Séance du
jeudi 19 février 2015 à
17h
1re
législature -
2e
année -
2e
session -
9e
séance
PL 11266-A
Premier débat
Le président. Nous abordons maintenant le PL 11266-A en catégorie II, trente minutes, et je donne la parole à M. le rapporteur Patrick Saudan.
M. Patrick Saudan (PLR), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi de nos collègues de l'UDC demande que les élèves de la scolarité obligatoire aillent à l'école la tête nue et avec une tenue vestimentaire correcte, propre et décente. Il n'a pas suscité un enthousiasme débordant de la part des autres membres de la commission de l'enseignement, et je vais vous expliquer pourquoi. D'après les initiants, l'objectif de ce projet de loi est double: il s'agit d'abord d'éteindre de manière anticipée un incendie qui n'a pas encore éclaté mais serait déclenché par le dépôt d'un projet de loi interdisant des signes religieux ostentatoires tels que le niqab ou la burqa, et ensuite d'obtenir des élèves une tenue vestimentaire correcte, propre et décente. Ce projet de loi a suscité la réserve de tous les groupes pour plusieurs raisons.
La première, c'est que sous couvert d'une certaine neutralité, ce projet de loi stigmatise clairement et explicitement deux à trois groupes religieux spécifiques. La seconde, c'est que le département nous a rappelé le règlement du DIP concernant la tenue des élèves, lequel exige seulement que la tenue soit adaptée à la vie scolaire et est donc beaucoup plus souple. Il nous a surtout rappelé ce qu'on appelle la doctrine Brunschwig Graf, en vigueur depuis le milieu des années 90, qui a donné toute satisfaction. Cette doctrine de l'ancienne conseillère d'Etat est assez simple: elle demande une application stricte de la neutralité aux enseignants, qui ne doivent jamais montrer de signes religieux ostentatoires et observer une neutralité implacable à ce niveau-là, mais témoigne d'une certaine tolérance par rapport aux élèves en leur demandant simplement d'avoir le visage découvert et de suivre obligatoirement tous les cours. Il faut savoir qu'à Genève, il n'y a pas eu de cas avéré, il n'y a donc pas d'urgence à légiférer sur cette problématique. (Exclamations.) L'amalgame, dans ce projet de loi, entre la tenue décente et le port de signes religieux en a perturbé plus d'un. Si vous prenez par exemple l'exposé des motifs, on associe quasiment les détenteurs de sweat-shirts à capuche à des pseudo-délinquants - j'ai d'ailleurs appris en lisant ce projet de loi que j'avais deux délinquants à la maison !
Le président. Il vous faut conclure.
M. Patrick Saudan. De plus, si ce projet de loi devait être accepté, le remède serait pire encore que le mal. En effet, il pourrait alors pousser certains élèves à fréquenter des écoles privées, ce qui entrerait en conflit avec le devoir d'obligation scolaire et nous poserait le problème de devoir éventuellement subventionner ces écoles privées. Enfin, ce projet de loi est apparu totalement inapplicable à moins de transformer tous les enseignants en pandores. C'est pour toutes ces raisons que la quasi-unanimité des groupes présents en commission, hormis l'UDC, vous recommande de ne pas entrer en matière sur ce projet de loi. Je vous remercie.
M. Olivier Baud (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi est d'une aberration et d'une hypocrisie totales, et il faut le rejeter. D'ailleurs, si on suivait la logique de l'UDC, il ne faudrait pas du tout le voter puisqu'il modifie la LIP et qu'on est justement en train de l'étudier en commission - ça, c'est juste pour montrer la contradiction du groupe UDC ! Ce projet de loi est inique et inapplicable. Si on le prend un tout petit peu au sérieux et qu'on s'y attarde deux secondes, on constate d'ailleurs que les initiants reconnaissent, dans l'exposé des motifs, que l'école primaire a actuellement tous les moyens à disposition, grâce aux règlements, pour faire respecter une tenue vestimentaire correcte chez les élèves. Cela existe déjà ! Les enseignants ne sont pas du tout démunis, il n'y a aucune raison de les infantiliser.
L'intention est donc ailleurs, et les initiants de ce projet de loi se trompent complètement. Afin de s'attaquer au port du foulard, ils prétendent que le foulard masquerait le visage. Tout l'exposé des motifs porte là-dessus, sur le fait que des élèves pourraient masquer leur visage. Honnêtement, on n'a jamais vu des élèves qui seraient masqués et des enseignants qui ne pourraient pas agir parce qu'ils ne les reconnaîtraient pas ! C'est absolument surréaliste et pas très honnête, comme projet de loi. Mesdames et Messieurs, à Ensemble à Gauche, nous refuserons d'entrer en matière et nous vous invitons toutes et tous à faire de même.
M. Jean-Charles Rielle (S). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, il nous a été rappelé en commission que les règlements actuels permettent déjà, par leur formulation, de faire face à toutes les situations liées à la question des tenues vestimentaires, tant à l'école primaire qu'au cycle d'orientation. Les dérives ou excès chez certains élèves sont facilement réglés par les autorités scolaires, notamment grâce à la mention d'une tenue adaptée à la vie scolaire. En ce qui concerne le port du foulard, cette question a été traitée dès 1995, comme cela a été relevé par l'excellent rapporteur, au travers d'une position très claire de la cheffe du département de l'époque, Mme Martine Brunschwig Graf, position qui a d'ailleurs été partagée par l'ensemble des cantons romands. Les principes réaffirmés à cette occasion sont ceux de la laïcité et de la neutralité de l'instruction publique, qui ne doit délivrer aucun message de faveur ou de stigmatisation d'aucune nature. Si les enseignants sont pour leur part tenus à une stricte application de ce principe, les élèves bénéficient quant à eux d'une certaine tolérance susceptible de prédominer sur l'application pure et dure du principe de laïcité.
Comme l'a rappelé l'ancien conseiller d'Etat Charles Beer en commission, ce débat s'est développé en Suisse en réaction à une jurisprudence du Tribunal fédéral indiquant au canton de Thurgovie qu'il n'avait pas la possibilité d'émettre une interdiction sans disposer au préalable d'une base légale applicable. De là, certains cantons imaginèrent - à tort - une obligation imposée à tous par le Tribunal fédéral de se doter d'une base légale. Cette interprétation est hasardeuse car à Genève, la situation est parfaitement limpide et n'a nécessité aucune clarification depuis plus de quinze ans. Le département n'a connu aucun fait divers en la matière, ni dû répondre à aucune demande, plainte, querelle ou dénonciation par rapport à ce domaine et à sa régulation actuelle. Cela indique par ailleurs qu'il n'existe aucun élément probant qui imposerait la clarification voulue par les auteurs.
Trois dérapages sont à éviter par rapport au projet de loi qui vous est proposé ici. Tout d'abord, l'exposé des motifs confond allégrement deux cibles, la première décrite comme la volonté d'interdire les sweat-shirts à capuche dans les établissements, alors que cette interdiction est déjà en vigueur, la seconde mentionnant le voile comme élément susceptible de masquer le visage, ce qui est parfaitement faux puisqu'il s'agit en réalité de se couvrir la tête. Voilà pour le premier dérapage. Le second dérapage porte sur la notion d'oppression en relation avec le pays d'origine, alors qu'il existe à Genève et en Suisse de nombreux musulmans de deuxième ou troisième génération dont l'origine est parfaitement helvétique et qui bénéficient à ce titre et de manière tout à fait légitime...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Jean-Charles Rielle. ...de la liberté confessionnelle. Enfin, les initiants commettent un troisième dérapage dans l'exposé des motifs en ayant recours à une notion de conflit entre les moeurs judéo-chrétiennes et les pratiques d'autres religions, introduisant clairement un élément inacceptable de discrimination. Pour ces raisons, on peut conclure que ce projet de loi ne relève d'aucun besoin objectif et, pire encore, va créer du désordre là où la situation est stable. Comme une large majorité de la commission de l'enseignement, qui a jugé négativement le but et l'esprit du PL 11266-A, le parti socialiste vous recommande de refuser l'entrée en matière.
M. Stéphane Florey (UDC). Monsieur le président, vous transmettrez ceci à mon collègue Baud, qui m'a ôté les mots de la bouche: j'allais justement vous proposer, à la fin de mon intervention, de renvoyer ce projet de loi en commission. Mais avant cela, je dirai deux choses. Tout d'abord, notre projet de loi se voulait une proposition assez pragmatique pour trouver une solution à un problème. Le plus surprenant, c'est qu'à la suite de nos travaux, pas plus tard qu'une quinzaine de jours suivant le vote de ce projet de loi, est sorti dans la «Tribune de Genève» un article sur une décision de justice prise, sauf erreur, dans le canton d'Argovie: le tribunal a retiré la garde d'une fille à sa mère qui en avait la charge, justement parce que cette dernière l'obligeait à porter un niqab en toute circonstance. La fille, bien évidemment, ne voulait pas porter le niqab, elle en avait simplement l'obligation. Le tribunal a jugé qu'il y avait maltraitance, et c'est pour cette raison que les parents se sont vu retirer la garde.
Alors d'accord, M. Beer est venu en commission et nous a dit que pour sa part, il n'avait heureusement pas eu à traiter ce genre de cas. Or c'est justement le but de ce projet de loi, à savoir se prémunir avant que ça n'arrive ! Parce qu'il faut bien vous dire une chose, c'est que cette problématique arrivera à Genève un jour ou l'autre; tôt ou tard, il faudra légiférer sur ce sujet pour éviter tout problème. Quand on vient me dire qu'il n'y a jamais eu de dénonciation...! Dites-vous bien une chose, c'est qu'il a fallu insister un peu pour que la pauvre élève en Argovie crache le morceau. Evidemment, elle a eu peur des représailles de la part de son beau-père, puisque c'est en fait lui qui imposait à la mère d'imposer à la fille de porter le niqab: il était d'origine musulmane et la mère, s'étant mariée avec lui, a suivi, obligeant cette pauvre fille à porter le niqab. Si nous voulons nous prémunir ne serait-ce que d'un cas pareil...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Stéphane Florey. ...il faudrait évidemment voter ce projet de loi. Mais, comme je l'ai dit au début, je vous demande de renvoyer ce projet de loi en commission pour que nous puissions tenir le débat dans le cadre de la révision complète de la LIP. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Le rapporteur et le Conseil d'Etat peuvent s'exprimer sur la demande de renvoi. Monsieur le rapporteur ?
M. Patrick Saudan (PLR), rapporteur. Oui, Monsieur le président, je pense que mon rapport est assez explicite: nous avons largement débattu de cette problématique, il n'y a donc aucune raison de renvoyer ce projet de loi à la commission de l'enseignement.
Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Le renvoi en commission est totalement inutile puisque nous sommes de toute façon déjà en train d'y discuter de la loi sur l'instruction publique. Le député Florey, membre de cette commission, aura tout le loisir de proposer un amendement s'il le souhaite - ce qu'il a d'ailleurs fait et qui a déjà été réglé.
Le président. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat, et prie l'assemblée de bien vouloir s'exprimer sur la demande de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11266 à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport est rejeté par 66 non contre 15 oui.
Le président. Nous poursuivons le débat. Madame la députée Béatrice Hirsch, vous avez la parole.
Mme Béatrice Hirsch (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il ne faut pas se leurrer: ce projet de loi, sous couvert de parler de tenue vestimentaire, a principalement pour but d'interdire le port du voile à l'école. Il a déjà été relevé quelques contrevérités mentionnées dans l'exposé des motifs, par exemple le fait de se masquer le visage, ce qui est interdit. Le but est donc uniquement de répondre à une peur de l'UDC, et non pas de donner une solution à un problème; le problème, pour l'instant, n'existe pas. Et même si M. Florey pense que le problème va exister un jour, que nous propose ce projet de loi pour y répondre ? D'interdire le port du foulard. Il faut juste imaginer une chose: si on a envie de proposer aux jeunes filles qui portent le foulard à l'école aujourd'hui - sans qu'elles représentent un problème pour ces mêmes écoles - nos valeurs et une intégration digne de ce nom, alors il faut les laisser porter leur foulard, les laisser s'intégrer, les laisser être éduquées par notre système; et un jour, elles auront le choix. Si certaines, comme le disait M. Florey, sont forcées de porter le niqab à l'école, ce qu'il y a de sûr, c'est que ce n'est pas en leur interdisant de venir dans nos écoles qu'on les aidera. Il vaut mieux de pas légiférer sur un non-problème plutôt que de légiférer et de causer un problème. Pour cette raison, le parti démocrate-chrétien vous encourage à refuser ce projet de loi. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
Mme Nathalie Fontanet (PLR). Le groupe PLR a été assez surpris de recevoir ce projet de loi en commission, tout d'abord parce que c'est effectivement un texte extrêmement hypocrite qui, sous couvert de très bonnes intentions comme de vouloir nous protéger de la tenue incorrecte de certains voyous, vise en réalité les signes distinctifs religieux. Je crois qu'en politique, il faut avoir le courage de ses opinions, être en mesure de les afficher haut et fort et appeler un chat un chat, et nous aurions préféré nous trouver avec un projet de loi qui indiquait véritablement ce qu'il visait. Nous étions déjà passablement énervés sur ce point. Ensuite, il faut le rappeler, la situation ne pose absolument aucun problème aujourd'hui. L'ensemble des règlements scolaires permet d'organiser des conditions de tenue correcte, et ce projet de loi n'aurait finalement eu pour effet que de stigmatiser certains enfants qui n'auraient pu continuer... (Brouhaha. Le président agite la cloche. Mme Salika Wenger relève son col sur sa tête.)
Le président. Madame Wenger, je vous prie de vous découvrir.
Mme Salika Wenger. Ah, parce que ce n'est pas permis ici ?
Le président. Non, ce n'est pas permis ici. Madame Fontanet, vous pouvez poursuivre.
Mme Nathalie Fontanet. Je vous remercie. Cela n'aurait eu pour effet que de stigmatiser certains enfants, probablement de les empêcher d'assister aux cours et surtout de mettre en péril la liberté religieuse qui, aujourd'hui, est de mise à Genève. Nous n'avons pas de problème entre les différentes religions, nous n'en avons pas dans les écoles ni dans la rue, il y a un dialogue qui existe et qui s'est construit au fil des années, et ce projet de loi risque de mettre cela en péril. De plus, comme cela a été rappelé, le principe de la laïcité est parfaitement respecté, à savoir l'interdiction pour les enseignants de porter tout signe religieux distinctif et une certaine tolérance pour les élèves, éléments qui, malgré certains rires que j'entends dans mon dos, ne remettent absolument pas en question ce principe; au contraire, ils sont conformes à la tolérance que veut appliquer le canton de Genève sur le fait de savoir vivre ensemble, de respecter certaines différences et de ne pas mettre en péril l'éducation de nos enfants. Pour ces raisons, Monsieur le président, le PLR vous enjoint très vivement de refuser ce projet de loi. (Quelques applaudissements.)
Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Le groupe MCG vous encourage également à ne pas voter ce projet de loi pour l'ensemble des raisons déjà mentionnées, que je ne répéterai pas, excepté pour renforcer le fait que l'exposé des motifs me paraît absolument contestable. A Genève, nous connaissons une situation de dialogue, il y a une très grande ouverture d'esprit et si un problème se pose, existe toujours la possibilité d'utiliser la médiation. Ce projet de loi ne va pas réussir à imposer complètement un mode culturel à une population. Notre population est multiculturelle. A partir du moment où ce qui a été... (Commentaires. L'oratrice s'interrompt.) Nous vivons dans une société multiculturelle, avec des cultures très différentes; même si nous sommes un pays laïc, nous vivons, comme le disait Mme Fontanet, dans le respect des différentes religions... (Remarque.) Je vous demande de vous taire pendant que je parle, Madame la députée, ce serait très agréable ! Remettez votre capuchon, ce sera très bien ! A part ça, je voulais dire que des dérapages de ce genre peuvent être fréquents, et c'est une raison de plus qui nous motive à contrer ce projet de loi. Quant à le renvoyer à la commission de l'enseignement...! On en a déjà débattu, ça ne sert à rien de sauter par la fenêtre et de vouloir rentrer par la petite porte.
S'agissant de l'exposé des motifs, je trouve que la limite avec certains dérapages est extrêmement ténue, et je soupçonne ce projet de loi d'avoir des intentions différentes de ce qu'il prétend. Si on avait proposé un uniforme pour tout le monde, par exemple, eh bien tous les élèves scolarisés à Genève seraient pareils. Pourquoi pas ? On peut l'imaginer. Mais puisque telle n'est pas la question, je voudrais ajouter que ce n'est pas encore la loi qui dit aux parents de regarder comment leurs enfants s'habillent. Pour moi, la tenue des enfants, c'était plutôt la longueur de la mini-jupe, le décolleté plongeant ou le string qu'on voit dépasser du jean. Il y a une notion de respect qui devrait être préconisée dans les écoles, et je proposais d'ailleurs à certaines écoles d'installer un miroir à l'entrée: les élèves se verraient dans la glace en arrivant et devraient se demander la chose suivante: est-ce que je respecte mes collègues ?
Le président. Merci, Madame la députée. Je salue à la tribune un groupe de l'Université ouvrière de Genève accompagné de M. Jacques Bastianelli, professeur en histoire et civisme, et de M. Claude Gerber, responsable de formation, qui vient nous rendre visite dans le cadre d'un cours sur le système politique. (Applaudissements.) La parole est à M. le député Jean-Michel Bugnion.
M. Jean-Michel Bugnion (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je ne vais pas revenir sur les avis de mes préopinants de la commission - excepté ceux de l'UDC - puisque je les partage pleinement; ils les ont exprimés mieux que je ne saurais le faire. Je voudrais juste m'arrêter sur deux points concernant ce projet de loi. Tout d'abord, l'amalgame entre le foulard - tête couverte - et la capuche: sémantiquement, c'est intéressant parce que la capuche représente le stigmate de la petite racaille. Dire que les capuches avancent masquées signifie que l'islam avance masqué. Il y a là un rapprochement qui est à condamner parce que c'est irrespectueux d'une religion. Le deuxième élément sur lequel je voulais revenir concerne le passage de l'exposé des motifs où l'on nous dit qu'il s'agit de prévenir un incendie sur le terrain confessionnel. A l'évidence, il s'agit plutôt de le déclencher ! Ce projet de loi est tout simplement à jeter à la poubelle.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Rappaz, vous avez dix secondes.
M. Henry Rappaz. Dix secondes ? Dans ce cas je renonce, Monsieur le président.
Le président. Très bien, alors je passe la parole à M. Patrick Lussi pour dix secondes également.
M. Patrick Lussi (UDC). Merci, Monsieur le président. Je souhaite qu'on compare l'hypocrisie de l'UDC à celle de la communauté juive, qui vient d'exprimer dans la presse ses inquiétudes face à ce qui se passe. Pensons aussi aux dix-sept victimes massacrées par des gens encapuchonnés !
Le président. Il vous faut conclure.
M. Patrick Lussi. Et j'espère, Monsieur, que vos fils n'y étaient pas !
Le président. Merci, Monsieur le député. Madame Magnin, vous avez dix secondes pour vous exprimer, et je vous prie de vous découvrir quand vous prenez la parole.
Mme Danièle Magnin (MCG). Mais pourquoi ? Si ce n'est pas permis à l'école, ce n'est pas permis chez nous ! Je veux bien l'enlever, mais c'est un carré Hermès ! Alors on peut le laisser faire par d'autres, mais pas par les enfants ? On a besoin d'une base légale, Monsieur le président !
Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à Mme la députée Nathalie Fontanet pour trente-cinq secondes.
Mme Nathalie Fontanet (PLR). Merci, Monsieur le président. Simplement, je ne souhaite pas que l'on puisse ici détourner les inquiétudes de la communauté juive comme se rapportant au monde musulman. Comme je l'ai dit, il existe une paix religieuse à Genève, les inquiétudes n'ont rien à voir avec les musulmans qui habitent en Suisse et fréquentent nos écoles à Genève. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Monsieur le rapporteur, vous n'avez plus de temps de parole, je la cède donc à Mme la conseillère d'Etat Anne Emery-Torracinta.
Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Merci, Monsieur le président. Personnellement, je suis également choquée d'entendre parler de l'«hypocrisie» de la communauté juive et je trouve qu'il y a des termes qu'on devrait éviter d'utiliser. Mesdames et Messieurs, à cette exception près, le débat est resté relativement serein; nous allons donc essayer de le demeurer nous aussi. Les arguments des uns et des autres ont été donnés. Dans le fond, avec ce projet de loi, on est en train de créer un problème qui ne se pose pas à Genève. Quand on lit le texte du projet de loi lui-même, il paraît à priori relativement innocent puisqu'on parle de «tenue vestimentaire correcte, propre et décente adaptée aux lieux scolaires». Or cela figure déjà dans le règlement des écoles, c'est déjà ce que l'on demande aux élèves ! Vous évoquez le fait de devoir être tête nue; le règlement de l'école où j'enseignais, par exemple, interdisait le port de la casquette aux élèves. Apparemment, tout est tranquille.
Mais lorsqu'on creuse un peu, on s'aperçoit que la seule raison d'être de ce projet de loi est effectivement de remettre en question le port du foulard par certaines écolières du canton. On crée ici un problème qui n'existe pas ! En 1996, ce même Grand Conseil avait eu un débat sur ce thème avec une résolution qui avait été adoptée par le parlement de l'époque. Cette résolution interpartis clarifiait les choses, à savoir que pour les enseignants, le règlement est extrêmement strict: aucun signe religieux ni même politique. Par exemple, je n'ai jamais été en classe - et je l'ai dit récemment en commission de l'enseignement - vêtue d'un tee-shirt portant l'inscription «Votez socialiste !». C'est la même chose; pas de signe politique, donc, ni de signe religieux parce qu'il y a une neutralité de l'Etat et de l'enseignant, et c'est normal que l'enseignant ne montre pas ses convictions, quelles qu'elles soient. Par contre, nous faisons preuve d'une certaine souplesse quant à la tenue des élèves: nous acceptons le port d'une croix, d'une étoile de David ou d'une kippa tout comme celui du foulard. Mais accepter le port d'un signe religieux chez des élèves ne signifie pas que ceux-ci ne vont pas suivre les cours: sur le plan du suivi des cours et des examens, nous sommes très stricts, pas question d'échapper à un certain nombre de choses. J'ai donc envie de dire ici que ceux qui se voilent la face, Mesdames et Messieurs les députés, c'est vous, parce que vous ne voulez pas voir la réalité de ce qui se passe dans ce canton !
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. A présent, nous allons voter sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 11266 est rejeté en premier débat par 67 non contre 15 oui et 6 abstentions.