Séance du
jeudi 16 avril 2015 à
17h
1re
législature -
2e
année -
4e
session -
23e
séance
PL 11320-A
Premier débat
Le président. Pour le PL 11320-A, je passe la parole au rapporteur de majorité, M. Jean-Marc Guinchard.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le projet de loi que nous allons examiner maintenant a été traité par la commission de l'économie, présidée par M. le député Roger Deneys, à l'occasion de tout ou partie de cinq de ses séances, puisque nous avons traité en parallèle non seulement ce projet de loi, mais également la pétition 1885 que nous avons renvoyée au Conseil d'Etat lors d'une précédente session de ce Grand Conseil, si vous vous le rappelez.
De quoi s'agit-il ? Depuis 2009, puis en 2013, des normes internationales ayant été posées par l'Organisation de l'aviation civile internationale, puis reprises par le Conseil fédéral et déclarées de force obligatoire par l'Office fédéral de l'aviation civile - l'OFAC - certaines dispositions de sécurité ont été introduites, applicables non seulement aux avions gros-porteurs, mais également aux moyens-porteurs, en particulier dès 2013. Il s'agit de normes de sécurité plus sévères, notamment quant aux distances à respecter entre des avions commerciaux et des avions de tourisme. Les uns, comme chacun le sait, sont plus importants et à réaction et les autres plus légers; les premiers provoquent des turbulences dites de sillage qui représentent un danger assez important pour le petit avion qui se trouverait trop proche de la limite de sécurité. En conséquence, les activités de l'aviation de tourisme, et en particulier de l'aviation d'école, sont mises en péril, d'où ce projet de loi qui vous est proposé ce soir et qui inscrit dans les missions de l'aéroport, en plus de celles qui sont déjà mentionnées, celle de la formation de pilotes.
Nous avons procédé à un certain nombre d'auditions, dont celles des responsables de l'Aéroclub et d'une partie des auteurs de la pétition 1885. Ces auditions ont bien montré la gravité du problème posé, notamment à l'école d'aviation de Genève, et, surtout, le manque de solutions alternatives, en particulier pour un aéroport qui n'est pas très étendu. Nous avons procédé également aux auditions des responsables de Skyguide et de l'Office fédéral de l'aviation civile, qui ont confirmé à l'ensemble des députés - ils ont en tout cas convaincu la majorité de la commission - que des normes de sécurité internationales étaient reprises par le droit fédéral, que ces normes étaient dès lors obligatoires et qu'elles ne sauraient faire l'objet d'arrangements ou de manoeuvres dilatoires, la sécurité collective prenant le pas, bien entendu, sur les intérêts particuliers.
Parallèlement aux travaux de la commission, deux recours au Tribunal fédéral ont été déposés, tous deux sèchement rejetés, notamment car, je cite le Tribunal fédéral, «l'intérêt revêtu par les activités des recourants ne saurait primer sur des dispositions sécuritaires internationales reprises telles quelles par le Conseil fédéral».
Conclusions auxquelles la majorité de la commission est arrivée et qui relèvent des débats qui ont eu lieu, ces normes internationales sont impératives, deux recours ont été rejetés par le Tribunal fédéral, il n'y a donc pas d'autres solutions; on ne peut s'empêcher de soupçonner les auteurs du projet de loi de vouloir plutôt bloquer le développement de notre aéroport alors qu'ils mettent en avant les intérêts de l'école d'aviation. Je vous remercie.
M. Bernhard Riedweg (UDC), rapporteur de minorité. L'Aéroclub de Genève, qui regroupe environ quatre cents membres, forme chaque année en moyenne une vingtaine de pilotes d'avions à moteur brevetés tant pour la théorie que pour la pratique. Ceux-ci poursuivent cette activité en tant que pilotes privés dans le cadre de leurs loisirs. Depuis 1926, l'Aéroclub cohabite avec l'Aéroport international de Genève, et cela à leur satisfaction mutuelle. Avec le temps, la modernisation et la mondialisation que connaît le secteur de l'aviation civile, il est évident que l'aviation dite légère de l'Aéroclub est devenue un passe-temps folklorique. Mais pas si folklorique que cela, puisqu'un certain nombre de pilotes brevetés à l'Aéroclub de Genève ont poursuivi leur formation, ont fait de l'aviation leur métier à part entière et sont devenus pilotes de ligne. Les pilotes militaires suivent la même filière en commençant au bas de l'échelle qu'est l'aviation légère, tout comme les pilotes d'hélicoptère, les contrôleurs aériens et les mécaniciens sur avions, entre autres.
Depuis maintenant 88 ans, il n'y a pas eu d'accident sur la plateforme de l'Aéroport international de Genève en raison de la présence de l'Aéroclub et de son aviation légère au contact de l'aviation commerciale, qui connaît année après année un essor économique réjouissant. Il est évident que l'Office fédéral de l'aviation civile cherche à se couvrir en réactivant une norme de sécurité désuète et non appliquée, au cas où un accident grave dû à l'aviation légère à moteur surviendrait lors de ces prochaines années. En cela, cette organisation faîtière internationale peut compter sur la collaboration du Tribunal fédéral. L'Aéroport international de Genève ne devrait pas avoir besoin de l'emplacement de la piste en herbe qu'utilise l'aviation dite légère avant 2020.
Il est possible que prochainement, un radar construit par une société française de renom et permettant d'évacuer les risques liés aux tourbillons de sillage puisse satisfaire aux exigences de sécurité entre les décollages et les atterrissages des avions de ligne et ceux de l'Aéroclub, ce qui pourrait lever certaines restrictions d'autorisations de vol actuellement en vigueur.
Le déplacement de l'Aéroclub de Genève sur les aérodromes voisins tels que Prangins, Lausanne-Blécherette ou Annemasse, ou la construction d'un aérodrome régional pour les cours se heurtent à de fortes résistances de la part des riverains. Un simulateur de vol, qui est un entraînement virtuel, ne peut être utilisé que pour la formation des pilotes de ligne mais n'est pas autorisé pour les pilotes privés, qui doivent passer en majeure partie par un apprentissage sur l'avion en faisant des tours de piste. La présence de l'aviation légère sur le site de l'aéroport est vivement souhaitée par la population, puisque la pétition 1885, déposée le 8 novembre 2013 et demandant que l'école de pilotage en matière d'aviation légère soit maintenue à l'aéroport, a été signée par 3044 personnes. En outre, le maintien de l'Aéroclub sur son site actuel n'a jamais empêché l'aéroport de se développer, lui qui achemine actuellement plus de 15 millions de passagers par année avec 189 000 mouvements annuels. Si ce projet de loi devait être refusé, cela pourrait coïncider avec l'arrêt à courte échéance des activités de proximité de l'Aéroclub de Genève. Par conséquent, nous vous demandons de bien vouloir accepter d'entrer en matière sur ce projet de loi, ce dont vous remercient tous les pilotes privés chevronnés. Merci, Monsieur le président.
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je dois être un des rares députés parmi les cent à être titulaire d'un brevet de pilote privé. (Un député se manifeste, puis un deuxième.) Nous sommes trois, très bien. J'ai bien dit: «un des rares», et effectivement, trois sur cent, c'est rare ! (Commentaires.) Je suis titulaire d'une licence de pilote privé d'avion depuis 1995. J'ai été titulaire d'une licence de pilote suisse et, depuis l'entrée en vigueur des réformes JAR, je suis titulaire d'une licence de pilote européenne, puisque...
M. François Longchamp. Française !
M. Eric Stauffer. Oui, sur la base d'une licence française, absolument, Monsieur Longchamp. ...puisqu'il n'y a plus aujourd'hui de différence dans le domaine de l'aviation aux niveaux européen et suisse: nous sommes intégrés à l'Europe, en tout cas dans ce domaine. De surcroît, je suis membre du conseil d'administration de l'aéroport. Alors mes propos vont peut-être vous surprendre, mais je suis contre ce projet de loi: je m'oppose au maintien de l'Aéroclub international de Genève sur le site de l'aéroport, et je vais vous expliquer pourquoi. Certes, Monsieur le rapporteur de minorité, vous l'avez dit, il n'y a pas eu d'accident sur l'aéroport à cause de l'aviation dite légère, notamment au décollage, et c'est vrai. En revanche, vous auriez dû demander la liste des incidents causés par l'aviation légère qui n'ont pas porté à conséquence, mais qui auraient pu le faire. Et là, je peux vous dire que vous allez prendre peur ! Nous sommes passés plusieurs fois à deux doigts d'une catastrophe, et c'est un vrai problème. De ce fait, bien que pilote de ce type d'aéronef et ancien membre de l'Aéroclub de Genève, je me refuse à prendre ce risque pour la population genevoise.
De plus, à Genève, nous sommes un peu des enfants gâtés. Pourquoi ? Parce que dans n'importe quelle capitale ou grande ville, il y a des écoles pour apprendre à piloter un avion; mais faire trente kilomètres ou dix kilomètres pour atteindre un aérodrome et y suivre sa formation, ce n'est pas un problème en soi. On ne demande pas aux futurs pilotes ou à ceux qui ont cette vocation d'aller à Zurich pour faire leurs cours: on leur demande d'aller à Prangins - c'est à moins de trente kilomètres - ou à la Blécherette; et ceux qui sont pour la région peuvent aller à Annemasse. Vous voyez que... (Remarque.) J'ai passé ma licence en France, je le dis, bien sûr ! (Exclamations.) Et j'ai passé ma licence en Suisse et aux Etats-Unis. J'ai été titulaire de trois licences différentes. Il ne m'en reste plus que deux: l'européenne et l'américaine. Ceci étant dit, il n'y a pas de problème à ce niveau-là. Faire ces quelques kilomètres de plus pour réaliser sa passion ou sa future vocation professionnelle, ce n'est pas un problème en soi.
Ce que je vous demande, c'est de voter de manière responsable et de ne pas accepter ce projet de loi qui pourrait perturber l'aéroport. Je vous rappelle que la liste des incidents est extrêmement longue et qu'en conséquence, notre responsabilité est de suivre les injonctions fédérales en matière de sécurité aérienne qui tendent à délocaliser l'Aéroclub et l'école du site de l'AIG.
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, le problème principal de ce projet de loi vient de sa rédaction. Je reviendrai tout à l'heure sur le sujet de fond qui concerne l'Aéroclub. Dès la première phrase du rapport de minorité de M. Riedweg, nous nous trouvons face au problème. Je cite: «Le projet de loi a pour but d'inscrire formellement, à l'article 2, la mission de formation des pilotes dans la loi.» Je vous relis la proposition de ce projet de loi, qui se trouve à l'article 2, alinéa 2: «Dans toute son activité» - et on ajoute: «y compris celle de la formation de pilotes» - «qui doit concourir au développement de la vie économique, sociale et culturelle» - on parle de l'aéroport ! - «l'établissement tient compte des intérêts généraux du pays, du canton et de la région qu'il dessert, ainsi que des objectifs de la protection de l'environnement.» Eh bien venir me dire que rajouter le membre de phrase «y compris celle de la formation des pilotes» vient inscrire la mission de former des pilotes à l'aéroport ou par l'aéroport... Mesdames et Messieurs les députés, on n'y atteint pas du tout ! Non, parce qu'il s'agit ici de la loi sur l'aéroport, et on ne permet pas du tout de former des pilotes avec ce projet de loi. Si vous aviez voulu inscrire la mission de former des pilotes, il aurait fallu rédiger un article qui dise: «L'Aéroport international de Genève doit avoir une école de formation des pilotes», or ce n'est pas ce qui est écrit dans ce projet de loi. Mesdames et Messieurs les députés, pour cette simple raison, ce projet de loi n'atteint pas son objectif, et j'avais cru comprendre à un moment - j'avais une lueur d'espoir - que l'UDC allait retirer ce texte parce qu'elle s'était rendu compte qu'il n'atteignait pas son but !
Ensuite, nous nous trouvons face à d'autres questions: celle de l'Aéroclub et celle, plus générale et qui tient à coeur aux socialistes, de la formation en lien avec le domaine de l'aéroport et des activités aéronautiques. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons la chance d'avoir un aéroport comme celui de Genève, international, il doit y avoir aussi des formations en lien avec le domaine aéronautique: c'est extrêmement intéressant au niveau économique, et c'est bien mieux que d'aller chercher des personnes ailleurs quand on pourrait les former à Genève. Des gens sont passionnés par le domaine de l'aviation, c'est l'opportunité d'offrir des formations de pointe et nous devrions l'encourager. Si la formation de pilote ne peut pas s'effectuer sur le site de l'aéroport pour des questions de sécurité, qui sont évidemment primordiales et principales, alors il faut proposer cette formation ailleurs; mais nous, les socialistes, nous sommes attachés à la mission de formation dans le domaine de l'aéronautique en lien avec les activités sur le site de l'aéroport, et pour cette raison nous sommes très embarrassés avec ce projet de loi car il n'atteint pas son but, comme je l'ai dit. Alors, en signe de bonne volonté, disons, une partie d'entre nous va s'abstenir, mais sur le fond, il faut refuser ce projet de loi, parce que tel qu'il est libellé, il n'atteint pas du tout l'objectif d'encourager la mission de formation de pilotes.
Enfin, si c'est pour sauver l'Aéroclub, il faut également être plus explicite, dire «il faut maintenir un aéroclub sur le site de Genève Aéroport» et parler des choses clairement, ce qui n'est pas le cas dans ce projet de loi. Je vous invite donc à le refuser et je rends ce Grand Conseil attentif à la nécessité de maintenir des activités de formation sur le site aéroportuaire, car c'est important pour l'économie genevoise.
M. Jacques Béné (PLR). Le PLR est un peu embêté, parce que le soutien à l'Aéroclub paraît évident, mais ce projet de loi laisse penser que nous pourrions aller à l'encontre d'une décision du Tribunal fédéral. Mesdames et Messieurs, cela n'est pas le cas ! C'est un leurre de penser qu'avec le vote de ce projet de loi, nous pourrions aller contre la décision du Tribunal fédéral. L'Aéroclub a connu en 1998 une première dérogation; il sait que les nouvelles normes sont entrées en vigueur en 2007, et qu'en 2008, l'office fédéral a mis en place une procédure en vue d'ordonner la mise en conformité de plusieurs aérodromes en Suisse, dont l'aéroport de Genève. Je crois que c'est assez clair, Mesdames et Messieurs ! Dans l'arrêt du Tribunal fédéral, il est mentionné: «Il convient de rappeler que les intérêts en jeu sont, d'une part, la garantie de la sécurité aérienne sur un aéroport international, la mesure imposée étant par ailleurs apte et nécessaire à atteindre cet objectif [...] et, d'autre part, l'intérêt privé des recourants à pouvoir continuer à exercer leurs activités aéronautiques sur la piste en herbe et sur l'héliport à la même intensité que par le passé.» Cela n'est de toute façon pas possible, c'est ce que le Tribunal fédéral a décidé, nous ne pouvons qu'en prendre acte - avec regret, c'est une évidence, avec beaucoup de regrets - mais si aujourd'hui le choix doit se faire entre l'Aéroclub ou l'aéroport, nous sommes malheureusement obligés de choisir l'aéroport ! L'Aéroclub n'aura malheureusement aucune chance face aux intérêts du canton à conserver son aéroport à l'emplacement actuel.
J'espère qu'il y aura d'autres solutions. Nous espérons tous que l'Aéroclub pourra continuer à survivre, peut-être avec une réorganisation - on a vu que financièrement, c'était aussi très difficile pour eux de pouvoir continuer dans les conditions actuelles - mais la sécurité aérienne, si les normes internationales sont celles d'aujourd'hui, ne pourrait être mise en cause par un projet de loi tel que vous le proposez. C'est un leurre de penser que nous allons pouvoir modifier la situation actuelle avec ce projet de loi et, malheureusement, le PLR vous recommande de le refuser.
M. Patrick Lussi (UDC). Monsieur le président, vous m'excuserez de prendre la parole: je comptais m'abstenir, mais après M. Stauffer, qui est aussi administrateur et qui se vante de ses qualités de pilote, permettez-moi de vous présenter mon curriculum. Brevet de pilote privé en 1969 à Prangins, brevet de pilote professionnel et qualification IFR de pilotage aux instruments à Genève, à l'école des Ailes. Fort de cela, je m'autorise à prendre la parole et je n'irai pas du tout dans le sens de M. Stauffer. Pourquoi ? Oh, certes: quand on veut tuer son chien, on dit qu'il a la rage ! Monsieur Béné, le Tribunal fédéral n'a pas dit dans son arrêté qu'il interdisait de vol l'aviation légère. Il a simplement dit qu'il fallait respecter des normes, et je suis entièrement d'accord avec cela: il faut les respecter car il y a des dangers.
Quel est le but de ce projet de loi ? M. Deneys dit qu'il n'atteint pas son but, évidemment. Pour atteindre l'objectif, aurait-il fallu une loi comprenant tout un règlement d'application ? Non, ce n'est pas notre but. Notre but, c'est d'inscrire dans les intérêts généraux de Genève que la formation aéronautique - et le rapporteur de minorité a bien spécifié tout le spectre de la formation aéronautique - puisse continuer à Genève. Ce qui est mis entre parenthèses ces temps et qui est critiqué - et je le conçois, mais des solutions sont possibles - c'est de faire des tours de pistes, c'est de faire de la petite aviation légère autour de la piste en herbe avec le trafic. D'autres solutions pourront être trouvées, mais il faut quand même, Mesdames et Messieurs les députés - vous me direz que c'est l'Union démocratique du centre ou un de ses représentants qui parle - en ces jours où chacun veut une formation de base, où chacun dit que nous devons avoir des écoles performantes et des étudiants méritants... Pour finir, à continuer comme ceci... Je rappelle, pour ceux qui ont les statistiques des accidents, que les pilotes impliqués dans un des accidents les plus graves - un accident de Crossair à Zurich - n'étaient pas issus du sérail helvétique, tant militaire que privé, pour leur formation. Je ne critique pas, mais je dis simplement, Mesdames et Messieurs, que nous devons aussi avoir la rigueur, comme députés, de tout mettre en place !
Alors ce projet de loi ne dit pas qu'il va falloir continuer à opérer à l'Aéroclub comme nous le faisions auparavant. Le projet de loi dit - c'est dans les buts généraux - que la formation doit aussi faire partie intégrante d'une place d'aviation internationale. Les modalités seront réglées en fonction de cela. Non, Mesdames et Messieurs les députés, et non, Mesdames et Messieurs de la presse: pour l'Union démocratique du centre, nous ne faisons pas fausse route, nous tapons juste ! Simplement, c'est vous qui ne voulez pas et on ne sait pas très bien pourquoi. Peut-être préférez-vous que la formation se fasse ailleurs, ou engager à vil prix ? Vous vous battez tous contre le dumping salarial, et nos pilotes viennent d'ailleurs ! Mesdames et messieurs, l'Union démocratique du centre vous enjoint d'accepter ce projet de loi. (Quelques applaudissements.)
M. Boris Calame (Ve). Monsieur le président, chères et chers collègues, je ne suis pas pilote, je vous rassure. (Exclamations.) On dit que Genève est un pôle d'excellence, notamment en matière de formation. On dit de Genève que c'est la plus petite ville internationale. On dit que Genève est interconnectée avec le monde. On dit aussi de Genève Aéroport qu'il est indispensable à la vie économique de Genève. On le sait: pour qu'il y ait des avions qui volent, il faut des pilotes. Pour avoir des pilotes, il faut aussi, bien évidemment, avoir des lieux de formation car les simulateurs de vol ne sont pas suffisants. On sait aussi que bon nombre de pilotes de ligne d'origine genevoise ont été formés, depuis 1926, au sein de l'Aéroclub de Genève, et c'est bien de cela qu'il s'agit. Il faut décider aujourd'hui si Genève veut continuer à former de ses citoyennes et citoyens comme pilotes, ou renoncer à cette formation et importer des pilotes venant d'ailleurs. Vouloir renoncer à cette formation à Genève, c'est perdre des compétences locales inestimables qui se sont constituées depuis près de cent ans autour de l'activité aéroportuaire et de sa piste en gazon. Sans le développement, l'expérience et la passion de formateurs et élèves de notre école de pilotage, bon nombre de pilotes genevois ne le seraient tout simplement pas. Ne nous trompons pas de débat: hors les passions liées au développement et à la limitation de la capacité de l'aéroport de Genève, il nous semble indispensable de maintenir une formation et des compétences locales au service de l'économie et de l'activité aéronautique.
Chères et chers collègues, nous devons répondre ici, simplement, à la question de savoir si nous souhaitons, ou pas, maintenir la seule structure de formation que nous avons en matière de pilotage, soit l'Aéroclub de Genève. Les Verts sont attachés à la diversité de l'économie, attachés à la formation initiale et continue dans tous les domaines d'activité, attachés encore au maintien des nombreuses compétences locales, ce d'autant plus quand elles sont indispensables au fonctionnement global de Genève. Nous soutiendrons donc ce projet de modification de la loi sur l'Aéroport international de Genève. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la députée Christina Meissner pour une minute.
Mme Christina Meissner (UDC). Merci, Monsieur le président. Je me permets de prendre la parole sur ce projet de loi que j'ai déposé avec mon groupe. Je vous le rappelle, tout ce qui est demandé, c'est d'inscrire à l'article 2, dans les missions de l'aéroport, missions qui, pour l'instant, sont ainsi décrites: «Dans son activité, qui doit concourir au développement de la vie économique, sociale et culturelle, l'établissement tient compte des intérêts généraux du pays, du canton et de la région qu'il dessert, ainsi que des objectifs de la protection de l'environnement», c'est donc d'ajouter le principe de formation des pilotes. Pour nous, il est important que dans son contexte d'activité - parce que l'aéroport est une entreprise - comme toute entreprise, non seulement...
Le président. Il vous reste quinze secondes.
Mme Christina Meissner. ...il accueille les passagers et les avions, mais aussi assure la formation des pilotes...
Le président. Il vous faut conclure.
Mme Christina Meissner. ...qui font voler ces avions et transportent ces passagers. Ainsi, au même titre qu'il n'est pas acceptable que la formation...
Le président. Je vous remercie, Madame la députée.
Mme Christina Meissner. ...des infirmières se fasse ailleurs et soit assumée par d'autres, il est pour nous inacceptable...
Le président. C'est terminé.
Mme Christina Meissner. ...que l'aéroport fasse de même avec la formation des pilotes.
M. François Longchamp, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, en l'absence de M. Maudet, mais en ma qualité d'ancien président de l'aéroport, j'aimerais peut-être résumer la situation. Tout d'abord, l'Aéroport international de Genève a pris pendant de nombreuses années des risques que l'on peut aisément qualifier d'inconsidérés, en faisant cohabiter deux types de trafics avec une distance de 260 mètres entre deux pistes, alors même que les normes internationales prévoient 750 mètres de distance entre deux pistes pour deux atterrissages parallèles. C'était un risque majeur, qui faisait l'objet d'une dérogation exceptionnelle de l'Office fédéral de l'aviation civile; cette dérogation a été suspendue et l'aéroport a pris la seule et unique décision logique: privilégier le trafic de ligne au trafic de l'aviation légère.
J'ai entendu quelques éléments sur les questions de formation. J'ai entendu deux pilotes s'exprimer, pour dire d'ailleurs des choses différentes. Je dirais au pilote Eric Sierra, Tango, Alfa, Uniform, Fox, Fox, Echo, Romeo et au pilote Patrick Lima, Uniform, Sierra, Sierra, India... (Rires.) ...que le pilote premièrement cité a assurément raison - il ne l'a pas dit, mais il aurait pu le dire: on ne forme pas des pilotes de ligne à l'Aéroclub de Genève, on forme des pilotes d'aviation légère. C'est une activité intéressante, qui permet ensuite à certaines personnes d'étendre leurs compétences et d'obtenir un brevet de pilote professionnel pour piloter des avions de ligne. Mais nous ne parlons pas d'une école qui serait à même de former des gens capables immédiatement ensuite de piloter les avions dont vous parliez, Monsieur Lussi, et dont vous déploriez les accidents.
Je vous invite donc au nom du Conseil d'Etat à refuser ce projet de loi, à considérer que l'aéroport de Genève a une mission principale importante, celle de desservir la région genevoise avec des vols de ligne ouverts à tous, et que très subsidiairement, il peut, lorsque des «slots» le permettent et lorsque le temps le permet, laisser l'aviation légère fonctionner. Mais n'inversons pas la logique et ne donnons pas à la seconde la priorité sur la première.
Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Je fais voter l'assemblée sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 11320 est rejeté en premier débat par 58 non contre 19 oui et 9 abstentions.