuer à lutter sans relâche pour l'application de la loi, et s'assurer du retour des Roms là où ils affirment eux-mêmes être domiciliés». C'était tout un texte signé par M. Christian Lüscher, avocat, conseiller national PLR. (Exclamations.)
Des voix. Bravo !
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Alberto Velasco, rapporteur de majorité, à qui il reste une minute dix sur le temps de son groupe.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Tout à l'heure, j'ai entendu que les Portugais ou les Espagnols, quand ils venaient en Suisse, eux, travaillaient. Non: eux, on leur donnait un travail. Le problème, c'est qu'aux Roms, on ne donne pas de boulot... (Remarque.) Oui, mais Monsieur, quand vous l'ouvrez, soyez un peu plus digne maintenant. On ne leur donne pas de travail, Mesdames et Messieurs, et peut-être qu'une petite minorité n'en veut pas; mais vous savez, on les appelait les «gens du voyage» parce qu'ils se déplaçaient, ils faisaient de petits travaux et ils vivaient de cela. C'est ça, la vérité. Par ailleurs, je tiens à vous dire une chose: c'est un produit de notre société, Mesdames et Messieurs ! On est incapable de leur donner 12 F par jour pour nourrir leur famille. Je trouve qu'il y a un manque de générosité invraisemblable ! J'ajoute que quand je passe devant ces gens, ils ne m'ennuient pas !
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. La parole n'étant plus demandée, nous passons à la procédure de vote. Je vous fais voter sur le premier texte, la M 2067.
Des voix. Vote nominal !
Le président. Est-ce que vous êtes soutenus ? (Plusieurs mains se lèvent.) Vous l'êtes. Le vote est lancé.
Mise aux voix, la proposition de motion 2067 est rejetée par 58 non contre 29 oui et 1 abstention (vote nominal).
Le président. Je vous fais voter maintenant sur la deuxième proposition de motion, la M 2073.
Une voix. Vote nominal !
Le président. Etes-vous toujours soutenu ? J'imagine que oui. (Plusieurs mains se lèvent.) Vous l'êtes. Nous passons au vote.
Mise aux voix, la proposition de motion 2073 est rejetée par 58 non contre 29 oui et 1 abstention (vote nominal). (Exclamations durant la procédure de vote.)
Débat
Le président. Nous passons à la M 2097, il s'agit d'un premier délai de traitement dépassé. Nous sommes en catégorie II - trente minutes. Je passe la parole au premier signataire, M. Patrick Lussi.
M. Patrick Lussi (UDC). Merci, Monsieur le président. Je serai très court. L'actualité nous montre que l'affaire des taxis est loin d'être réglée, raison pour laquelle mon groupe vous demande de renvoyer ce texte en commission, petite contribution dans l'immense travail qui nous attend.
Une voix. Dis laquelle, dis laquelle !
M. Patrick Lussi. Il s'agit bien de la motion 2097, Monsieur le président ?
Le président. Il s'agit bien de la proposition de motion 2097.
Une voix. A quelle commission ?
M. Patrick Lussi. Jusqu'à maintenant, elle était traitée à la commission des transports. Il me semble qu'elle devrait y retourner, sauf si la commission en décide autrement.
Le président. Très bien. Je vais vous faire voter sur le renvoi de cette proposition de motion à la commission des transports.
Mis aux voix, le renvoi pour six mois de la proposition de motion 2097 à la commission des transports est adopté par 61 oui contre 15 non et 4 abstentions.
Un rapport doit être rendu dans les six mois (article 194 LRGC).
Débat
Le président. Si je pouvais avoir un tout petit peu de silence, ce serait plus simple pour la suite de nos travaux. Pour la M 2109-A, nous sommes en catégorie II - quarante minutes. La parole est à M. Jean-Marie Voumard. (Un instant s'écoule.)
Une voix. On vote !
M. Jean-Marie Voumard (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. La commission judiciaire a étudié cette motion concernant un office de la tranquillité publique à Genève, sur l'exemple de ce qui se passait à Toulouse en 2011 et qui n'est plus en vigueur, étant donné qu'il y a eu un changement, que le magistrat actuel est de droite et que le million d'euros dépensé pour un tel office de la tranquillité ne correspondait plus à la réalité. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Je voudrais vous rappeler qu'on est en train de discuter des doublons communes-canton: on ne peut pas entrer en matière pour ce projet, puisque Vernier a déjà mis sur pied une sorte d'office de la tranquillité avec des personnes qui répondent la nuit. Si le canton devait participer à un tel office pour des communes suburbaines de petite taille comme Gy ou Jussy, la distance ne serait plus adaptée. Par ailleurs, l'état actuel des finances du canton ne le permet pas.
Je me permettrai de lire deux alinéas d'un article. Alinéa 1: «Le principe de proximité suppose que les tâches publiques doivent s'accomplir au niveau le plus proche possible du citoyen.» Alinéa 2: «Le principe de subsidiarité suppose que le canton n'assume une tâche que dans la mesure où il peut mieux s'en acquitter que les communes.» C'est tiré du PL 11585 sur la répartition des tâches entre les communes et le canton. En conformité avec ces définitions, je vous demande de refuser cette motion.
Présidence de M. Jean-Marc Guinchard, premier vice-président
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. Monsieur le président, j'aimerais d'abord dire au rapporteur de majorité qu'un office, ce n'est pas forcément un service avec 450 employés ou fonctionnaires ! Cela peut être une volonté politique affirmée dans ce canton, parce que si vous habitez en ville de Genève, Monsieur, vous comprendrez que la tranquillité est un réel besoin. La tranquillité, Monsieur, ce n'est pas seulement quand le voisin met la musique fort, ce sont aussi les bruits des motos et des voitures, les bruits incessants de la journée. Il est vrai que pour ceux d'entre nous qui habitent à la campagne, dans un endroit bien joli et tranquille, cette motion est superfétatoire. Vous n'allez pas demander à Vandoeuvres ou à Cologny de créer un office de la tranquillité ! Ce serait imbécile, bon Dieu ! Mais je crois qu'en ville de Genève, c'est une nécessité, et je dois dire qu'en la matière, le Conseil d'Etat, c'est un zéro en un an de prise de fonction ! Depuis des années et des années, la Confédération nous montre qu'au centre-ville de Genève, notamment à la Jonction, le bruit est inadmissible, et nous ne faisons rien ! L'Etat ne fait rien et ça continue ainsi !
Alors peut-être que cette motion n'est pas tout à fait celle qu'il faudrait, mais la rejeter avec autant d'arrogance, comme cela a été fait, comme si nous vivions, à Genève, dans un îlot de tranquillité, comme s'il n'y avait pas de problème à partir de 20h-21h ! Mais ce n'est pas vrai: cela fait déjà sept ans que j'ai déposé ma motion sur les motos qui font un bruit scandaleux - françaises, suisses ou allemandes, je n'en sais rien - Mesdames et Messieurs, depuis, c'est encore pire ! C'est encore pire ! Et pourquoi ? Pourquoi la gendarmerie ne fait pas son travail ? Pourquoi des quartiers entiers sont réveillés à 3h ou 4h du matin ? Pourquoi ? Alors un office dans des quartiers qui puisse mettre en place des médiateurs, pourquoi pas ? Si ces médiateurs font que les gens se parlent, dans les immeubles, dans le quartier ou dans la rue, pourquoi pas ? En quoi cela vous gêne, Mesdames et Messieurs ? (Brouhaha.)
Un changement de magistrat dans une ville, Toulouse, a fait que ce service, qui existait, n'existe plus; est-ce une raison pour refuser ce projet ? Ce qui doit nous conduire, pour accepter une telle motion, c'est: cette réalité est-elle vécue chez nous ou pas ? Eh bien, en ville de Genève, où je vis moi-même, dans un quartier populaire, c'est une réalité. Peut-être qu'à Vernier, le magistrat a fait un tel travail que c'est devenu un havre de tranquillité qui peut concurrencer Cologny. Je n'en sais rien, mais en tout cas, ce n'est pas le cas là où j'habite. Mesdames et Messieurs, je vous demande donc d'accepter cette motion. Peut-être qu'on ne créera pas cet office en tant que tel, mais c'est un signal fort à envoyer au Conseil d'Etat pour dire qu'il y a un véritable problème pour nos concitoyens qui souffrent de ce mal.
M. Christian Zaugg (EAG). Monsieur le vice-président, chers collègues, je suis absolument navré: une fois n'est pas coutume, je le dis tout de suite, notre groupe ne suivra pas la proposition socialiste. (Remarque.) Eh oui ! Nous considérons que cette motion, qui peut sembler sympathique, est en fait une fausse bonne idée. Pourquoi ? Tout simplement parce que, compétences obligent, nous nous aventurons là sur un terrain qui doit rester communal.
Une voix. Bravo !
M. Christian Zaugg. Nous avons auditionné des conseillers administratifs engagés sur ce terrain, notamment M. Apothéloz, qui mène à Vernier une démarche intéressante de correspondants de nuit en collaboration avec la police municipale; cette démarche répond entièrement aux préoccupations des motionnaires. Pour des raisons d'efficience, et surtout de proximité, la gestion des nuisances sonores doit rester une affaire communale, c'est d'ailleurs le souhait du législateur et cela figure dans la loi...
Une voix. La loi ?
M. Christian Zaugg. Oui, sur la police municipale. Comment voulez-vous répondre en quelques minutes, depuis une centrale à la rue du Stand, par exemple, à un groupe aviné qui ferait du tintamarre à Landecy ? Chacun comprendra que c'est impossible, hormis pour les cas d'agression ou de brigandage, et que ce problème doit impérativement rester l'affaire des communes, lesquelles peuvent créer des postes de police municipale, voire des unités de correspondants de nuit, à l'instar de Vernier ou de Thônex.
Pour conclure, voilà qui pourrait être un faire-valoir, ou un objectif de programme de législature, pour un magistrat communal, et c'est la raison pour laquelle le groupe Ensemble à Gauche refusera de voter cette motion.
Des voix. Bravo !
M. Vincent Maitre (PDC). Le parti démocrate-chrétien est intimement convaincu qu'un office de la tranquillité aurait tout son sens, et que la pollution sonore est probablement l'une des plus nocives et des plus problématiques qu'une collectivité puisse rencontrer. C'est évidemment une bonne idée, mais qui pourrait éventuellement être applicable si les finances le permettaient. A l'heure où le canton de Genève dépasse allégrement une dette de 13 milliards, à l'heure où certains de nos cycles d'orientation et collèges tombent en décrépitude, le PDC relève cette bonne idée, mais il est persuadé que cela ne peut pas former une priorité par rapport aux autres impératifs auxquels le canton doit répondre très rapidement. On sait que les finances et les recettes fiscales seront beaucoup plus difficiles dans un avenir proche, mais - je l'espère - pour une courte période. Je ne suis pas intimement persuadé que la première signataire de cette motion, députée d'alors, ait la même conviction depuis qu'elle est conseillère d'Etat et qu'elle doit faire face à une réalité économique tout à fait concrète et bien différente. Le PDC regrette donc que cette pétition ne puisse pas faire partie des priorités absolues auxquelles le canton doit répondre, et se voit contraint de refuser cette motion.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je crois que M. Zaugg a raison: d'abord, c'est une tâche de proximité, et, dans le cadre de la répartition des tâches entre l'Etat et les communes, c'est bel et bien une tâche communale, parce que pour régler ces problèmes de bruit, il ne suffit pas d'avoir un office ou d'émettre un certain nombre de directives. Et ensuite, il faut être sur le terrain: il faut parler avec les gens, et ça, c'est typiquement une tâche communale ! Avant même d'aborder la problématique financière !
Vous voulez créer un office ? Avec un directeur, un sous-directeur et quelques employés rivés sur leur bureau ? Et ils vont régler quoi ? Mais rien du tout ! Ils vont claquer quelques centaines de milliers de francs, voilà tout ce qu'ils vont faire ! C'est donc effectivement une fausse bonne idée. Il y a bien sûr des problèmes de bruit dans ce canton, principalement en ville et dans les communes suburbaines, mais ce sont justement des tâches communales, et on est en plein dans cette réflexion. Il n'y a aucun sens à créer un office de plus pour lequel on va dépenser de l'argent et avoir tout simplement des gens assis à leur bureau ! C'est la raison pour laquelle nous refuserons cette motion.
M. Pierre Conne (PLR). Cette motion pointe du doigt le problème du bruit, principalement sous l'angle du tapage sur la voie publique et sous celui du bruit domestique: querelles entre voisins, voire violences familiales. Ce problème est réel, mais il est déjà pris en charge par les communes et par l'Etat. Il faut déjà bien séparer les deux types de nuisances sonores, parce que ce qui est sous-jacent à ce bruit, le tapage sur la voie publique, est souvent le fait de fêtards à la sortie d'établissements publics, alors que les bruits domestiques sont souvent générateurs ou prémices de violence, qu'il s'agisse de querelles entre voisins ou de violences familiales.
Sur ce dernier point, pour pouvoir intervenir adéquatement dans le cadre de violences domestiques, soit entre voisins, soit au sein d'une famille, il est bien évident que ce type d'intervention doit être confié à des professionnels spécialisés, qui existent: ce sont les policiers cantonaux. Ils ont le savoir-faire pour intervenir dans ce genre de circonstances, pour dépister les situations à risque, et, dans ce cadre-là, pouvoir faire en sorte que le conflit s'apaise et, le moment venu, procéder si besoin à une prise en charge du problème de fond. Cette question est donc réglée.
Pour ce qui est du tapage sur la voie publique, il est vrai que la bonne réponse est une réponse de proximité; et aujourd'hui, elle n'est pas simplement offerte par les prestations des agents de police municipale, mais elle se fait également dans le cadre d'une coopération entre la police cantonale et les agents de police municipale. En 2013, la Ville de Genève a signé avec l'Etat le contrat local de sécurité suite à la nouvelle loi sur les agents de police municipale, qui confie aux agents de police municipale en ville de Genève des tâches spécifiques, notamment dans le cadre de la police de proximité, pour intervenir dans les situations de tapage sur la voie publique. La collaboration avec la police cantonale est nécessaire, parce que c'est la CECAL - la Centrale d'engagement, de coordination et d'alarmes - qui reçoit, la plupart du temps, des téléphones de personnes agacées, exaspérées, et qui doit la plupart du temps filtrer de quel type de tapage il s'agit et décider s'il convient de faire intervenir plutôt la police cantonale ou les agents de police municipale. Cette régulation se fait, et la réponse est donnée de manière adéquate en fonction du type de problème, soit par la police cantonale, soit par les agents de police municipale. Donc, oui, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, ce problème de nuisances sonores a été identifié et, oui, l'organisation de la coordination entre la police cantonale et la police municipale permet de régler ce problème.
Par conséquent, la proposition de créer un office de la tranquillité est intervenue avant que l'organisation de la coopération entre les polices cantonale et municipale ne soit formellement consacrée en 2013, puisque cette motion a été déposée en 2012. Il ne s'agit donc pas de dire, en tout cas pour le PLR, qu'il n'y a pas de nuisances sonores...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Pierre Conne. ...le problème est reconnu, mais qu'aujourd'hui, une organisation est en place pour pouvoir répondre adéquatement à ce problème. C'est la raison pour laquelle nous vous invitons, Mesdames et Messieurs, à refuser cette motion. Je vous remercie.
Une voix. Bravo ! Ça, c'était bien !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Michel Amaudruz.
M. Michel Amaudruz (UDC). Merci, Monsieur le président. C'est tellement tranquille que je m'endormais ! (Rires.)
Le président. Vous voilà réveillé, Monsieur le député !
M. Michel Amaudruz. Oui, me voilà réveillé ! Je dirais que M. Zaugg a raison, et d'autres aussi l'ont dit: c'est un problème qui relève de l'autorité communale. La discussion pourrait s'arrêter là. Je voudrais quand même dire à M. le rapporteur Velasco que sa motion a un grand mérite: mutatis mutandis, elle pourrait peut-être apporter plus de tranquillité dans nos débats au parlement, puisque nous serions censés montrer l'exemple. Evidemment que tout le monde est sensible au problème du bruit, M. Conne vient de le relever, mais que voulez-vous que je vous dise ! Vous n'allez pas faire de Genève une ville qui aurait pour label «Relais du Silence», Monsieur Velasco ! Je voudrais bien, mais enfin... On doit, malheureusement, s'accommoder de certaines nuisances. Bien sûr, il y a des excès, mais je crois que nous disposons aujourd'hui des instruments qui nous permettent de les maîtriser, même si ce n'est pas de façon satisfaisante. A force de vouloir tout réglementer et dominer, comment voulez-vous que l'on pourchasse d'un côté les mendiants, d'un autre côté ceux qui font trop de bruit, et d'un autre côté encore je ne sais qui ? Mon Dieu ! M. Maudet aurait besoin non pas de 600 policiers de plus, mais véritablement d'une brigade pour pouvoir faire face à tous ces problèmes ! Je crois que nous devons nous accommoder sagement des instruments dont nous disposons. L'UDC ne suivra donc pas cette motion. Je vous remercie, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Bernhard Riedweg.
M. Bernhard Riedweg (UDC). J'ai encore deux minutes et dix secondes, Monsieur le président. (Rires.)
Le président. Deux minutes quatorze, Monsieur Riedweg.
M. Bernhard Riedweg. Je vous remercie, Monsieur le président ! La dotation en personnel de l'office de la tranquillité cantonal, ouvert en permanence jusqu'à 3h du matin, du jeudi au dimanche matin, nécessiterait au minimum cinq personnes pouvant intervenir en temps réel et coûterait certainement davantage que les interventions des agents de police municipale qui déchargeraient la gendarmerie. Si l'on créait un office de la tranquillité cantonale, les compétences pour régler ce genre de problèmes seraient dispersées dans plusieurs communes, dans chacune desquelles il faudrait une équipe de garde consistant en un médiateur, un chuchoteur, ou le service spécifique de la municipalité. La tranquillité doit être traitée au niveau communal, comme cela se fait actuellement dans les communes de Vernier et de Thônex, avec des médiateurs appelés correspondants de nuit. Ceux-ci ont encore des tâches supplémentaires en plus de régler les nuisances sonores: ils luttent contre le climat d'insécurité et les déprédations, ils font de la sensibilisation à la problématique des déchets, et ils orientent les personnes en cas de besoin.
Le problème du bruit doit être traité au niveau communal car c'est essentiellement un problème de proximité. Rien n'empêche d'autres grandes communes de s'inspirer de ce qui existe dans les communes précitées, de bonnes expériences ayant été faites. Nous vous demandons de refuser cette motion qui ne concerne pas le canton. Cette décision évitera de créer un doublon dont le Conseil d'Etat ne veut pas. Merci, Monsieur le président.
M. Cyril Mizrahi (S). Bon, cette discussion sémantique que notre collègue Riedweg a introduite ici me rappelle un peu celle que nous avons eue en commission au sujet de la question de savoir si l'office de médiation administrative devait s'appeler un «ombudsman» ou je ne sais quoi d'autre. Ici, on parle de correspondants de nuit ou d'office de la tranquillité publique. La différence, c'est qu'en commission, à propos du projet de loi sur la médiation administrative, nous avons pu dépasser ces questions sémantiques pour nous mettre d'accord sur l'existence d'un besoin, Mesdames et Messieurs. Ici, je pense qu'avec ces querelles sémantiques, on est en train de botter en touche. De la même manière, on botte en touche en disant que c'est aux communes de s'en occuper. Mais c'est une affaire entendue, Mesdames et Messieurs ! Cela dit, à un moment donné, il faut voir si on veut donner un signal politique.
M. Riedweg a eu le mérite, chers collègues, de mettre en avant - vous pouvez le retrouver joint au rapport - l'exemple des correspondants de nuit, mis en place avec succès à Vernier et à Thônex, commune qui n'est pas réputée particulièrement socialiste. Ce qu'on voit, c'est que ça fonctionne et que ça répond à un besoin ! Voulons-nous encourager ce modèle, oui ou non ? Voilà la question qui se pose ! Il ne s'agit pas de savoir si la situation à Toulouse a perduré ou pas ! Il est question de savoir si cela répond à un besoin ici, pour prendre en compte véritablement le problème des nuisances sonores, comme l'a dit mon collègue rapporteur de minorité. Est-ce qu'on veut prendre au sérieux la problématique du bruit ou pas ? Après, les discussions sur la répartition des compétences, vous pouvez les utiliser pour botter en touche, mais le problème ne sera pas résolu.
Alors, pour clarifier les choses: je sais bien que ça ne va pas changer, puisqu'on l'a refusé en commission, mais je vous ai proposé à nouveau l'amendement de commission. Celui-ci dit très clairement qu'il s'agit d'encourager les communes à mettre en place ces services de correspondants de nuit et d'avoir un numéro unique sur tout le canton afin de générer une certaine publicité pour l'existence de ce service.
Il en va également, Mesdames et Messieurs, chers collègues, de savoir s'il est utile que la police s'engage en priorité dans des problèmes de voisinage et de tapage nocturne. Ne peut-on pas régler cela par d'autres moyens, comme cela se fait avec succès dans ces deux communes, et libérer ainsi du temps pour la police ? Je sais que la question de la sécurité vous et nous tient à coeur. Ne peut-on pas libérer du temps disponible sur le standard de la police ? Libérer du temps de travail des collaborateurs et collaboratrices de la police, pour qu'elle puisse gérer vraiment les tâches prioritaires de sécurité ? Pour que l'on puisse aussi donner une réponse adéquate au problème des nuisances et de la tranquillité ? Voilà ce qui vous est proposé aujourd'hui, Mesdames et Messieurs. Il ne faut pas se payer de mots ! Je vous ai proposé à nouveau cet amendement, je souhaite que vous le votiez et que vous votiez ensuite cette motion amendée. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Sandro Pistis, à qui il reste deux minutes trente.
M. Sandro Pistis (MCG). Merci, Monsieur le président. Il faut apporter une certaine transparence par rapport à cette motion, qui est un copier-coller par le groupe socialiste de ce qui s'est fait à Toulouse: cette idée d'un office de la tranquillité est un échec, en réalité. Cela n'a pas fonctionné, pour diverses raisons. Il faut arrêter de vouloir reprendre des choses qui ne fonctionnent pas pour faire des tests à Genève; il y a passablement de services à disposition, et je crois comme d'autres que cela relève de la responsabilité des communes. C'est en tout cas ce qu'on nous a dit lors des séances de la commission judiciaire: les communes engagent les moyens nécessaires pour parer à cette problématique des bruits et des nuisances - réalité que personne dans ce parlement ne conteste. Il a été dit aussi que même les communes sont contre cet office de la tranquillité. A mon sens, il faut laisser la souveraineté aux communes qui désirent pouvoir résoudre les problèmes relatifs à leur environnement et refuser tout simplement cette motion qui ne peut pas fonctionner, puisque à Toulouse, l'office de la tranquillité a été fermé, sauf erreur en 2012.
J'invite celles et ceux qui sont intéressés à lire l'article sur cette motion et à taper sur Google «office de la tranquillité Jean-Pierre Havrin»: vous trouverez tous les détails sur les raisons pour lesquelles cela n'a pas fonctionné. Le groupe MCG vous invite donc à refuser cette motion.
Une voix. Très bien.
M. Jean-Marie Voumard (MCG), rapporteur de majorité. Je voudrais juste préciser quelques invites en lisant la motion. «La nécessité d'une meilleure articulation des polices cantonale et municipales»: cela a déjà été fait, et pas seulement en Ville de Genève comme l'a dit tout à l'heure M. Conne, puisque les contrats locaux de sécurité ont été signés par les Villes de Carouge, Vernier et Onex. Les horaires des APM ont aussi été élargis: le week-end, ils travaillent jusqu'à 3h ou 6h du matin, afin de réduire le nombre d'appels de la population à la police cantonale pour le bruit, car, je vous le rappelle, les compétences municipales autorisent les agents à verbaliser pour les excès de bruit, Monsieur Velasco; apparemment, vous ne le saviez pas.
M. Alberto Velasco. Ils ne font pas grand-chose !
M. Jean-Marie Voumard. Dès lors, en tenant compte de ce qu'a dit M. Conne, et de par tout ce qu'a entrepris le Conseil d'Etat, malgré ce que vous dites, M. Velasco - il est vrai que les contrats locaux de sécurité ont été signés l'année passée et que cette motion date de 2012 - beaucoup de choses ont été faites pour la tranquillité de nos concitoyens. Je vous demande donc de refuser cette motion 2109.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. J'ai écouté avec beaucoup d'attention l'intervention de M. Zaugg, éminent conseiller municipal de la Ville de Genève, principale ville de notre canton. Monsieur Zaugg, vous avez longtemps été conseiller municipal; eh bien, vu que moi, je suis un membre de... J'habite au centre-ville, dans un quartier populaire - évidemment, je n'habite pas dans le haut de la ville - je dois vous dire que la politique de la Ville de Genève en matière de bruit est un échec patent ! C'est incroyable que les conseillers municipaux - dont vous, qui avez siégé pas mal de temps - aient tant attendu, n'aient pas fait le nécessaire et que nous soyons obligés, nous, les socialistes, de déposer une motion comme celle-ci, parce que l'échec est patent !
Vous n'allez pas me raconter tous que grâce à la politique des municipalités, on vit aujourd'hui dans un havre de paix ! Non, Mesdames et Messieurs: la politique des municipalités en matière de bruit, en tout cas pour celles et ceux d'entre nous qui habitons au centre-ville, est un échec. Et il faut aller voir aussi dans les autres communes ! Alors je m'étonne de cette levée de boucliers: «On fait tout déjà dans les communes !» Je remercie mon collègue Cyril Mizrahi pour son intervention, parce qu'il a raison: il s'agit d'un besoin politique et de coordination. Je tiens à remercier aussi M. Maitre...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Alberto Velasco. ...il reconnaît au moins la validité de cette motion et il donne un argument qui peut effectivement se défendre, à savoir le manque de moyens financiers pour mettre en place ce projet. Cela, c'est un autre argument. Mais balayer l'idée en disant: «Ah non ! Ce n'est rien ! Tout va bien dans ce canton ! C'est magnifique !» Franchement, c'est d'une arrogance invraisemblable !
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Alberto Velasco. Vraiment, on voit que beaucoup de députés n'habitent pas là où il y a de la vie et du bruit ! Voilà, donc... (Le micro de l'orateur est coupé. L'orateur continue de parler hors micro.)
Le président. C'est terminé, Monsieur le député. La parole est à M. le député Bernhard Riedweg.
M. Bernhard Riedweg (UDC). Non, Monsieur, quelqu'un a pesé sur mon bouton, mais ce n'est pas moi. Excusez-moi, Monsieur.
Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs... (Brouhaha.) Mesdames et Messieurs ! Nous sommes saisis d'un amendement de M. Cyril Mizrahi, dont le texte a été déposé sur vos tables et qui consiste à modifier l'invite comme suit: «à encourager la mise en place dans les communes de correspondants de nuit en s'inspirant des expériences réalisées à Vernier et Thônex, et à mettre en place un numéro unique à l'échelon du canton pour faire appel à ces services.» Je vais vous faire voter sur cet amendement. Ceux qui l'acceptent... (Protestation.) S'il vous plaît ! Il fallait traîner un peu moins à la buvette et venir plus tôt ! (Protestations. Applaudissements. Sifflements.) Le vote est lancé.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 65 non contre 20 oui et 4 abstentions.
Mise aux voix, la proposition de motion 2109 est rejetée par 74 non contre 14 oui et 1 abstention.
Le président. Je vous remercie du calme avec lequel nous avons pu traiter de cet office de la tranquillité.
Débat
Le président. Le point suivant appelle le traitement de la proposition de motion 2192. (Brouhaha.) La parole est à son auteure, Mme la députée Anne Marie von Arx-Vernon.
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Le micro ne marche pas ! Voilà, ça marche, merci. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, depuis 2001 que j'ai l'honneur d'être élue députée démocrate-chrétienne, j'ai défendu, avec l'aide d'une majorité de députés, la régularisation des employés de l'économie domestique sans statut légal. Cela n'a toujours pas abouti à Berne. Aujourd'hui, avec cette motion, nous nous permettons de revenir sur ce thème et de remettre l'ouvrage sur le métier, en tout cas pour deux raisons. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
La première raison, Monsieur le président, c'est qu'il y a une vraie prise de conscience, dans ce parlement, bien sûr, et dans la rue, pour dénoncer cette hypocrisie - je fais référence à la pétition qui a récolté 21 875 signatures - et pour dénoncer la passivité de Berne, qui laisse traîner cette problématique. Il y a également une prise de conscience du fait que si l'économie genevoise est florissante, c'est aussi grâce à l'engagement de ces personnes qui gardent à domicile les enfants et les aînés de ces familles. Nous parlons de personnes qui, pour certaines, sont là depuis vingt ans, qui travaillent dans des conditions très difficiles parfois, mais en se montrant dignes d'une réelle confiance; car ce sont des personnes de confiance, j'insiste là-dessus. Ces personnes apportent leur contribution par un travail permettant à ces familles d'être soulagées, et aux parents d'être disponibles pour travailler, parce que nous parlons de familles qui s'engagent à Genève dans l'économie et qui contribuent largement à nos recettes fiscales.
La deuxième raison, particulièrement importante à mon avis, en plus de toutes celles qui sont décrites dans les considérants de la motion, c'est qu'en plus de ces 5000 personnes identifiées depuis 2005 pour légitimement demander - et surtout recevoir - un permis correspondant au travail effectué, nous avons des centaines d'autres personnes engagées dans l'économie domestique et gravement exploitées. Ces personnes sont victimes de traite des êtres humains, cela s'appelle «à des fins d'exploitation de la force de travail»; c'est de l'esclavage moderne. C'est très, très grave ! Désormais, nous ne pouvons pas faire comme si cela n'existait pas ! Nous ne pouvons pas faire comme si nous ne le savions pas !
Vous le savez, je travaille dans ce domaine, et je sais que désormais, avec les campagnes publiques sur les trams et les bus initiées par M. Maudet et les partenaires genevois qui travaillent auprès des personnes sans statut légal, il y a des compétences renforcées à la police et à l'OCIRT, et il existe une réelle volonté politique de lutter contre ce fléau absolument ignoble de la marchandisation de l'être humain par d'autres êtres humains. Cela rapporte autant que le trafic d'armes et que le trafic de drogue ! Nous avons donc, sur à peu près 10 000 personnes qu'on a pu identifier à Genève comme travaillant dans l'économie domestique, 5000 personnes identifiées comme pouvant légitimement demander un permis. Il y a toute cette frange, invisible, méconnue, qui fait que nous pourrions finalement nous rendre complices de cette traite des êtres humains. Nous ne pouvons pas l'accepter, bien évidemment !
En conclusion, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous demandons de bien vouloir renvoyer cette motion à la commission de l'économie, car il s'agit bien sûr de personnes, d'humains qui sont parfois exploités, souvent exploités, trop souvent exploités; mais il s'agit aussi de reconnaître leur importance pour l'économie genevoise et de relancer leur régularisation à Berne. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Présidence de M. Antoine Barde, président
M. Eric Stauffer (MCG). Monsieur le président, je souhaiterais, au nom du groupe MCG, que vous transmettiez à votre remplaçant qu'il peut garder pour lui les petites phrases désobligeantes, cela n'amène rien au débat; quand on veut faire de l'esprit, encore faut-il en avoir. Voilà ! (Protestations.)
Cela étant dit, nous allons parler de cette motion. Certes, elle part d'un bon sentiment, mais on a quelques autres problèmes à régler à Genève pour l'instant ! De plus, au MCG, nous sommes un peu effarés par ce texte, alors que vous avez refusé la priorité de l'emploi sans distinction de nationalité pour les résidents légaux de notre canton. Vous l'avez refusée parce que, mon Dieu, ce serait discriminatoire par rapport aux frontaliers ! J'ai même entendu l'ancien président du parti socialiste dire: «Mais nous, nous sommes pour l'égalité des chances !» Bien sûr ! Mais comme tout bon père de famille, d'abord on donne à manger à ses enfants et, s'il en reste, on partage volontiers avec ses voisins.
Il y a donc un souhait de légaliser les sans-papiers, ce serait évidemment une bonne chose, parce que c'est vrai que cette économie parallèle existe - c'est un fait, on ne peut pas le nier - mais cette motion ne sert pas à grand-chose, si ce n'est qu'elle invite le Conseil d'Etat à donner une réponse dans les six mois; elle ne manquerait pas, sans quelques garde-fous législatifs, de créer un appel d'air.
Enfin, ce qui nous alarme au MCG, c'est que ce parlement, à l'exception du Mouvement Citoyens Genevois, se prononce pour les frontaliers et pour légaliser les sans-papiers. Eh bien je vous le dis, Mesdames et Messieurs, chacun son job: nous, nous allons continuer à nous occuper des résidents légaux, pour leur assurer la meilleure qualité de vie, et nous espérons qu'ils seront au rendez-vous dimanche. Parce que finalement, à entendre tout ce qui se passe dans ce parlement quand on veut assurer plus de sécurité pour les Genevois et faire tourner les commerces genevois en augmentant les contrôles sur les marchandises - puisque la libre circulation des marchandises n'existe pas - et à entendre vos propos, en tout cas pour certains partis, franchement, au MCG, nous sommes très inquiets ! Mais nous commençons déjà le recrutement pour la campagne du Grand Conseil de 2018 parce que nous pensons que, de vingt députés...
Le président. Il vous reste quinze secondes.
M. Eric Stauffer. Je vais conclure. ...avec ce que vous êtes en train de faire et vos attitudes au fil des semaines, des mois et des années, nous risquons de battre le record absolu des députés à Genève. C'était vingt-huit pour le parti libéral...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Eric Stauffer. ...et je pense qu'on peut arriver à trente. Donc continuez ! Nous, on continuera...
Le président. Merci, Monsieur le député.
M. Eric Stauffer. ...à s'occuper des Genevois ! (Quelques applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, tout d'abord, je tiens à remercier au nom des Verts le groupe démocrate-chrétien d'avoir déposé cette motion fort importante. En effet... (Rire de M. Eric Stauffer.) «Hé hé hé !» Monsieur Stauffer ! (Le président agite la cloche.)
Le président. Monsieur Barrillier ! Monsieur Stauffer ! Ou Monsieur Pistis !
M. Eric Stauffer. Non, mais je trouve très intéressant, Monsieur le président, je comprends...
Le président. Très bien, mais je vous prie de bien vouloir écouter l'oratrice, s'il vous plaît. Poursuivez, Madame Forster Carbonnier.
Mme Sophie Forster Carbonnier. Merci, Monsieur le président. Comme je le disais, pour les Verts, il est important de mettre fin à une hypocrisie. Nous savons tous qu'il existe une population importante en nombre, qu'on estime à environ 7000 personnes, qui travaillent à Genève, qui vivent à Genève et qui, pour certains, paient des assurances et même parfois des impôts. Il y a donc ici des gens qui vivent, qui travaillent, qui sont intégrés, et la seule chose qui leur manque, c'est un statut légal qui atteste de leur existence. Sans ce statut, ces gens sont livrés à des dangers liés à l'exploitation de leur travail, comme l'a dit Mme von Arx-Vernon. Souvent, lorsqu'il s'agit de trouver une habitation, ils sont logés dans des conditions extrêmement précaires, à des prix exorbitants. Quand ils doivent se faire soigner, s'ils n'ont pas pu contracter une assurance-maladie faute d'argent, cela implique des coûts et des situations extrêmement traumatisantes pour ces personnes. Il faut souligner que notre économie a besoin de ces personnes, puisque si elles étaient invitées à quitter la Suisse ou Genève la semaine prochaine, bon nombre de femmes ne pourraient plus aller travailler et bon nombre de familles se retrouveraient à devoir s'occuper d'une personne âgée ou d'une personne handicapée. Ces individus remplissent un rôle très important pour la république !
Mais il est aussi important de savoir... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...qu'aujourd'hui, à Genève, on arrive parfois à une troisième génération de personnes sans papiers. Aujourd'hui, à Genève, des petits-enfants de sans-papiers naissent sur notre territoire ! Comment peut-on tolérer cela, Monsieur le président ? Prenez une mère qui arrive en Suisse, qui donne naissance à un enfant, et cet enfant a ensuite un enfant: trois générations de sans-papiers ! On voit, dans la situation absurde dans laquelle on vit, des enfants qui depuis deux générations n'ont connu qu'un seul pays, le nôtre, et à qui on refuse un statut légal ! Pour toutes ces raisons, le groupe des Verts était d'abord en faveur d'accepter cette motion sur le siège. Par esprit de compromis, nous accepterons le renvoi en commission, mais je vous invite véritablement à trouver une solution à cette situation indigne de notre canton. (Quelques applaudissements.)
Mme Simone de Montmollin (PLR). Mesdames et Messieurs, chers collègues, le PLR se joint aux groupes qui jugent insatisfaisante cette situation très fréquente dans le domaine de l'économie domestique. Situation insatisfaisante à plusieurs titres: premièrement, il y a plus de dix ans, le Conseil d'Etat de l'époque avait déjà jugé cette situation critique et interpellé les autorités fédérales, sans qu'aucune proposition ait pu trouver une issue favorable.
Insatisfaisante ensuite, parce que depuis dix ans, la situation ne s'est pas améliorée, qu'elle est appelée à perdurer, voire à empirer. En effet, la société évolue, ses besoins aussi, et force est de constater que les besoins des familles sont toujours plus nombreux, que les individus sont toujours plus désireux de pouvoir concilier vie professionnelle et vie familiale, et qu'ils doivent faire appel de manière régulière à des personnes extérieures à la famille pour les aider dans leurs tâches. Horaires irréguliers, activités professionnelles multiples menées de front avec d'autres engagements, notamment en faveur de la collectivité, obligation pour les deux parents de travailler: tous ces besoins induisent des réponses diversifiées que les seules structures d'accueil ou le soutien des proches ne peuvent combler.
Insatisfaisante enfin sur le plan humain et juridique, car dans la majorité des cas, ce sont des femmes qui viennent suppléer d'autres femmes pour que celles-ci puissent assumer leurs charges professionnelles et, avec cela, le développement harmonieux de leur famille. Si ces deux catégories de femmes contribuent à la prospérité de notre canton, la première est plongée dans une forme de précarité et la seconde en quelque sorte dans l'illégalité. Le PLR souhaite renvoyer cette motion en commission afin qu'elle puisse être étudiée à l'aune de chiffres actualisés. Tenons compte aussi du fait que Genève n'est pas isolée dans cette problématique, que c'est une problématique nationale et qu'il s'agit enfin de le reconnaître. (Applaudissements.)
Mme Christina Meissner (UDC). Le groupe PDC nous propose, dans une première invite, de régulariser les personnes sans statut légal, notamment dans l'économie domestique, et dans une deuxième invite, de ne pas pénaliser ceux qui jouent le jeu de payer les assurances sociales et qui remplissent leurs autres devoirs, à travers notamment ce qu'on appelle le chèque-emploi. Avec cela, au fond, le groupe PDC se tire une balle dans le pied, et tire une balle dans le pied de ceux qui jouent le jeu. Parce que vous savez très bien qu'en régularisant tout le monde, qu'ils aient joué le jeu ou pas, on crée tout simplement un appel d'air. Ceux qui ont joué le jeu, qui ont payé les assurances sociales, et il y en a, du côté des employeurs comme du côté des employés, se trouveraient pénalisés, étant traités comme ceux qui n'ont jamais rien payé ni tenté pour être en règle.
Oui, vous avez raison, c'est une thématique qui dure depuis plus d'une vingtaine d'années - même pas une dizaine d'années, mais carrément une vingtaine d'années; franchement, il aurait plutôt fallu sanctionner par un système qui consisterait à dire: «Attention, à partir de telle date, si vous n'avez pas joué le jeu du chèque-emploi, vous serez expulsé, on ne vous considérera plus.» Là, oui, ç'aurait été un système incitatif, pour que tout le monde joue le jeu, parce que le chèque-emploi, ça marche, et ça marche très bien ! Mais vous n'avez pas demandé cela ! Alors le groupe UDC est prêt à ce qu'il y ait un réexamen de la situation et de ces invites, pour voir dans quelle mesure on pourrait, d'une manière certaine, récompenser ceux qui jouent le jeu, et non pas tous, parce que vous savez très bien que l'appel d'air est infini et que ce n'est pas acceptable dans notre pays: il faut donner la priorité à ceux qui sont légaux, qui ne sont pas dans l'irrégularité. Nous sommes donc prêts à renvoyer ce texte en commission. (Quelques applaudissements.)
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, c'est quand même impressionnant de voir ce soir les femmes défendre une grande majorité de femmes sans statut qui travaillent dans l'économie domestique. A plusieurs reprises, ce parlement a parlé des femmes et des personnes sans statut légal à Genève. Depuis des années, le Conseil d'Etat a même entrepris des démarches à Berne. Il devient en effet urgent d'en parler: il y a eu la votation du 9 février et si rien ne se passe assez rapidement, tout le travail, toute la sensibilisation, tout ce qui a été fait par rapport aux personnes sans statut légal aura été vain. Même si en l'état actuel, les personnes sans statut légal ont déjà des droits comme l'AVS, l'assurance-accidents, l'assurance-maladie, un contrat type de travail pour les travailleurs et travailleuses de l'économie domestique à temps partiel ou complet, ce n'est pas souvent appliqué, ou en tout cas pas toujours. De par leur statut, on l'a dit, les personnes se trouvent dans des situations de fragilité vis-à-vis de l'employeur, car le risque de l'expulsion est un outil de pression maximale à l'égard des employés. Nous ne parlerons pas ici des conséquences en matière de formation pour les enfants de ces résidents: nous en avons souvent parlé.
Plus globalement, l'estimation selon laquelle 7000 personnes sans statut légal travaillent actuellement dans l'économie domestique montre que nous ne parlons pas juste de quelques cas isolés. La population résidente de Genève a besoin de ces personnes, on l'a dit, pour du baby-sitting, pour du ménage, et, de plus en plus, pour le maintien à domicile des personnes âgées ou handicapées. Vouloir régulariser ces travailleurs ne participe pas uniquement d'un sentiment de justice ou humanitaire, cela contribue à reconnaître le besoin économique de leur travail et à valoriser ce travail. Nous ne pouvons pas continuer à mettre ces gens sous le tapis pour ne pas les voir et espérer ainsi les faire disparaître, ou encore accepter que ces travailleurs n'aient pas droit à une place respectable dans notre communauté. Nous, socialistes, nous ne désirons pas nous voiler la face et c'est pour cela que nous voulions renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. Nous sommes d'accord de la renvoyer en commission pour étude afin qu'elle puisse en sortir assez rapidement et de manière positive.
Le président. Il vous reste trente secondes.
Mme Lydia Schneider Hausser. Je voudrais dire aussi que je trouve déplacée et surtout très regrettable l'intervention de M. Stauffer tout à l'heure, parce que ce n'est pas reconnaître tout ce que ces personnes amènent à la république que de les utiliser à des fins électorales durant cette séance. (Applaudissements.)
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, de quoi est-il question, en réalité ? Il est question d'économie, plus précisément d'économie parallèle, occulte. Or il s'agit bien d'une réalité incontournable. Ces gens sont ici et ils travaillent. Ils n'entrent pas en concurrence avec ce que vous appelez la population résidente - il est apparu au cours de ces débats que ces gens habitent à Genève depuis plusieurs décennies. Cela, c'est une réalité, et c'est une réalité incontournable. C'est pourquoi on ne pourra pas laisser M. Stauffer faire croire qu'il est le seul à s'occuper de la population résidente et que les autres partis de ce parlement s'occuperaient d'autres catégories de personnes, comme si notre principale mission n'était pas précisément de défendre la population genevoise dans sa composition la plus large, bénéficiant d'un statut légal ou non, et la notion de développement économique de ce canton au-delà des frontières, parce que la réalité économique de ce canton est justement au-delà des frontières !
Cela étant dit, pour revenir à cette motion, il nous paraît important de relever que depuis plusieurs décennies, ce problème a été signalé, et que le canton de Genève en a été conscient au point de s'engager lui-même pour la régularisation collective des personnes sans statut légal. Dix ans après, quoi de neuf ? Rien ! Quasiment rien ! Or on ne peut pas continuer à laisser perdurer cette situation, d'autant plus que non seulement elle est préjudiciable aux personnes elles-mêmes, mais parce qu'on développe des zones de non-droit indignes, indignes de ce canton, indignes de ce parlement. Par ailleurs, pour ceux qui veulent réfléchir en termes économiques, même de ce point de vue là, cela n'a aucun sens, puisque finalement, il y a une perte incommensurable, pour les assurances sociales ainsi que pour le fisc genevois. On nous a dit tout à l'heure que c'était se tirer une balle dans le pied, mais considérez que les personnes qui aspirent à une régularisation ne demandent peut-être rien d'autre que de pouvoir cotiser aux assurances sociales ou de payer des impôts ! Ce serait pour elles le viatique qui enfin leur garantit un statut légal ! C'est de cela qu'il s'agit. Et pour éviter le déni de droit que constitue cette situation, nous appelons à accepter cette motion.
Nous aussi, nous aurions souhaité qu'elle soit acceptée aujourd'hui sur le siège. Si un certain nombre de gens estiment qu'il faut y consacrer plus d'attention, nous ferons cette concession et accepterons le renvoi en commission, mais nous vous engageons véritablement à soutenir cette motion parce qu'elle relève simplement du respect des droits humains. Je vous remercie de votre attention. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Lionel Halpérin, à qui il reste quarante-cinq secondes.
M. Lionel Halpérin (PLR). Merci, Monsieur le président. Je serai bref. Je voulais d'abord montrer qu'il peut y avoir aussi des hommes qui appuient et qui soutiennent l'économie domestique, et pas uniquement des femmes. Je tenais à le dire. Nous sommes confrontés à un problème réel, qui a d'ailleurs été empoigné il y a un certain nombre d'années par une femme libérale, Martine Brunschwig Graf. Il convient de soutenir toute solution qui pourrait être apportée à cette problématique, parce qu'il n'est pas normal qu'autant de femmes, principalement, et des hommes aussi, se retrouvent en situation illégale dans le cadre de l'économie domestique, non pas parce que les employeurs le veulent, ni parce qu'elles le veulent elles-mêmes, mais parce que la situation fait qu'elles n'obtiennent pas les permis qu'il faudrait pour pouvoir exercer ces activités.
Le président. Il vous faut conclure.
M. Lionel Halpérin. Cela signifie qu'il faut travailler pour trouver des solutions. Le renvoi en commission permettra d'examiner un certain nombre de solutions, qui devront ensuite être débattues au niveau fédéral.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la députée Anne Marie von Arx-Vernon, à qui il reste deux minutes.
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Merci, Monsieur le président, je serai très brève, je n'aurai pas besoin de deux minutes. Je veux remercier les groupes qui ont accepté de renvoyer la motion à la commission de l'économie, où il y aura la possibilité de procéder à des démonstrations, par exemple pour éviter la crainte évoquée d'un appel d'air. Non, il n'y aura pas d'appel d'air, tout simplement parce que lorsqu'il y a saturation dans un domaine et que suffisamment de personnes peuvent remplir ces tâches - des personnes qui sont déjà là, parfois depuis trois générations, comme l'a dit ma collègue - il n'y a pas de risque d'appel d'air, parce qu'au bout d'un moment, il n'y a plus de travail pour d'autres. On pourra en faire la démonstration. On pourra aussi démontrer que soutenir ce type de motion et en dégager la régularisation de ces personnes qui travaillent déjà à Genève, c'est aussi un moyen de lutter contre le dumping salarial. Tout ce travail a donc son sens, et je vous remercie infiniment de renvoyer cette motion à la commission de l'économie.
M. Marc Falquet (UDC). Mesdames et Messieurs, je suis assez d'accord sur le fait qu'il faut étudier au cas par cas les conditions de ces gens, qui sont souvent là depuis des années, qui paient des impôts et qui se font exploiter, ou sont victimes d'usure dans des sous-locations, souvent par des gens de la même communauté qu'eux. (Brouhaha.) Mais le travail au noir est-il une nécessité ? Non ! Le travail au noir n'est pas une nécessité.
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Marc Falquet. De très nombreuses personnes qui ont des permis de séjour ne trouvent plus de travail dans l'économie domestique parce qu'ils sont concurrencés par des gens sans autorisation de séjour. Il ne faut pas l'oublier. Le travail au noir n'a aucune vertu...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Marc Falquet. ...et l'Etat doit absolument lutter contre, c'est indispensable.
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Le sujet traité dans cette motion est grave, il touche des personnes que nous côtoyons tous les jours, sans forcément nous en rendre compte. Certaines d'entre elles, on l'a dit, font partie de fait de notre communauté depuis des années, et nous avons une responsabilité vis-à-vis d'elles. J'ai entendu de ce côté-ci de l'hémicycle... (L'orateur désigne les bancs de droite.) ...des choses parfaitement fondées, réfléchies, sensées à divers titres; à commencer par celles qu'on vient d'entendre sur le travail au noir. Le travail au noir est un vrai problème, et le combattre aujourd'hui passe par une prise en compte de la réalité du phénomène décrit dans cette motion.
Puisque le renvoi en commission représente la proposition intelligente, le Conseil d'Etat unanime - ses sept membres, après avoir parlé à plusieurs reprises de cette thématique - souhaiterait que, de façon unanime, ce parlement renvoie sans préjugé cette motion en commission. De cette manière, nous pourrons vous expliquer notre point de vue, nous qui traitons cela quasiment au quotidien: je dépose personnellement chaque année environ 150 dossiers de demandes de régularisation. Il faut savoir que nous avons un taux d'acceptation de l'ordre de 80%, donc 120 dossiers par année, c'est un record en Suisse, mais c'est une goutte d'eau sur l'ensemble de ce que cela représente. Ainsi, nous aimerions pouvoir vous expliquer, vous montrer, vous parler de cette réalité, parce que ces gens, ils existent ! Ils ont une vie ici ! Certains d'entre eux - pas beaucoup, Dieu merci, mais chaque cas de ce type est un cas de trop - sont victimes de traite d'êtres humains. Je sais que vous y êtes sensibles. Je sais que, tous partis confondus, notamment à la commission des Droits de l'Homme, vous êtes capables d'en parler, et d'en parler posément, mais, précisément, hors de l'enceinte publique: en commission.
Alors l'appel que le Conseil d'Etat vous adresse ce soir, pour en avoir parlé, tous les sept, c'est de vous demander de renvoyer ce texte en commission, pour que l'on puisse détailler, expliquer la réalité de cette situation. Qu'on puisse, par exemple, sur la question des chèques-service, expliquer en quoi ce que vous décriviez n'est pas exact, et en quoi précisément les employeurs ont une responsabilité qu'ils aimeraient pouvoir prendre davantage - plus que les employés, qui sollicitent rarement, disons-le franchement, les chèques-service. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, nous vous invitons à faire corps pour renvoyer cette motion en commission, qu'on puisse vous décrire cette situation posément et qu'ensuite, vous puissiez juger ce qu'il faut nous demander de faire. Merci de votre attention.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Je fais voter l'assemblée sur le renvoi de cette motion à la commission de l'économie.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2192 à la commission de l'économie est adopté par 93 oui contre 1 non et 1 abstention.
Débat
Le président. Nous passons maintenant à la proposition de motion 2240. Nous sommes en catégorie II - trente minutes. Je passe la parole à l'auteur du texte, M. Jean-Marie Voumard.
M. Jean-Marie Voumard (MCG). Merci, Monsieur le président, ce sera vite présenté. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Le règlement actuel datant de 1942, il ne correspond plus à la réalité. Il y est fait mention, pour ceux qui viennent séjourner dans notre région, de cartes de camping qui n'existent plus; on utilise aujourd'hui des bulletins d'hôtels. On y parle de postes de gendarmerie qui n'existent plus à Hermance, à Plan-les-Ouates et à Vésenaz. Suite à cela, étant donné que nous allons vers les beaux jours et que l'été est bientôt là, je demande le renvoi au Conseil d'Etat pour qu'il adapte immédiatement ce règlement.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je vous fais voter maintenant sur cette proposition de motion.
Mise aux voix, la motion 2240 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 53 oui et 26 abstentions. (Commentaires pendant la procédure de vote.)
Le président. J'ai failli dire: «I have a dream !» Si toutes les motions pouvaient être traitées aussi rapidement, ce serait merveilleux !
Débat
Le président. Nous passons à la proposition de motion 2243. Nous sommes en catégorie II - trente minutes. Je passe la parole à son auteur, M. Raymond Wicky.
M. Raymond Wicky (PLR). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, cette proposition de motion fait suite à la résolution de mon collègue Stéphane Florey, qui demandait au canton de déposer une initiative cantonale en vue de l'obtention de la carte APG pour les sapeurs-pompiers volontaires. Nous avons traité cette résolution en plénière et l'avons refusée. J'avais annoncé à l'époque que je reviendrais certainement avec une motion, parce qu'il me semble important de s'attarder sur cette problématique. Comme j'ai eu l'opportunité de le dire déjà hier soir, depuis quelques années - et en ce moment, il y a des discussions à l'échelon communal pour renforcer encore cette pratique - les sapeurs-pompiers volontaires assurent maintenant des interventions de premier échelon tandis que les corps de sapeurs-pompiers professionnels de la Ville et de l'aéroport apportent l'assistance nécessaire en deuxième échelon. Ils sont donc autonomes.
En l'état actuel des choses, les membres de ces compagnies de sapeurs-pompiers volontaires sont dédommagés de zéro à 20 F de l'heure pour leur activité. C'est très divers et cela dépend des communes de notre canton, puisqu'il s'agit d'une compétence communale. En ce qui concerne les entreprises du Grand Genève - les services de l'administration, les TPG, l'hôpital ou les SIG, par exemple - il est à constater que les pratiques sur la manière de traiter ces sapeurs-pompiers volontaires peuvent varier de manière considérable: certaines entreprises sont très larges quant au fait, non pas de libérer ces gens sans compensation, mais de les libérer contre compensation, par rapport à d'autres qui ne les laissent plus participer à des interventions.
Vous me direz que ce n'est pas très grave la journée, puisque en principe le système de défense incendie est articulé sur le corps professionnel, mais il y a quand même des incidents. (Brouhaha.) Si je pouvais avoir juste un peu de silence, ce serait agréable; et de la part de mes collègues, ce serait sympa, merci ! Je disais qu'en journée, c'est essentiellement le corps professionnel qui assure le premier échelon, mais quand les sinistres sont importants, comme à Satigny il y a peu de temps, le corps professionnel est obligé de pouvoir disposer de sapeurs-pompiers volontaires, même pendant leur temps de travail. Si nous ne faisons rien dans ce sens, à terme il faudra s'attendre à devoir compenser ces problématiques d'effectifs par l'engagement de sapeurs-pompiers professionnels, ce qui implique des coûts fondamentalement différents. Il est donc nécessaire de pérenniser l'activité des sapeurs-pompiers volontaires et de faire en sorte qu'on ait une certaine équivalence de traitement; au moins dans le grand Etat, puisqu'on ne peut pas intervenir dans le secteur privé.
Je vous demande de bien vouloir entrer en matière pour cette motion et de la renvoyer à la commission des affaires communales, régionales et internationales pour examen des détails. Merci de votre attention.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, bien évidemment, les socialistes soutiennent les motionnaires et sont d'accord avec eux sur le fait que les actions des sapeurs-pompiers volontaires sont importantes dans le domaine de la défense incendie et de la protection de la population. Mais là où la droite exagère, ou en tout cas les signataires de cette motion, c'est qu'il est déjà demandé depuis des années au personnel du petit et du grand Etat de faire toujours plus avec moins, et voici que cette droite charge encore la barque ! Comment continuer à demander sans cesse des efforts aux employés de l'Etat sans contrepartie ? Comment autoriser des professionnels à quitter leur poste de travail alors que leur charge de travail est souvent à flux tendu, quand ils n'en sont pas déjà au service minimum pour assurer des prestations à la population ?
Dans les considérants de la motion, il est relevé que les institutions du grand Etat ont opté pour une «approche restrictive» en matière de libération des sapeurs-pompiers volontaires et qu'«une baisse de motivation au volontariat est à craindre». Mais bien évidemment ! Bien évidemment ! Comment voulez-vous qu'un ou une assistante sociale de l'Hospice ou un infirmier des HUG, par exemple, puisse vouloir prendre des heures sur son travail pour devenir sapeur-pompier volontaire alors qu'il a la même charge que ses collègues et n'est pas remplacé pendant son absence ? Qu'il puisse partir, c'est une chose; mais lui donner les heures, s'il doit accomplir le travail trois fois plus vite après, cela veut dire au fond qu'on accepte une baisse de qualité des prestations publiques. Il y a là un véritable problème.
Pour répondre à votre motion, je dirais donc que vous avez deux options. Soit vous acceptez de considérer qu'un certain nombre de fonctionnaires du petit et du grand Etat sont intéressés à rester ou à devenir pompiers volontaires, et dans ce cas, il faut donner un moyen aux services de pouvoir les libérer, c'est-à-dire de les remplacer spécifiquement pour cette activité, mais pas par des remplacements tels qu'ils se pratiquent actuellement; soit on ne le fait pas, et on accepte la réalité économique du marché dans la fonction publique.
En conclusion, nous n'allons pas nous prononcer contre un renvoi en commission, mais ce que vous avez fait figurer dans votre motion n'est pas suffisant pour que nous la renvoyions telle quelle au Conseil d'Etat. J'ajoute qu'on ne peut pas toujours faire plus avec moins, ou avec les mêmes moyens. Actuellement, vu les économies demandées à la fonction publique...
Le président. Il vous faut conclure.
Mme Lydia Schneider Hausser. ...par les budgets du Conseil d'Etat, on ne peut plus charger la barque. (Quelques applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Madame la députée, et je passe la parole à M. le député Jean-François Girardet.
Une voix. Ah !
M. Jean-François Girardet (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je ne sais pas si j'ai bien compris cette motion, mais je n'en ai pas la même lecture que celle que vient d'en proposer Mme Schneider Hausser. Le MCG encouragera le renvoi de cette motion à la commission des affaires communales, régionales et internationales, parce que nous estimons que, comme le texte nous y invite: «en particulier, à faire en sorte qu'elles permettent aux sapeurs-pompiers volontaires d'effectuer des interventions sur le terrain sans perdre leurs heures de travail»... C'est précisément le contraire de ce que vient d'affirmer Mme Schneider Hausser ! Nous allons étudier les tenants et aboutissants de cette motion, et nous la soutiendrons le cas échéant. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Stéphane Florey.
Une voix. Article 24 !
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Comme vous le savez tous, cela fait vingt-deux ans que je suis sapeur-pompier volontaire, et je ne peux qu'abonder dans le sens de mon collègue Raymond Wicky. J'aimerais par contre intervenir sur ce qu'a dit Mme Schneider Hausser. J'ai un peu honte d'avoir entendu ce que j'ai entendu: on ne peut pas comparer charge de travail et sécurité publique ! Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que les personnes concernées par cette motion travaillent pour le service public, car un pompier volontaire rend un service public. C'est du donnant-donnant: un service public pour un autre service public. Je ne comprends pas qu'on puisse comparer la charge de travail qui devrait éventuellement incomber à des collègues, quand on parle de la sécurité de nos concitoyens, par exemple s'agissant du récent incendie évoqué précédemment, dont les conséquences auraient pu être encore bien plus graves. Pour ces raisons, et même si nous aurions bien vu - en tout cas pour ma part - un renvoi direct au Conseil d'Etat, nous accepterons le renvoi en commission. Je vous remercie.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai signé cette motion parce que je l'avais comprise dans son sens le plus large. Mais à entendre Mme Schneider Hausser, je me rends compte qu'on peut effectivement la comprendre autrement, et je pense que sa remarque mérite toute votre attention. Un renvoi en commission serait d'autant plus opportun qu'il permettrait justement de préciser cet élément.
Dans la pratique, un certain nombre de gens peuvent avoir une obligation de se rendre à l'extérieur, parce qu'ils ont un mandat ou parce qu'ils sont engagés dans des activités de ce type. Ce dont il est question ici, c'est que ces gens ne perdent pas leurs heures de travail et qu'ils soient salariés pour cette période. C'est une chose. Mais si pendant leur absence leur travail s'est accumulé, et si lorsqu'ils retournent à leur poste, ils se retrouvent avec une charge de travail augmentée d'autant, vous admettrez que le gain est partiel ! Mme Schneider Hausser, si je l'ai bien comprise, veut justement faire prendre en compte cette préoccupation, qui n'est pas expressément précisée dans la motion. C'est pourquoi je vous invite à la renvoyer en commission, de sorte qu'il n'y ait plus aucune ambiguïté sur cette question. Je vous remercie de votre attention.
M. Yves de Matteis (Ve). Je serai très bref. Les Verts sont d'accord avec un certain nombre de considérants de cette proposition de motion, et le travail de commission permettra de vérifier si certains éléments présentés ici sont adéquats ou non. Pour cette raison, nous sommes en faveur du renvoi de cette motion à la commission des affaires communales, régionales et internationales du Grand Conseil. Je vous remercie, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, je vais vous faire voter sur le renvoi de cette proposition de motion à la commission des affaires communales, régionales et internationales.
Une voix. Tout ça pour ça !
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2243 à la commission des affaires communales, régionales et internationales est adopté par 65 oui (unanimité des votants).
Débat
Le président. Nous passons à la proposition de motion 2256, et je donne la parole à Mme Lydia Schneider Hausser.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Merci, Monsieur le président. Je n'ai pas besoin de rappeler l'épisode du franc fort en janvier: cette mesure prise au niveau national a des implications cantonales en matière d'économie. C'est vrai que toute l'économie n'est pas touchée d'emblée, malgré le fait que - on s'en rend compte dans les journaux et dans la pratique - de très nombreux secteurs prétextent ce franc fort pour faire pression, soit sur le personnel, soit sur les salaires. C'est là que le problème se pose par rapport à Genève: que se passe-t-il quand un épisode de cette ampleur arrive alors qu'il est relativement inattendu ? Quels sont les impacts sur le marché économique ? Comment le politique réagit-il, et en particulier le Conseil d'Etat ? Quelles sont les mesures à prendre ?
Cette motion demande que, lors d'un événement extraordinaire comme cette décision de la Banque nationale sur le franc fort, le Conseil d'Etat réalise une étude sur l'implication dudit événement dans l'économie. Par rapport au franc fort, la proposition de cette motion, c'est de créer un fonds qui soit rattaché d'une manière ou d'une autre au fonds d'aide aux entreprises, car on ne va pas réinventer la roue: ce fonds existe, on peut le diversifier et, en cas d'événement exceptionnel, en proposer une partie pour des entreprises véritablement touchées dans leur carnet de commandes, le temps d'adapter l'exploitation. C'est vrai que dans un premier temps, en janvier-février, tout de suite après l'événement, on se disait que les entreprises travaillant dans le secteur secondaire seraient les plus touchées, or il peut y en avoir d'autres. Dans ce cas de figure, une aide pour un temps limité - à voir quels critères seront définis - permettrait peut-être de passer ce cap et d'adapter les commandes et les marges possibles dans l'entreprise.
Mesdames et Messieurs, cette motion a pour objectif de pouvoir préserver des entreprises qui traversent un moment difficile, mais aussi les emplois, la qualité des emplois, les salaires, voire les employés, parce qu'un événement exceptionnel ne doit pas servir de raison pour renvoyer des employés, si cet événement ne touche pas l'entreprise. Il est important que le politique et en particulier le Conseil d'Etat ne se contentent pas de dire: «bon, voilà ce qui va se passer dans l'économie», mais puissent faire des suggestions, aider en cas de besoin, et dénoncer quand des choses inacceptables se passent.
Mme Magali Orsini (EAG). Le parti socialiste se lance avec cette motion dans une tirade de défense de certaines entreprises et «plus particulièrement des PME exportatrices» qui laisse un peu pantois les membres d'Ensemble à Gauche. Autant le dire tout de suite, nous n'avons pas vocation à nous joindre à un plaidoyer qui, sous couvert de se préoccuper d'emplois, pourrait être en vérité celui de la FER, d'economiesuisse ou de tout autre syndicat patronal.
Que les décisions de la BNS aient un impact sur le fonctionnement de l'économie libérale, nous n'en disconvenons pas. Nous dirions même que c'est justement son intention. Mais est-ce bien le rôle d'un parti qui se réclame de la gauche de joindre ses larmes à celles des sociétés exportatrices, par définition les plus puissantes et les mieux armées de notre pays: industrie pharmaceutique, horlogerie, luxe, secteurs bancaire et financier ? On n'a pas entendu beaucoup de gémissements quand cette même BNS décidait de bloquer les taux en septembre 2011, permettant aux mêmes entreprises d'augmenter leurs juteux profits. L'initiative était hasardeuse, et on savait qu'elle ne pourrait durer éternellement. Les entreprises bénéficiaires ont eu tout le loisir de constituer des réserves ad hoc pour les temps de vaches moins grasses. N'oublions pas non plus la baisse du prix de leurs achats de matières premières dans la zone euro. De plus, les coûts de production ont baissé de 1,5% dans l'industrie suisse.
On est libéral ou on ne l'est pas. La seule justification du profit capitaliste dans la théorie libérale, c'est le risque de l'entrepreneur. On ne peut être l'éternel gagnant d'un système où l'Etat n'interviendrait que dans le cas où certains entrepreneurs seraient pour une fois désavantagés par le système de libre concurrence, qu'ils défendent par ailleurs avec acharnement. D'ailleurs, selon BAK Basel, cité par «Le Temps» du 15 avril: «L'effet de change, à travers les gains de pouvoir d'achat, devrait être positif pour la consommation privée, malgré les achats des Suisses au-delà des frontières.» Entre le bien-être des consommateurs et celui des actionnaires, Ensemble à Gauche se permettra de choisir le premier.
De toute façon, que les initiants de cette motion se rassurent: à défaut de la création du fonds qu'ils imaginent, le Conseil d'Etat est en train de proposer à l'intention de ces mêmes sociétés une baisse de l'impôt cantonal sur le bénéfice de l'ordre de 50% ! Nous rappelons que ce ne sont pas...
Le président. Il vous reste trente secondes.
Mme Magali Orsini. ...les petites PME locales, très souvent en raison individuelle, qui profiteraient de ce cadeau, puisqu'il est réservé aux personnes morales, c'est-à-dire aux sociétés de capitaux. Pour cette raison évidente, Ensemble à Gauche n'entrera pas en matière sur cette motion.
M. Bernhard Riedweg (UDC). En 2008...
Le président. Pas de manifestation à la tribune, s'il vous plaît ! Merci.
M. Bernhard Riedweg. En 2008, le cours du franc suisse était de 1,64 F pour 1 euro. Depuis 2008, ce cours n'a pas cessé de baisser jusqu'en 2011, année au cours de laquelle la BNS a décidé de soutenir le franc suisse à 1,20 F pour 1 euro. Jusqu'au 15 janvier 2015, l'euro a donc perdu 26,8% par rapport à son cours de 2008. Soutenir le cours de 1,20 F pour 1 euro n'était pas possible à long terme pour la BNS, qui a vu son bilan gonfler sous l'effet des mesures qu'allait prendre la Banque centrale européenne pour relancer l'économie. Le risque de spéculation accrue sur le franc suisse n'a pas facilité la tâche de la Banque nationale. Certaines entreprises ont tiré les conséquences du taux de change flottant entre l'euro et le franc suisse en se restructurant pour améliorer leur compétitivité. Les cours de change suivent la loi de l'offre et de la demande, et reflètent l'évolution des marchés des pays avec lesquels la Suisse fait du commerce.
Le premier client de la Suisse est la zone euro, mais le second est constitué de tous les pays d'Amérique, d'Asie et du Moyen-Orient qui paient en dollars. Concernant le dollar, l'évolution du cours par rapport au franc suisse est plutôt rassurante: le billet vert a regagné 17% face au franc suisse depuis le 15 janvier 2015, ce qui soulage les exportateurs. Certaines entreprises exportatrices prennent des mesures en demandant à leurs collaborateurs d'augmenter les heures hebdomadaires de travail de 40 à 42 heures, voire 45 heures, en vue de ne pas devoir licencier suite à la levée du taux plancher. Cette mesure est acceptée par les membres du personnel de ces entreprises, qui comprennent les problèmes auxquels leurs employeurs doivent faire face. Les employés préfèrent ainsi assurer leur poste de travail au lieu de risquer d'être licenciés. Ces entreprises misent aussi sur le renforcement de l'innovation et la recherche de la productivité. L'Etat soutient et protège déjà les PME et PMI du canton de Genève à travers la Fondation d'aide aux entreprises, qui accorde des cautionnements solidaires et des prises de participation, et assure l'accompagnement et l'audit. La Fondetec, fondation soutenue par la Ville de Genève, propose également des soutiens financiers aux entreprises domiciliées sur son territoire.
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Bernhard Riedweg. Il n'est donc nullement besoin de créer un nouvel organisme se substituant aux deux fondations susmentionnées. Economiquement parlant, l'Etat ne doit pas changer la loi du marché, les entreprises les plus faibles devant céder le pas, comme l'ont fait les 1330 sociétés qui ont fait faillite dans le canton en 2013.
Le président. Il vous faut conclure.
M. Bernhard Riedweg. Je conclus. Nous vous demandons de ne pas entrer en matière sur cette motion. Merci, Monsieur le président.
M. Edouard Cuendet (PLR). Aujourd'hui est un grand jour: je suis d'accord avec l'introduction et la conclusion de Mme Orsini - si vous pouvez lui transmettre, Monsieur le président, c'est historique ! Cela étant, entre les deux, il y a quelques divergences. Je suis toujours frappé par l'énergie que le parti socialiste déploie pour nous faire croire qu'il s'intéresse au sort des entreprises et qu'il veut les protéger. Le nouveau coup d'éclat, c'est cette motion qui nous est soumise pour la création d'un fonds de soutien. Evidemment, on peut se réjouir du fait que le parti socialiste se préoccupe du sort des entreprises face à la force du franc ! C'est louable, et c'est tout à son honneur. En revanche, on peut se montrer plus sceptique sur le remède proposé: le parti socialiste - mais au fond il plonge là dans ses racines économiques - propose une politique industrielle, une politique structurelle, à travers la création d'un fonds dont l'argent devrait venir en premier lieu des bénéfices redistribués par la BNS, c'est-à-dire à peu près 38 millions pour 2015. C'est déjà absurde parce que de toute évidence, ce versement ponctuel doit nous servir à redresser nos finances cantonales et à rembourser la dette.
Mais ce qui est plus intéressant dans la solution proposée par le PS, c'est la vision d'avenir - parce que le PS se projette dans le futur, toujours ! C'est un parti de l'avenir ! Eh bien pour l'avenir, que nous propose-t-il ? D'alimenter ce fonds par une augmentation de l'imposition des personnes morales ! Eh oui: un centime additionnel sur les bénéfices des personnes morales. C'est simplement surréaliste ! C'est surréaliste, et cela montre que c'est une hypocrisie totale de la part de ce parti qui ne fait rien pour aider les entreprises. Il les aiderait bien plus en soutenant le projet de réforme de l'imposition des personnes morales, mené tambour battant par le Conseil d'Etat, qui vise à fixer à 13% un taux d'imposition unique pour les personnes morales. Ce taux à 13% constituerait un bol d'air bienvenu pour les PME locales, contrairement à ce fonds qui ne servirait à rien !
D'autre part, le PS serait aussi bien inspiré de ne pas soutenir l'impôt sur les successions, qui vise à ponctionner à hauteur de 20% les patrimoines à partir de 2 millions: la plupart des PME entrent dans ce créneau...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Edouard Cuendet. ...donc le PS veut aider les PME tout en ponctionnant 20% de la substance à travers un impôt sur les successions. Tout cela est grotesque ! Il est absolument inconcevable de créer un nouveau machin - ce fonds que nous propose le PS.
Le président. Il vous faut conclure.
M. Edouard Cuendet. Pour ces raisons, comme Ensemble à Gauche et avec Mme Orsini, je propose de ne pas entrer en matière sur cette motion.
M. Boris Calame (Ve). Monsieur le président, chers collègues - une fois, hein ! (Rires.) Cette motion n'est peut-être pas parfaite, mais elle nous semble tout de même intéressante: elle nous permettra de nous interroger davantage sur les conditions existantes ou à créer afin d'assurer un soutien spécifique aux entreprises dans des situations économiques particulières. La création d'un fonds est peut-être une solution. Le cas échéant, son financement devrait être précisé. Les travaux de commission permettront de faire un travail plus détaillé sur cette façon d'envisager la protection et le maintien de notre tissu économique en cas de crise. Les Verts soutiendront donc le renvoi de cette motion en commission. Je vous remercie.
Une voix. Yes ! (Rires.)
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, chers collègues, les conséquences du franc fort ne doivent pas être sous-estimées, et en cela, la présente motion provoque un débat qui est certainement salutaire, même s'il est peut-être un peu tardif et, en tout cas, peu efficace quant au résultat attendu.
Attardons-nous un peu sur les invites: on propose une étude détaillée de l'impact de l'évolution des taux de change. Cela représente une étude de plus et quelques mois supplémentaires, pour arriver à des conclusions qui sont certainement déjà connues ! On propose aussi la création d'une commission ad hoc tripartite. J'aimerais rappeler qu'une commission permanente tripartite - le Conseil de surveillance du marché de l'emploi - se réunit régulièrement avec l'Etat et les partenaires sociaux, et travaille sur ce genre de problèmes. Pourquoi ne pas faire confiance à cette commission et à vos délégués qui siègent au sein de ce conseil ? On propose enfin un fonds d'aide alimenté par les excédents de bénéfices de la BNS. Cela ne constitue pas une bonne solution, M. le député Cuendet l'a rappelé tout à l'heure. Comme lui, je m'insurgerais que l'on profite de cette motion pour imposer un nouveau centime additionnel aux mêmes entreprises que l'on veut aider ! De fait, je vois mal comment articuler les conclusions de cette motion.
Nos entreprises n'ont pas attendu cette motion pour réagir: les plus touchées d'entre elles ont eu recours au chômage partiel. Ce dernier a fortement augmenté en Suisse en mars par rapport au mois de février: 540 personnes de plus - cela démontre bien que l'employeur préfère avoir recours à cette forme de chômage pour maintenir des places et éviter des licenciements.
Mesdames et Messieurs, et en particulier la gauche de ce parlement, nos entreprises ont besoin de conditions-cadres suffisamment souples, elles ont besoin de moins d'administration tatillonne, elles ont besoin de moins de ces contraintes que certains d'entre vous tentent de leur imposer, session après session. Le groupe démocrate-chrétien vous invite donc à refuser cette motion.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, la proposition du parti socialiste peut paraître bonne, mais c'est en fait une fausse bonne idée. D'abord, je ne vois pas comment nous pourrions dégager des moyens pour créer un fonds afin d'aider les entreprises qui en auraient besoin: vu les comptes de l'Etat, cela paraît difficile ! Et surtout, la problématique est tout autre: avez-vous constaté à Genève, parmi celles qui pleurent, des entreprises qui sont véritablement en difficulté ? De fait, elles ont pleuré, c'était l'ambiance générale, mais aujourd'hui, au moment de l'annonce par la Banque nationale de la fin du taux plancher, le change est à 1,03 F environ, et on voit que pour la plus grande partie, les entreprises s'en sont sorties, peut-être parce qu'elles avaient fait des réserves pendant la période durant laquelle la Banque nationale avait soutenu le franc.
De plus, ce n'est pas par une aide directe que nous allons aider les entreprises. Pas du tout ! D'ailleurs - et je rejoins en cela mon préopinant du parti libéral - il va bientôt y avoir pour les entreprises locales une baisse d'impôt de plus de 10%. C'est presque 50% de réduction. Voilà qui va leur donner un bol d'air, pas la peine d'en rajouter !
Enfin, une anecdote comique: la première entreprise genevoise à se plaindre de problèmes liés au franc fort - et à vouloir payer les salaires en euros - a été une société importatrice de poulets depuis la France ! Elle n'était donc pas perdante, mais gagnante ! (Vifs commentaires.) Voilà qui est suspect: on ne va pas subventionner les poulets qui viennent de France, quand même ! Cette société y gagnait avec la baisse de l'euro, et c'était la première à crier et à vouloir payer les employés en euros !
En conclusion, Mesdames et Messieurs, c'est une mauvaise idée. Non seulement nous n'avons pas les fonds, mais en plus, une aide directe aux entreprises, c'est inapproprié ! Ce n'est pas de cette manière qu'il faut agir. Je vous invite à rejeter cette proposition de motion. (Exclamations.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Romain de Sainte Marie, à qui il reste deux minutes trente.
M. Romain de Sainte Marie (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, depuis le vote du 9 février sur l'initiative «Contre l'immigration de masse» et particulièrement en ce moment, les entreprises suisses et genevoises souffrent du franc fort. Pour répondre à M. Cuendet - vous transmettrez - oui, le parti socialiste, depuis fort longtemps, se préoccupe de l'économie du canton et de la santé des entreprises ! Et contrairement aux propos de M. le vice-président... J'ai un blanc... (Des députés soufflent à l'orateur le nom du vice-président.) Guinchard ! Pardon !
Le président. Jean-Marc !
M. Romain de Sainte Marie. Je m'excuse, Monsieur Guinchard, cher collègue, pour cet oubli. Contrairement à ce qu'il a dit, les solutions ne consistent pas à prendre des mesures sur le dos des salariés par des diminutions de salaires ou des augmentations du temps de travail. Non ! Bien au contraire: elles résident dans l'aide aux entreprises, aide qui passe par un soutien de l'Etat, et des solutions existent - elles sont d'ailleurs mentionnées dans les invites de cette motion - elles viendront notamment de la fiscalité et, pourquoi pas, d'un rehaussement du centime additionnel sur les personnes morales.
On a évoqué aussi la réforme de l'imposition des entreprises. A ce propos, faisons attention: une baisse d'impôt est en effet prévue pour les PME locales, qui ferait descendre le taux unique de 24% à on ne sait combien - 13% serait beaucoup trop bas - mais encore faut-il que ces entreprises soient bénéficiaires pour que cette baisse d'impôt représente réellement une plus-value. Or beaucoup ne le sont pas ! Ne dégageant pas de bénéfices, environ 30% des entreprises genevoises ne paient pas d'impôt et ne connaîtraient aucune différence suite à cette réforme de l'imposition des entreprises. D'autant que nous parlons ici d'exportation, mais si nous diminuons trop le taux unique d'imposition, par exemple à 13%, alors une grande partie des Genevois ne pourront simplement plus faire fonctionner l'économie locale par la consommation. La croissance du canton en prendrait un coup, puisque beaucoup de Genevois...
Le président. Il vous reste vingt-cinq secondes.
M. Romain de Sainte Marie. ...vivent dans la pauvreté et ont besoin d'aides de l'Etat. On sait que 40% des Genevois ne paient pas d'impôt. C'est malheureux de voir un état social aussi catastrophique à Genève ! C'est malheureux de voir qu'autant de personnes n'arrivent pas à vivre dignement et ne peuvent pas payer d'impôt...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Romain de Sainte Marie. ...parce qu'elles ne travaillent pas ou ne gagnent pas suffisamment d'argent ! Je vous remercie.
M. Boris Calame (Ve). Monsieur le président, j'aimerais juste annoncer que nous demandons le renvoi de cette motion à la commission de l'économie.
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. D'abord, je voudrais vous dire que le Conseil d'Etat est évidemment très attentif à l'évolution de la situation économique, et contrairement à ce qu'on a pu entendre tout à l'heure, un certain nombre d'entreprises souffrent, certaines branches en particulier: je veux mentionner l'industrie, essentiellement tournée vers l'exportation. Je veux mentionner, dans une moindre mesure, l'hôtellerie et le tourisme, même si c'est davantage l'hôtellerie et le tourisme saisonniers dans d'autres cantons tel le Valais qui sont touchés. C'est aussi le commerce, en particulier le commerce de détail: notre canton partageant plus de 100 kilomètres de frontière avec la France voisine - on le disait tout à l'heure à l'occasion d'un autre débat, au cours duquel nous parlions d'ailleurs du tourisme d'achat - le réflexe est tentant pour un certain nombre de Genevoises et de Genevois d'aller s'approvisionner au-delà des frontières.
Ces trois domaines souffrent particulièrement. C'est une réalité, et je remercie les motionnaires de mettre cette réalité sur la table, parce qu'elle pose question: l'écosystème économique genevois peut connaître des à-coups, mais c'est l'ensemble du dispositif qui est déséquilibré si certaines de nos branches souffrent, en particulier l'industrie et aussi - non que je veuille la citer spécifiquement, mais tout de même - la banque, qui est aussi une forme d'industrie d'exportation, ou en tout cas de service d'exportation. Tous ces domaines se tiennent dans notre système et donc cela pose un problème aujourd'hui.
Le PS nous propose des solutions. Sans caricaturer, le gouvernement ne peut s'empêcher un petit sourire en coin en prenant connaissance de la motion ! Solution n° 1: faire une étude. Solution n° 2: créer une commission. Solution n° 3: instituer un fonds, dont l'alimentation viendrait essentiellement d'une augmentation de la ponction fiscale. Moralité: premièrement, on se lance dans l'étude des chiffres. Franchement, c'est un peu tôt: il faut avoir un peu de recul pour que cela ait du sens, mais admettons. Deuxièmement, on crée une commission. M. Guinchard l'a dit: la commission existe déjà, et elle travaille ! Et, vous devez le savoir, les syndicats en sont parties prenantes: c'est le Conseil de surveillance du marché de l'emploi. Et troisièmement, on peut discuter sur l'idée d'un fonds, mais la solution proposée pour l'alimenter, Mesdames et Messieurs, c'est lancer une bouée et lester de plomb par la même occasion ceux que l'on veut sauver ! Voilà ce que fait le mécanisme proposé !
Le gouvernement tient à vous dire qu'il n'a pas attendu cette motion, même si je ne conteste pas la pertinence de ses postulats de base. Il a tablé en priorité sur le partenariat social. De quoi s'agit-il dans ce domaine ? Le partenariat social, M. Riedweg l'a dit tout à l'heure, ce n'est pas nécessairement aller demander à Berne l'autorisation de faire du chômage partiel: contrairement à ce que disait M. Guinchard, les entreprises n'ont pas été si nombreuses à demander cette solution. A Genève, nos industries et nos entreprises ont des carnets de commandes pleins. Elles doivent gagner en productivité et en compétitivité ! Grâce à ce partenariat social, on a eu la chance de voir des entreprises proposer à leurs employés d'augmenter leur temps de travail et passer de 40 à 42,5 ou 43 heures de travail par semaine, dans le cadre des conventions collectives de travail et pour une durée limitée, en maintenant le même salaire. Nous avons en outre accompagné le mouvement pour que ces augmentations de temps de travail soient compensées l'année prochaine en cas de retour de meilleures affaires, et cela fonctionne ! Le partenariat social, ce sont les discussions que nous menons en ce moment, avec en toile de fond l'initiative 155, pour assouplir les conditions-cadres dans le domaine du commerce - je veux parler des heures d'ouverture des magasins - pour tenter de régater avec des solutions plus souples par rapport à la capacité élargie que la loi Macron offre aux commerçants français d'ouvrir davantage.
En résumé, il faut d'abord jouer la carte du partenariat social, et ensuite, je vous rejoins en cela, aider ponctuellement certaines entreprises - qui ont une capacité de résistance, mais à long terme - à la faveur d'un fonds afin qu'elles puissent tenir durant cette période particulièrement difficile à cause des taux de change. Mais un tel fonds existe déjà: c'est la Fondation d'aide aux entreprises, dont nous pourrons, au besoin, assouplir les critères.
Mesdames et Messieurs, le gouvernement vous laisse juges du sort qu'il faut réserver à cette motion. Faut-il la rapporter à certaines entreprises ? On a parlé tout à l'heure d'une certaine société importatrice de poulets. Nous vous confirmons ici que nous tenons mordicus à la préférence nationale en la matière... (Exclamations. Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
M. Pierre Maudet. ...même si c'est de nature réglementaire. Mais pour nous, ce qui est important, c'est de laisser d'abord les partenaires sociaux agir avec pragmatisme et ensuite, subsidiairement, l'Etat peut accompagner ce mouvement. De cette manière, démonstration sera faite que notre économie est extraordinairement résiliente, car elle saura se relever de cet épisode difficile. Merci de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je vais vous faire voter d'abord sur le renvoi de cette proposition de motion à la commission de l'économie.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2256 à la commission de l'économie est rejeté par 58 non contre 25 oui.
Mise aux voix, la proposition de motion 2256 est rejetée par 50 non contre 14 oui et 5 abstentions. (Commentaires pendant la procédure de vote.)
Le président. Si vous n'avez rien entendu, ce n'est vraiment pas de ma faute !
Débat
Le président. Nous sommes au RD 1000-A, catégorie II - quarante minutes. Je passe la parole à M. Gabriel Barrillier.
M. Gabriel Barrillier (PLR), rapporteur de majorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, vu l'heure tardive, essayons de faire vite, si mon cher collègue est d'accord. (Commentaires.) Nous abordons ici un rapport tout à fait habituel sur la situation de l'aéroport de Genève-Cointrin pour l'année 2012. J'ai bien dit 2012 ! Il y a trois ans !
A l'époque, la commission de l'économie avait constaté la bonne santé de cet aéroport, et - je vais être bref, vu l'heure avancée - nous discutions alors sur fond d'un conflit social plus ou moins déclaré entre diverses entreprises de services. Les membres de la commission s'étaient mis d'accord pour estimer que, vu les conflits... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...il serait souhaitable de faire figurer dans les rapports futurs - c'est-à-dire pour 2013, 2014 et sans doute 2015 - un chapitre sur la situation sociale de l'aéroport. Et il me semble que nous étions tous d'accord pour accepter cette recommandation. Cependant, à la fin de la discussion, le collègue qui avait amené cette proposition sans rencontrer la majorité de la commission, et pourtant on en avait largement discuté, a estimé qu'il fallait proposer un rapport de minorité, d'où le traitement de ce rapport en plénière ce soir.
Au nom de la majorité d'alors, puisque, je le rappelle, il s'agit d'un rapport de 2012, et en vous invitant, chers collègues - je m'adresse aussi à mon vis-à-vis - à ne pas entrer dans une analyse, dans une polémique sans fin sur le développement de l'aéroport, je recommande à cette assemblée de prendre acte de ce rapport. Nous aurons l'occasion d'examiner ultérieurement les rapports de 2013, 2014 et 2015.
Pour terminer, Monsieur le président, je voudrais préciser que depuis lors, nous avons assisté à une pacification sociale à l'aéroport: des conventions collectives ont été trouvées pour les entreprises de services et des usages ont été définis par l'OCIRT. Actuellement - touchons du bois - cela fonctionne plutôt bien. En conclusion, chers collègues, je vous invite à prendre acte de ce rapport, en étant bien conscients du fait que nous aurons l'occasion de revenir sur l'évolution de l'aéroport dans les rapports futurs, ou à l'occasion d'autres propositions qui pourront être amenées en plénum. Je vous remercie.
M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, les rapports en question ont été déposés en janvier 2014 et on peut dire que depuis cette date, à l'instar de l'eau passée sous les ponts, un certain nombre d'avions ont décollé et atterri sur le site de l'aéroport. Il faut pourtant souligner une question majeure, relevée à la commission de l'économie, bien au-delà des bancs de l'Alternative. Elle porte sur le contenu du rapport d'activité du Conseil d'Etat, qui se contente, sur sept pages, de recopier des phrases tirées du rapport annuel d'activité de l'aéroport. Voyez-vous, il est normal que Genève Aéroport présente son rapport annuel en valorisant son action, son impact économique positif sur Genève, ce qui se fait de bien sur son site, le bon accueil réservé aux passagers et aux entreprises, etc. Mais en plus des aspects positifs qu'il doit certes mentionner, on peut attendre du rapport d'activités du Conseil d'Etat qu'il informe aussi notre Grand Conseil des problèmes qui peuvent survenir relativement à l'aéroport.
A la première page de mon rapport de minorité, j'évoque un vrai souci: dans le rapport annuel de l'aéroport, les questions de gestion du personnel sont situées après les questions de marketing et de gestion des déchets ! Comment pouvons-nous aujourd'hui, dans une entreprise qui appartient à la collectivité publique, reléguer la gestion du personnel après celle des déchets ? Mesdames et Messieurs les députés, c'est particulièrement choquant, et un de nos anciens collègues, pas un socialiste... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...avait dit considérer - c'est en page 34 - «que le rapport ici examiné montre tous les traits - certes justifiés en partie - d'une certaine forme d'autosatisfaction, mais pose alors la question de l'intérêt d'un tel rapport pour les autorités de tutelle». Il s'agit exactement de cela, et M. Barrillier l'a très bien résumé: on peut attendre des rapports émanant respectivement de l'aéroport et du Conseil d'Etat sur ce dernier, davantage d'informations, par exemple sur les nuisances sonores et les autres problèmes en lien avec les avions. Le Grand Conseil ne se prononce pas seulement sur les aspects positifs: il doit aussi être informé des aspects négatifs concernant l'aéroport, ne serait-ce que pour anticiper certaines difficultés.
Avec les socialistes, j'avais souhaité à l'époque que ce rapport soit renvoyé au Conseil d'Etat pour qu'il revoie sa copie. Plus d'une année plus tard, cela n'aurait pas de sens, et il faut dire que le Conseil d'Etat a déjà fait quelques efforts; on peut s'en féliciter et l'inciter à en faire davantage, en mentionnant également les difficultés qui se présentent sur le site de l'aéroport relativement à la gestion du personnel, aux entreprises ou aux nuisances sonores, parce que les problèmes sont loin d'être réglés ! (Quelques applaudissements.)
M. Boris Calame (Ve). Je rejoins mon préopinant: nous aimerions bien recevoir un rapport écrit par le Conseil d'Etat sur le fonctionnement de Genève Aéroport, plutôt qu'un rapport d'autosatisfaction écrit par sa direction et simplement signé par le Conseil d'Etat. Il nous semblerait normal que le Conseil d'Etat prenne un peu de recul pour traiter de la réalité économique et sociale de l'aéroport, et c'est aussi valable pour les autres établissements autonomes. L'aéroport de Genève, ce ne sont pas seulement des commerces, des parkings, un nombre de mouvements en augmentation ou encore une touche environnementale: ce sont d'abord ses 850 collaborateurs et collaboratrices internes, mais aussi les 9500 employés des entreprises présentes sur le site et concessionnaires de Genève Aéroport. Ces entreprises disposent d'avantages liés aux concessions qui leur sont octroyées, elles doivent donc aussi répondre à des exigences sociales minimales qui puissent garantir à leurs employés d'accéder à des conditions de vie acceptables. Cela ne semblant pas être toujours le cas, nous invitons le Conseil d'Etat à compléter ce rapport et les suivants par un volet social élargi aux entreprises concessionnaires et aux autres locataires du site aéroportuaire. Dans l'immédiat, le groupe des Verts, malgré le décalage temporel, demande le renvoi au Conseil d'Etat. Je vous remercie.
M. Bernhard Riedweg (UDC). Que doit l'économie genevoise à l'aéroport de Genève ? Ce sont 13,9 millions de passagers en 2012, 15 millions actuellement. En 2012, c'étaient 814 collaborateurs à plein-temps, soit une hausse de plus de cent collaborateurs par rapport à 2008 actifs pour l'AIG et 9500 employés travaillant pour 200 sociétés actives sur le site de Cointrin. L'exercice 2012 date de plus d'un an, mais il est néanmoins très intéressant pour l'Etat qui a reçu 50% du bénéfice net, soit 33 millions. L'aéroport a une rentabilité nette de 18,2%, ce qui est remarquable ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.) La moitié du chiffre d'affaires de 364 millions est réalisée par les boutiques et les parkings. Les investissements en 2012 se sont élevés à 100 millions, dont 6 millions dévolus à la protection de l'environnement et à l'installation de 280 panneaux solaires et thermiques.
Jusqu'ici, plus de 2800 logements ont été insonorisés en Suisse aux frais de l'aéroport, pour un coût total de 41 millions. (Brouhaha.) En France, 837 logements ont bénéficié des mesures d'insonorisation. (Le président agite la cloche.) Treize oppositions sont à signaler dans le cadre de la construction d'une nouvelle aile est... (Brouhaha.)
Le président. Mesdames et Messieurs, est-ce que je peux vous demander un peu de silence ? Merci. (Exclamations. Rires.)
M. Bernhard Riedweg. Ce bâtiment permettrait à l'aéroport d'augmenter l'accueil des passagers qui alimentent l'économie genevoise et le grand Genève. Il ne faut pas oublier que notre aéroport est en concurrence avec ceux de Lyon et de Kloten, d'où une certaine pression exercée par des entreprises concessionnaires qui, elles-mêmes, dépendent des exigences des 54 compagnies d'aviation qui négocient les prix de leurs services. (Brouhaha.) Le personnel de l'aéroport n'est pas exposé au dumping salarial, et toutes les concessions accordées par l'AIG imposent que les mandataires respectent une convention collective de travail.
Le président. Il vous reste trente secondes.
Des voix. Ah !
M. Bernhard Riedweg. Oui, Monsieur. L'aéroport ne s'immisce pas dans ces négociations, mais intervient comme facteur de modération pour faire respecter la réglementation applicable aux travailleurs et dans le cadre des contrats de concession qui ont pour objectif de prévenir la sous-enchère salariale dans le catering, le tri des bagages et le traitement des passagers au sol. Notre groupe vous demande de prendre acte de ce rapport. (Applaudissements. Exclamations.)
M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. J'aimerais inviter le préopinant UDC à quitter le rapport d'activité et Internet où il a trouvé ces chiffres absolument passionnants pour aller se balader à l'aéroport même. Qu'il aille voir les employés des entreprises et leurs conditions de travail, et nous en rediscuterons après !
Le président. Je vous remercie, Monsieur le rapporteur. La parole n'étant plus demandée, nous passons à la procédure de vote. Le renvoi au Conseil d'Etat ayant été demandé, je vais vous faire voter sur la prise d'acte. Si vous prenez acte du rapport, il en sera... pris acte. (Rires. Interpellé, le président discute hors micro avec les membres du Bureau.) Voici en fait ce qui va se passer: vous allez voter sur le renvoi au Conseil d'Etat. Si le renvoi au Conseil d'Etat est refusé, il sera pris acte de ce rapport.
Mis aux voix, le renvoi du rapport de commission RD 1000-A au Conseil d'Etat est rejeté par 50 non contre 29 oui et 1 abstention.
Le Grand Conseil prend donc acte du rapport de commission RD 1000-A.
Le président. Mesdames et Messieurs, je regrette que nous ne puissions pas traiter le dernier point ! (Exclamations. Rires.) Je vous souhaite une bonne soirée, un bon week-end et vous donne rendez-vous le mois prochain.
La séance est levée à 23h.