Séance du
jeudi 22 janvier 2015 à
17h
1re
législature -
2e
année -
1re
session -
1re
séance
E 2237
Le président. Pour l'élection d'une ou d'un président du Grand Conseil, la parole est à M. le député Serge Hiltpold.
M. Serge Hiltpold (PLR). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'ai l'honneur, au nom du groupe libéral-radical, de présenter à la présidence de ce Grand Conseil M. Antoine Barde, actuel premier vice-président de notre parlement. Encore un Antoine, me direz-vous ! Après Carteret, l'anticlérical bien radical, Roy le libéral et Droin le socialiste, voici cette fois un Barde libéral-radical - donc PLR bien genevois - qui, malgré son accession éventuelle au perchoir, ne se retrouvera certainement ni ligoté ni bâillonné, le timbre de sa voix de crooner étant bien plus plaisant que celui d'Assurancetourix dans son village gaulois !
Conseiller municipal à Anières depuis 2011, Antoine a prêté serment sous la bannière libérale en juin 2009. Il a siégé au sein des commissions des transports, de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport, de l'enseignement supérieur ainsi que des Droits de l'Homme, commission qu'il a d'ailleurs présidée en 2010-2011. Il a également présidé la commission interparlementaire de contrôle de la convention scolaire romande. Membre du Bureau depuis novembre 2011, il a eu l'occasion de vivre quelques événements cocasses et possède dès lors l'expérience requise et la rondeur nécessaire pour diriger nos débats. Chef d'entreprise réservé, il a toutefois la fougue du jeune marié et un esprit très large malgré la vision binaire qu'on associe volontiers à son métier d'informaticien.
Présider le Grand Conseil requiert une disponibilité particulière, qui impacte sans aucun doute le plan professionnel et la vie privée, car la politique est quelque peu chronophage - nous en savons tous quelque chose. Je pense que notre candidat saura se concentrer sur l'essentiel et s'engager pour notre Grand Conseil avant ses intérêts personnels. Je vous remercie donc de bien vouloir, tout comme nous, lui accorder votre confiance et votre soutien pour guider nos travaux avec sérénité et fermeté dans le respect des uns et des autres. C'est dans ce cadre que nous pourrons travailler avec efficacité, en plaçant le verbe au-dessus de l'invective, et crédibiliser notre parlement, pilier essentiel de notre démocratie semi-directe. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, nous allons procéder au vote. Merci de regagner vos places et de rester assis. Je prie les huissiers de bien vouloir distribuer les bulletins de vote. Je rappelle que les photographies sont interdites pendant toute la procédure. (Les députés remplissent leur bulletin de vote.)
Les votes sont terminés. Les huissiers vont récolter les bulletins. (Quelques instants s'écoulent.) Le scrutin est clos. Je prie M. Lussi ainsi que les scrutateurs de bien vouloir se rendre à la salle Nicolas-Bogueret afin de procéder au dépouillement. En attendant le résultat de l'élection, je suspends la séance.
La séance est suspendue à 17h43.
La séance est reprise à 17h53.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous prie de bien vouloir regagner vos places et de vous asseoir. (Un instant s'écoule.) Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît !
Résultats de l'élection d'une ou d'un président-e du Grand Conseil:
Bulletins distribués: 100
Bulletins retrouvés: 100
Bulletins blancs: 28
Bulletins nuls: 7
Bulletins valables: 93
Majorité absolue: 47
Est élu: M. Antoine Barde (PLR), avec 65 voix. (Longs applaudissements. L'assemblée se lève. Mme le sautier embrasse M. Antoine Barde et lui offre un bouquet de fleurs.)
Discours de M. Antoine Droin, président sortant
Le président. «Nous sommes tous égaux devant la loi, que nous soyons avec ou sans charge et fonction.» Voici, Mesdames et Messieurs les députés, les premiers mots employés lors de mon intervention pour la prestation de serment du pouvoir judiciaire. Chers collègues, Madame et Messieurs les conseillers d'Etat, Mesdames et Messieurs, j'ai longuement hésité sur la teneur du message que je vous livre aujourd'hui: actes verbaux héroïques, rétrospective, morale, humour incertain... Chacun, en définitive, retiendra ce que bon lui semblera et au degré qui lui conviendra. Nonobstant, je vous adresse quelques analyses et sentiments - on ne se refait pas.
Nous sommes certes toutes et tous égaux devant la loi. Mais il est toujours bon de le rappeler: les élues et élus que nous sommes ont un devoir d'exemplarité en rapport à notre fonction. Le costume que nous avons endossé est intimement lié à un devoir de loyauté et d'honneur par le serment que nous avons prêté et par le respect que nous devons à nos pairs, à nos concitoyennes, à nos concitoyens. L'important, c'est ce qui est positif, ce qui nous porte vers demain, ce qui permet d'imaginer. Imaginer que demain sera composé de complémentarités constructives dans la diversité politique et non pas de diversités destructrices et opportunistes, voire populistes, dans un nivellement par le bas. J'en ai l'intime conviction. Nous pouvons construire l'avenir et rester lucides, voire, pourquoi pas ? être utopistes. Alors, 441 jours après le 7 novembre 2013, arrivé à l'étape d'un premier bilan présidentiel, que dire de nos lucidités, de nos utopies ? Aujourd'hui plus que jamais - et malheureusement l'actualité intégriste récente nous y oblige - nous avons l'impératif devoir d'être utopistes et de croire que nous pouvons changer notre monde. Nous avons la capacité d'influer par notre vécu, par nos charges et fonctions, par nos décisions responsables une vie meilleure qui ne laisserait personne sur le bord du chemin. Ceci, dans le respect de ce que chacune et chacun est, quelles que soient nos valeurs et nos certitudes.
Se pose dès lors la question suivante: comment évaluer un gouvernement et un parlement qui, en termes de représentativité, montrent un déséquilibre ? Le système de concordance ancré dans nos traditions politiques n'existe plus dans nos modes de travail. Ni à l'interne entre les commissions et le Grand Conseil, ni entre ce dernier et le gouvernement. Il existe donc une dichotomie, un grain de sable - parfois un rocher - qui empêche la machine de tourner «juste», par exemple lorsque le parlement rejette les grandes orientations du gouvernement pour la législature ou lorsque le Conseil d'Etat essaie de limiter budgétairement la capacité du Grand Conseil de siéger. Un donné pour un rendu. De toute évidence, les intérêts d'un jour ne sont pas ceux du lendemain. Les recommandations d'hier, les accords d'aujourd'hui deviennent au mieux incertitudes, au pire caducs. Le sens du bien commun, les références collectives deviennent flous. La gestion quotidienne, l'immédiateté, les pressions médiatiques d'un jour, les réseaux sociaux de l'instantané vécu en permanence en trois dimensions par le Grand Conseil occultent complètement les réflexions de ce que nous sommes sur le moyen et le long terme. Nos vérités sont devenues aveuglements, fossés, sources d'offenses. Les mots et invectives dépassent trop fréquemment, et parfois de loin, les pensées. La mise au pilori de groupes politiques ou de fractions par des gestes déplacés, des actes de rébellion et d'insoumission à l'autorité n'est pas tolérable.
Conséquemment, pouvons-nous accepter la remise en cause des rôles, des fonctions et des personnes par qui que ce soit ? La réponse est naturellement non. Nous nous devons de franchir les tabous de notre ménage à trois et de faire en sorte que la cohabitation des trois blocs qui composent notre législatif soit créatrice de consensus et non de division. Ceci serait gage de stabilité et de sagesse. Il nous appartient en conséquence de changer les paradigmes, de chercher les intérêts communs, de considérer comme base de discussion et comme évidence ce qui unit et non ce qui divise. D'intégrer à nos réflexions les certitudes des autres et de pondérer les nôtres. D'admettre nos points de vue divergents comme moteur d'enrichissement de la diversité tridimensionnelle, mais parfois fluctuante. En ce sens, il faut reconnaître que la renaissance que j'ai déjà appelée de mes voeux n'est pas encore au rendez-vous. Nos espoirs s'étiolent, notre écoute est sourde, notre confiance est ébranlée. Ne reste donc que notre lucidité. Si vous partagez avec moi ces constats, elle doit nous permettre désormais et sans concession de vivre nos utopies. J'en reste et resterai malgré tout convaincu, même si nos débats sont passionnés, tout en respectant les personnes et leurs fonctions tout autant que les valeurs qui nous sont chères, telles que la courtoisie, l'éthique et la déontologie. Monsieur le président, Madame et Messieurs les conseillers d'Etat, la cohabitation de nos pouvoirs ne saurait être que dans la mesure où la prise en compte des trois pouvoirs, des charges, des devoirs et des responsabilités est respectée de part et d'autre. Une lecture trop verticale des tâches, des fonctions, ne peut être le dénominateur commun de l'accomplissement de ces responsabilités. Par contre, le dialogue renoué et la concertation recherchée sont les moteurs d'une bonne collaboration et d'une concordance des temps et du temps dans le respect des institutions. Nous tous, membres élus, devons faire preuve d'un attachement aux valeurs fondamentales d'une bonne gouvernance de notre république. Le parlement légifère, le gouvernement gouverne et la justice assure l'équité de notre Etat de droit. Ceci dans le respect des lois, des pouvoirs et du sens de l'honneur qui nous unit.
Mesdames et Messieurs les députés, me voici donc arrivé au terme de ce mandat de président. J'ai déjà évoqué le très grand plaisir d'orchestrer nos débats et de remplir toutes les charges et fonctions qui y sont liées. Je ne peux pas oublier les remerciements qui sont naturellement d'usage mais qui viennent réellement du coeur. En premier lieu, et l'honneur vous en échoit, chers collègues, vous exprimer ma gratitude par rapport à la confiance que vous m'avez témoignée. Même si les élans des uns, l'emportement des autres, les doutes de certains ont apporté critiques et incompréhensions, j'ai toujours accompli ma tâche avec honnêteté, conviction et loyauté dans le respect des lois, de l'institution, des personnes et, naturellement, au plus près de ma conscience. Ce mandat a été exceptionnel non seulement dans sa durée mais aussi par la richesse des événements qui ont marqué ces quinze mois: jubilés, manifestations, rencontres, commémorations, réceptions, cérémonies, événements sportifs, représentations, obsèques, cocktails et repas, inaugurations et j'en passe. J'y ai représenté notre parlement du mieux que j'ai pu, le plus dignement possible et avec le plus grand enthousiasme, même si parfois on se sent sacrifié sur l'autel de l'appétence. Il en reste les lignes de discours occultés... et pourtant si beaux ! Mais je reste particulièrement satisfait d'avoir pu contribuer au rapprochement de différentes communautés au sein de notre canton, d'avoir été un acteur modeste du visage de notre Genève, de la Genève régionale, consulaire et internationale. Pourtant, la fonction de président n'est pas que cela. Elle s'est concrétisée par des rencontres avec les grandes régies genevoises: Services industriels, IMAD, HUG, Hospice général, aéroport. Il en résulte et résultera encore des échanges et visites instructifs entre ces établissements et la députation. C'est aussi le maintien de contact avec l'ACG et de nombreuses communes genevoises. Cet an 1 de notre nouvelle constitution a aussi été la mise en route de processus d'adaptation légale de notre texte de référence cantonal.
Reste pourtant un point spécifique qui m'interroge quand je pense à notre ordre du jour. Le 7 novembre 2013, nous avions 228 points à l'ordre du jour. A ce jour, il en reste encore 200. Une analyse rapide démontre clairement que si bien souvent l'actualité est salutaire au dépôt de résolutions, de motions ou de projets de lois, force est de constater qu'en dehors des effets d'annonce au moment de leur dépôt, ces textes dorment. Ils stagnent, parfois depuis de très nombreux mois, à l'ordre du jour. La pertinence de leur maintien se pose. En conséquence, l'encombrement de l'ordre du jour est bien de la responsabilité de chaque groupe politique.
Dans un tout autre registre, sans transition - et j'aurais pu commencer par là - louer et remercier le secrétariat du Grand Conseil qui, dans ses charges et fonctions, accomplit et assume le bon fonctionnement de notre institution. Les personnes qui oeuvrent font toutes, et sans exception, preuve d'un très grand professionnalisme et d'une disponibilité de tout instant. Il convient naturellement de saluer Mme le sautier et M. Koelliker, mais aussi les collaboratrices et collaborateurs qui, bien souvent dans l'ombre, font en sorte que le parlement fonctionne et que les élus puissent assumer leur mandat le plus aisément possible. Merci à eux. J'adresse un petit clin d'oeil spécifique aux huissiers Stéphane Baldassari et Christophe Joye qui, sous cape, nous ont permis de rire et d'assumer chaleur et froid. Enfin, je tiens à remercier particulièrement Antoine Barde, le premier vice-président, pour sa disponibilité, ses judicieux conseils et sa présence à mes côtés. Cette fonction est parfois ingrate et demande abnégation et humilité. Elle exige disponibilité et clairvoyance mais aussi discrétion et effacement. Merci à mon homonyme d'y avoir apporté ses compétences. J'en profite pour lui souhaiter autant de bonheur que j'en ai eu dans sa charge de président. Remercier le deuxième vice-président pour ses qualités incontestables d'animateur de nos séances, même en absence de retransmission télévisée. Bien entendu, quelques mots avec le sourire pour les autres membres du Bureau, Mmes Béatrice Hirsch et Salika Wenger, MM. François Lefort et Patrick Lussi, pour leurs chronométrages et les lectures assidues de courriers, leur présence ou absence aux séances, leur constance ou pas dans les messages et prises de position de leur parti. Finalement, en guise de conclusion, je veux affirmer: que vive Genève pour toutes et tous. Qu'elle vive par notre sagesse dans le respect de notre serment et de notre mandat. Nous prenons, et ce sera ma dernière exhortation, la résolution indéfectible de faire servir nos travaux au bien commun de nos concitoyennes et concitoyens qui nous ont confié la précieuse charge de notre vivre-ensemble. (Longs applaudissements. L'assemblée se lève. L'orateur est saisi par l'émotion et verse une larme.) Bon, je continue, alors ! (Rires.) Je passe la parole à Mme Lydia Schneider Hausser.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Merci, Monsieur le président. Que dire après ce discours ? Cher président, cher Antoine, Mesdames et Messieurs les députés, je vais tenter un petit essai à travers l'acrostiche du mot «président» afin de rappeler cette année et demie de présidence.
Commençons par la lettre P comme prestation de serment. Dans ce domaine, notre président Antoine Droin a battu tous les records: deux cérémonies à la cathédrale, trois types de prestations de serment - législative, exécutive et judiciaire. Il ne vous manquait plus, à quelques mois près, que les municipales !
On poursuit avec R comme représentation. Là encore, à lire et à entendre la presse, à voir la «Feuille d'avis officielle», difficile de faire mieux ! Monsieur le président, vous avez représenté ce parlement quasiment chaque fois que cela était possible. Un seul petit bémol au tableau: le rôle de président a dû être partagé - constitution oblige - avec un autre président durant ce mandat.
Ensuite, E comme émotions. Nous venons d'en avoir un bel exemple avec ce discours: ce trémolo dans la voix, qui fait que chacun de nous était suspendu, accroché à vos paroles en se demandant: «Va-t-il craquer ? Va-t-il essuyer une larme ?» (Rires.) Eh bien non, vous avez continué, vous avez toujours terminé - et de belle manière, d'ailleurs ! Vous avez su montrer - c'était là l'aspect fort de ces émotions - le côté humain qui, a posteriori, n'était pas si mal dans vos discours.
La lettre S, c'est vite vu: comme socialiste ! Valeurs et buts clairs et nets, qui nous ont d'ailleurs servi quelquefois, du haut du perchoir où vous vous trouvez, pour départager des votes égaux. Nous en avons ainsi gagné quelques-uns, peut-être deux ou trois - je n'ai pas eu le temps de passer en revue toute l'année et demie écoulée. Alors merci !
I comme incroyable. Quelles péripéties ne nous a-t-il pas fait vivre, ce président ! Rien moins que deux budgets en une présidence - il faut déjà y arriver - et pas des moindres, comme le ministre des finances me le rappelait hier soir. Ce n'est pas tous les jours que ça arrive ! En outre, si vous ne le saviez pas, ce président a accepté d'agir à son corps défendant, notamment en servant physiquement d'obstacle, lors de la course de l'Escalade, pour que des artistes du VTT puissent nous montrer de quoi ils étaient capables en passant par-dessus une personne positionnée dans toutes les postures possibles et imaginables... Là, plusieurs députés pourront l'affirmer: il y avait du souffle !
Puis vient le D, et c'est facile: D comme Droin, comme droit mais aussi comme drôle, avec des jeux de mots qui ont parsemé nos séances et détendu des atmosphères quelquefois lourdes.
Monsieur le président, je vais m'arrêter là dans cet acrostiche; je sais que vous êtes bien là-haut mais, pour notre part, nous sommes impatients de vous retrouver dans notre groupe. Antoine, je te remercie vivement pour tout l'investissement fourni, pour tout l'engagement donné à la mission et au rôle de président du Grand Conseil durant cette année et demie. Je pense pouvoir dire, au nom du groupe socialiste, que nous te remercions de nous avoir représentés de cette manière-là. Merci, Antoine, et bienvenue ! (Applaudissements.)
Présidence de M. Antoine Barde, président
Discours de M. Antoine Barde, nouveau président
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le président du Conseil d'Etat, Madame et Messieurs les conseillers d'Etat, Madame le sautier, Mesdames et Messieurs, chers amis, je suis honoré de la confiance que vous me témoignez en m'élisant à la présidence de notre parlement. C'est donc avec reconnaissance que je m'adresse à vous ce soir.
D'un Antoine à l'autre, me direz-vous ! Et c'est à toi, mon cher homonyme, que j'aimerais m'adresser en premier lieu. Ton année de présidence ne fut pas de tout repos, nous le savons. Quelques événements désolants sont venus perturber un mandat déjà complexe, avec cette première année d'entrée en vigueur de notre nouvelle constitution et le surcroît d'investissement qui s'y attache. Et pourtant, tu as fait front, avec calme et détermination ! Tu as su, dans ces eaux troubles, être le président de tous, celui qui rassemble, celui qui est attentif aux autres. Ton discours inaugural nous le rappelait, et je te cite: «Le fondement de la démocratie implique le respect et l'écoute d'autrui.» Oui, Antoine, tu as fait tiens ce respect de l'autre et cette écoute. Pour moi, tu as su également être l'ami généreux, attentif et ouvert, celui qui partage à la fois son expérience et les soucis de sa charge. Merci de ton soutien, merci de ton amitié ! (Applaudissements.)
Mesdames et Messieurs les députés, vous avez choisi d'élire un président jeune, un président de moins de quarante ans. C'est un signal fort pour les générations qui suivent, une manière de dire que la politique est l'affaire de tous et que les cheveux blancs ne sont pas un prérequis pour s'engager et accéder à de hautes fonctions. Mais la jeunesse, Mesdames et Messieurs, ne se réduit pas à une question d'années. Elle est un état d'esprit: «On ne devient pas vieux pour avoir vécu un certain nombre d'années, on devient vieux parce qu'on a déserté son idéal», disait le général MacArthur. Mon idéal ? Je vais vous en parler. Mais permettez-moi d'abord une anecdote, Mesdames et Messieurs. J'écoutais l'autre jour une conversation entre deux personnes attablées à une terrasse. L'une d'elles venait d'être naturalisée et évoquait l'interrogatoire usuel auquel elle avait dû se soumettre: «Tu te rends compte, disait-elle, ils m'ont demandé ce que c'était que le Grand Conseil ! - Dingue ! répond l'autre, c'est quoi?» J'ai dû me retenir de ne pas engager la conversation ! J'aurais voulu évoquer l'importance de notre fonction, leur parler du sens de notre mission, suggérer la dignité de notre parlement, les laisser imaginer un certain décorum. J'aurais pu leur confier que nous sommes parfois râleurs, bagarreurs, frondeurs - nous sommes Genevois, quoi ! - que nous aimons le débat animé, les rebondissements parfois un peu bruyants ou, disons, énergiques, mais que le courage et l'intérêt général guident chacun de nos échanges, si passionnés soient-ils. J'aurais voulu leur assurer que cette saine culture du conflit, manière de dialoguer typiquement de chez nous, demeure toujours au service d'une cause plus élevée. J'aurais aimé leur dire que nous sommes parfois gueulards... Oui, mais avec panache, avec grandeur, s'il vous plaît !
Aurais-je été crédible ? Je vous le demande. Feuilletons notre «Tribune de Genève», interrogeons quelques-uns de nos concitoyens, visionnons les débats du Grand Conseil pour y répondre: oui, Mesdames et Messieurs, nous avons urgemment besoin de redonner du sens et de la tenue à notre fonction parlementaire - du fond et de la forme - la recentrer sur sa mission première, qui n'est pas de monopoliser un temps précieux par nos incontinences verbales, mais de dresser les véritables enjeux auxquels notre canton est confronté, de travailler avec responsabilité et efficacité sans s'embourber dans des tranchées partisanes. Non, Mesdames et Messieurs, nous ne sommes pas des rigolos. Nous sommes des personnalités fortes, qui savons manier l'art de la confrontation, avec un brin de théâtralité, je vous l'accorde, mais dans la dignité qui sied à l'autorité suprême de notre canton, dans le respect de nos différences. Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que j'aurais aimé pouvoir leur dire.
Au-delà de notre parlement, j'aurais aussi aimé leur parler de notre Histoire avec un grand H, de notre ADN, notre ouverture et notre diversité - celle qui permet de faire cohabiter sur notre territoire des univers différents - leur dire que nous avons jusqu'à présent gagné le pari du fédéralisme, celui de la cohésion nationale, que nous avons réussi à faire cohabiter nos cultures et nos langues en faisant nôtre cette belle phrase de Saint-Exupéry: «Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser, tu m'enrichis.» J'aurais aussi aimé leur parler de cette magnifique tradition de solidarité, de ce souci de l'autre, incarnés par les acteurs de notre Genève internationale. J'aurais eu envie de leur dire qu'à quelques centaines de mètres de cette terrasse où ils sont en train de boire leur café, des débats ont lieu, des négociations sont conduites, des décisions sont prises, lesquelles sauveront des vies, contribueront à mettre fin à des conflits, nous aideront à construire un monde meilleur. J'aurais aimé les assurer que notre Grand Conseil chérit cet héritage, que Genève n'est pas ce petit village replié sur lui-même, mais une grande cité, un canton au rayonnement mondial, prêt à défendre bec et ongles sa tradition d'ouverture et de solidarité, une région où souffle un esprit pareil à nul autre. Puissions-nous nous en inspirer dans cette enceinte !
Et puis, Mesdames et Messieurs, j'aurais eu envie de leur faire envie. De leur parler de la valeur de notre fonction publique, à qui nous devons également la qualité de vie de notre canton. Leur parler de ces femmes et de ces hommes remarquables par leur engagement et toujours conscients de leurs responsabilités. A l'heure des arbitrages budgétaires et des réformes en profondeur - nouvelle loi sur la police et j'en passe - qui pèsent sur cette fonction publique et génèrent des discussions animées, ayons à l'esprit l'importance et la complexité des défis tout comme la nécessité d'y faire face au-delà des clivages partisans. Faire des choix, décider, avancer... dans l'intérêt unique de la population genevoise qui nous fait confiance, et dans le respect de toutes celles et tous ceux qui s'engagent au service de l'Etat, sans s'embourber dans d'interminables discussions stériles ou chantages indignes. Toutes les époques, Mesdames et Messieurs, ont eu l'impression de vivre à un moment charnière où tout est en mouvement, où tout peut basculer dans un sens nouveau et souvent inquiétant. Que l'on songe aujourd'hui aux terrorismes, au franc fort, aux défis de l'écologie ou des migrations. C'est l'évolution politique qui doit ouvrir des perspectives nouvelles. Puissions-nous nous le rappeler dans cette enceinte !
Pour conclure, Mesdames et Messieurs, comment ne pas leur parler de celles et ceux qui nous ont inspirés et de leur héritage ? Ce soir, je pense surtout à Me Michel Halpérin - Michel - qui nous a quittés l'année dernière: pour moi un mentor, un sage, un exemple, mais aussi pour nombre d'entre nous ici présents, j'en suis sûr. Sa prestance, sa grande intelligence et son élégance resteront gravées dans nos mémoires. A lui, j'aimerais dire ce soir merci, tout comme à celles et ceux qui m'ont inspiré, soutenu, accompagné, encouragé: mon épouse, ma famille, mes amis, mon parti, ma commune et mes chefs de groupe successifs. Sans oublier tant d'autres encore dans cet hémicycle, retraités de la politique ou encore devenus magistrats. De Michel, j'aimerais m'inspirer pour le style de conduite: garder le cap dans la tempête, avoir en tout temps en tête - et dans le coeur - l'intérêt général, imprimer un certain tempo, trancher, faire des choix, rappeler, lorsque cela est nécessaire, l'importance du mandat qui nous a été confié, fédérer plutôt que diviser, valoriser la diversité de nos personnalités. Car c'est grâce à elles que nous pourrons travailler tous ensemble à «garder à Genève sa foi, ses libertés, ses franchises et sa glorieuse renommée». Vive Genève, vivent les Suisses ! (Longs applaudissements.)