Séance du
vendredi 5 décembre 2014 à
17h15
1re
législature -
1re
année -
14e
session -
88e
séance
PL 11550-A
Premier débat
Le président. Nous abordons maintenant nos urgences avec le PL 11550-A. Nous sommes en catégorie II, quarante minutes. Je passe la parole au rapporteur de majorité, M. Riedweg.
M. Bernhard Riedweg (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, dans ce rapport de majorité, vous ne trouverez pas le budget 2015 des SIG, ni le résumé de ce budget avec le plan d'affaires 2015-2018, alors qu'il était prévu que cela y figure. Les SIG considèrent le contenu de ces documents comme confidentiel, et seuls les membres de la commission de l'énergie ont eu droit d'accéder à ces informations. Je dois donc vous mentionner oralement les chiffres les plus importants.
La moitié du chiffre d'affaires des SIG est liée à une situation de monopole, et les SIG voient ce monopole s'étioler. Cependant, les 470 000 habitants du canton auront toujours besoin d'eau, d'électricité, de gaz, d'un traitement des eaux usées et des déchets, ce qui assure l'exploitation et la pérennité des SIG. Le budget 2015 est un budget de transition, et il est présenté sans les filiales. Le chiffre d'affaires 2015 est de 1,1 milliard, en augmentation de 44 millions par rapport à 2014. Le produit de l'électricité est en baisse à cause de la diminution du prix du volume vendu, et les charges d'exploitation sont de 380 millions, c'est-à-dire en très légère baisse. Le résultat net prévu en 2015 est de 65 millions, en augmentation de 4 millions. L'endettement net prévu est de 589 millions, avec une augmentation de 65 millions, et la prévision de l'endettement net, y compris le solde de l'engagement envers la CAP, la caisse de pension, est de 938 millions. Les effectifs du personnel augmentent de 4 unités à 1622. Ces effectifs devraient baisser, puisqu'une baisse des charges de 5% est prévue... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...sur les trois prochaines années. Le salaire moyen est de 158 400 F par personne aux SIG; la masse salariale augmente entre 1% et 1,2%, alors que l'inflation est quasi nulle en Suisse. Les investissements bruts s'élèvent à 246 millions, les plus gros postes étant la distribution d'électricité pour 65 millions, le thermique pour 48 millions, l'eau potable pour 29 millions et les télécoms pour 34 millions. Les investissements sur les réseaux sont très importants à cause du risque d'ouverture du marché de l'électricité. La direction nous a dit, en commission, qu'il était possible de gérer l'entreprise avec des moyens qui diminuent. L'engagement des SIG envers la caisse de pension CAP de 450 millions fait augmenter le taux d'intérêt moyen des emprunts de 2,2% à 2,9%. Il s'agit d'une adaptation de la fortune de la caisse de pension aux exigences fédérales en matière de caisses de prévoyance, mais cela ne résulte aucunement d'une mauvaise gestion dans le passé. La redevance d'utilisation du domaine public augmentera de 8,6 millions en 2015. Aucune année du plan quinquennal ne dégage suffisamment d'autofinancement pour couvrir les investissements, qui diminuent chaque année, ce qui augmente le niveau de l'endettement.
Il y a trois raisons qui expliquent l'augmentation de 14% de l'électricité pour les ménages, et de 1% à 8% pour les clients professionnels ayant accès au marché: la première est la hausse des prix du transport de l'électricité à très haute tension imposée par Swissgrid, responsable du réseau de transport de l'électricité au niveau national. La deuxième réside dans l'augmentation des redevances et des prestations dues aux collectivités publiques. La troisième raison est liée au supplément fédéral pour le soutien aux énergies renouvelables et la protection des eaux, décidé par le Conseil fédéral. Faut-il rappeler que les SIG appliquent la législation fédérale dans leurs calculs pour déterminer les tarifs régulés de l'électricité ? Chaque année, les tarifs sont contrôlés par le régulateur fédéral, et les SIG ont de ce fait une marge de manoeuvre très réduite dans la détermination des tarifs de l'électricité. Les SIG prévoient une perte de 29% de clients... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...qui consomment plus de 100 kWh. Le ratio de fonds propres sur les capitaux engagés est extrêmement favorable et s'élève à 79% en 2015. (Brouhaha persistant.)
Le président. S'il vous plaît, un peu de silence !
M. Bernhard Riedweg. Le potentiel du programme visant à l'économie des coûts et à la recherche d'un nouveau revenu est de 5% dans les trois ans à venir. La direction a tiré les leçons du proche passé, notamment dans le domaine des éoliennes, et elle corrige le tir. Le conseil d'administration des SIG a approuvé le budget 2015. Si les SIG ne prennent pas certains risques, on pourrait leur reprocher de ne pas l'avoir fait si l'opération s'avérait être un succès; les SIG ont pris des risques dans le cadre des éoliennes, mais malheureusement cela n'a pas entraîné la réussite escomptée. Les SIG ne peuvent pas optimiser leurs bénéfices puisqu'ils ont un certain nombre de contraintes qu'une société privée n'a pas. Si les SIG étaient une société privée, ses bénéfices seraient certainement très importants. La majorité de la commission de l'énergie et des SIG estime donc que la direction et le conseil d'administration maîtrisent cette société publique, et vous propose d'accepter le budget 2015 tel qu'il a été soumis et commenté au sein de la commission ad hoc. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Vous avez mangé une minute du temps de votre groupe ! Je passe la parole au rapporteur de minorité, M. Genecand.
M. Benoît Genecand (PLR), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce rapport de minorité creuse la question de l'augmentation des tarifs de l'électricité de 14%. Vous vous souviendrez que cette annonce a été faite au cours de l'été, et que certains groupes de ce parlement s'en étaient émus. Deux motions ont été déposées, elles ont été étudiées par la commission de l'énergie et seront bientôt soumises à ce parlement. Le rapporteur de majorité l'a dit, les prix de l'électricité ont trois composantes: le transport, les taxes et le prix de l'électron. Les SIG nous ont expliqué pourquoi le prix des transports augmentait; les taxes, quant à elles, augmentent de toute manière chaque fois que les prix sont en hausse - c'est une habitude à laquelle il faut se faire. Reste le prix de l'électron, à propos duquel les SIG nous ont dit: «Mesdames et Messieurs, vous devez être contents car le prix de l'électron ne bouge pas, et c'est une bonne nouvelle.» C'est cette dimension-là que la minorité a creusée, en essayant de voir s'il n'y avait pas eu une marge de manoeuvre qui n'avait pas été utilisée. Tous ceux qui suivent un peu l'actualité énergétique savent que le prix de l'énergie ne fait que baisser. Depuis trois ans, il a diminué de plus de 30%, notamment en raison d'une production surabondante en Allemagne, du soutien au renouvelable, et du fait d'une économie qui «péclote» un peu en Europe. Le prix de gros de l'électricité sur le marché, Mesdames et Messieurs, est de 4 à 5 centimes. La question qui se pose est donc combien le Genevois moyen - parce que c'est lui qui subit une augmentation - paie son électron. Est-ce qu'il le paie 4 ou 5 centimes, ou est-ce qu'il le paie plus cher ? La réponse, Mesdames et Messieurs, c'est qu'il le paie 9,3 centimes, c'est-à-dire deux fois plus cher que l'électricité sur le marché ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Il y a là une différence qui couvre plus de deux fois l'augmentation de 2,37 centimes prévue pour 2015.
Alors comment les SIG justifient-ils cette différence de coût ? Leur réponse est la suivante: d'abord, ils nous citent abondamment une directive fédérale de 2012, que nous sommes allés rechercher pour l'étudier. La directive de 2012 permet aux distributeurs d'électricité de considérer comme frais de production les coûts des contrats à long terme. C'est ici que l'on trouve une des raisons principales du coût de l'électricité genevoise, car les SIG ont conclu des contrats à très long terme, parfois pour plusieurs dizaines d'années. Une partie de ces contrats sont conclus avec EOS; ceux-ci sont connus, ils apparaissent dans les comptes; une autre partie n'est pas connue, en tout cas pas documentée de manière claire, et concerne très vraisemblablement des contrats conclus avec la France, pour des périodes très longues. Jusqu'à 2012, Mesdames et Messieurs - et c'est là que ça devient intéressant - la Confédération prévoyait qu'en cas de prix de production plus important que les prix du marché, c'étaient les prix du marché qui devaient s'appliquer à la population pour éviter que celle-ci ne soit soumise à des taxes déguisées. (Brouhaha.) En 2012, qu'a fait l'ElCom, qui est juste une commission administrative et qui n'est pas le Parlement fédéral ? Elle a fait deux choses: elle a accepté que les contrats à long terme soient considérés comme un prix de production et, élément plus intéressant en termes démocratiques, elle a dit qu'on n'avait plus à appliquer l'ordonnance fédérale en matière d'électricité au consommateur lambda, c'est-à-dire qu'on pouvait se permettre de lui faire payer des prix plus élevés.
Mesdames et Messieurs, les minoritaires n'ont pas de critique à formuler sur la présentation du budget par les SIG, qui ont répondu à de nombreuses questions. Leur critique porte sur le traitement de la population en matière d'électricité. Et ce n'est pas un cas isolé, Mesdames et Messieurs, vous l'aurez remarqué: Genève est le canton où la taxation est la plus élevée sur les revenus et sur la fortune. C'est également le canton où la taxation est la plus élevée sur les entreprises. Notre gouvernement le sait bien; il sait qu'il n'a plus de marge de manoeuvre en matière de taxation. Alors que fait-il systématiquement - et l'électricité n'en est qu'un des derniers exemples ? Il augmente tous les émoluments et les taxes aux endroits où, finalement, le processus démocratique ne peut pas être mené jusqu'à son terme. On a eu l'électricité, on a eu l'eau, on a eu les déchets, on a l'empiétement sur le domaine public, donc, Mesdames et Messieurs, les minoritaires disent simplement qu'il faut jouer la transparence; si on veut fiscaliser la population genevoise, il faut le dire clairement, mais non le faire subrepticement par le biais d'un tarif trop élevé. Merci de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Vous avez également mangé une minute du temps de votre groupe. Je passe la parole à M. le député Alberto Velasco.
M. Alberto Velasco (S). Merci, Monsieur le président. Je suis étonné de l'exposé de M. Genecand; c'est hallucinant, ce qu'il vient de dire ! D'abord, c'est vous qui avez voulu la libéralisation du marché de l'électricité, et c'est vous qui avez voulu que l'approvisionnement ne soit pas un monopole des SIG. Et maintenant, vous êtes en train de critiquer les SIG parce qu'ils pratiquent ce que vous avez voulu ! Là, franchement, on ne comprend plus rien du tout. Un exemple: vous faites référence à la directive de l'ElCom. Mais, Monsieur, ce qui s'est passé, c'est que les fluctuations du marché étaient telles qu'il aurait fallu, si on avait appliqué la directive de l'ElCom à l'époque, augmenter ou diminuer tous les deux mois les tarifs de l'électricité auprès des citoyennes et des citoyens de ce canton ! Il aurait fallu imposer des variations constantes ! Alors qu'est-ce qu'on a fait, aux Services industriels ? On a créé un fonds: au moment où le prix de l'électricité était au plus bas, on alimentait ce fonds, et quand le prix de l'électricité était au plus haut, on reprenait de ce fonds et on redistribuait aux Genevois ! Cela a permis, pendant des mois, des mois et des années, que les Genevois ne voient pas les tarifs de l'électricité augmenter. Mais c'était un lissage. Or, pour faire cela, il a fallu demander son accord à l'ElCom, et c'est pour cela que l'ElCom a donné l'autorisation de ne pas appliquer cette directive. C'est ça, Monsieur Genecand ! Il n'y a rien de malhonnête, il n'y a rien de superflu.
Par ailleurs, Monsieur Genecand, tout l'argent que les SIG reçoivent est dépensé ! Il est dépensé dans des investissements et - ce qui soulève parfois des critiques - dans des projets, qui ont été acceptés par les uns et les autres ! Cet argent n'est pas remis dans une banque pour être capitalisé ! Je ne comprends donc pas la diatribe prononcée ici contre les SIG. En plus, le rapporteur de majorité a démontré très explicitement que la hausse des prix n'était pas imputable aux SIG ! Ça ne les concerne absolument pas, c'est plutôt une hausse qui vient de l'extérieur, soit de Swissgrid, soit des taxes pour les énergies renouvelables. Et les Services industriels ne font qu'appliquer cela ! Car pire encore, si jamais ils n'avaient pas appliqué ces hausses - et vous le savez, Monsieur Genecand, vous étiez à la commission comme moi - les augmentations pour les années futures n'auraient pas été de 14%; les déficits pour les SIG étaient tels qu'on aurait dû avoir des augmentations de 20% à 30% du prix de l'électricité. Et c'est afin de nous éviter de telles hausses dans le futur que les SIG ont dû opérer une augmentation de 14%. Alors vraiment, je ne comprends pas qu'on fasse un tel procès aux Services industriels. Il y a des critiques à leur faire... (Brouhaha.) ...mais surtout pas, Monsieur, par rapport au fait qu'ils appliquent votre politique, qui était celle de la libéralisation de l'approvisionnement en énergie.
Et puis vous critiquez les SIG sur les contrats à long terme; mais, Monsieur, puisqu'on n'a plus le monopole de l'approvisionnement, il faut bien garantir ces contrats à long terme ! Vous dites que les prix baissent aujourd'hui, mais qui vous dit que demain il n'y aura pas des tensions internationales et que les prix ne fluctueront pas de nouveau ? Eh bien oui ! Je trouve qu'il est normal qu'une entité publique...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Alberto Velasco. ...qui a la responsabilité de fournir les citoyens de ce canton en énergie électrique, pour éviter les risques, s'approvisionne à long terme. Oui, c'est juste. Alors il y a une petite conséquence, c'est que ça coûte un peu plus cher. Mais, Monsieur, les garanties de la vie, les garanties du futur, elles coûtent toujours un peu, effectivement. Mesdames et Messieurs, le groupe socialiste votera ce projet de budget sans aucun problème ! (Quelques applaudissements.)
M. Eric Leyvraz (UDC). Quand on regarde le prix de l'électricité à Genève, malgré l'augmentation, on est dans la moyenne suisse et même du bon côté de la moyenne. Ça, c'est le premier point.
Monsieur Genecand, quand ils vendent de l'électricité, les Services industriels n'ont pas le droit de faire un bénéfice de plus de 5%; alors dire qu'ils vont voler le citoyen genevois en augmentant les prix de façon beaucoup trop importante, c'est complètement faux.
En ce qui concerne les contrats à long terme, c'est un peu comme une caisse de pension: les SIG doivent garantir l'électricité, la caisse de pension doit garantir les fonds pour ses assurés. Eh bien une partie des contrats, qui n'est pas très importante, est conclue sur le long terme - sur une dizaine d'années - et une partie se fait à moyen et court terme, car on achète aussi de l'électricité «spot». C'est une mesure de sagesse, qui permet de fournir de l'électricité à ce canton de façon continue.
Ensuite, c'est facile, les Services industriels sont tout à fait capables d'acheter de l'électricité à 3,5 ou 4 centimes ! Mais ça sera de l'électricité nucléaire, ou à base de charbon. Et, ma foi, c'est vous qui avez voté la constitution; vous ne voulez pas de nucléaire. C'est vous qui avez voté aussi la nouvelle loi sur l'énergie: on veut du renouvelable, eh bien maintenant on paie aussi la conséquence de nos actes. Il faut simplement être un peu raisonnable, et je vous rappelle - pour montrer que c'est une société quand même bien menée - que sur 1 milliard de chiffre d'affaires, les SIG investissent plus de 200 millions par année pour la population, ce qui est remarquable. Je vous remercie.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le MCG a lui aussi émis un certain nombre de critiques à l'encontre de ce budget; nous rejoignons en grande partie les propos de M. Genecand, mais pas tout à fait. (Commentaires.) On aura certainement l'occasion d'en discuter dans le cadre des deux motions sur le prix de l'électricité, qui ont finalement été refusées par la commission, il est vrai que les SIG ont démontré qu'ils n'avaient pas le choix et qu'il fallait réajuster les tarifs pour 2015. Mais le problème, c'est qu'en réalité les SIG auraient déjà dû légèrement augmenter ces tarifs en 2014, ce qui aurait permis d'éviter une hausse brutale de 14% en 2015 ! Je pense que ça, c'est une erreur - je ne dis pas une faute mais en tout cas une erreur; parce qu'il est évidemment plus difficile ensuite de justifier une hausse pareille du tarif de l'électricité pour les particuliers, pour les clients qui sont captifs et qui n'ont pas le choix ! Ils ne peuvent pas tirer la prise, il faut payer !
Il y a plusieurs composantes dans le prix de l'électricité, mais le prix de l'électron en Europe est à la baisse pour différentes raisons, notamment en Allemagne où les centrales à charbon ont été réactivées. Ça va durer un certain temps, personne n'est devin et ne peut savoir jusqu'à quand. Pour l'instant l'offre est abondante, et effectivement, le prix de l'électron en tant que tel est à la baisse. On ne va pas tellement en profiter, finalement, à Genève, pour les raisons expliquées par M. Genecand, je n'y reviendrai pas. Mais la hausse est due, bien sûr, à une hausse des taxes fédérales, une fois de plus, et à une hausse de 47%, Mesdames et Messieurs, des prix de Swissgrid, entreprise qui, elle, transporte l'électricité sur les lignes à haute tension. La commission a demandé des explications à Swissgrid - en ce qui me concerne je voulais même les auditionner, cela aurait été probablement plus intéressant - pour savoir pourquoi ils avaient augmenté leurs tarifs au 1er janvier 2014: l'explication donnée dans une très longue lettre de Swissgrid - enfin, très longue, de trois pages - est assez nébuleuse ! On nous dit qu'on augmente les tarifs parce qu'on n'arrive pas à assurer les investissements, qu'il va falloir moderniser le réseau, qu'il y a aussi une augmentation des taxes fédérales - ce qui n'a rien à voir puisque les taxes fédérales sont à part, dans leur cas - et que des procès ont été visiblement perdus contre des centrales électriques, ce qui a contraint Swissgrid à leur verser plusieurs centaines de millions de francs. Quoi qu'il en soit, à Genève, on n'a pas le choix d'accepter ou de refuser cette hausse, mais je pense quand même que c'est assez particulier d'avoir des augmentations qui ne sont plus de 1%, 2%, 10% ou 15%, mais de 47% ou 50%, simplement parce qu'on va moderniser certaines lignes électriques à haute tension et en enterrer d'autres. Voilà. Alors face à cette situation on n'avait pas le choix, on ne pouvait qu'accepter cette hausse des tarifs. Effectivement, il y avait ce fonds de stabilisation du prix, mais il est vide; quand on puise dedans depuis un moment sans l'augmenter, comme on aurait dû le faire en 2014, eh bien il n'y a plus rien...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Daniel Sormanni. ...et on est bien obligé de le renflouer. En conclusion, nous ne sommes pas satisfaits de ce budget parce que d'abord, les Services industriels ont décidé qu'au lieu de payer leur dû à la caisse de retraite, la CAP - alors que toutes les communes, comme la Ville de Genève, ont dû payer cash pour la renflouer - ils allaient tout simplement payer le taux technique...
Le président. Il vous faut conclure, s'il vous plaît !
M. Daniel Sormanni. Je conclus ! ...et cela n'est pas acceptable parce que ce sont 3,5% qui coûtent très cher aux Services industriels. Et les investissements ne sont pas assurés, le financement des investissements n'est pas assuré...
Le président. Merci, Monsieur le député !
M. Daniel Sormanni. Je termine tout de suite, laissez-moi finir ! (Protestations.) Et le «cash-flow» est négatif jusqu'en 2018 ! (Brouhaha.)
Le président. C'est terminé, Monsieur, merci ! Je passe la parole à la députée Lisa Mazzone.
Mme Lisa Mazzone (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais relever la défiance sans borne de la minorité vis-à-vis des SIG; elle fait preuve d'un certain acharnement à chercher la petite bête et à trouver la faute qu'on pourrait imputer aux SIG. En réalité, M. Genecand souhaitait faire un rapport de minorité envers et contre tout, et il a trouvé dans la hausse du prix de l'électricité le prétexte pour s'attaquer à ce service public. Je trouve cette attitude regrettable, d'autant plus que notre collaboration avec les SIG, dans le cadre des travaux de la commission, a été très bonne: on a senti que la nouvelle direction était très encline à faire preuve de transparence, à discuter avec nous, commission de l'énergie, à revenir à plusieurs reprises et à répondre à l'ensemble des questions qu'on lui avait posées - et elles étaient nombreuses - avec un détail et une précision que l'on peut saluer. Par conséquent, je trouve cette attitude de défiance de la part de la minorité un petit peu regrettable.
Concernant les tarifs de l'électricité, j'aimerais renvoyer au très bon exposé des SIG et, comme l'a dit M. Sormanni, à la réponse que nous avons pu obtenir de Swissgrid. Nous avons été jusqu'au bout de la réflexion et du travail, et ce que nous constatons, même si l'on peut penser ce qu'on veut de la réponse de Swissgrid, c'est que nous n'avons pas de marge de manoeuvre quant à l'augmentation des prix; nous ne pouvons que la subir et la répercuter sur le tarif de l'électricité. C'est ce que la majorité a constaté.
J'aimerais encore mentionner le souhait de la direction des SIG d'orienter clairement son activité sur la qualité. Ils l'ont dit, en cas de libéralisation du marché pour les personnes physiques, ce qui serait absolument regrettable et ce contre quoi nous lutterons, ils souhaiteraient miser sur la qualité et prendre dès maintenant les mesures qui leur permettraient, justement, de proposer une offre qualitative concurrentielle sur ce plan-là. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Le seul bémol que je verrais dans le budget que l'on nous a présenté à la commission de l'énergie, c'est le manque de moyens alloués à la transition énergétique. En l'occurrence, les investissements pour les énergies renouvelables sont encore trop faibles, et pour l'instant l'orientation prise par la direction des SIG n'est pas encore assez claire pour permettre de voir comment ils feront face à ce tournant et comment ils seront de véritables acteurs pour permettre de réduire drastiquement notre consommation de ressources dans les années à venir. Mais je tiens quand même à relever, comme je l'ai déjà fait auparavant, un certain renouveau de la part de la direction, une volonté de collaboration marquée que l'on ne peut que saluer, et j'aimerais, par le soutien des Verts à ce budget des SIG, réitérer aussi la confiance que nous accordons à ce service de qualité, qui a permis notamment, dans le canton de Genève, de baisser la consommation d'électricité l'année dernière, ce qui est remarquable pour l'ensemble de la Suisse. Par leur soutien à ce projet de loi, les Verts marquent donc leur confiance envers les SIG. Je vous remercie.
M. Olivier Cerutti (PDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, le groupe démocrate-chrétien est satisfait de ce budget, malgré une toute petite observation sur le plan d'affaires. Effectivement, ce budget conservateur fait état de prévisions budgétaires relativement claires et précises; il tient notamment compte du prix de l'électron. Le rapporteur de minorité aurait pu nous faire le reproche du contraire au travers de son propre rapport, ce n'est pas le cas, on en tient compte. Les prévisions budgétaires sont donc là.
Le plan d'affaires, quant à lui, mérite un petit peu plus d'attention. Nous avons des charges d'amortissement pour 135,1 millions et un résultat net d'exploitation de 64,9 millions. Si vous additionnez ces deux chiffres, cela vous donne la capacité d'investissement des Services industriels. Mais cette capacité d'investissement est à -17 millions, malheureusement. Ma première observation va au Conseil d'Etat: je trouve que même le grand Etat devrait nous proposer des budgets équilibrés, y compris en termes d'investissement. Toutefois, comme ce budget est conservateur et qu'il n'y a que des prévisions de dépenses, nous avons toujours la possibilité que les comptes soient largement excédentaires et couvrent ce manque de «cash-flow».
Ensuite, le rapporteur de minorité a évoqué le prix de l'électricité. Je veux bien, Monsieur Genecand ! Mais il y a une seule chose qui n'a pas été mentionnée - si ce n'est l'excellence de votre rapport, car je n'ai aucun doute là-dessus, vous avez pu travailler sur le sujet en profondeur: ce sont les économies que chaque citoyen peut faire. Personnellement, je vous invite peut-être, dans le futur, à réactiver la politique du «on-off»: sur quatre ampoules, deux ampoules en moins, c'est 50% d'économie. Mesdames et Messieurs, je vous invite à voter ce projet de loi. (Quelques applaudissements.)
M. Pierre Weiss (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, M. Genecand, à raison, s'est élevé contre la fiscalisation larvée de notre canton en citant plusieurs exemples de taxes trop élevées qui sont pratiquées à Genève, que l'on augmente subrepticement au fil des mois - parfois pendant l'été - pour que les citoyens ne s'en rendent pas compte. Je pense que ce n'est pas très honnête. A cela, il faut ajouter l'imprévisibilité des prix du marché; on a vu ce qui a résulté de l'exploitation des gaz de schiste aux Etats-Unis, on a vu ce qui a résulté aussi des faillites dans le domaine solaire en Allemagne, en raison de subventions excessives versées à des entreprises qui n'étaient pas gérées sur le long terme. On voit aujourd'hui également la difficulté de prévoir ce que sera le futur.
J'aimerais par ailleurs citer un certain nombre d'exemples: cette semaine a eu lieu, à Berne, un débat sur la politique énergétique à l'horizon 2050; un conseiller national PDC, M. Pfister, a regretté d'avoir voté il y a trois ans, pour des raisons liées à son parti, en faveur d'une sortie du nucléaire. Je pense que le peuple suisse va y réfléchir à deux fois lorsqu'il en arrivera au faire et au prendre, et ceux qui aujourd'hui sont les plus ardents thuriféraires risquent de se mordre les doigts le moment venu. Tous les cantons suisses ne sont pas égaux au canton de Genève en la matière, cela dépend de leur mentalité; entre Argovie et Genève, la différence existe, vous le verrez bien, et le coût qui sera nécessaire à une sortie du nucléaire en effraiera plus d'un. On l'a vu le week-end passé avec le coût qu'aurait entraîné la mise à la porte des forfaits fiscaux. (Commentaires.) Je dis cela à titre préventif. On parle d'un montant de 100 milliards de francs; qui sera d'accord de payer cette somme ? Qui sera d'accord de respecter les délais d'amortissement prévus...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur.
M. Pierre Weiss. ...par les plus extrémistes dans cette controverse ? Qui voudra, encore, favoriser la recherche technologique sur le solaire ou d'autres sources ?
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député, s'il vous plaît !
M. Pierre Weiss. Personnellement, je reconnais que les SIG sont bien gérés, mais rappelez-vous, Monsieur le président, l'affaire des éoliennes: c'était un exemple de bonne gestion qui a quand même coûté quelque chose à notre Etat et à nos contribuables.
Le président. C'est terminé, Monsieur.
M. Pierre Weiss. Je crois qu'il y a un moment où il faut quand même rappeler certaines choses.
M. Pierre Vanek (EAG). Je serai très bref. (Commentaires.) D'abord, sur la sortie du nucléaire et ses coûts, dont M. Pierre Weiss a parlé à l'instant: il faut rappeler que c'est un objectif constitutionnel de la République et canton de Genève, et on a de bonnes raisons de se réjouir de toute avancée dans ce sens. Mais puisqu'il est question d'un débat financier et de coûts, il faut rappeler, sur cette thématique-là, qu'une catastrophe nucléaire, comme celle de Tchernobyl, mais aussi celle de Fukushima il y a peu de temps, multiplie de très nombreuses fois la facture humaine, la facture environnementale, mais aussi, bien sûr, la facture financière, par rapport à une sortie du nucléaire décidée, volontaire, planifiée et menée à terme dans un délai raisonnable.
Sur la question des SIG et de leur budget, j'ai peu de choses à ajouter à l'excellent rapport de majorité et à ce qu'ont dit Alberto Velasco, Lisa Mazzone et M. Cerutti. Cela dit, je ne peux pas m'empêcher d'intervenir sur un point - je ne le voulais pas... (Rires.) ...mais quand même: c'est incroyable qu'on lise un reproche, dans ce rapport de minorité rédigé par M. Genecand, sur les contrats à long terme des SIG. Il explique que le fait que les SIG aient conclu des contrats à long terme d'approvisionnement électrique serait une démarche spéculative des SIG, qui auraient parié sur une hausse des prix de l'électricité, qui, que, etc. C'est surréaliste ! Les SIG ont une obligation constitutionnelle, malgré la libéralisation d'une partie du marché électrique, qui est d'assurer l'approvisionnement des ménages et des entreprises de ce canton en électricité. Nous sommes dans un canton qui produit, bon an, mal an, quelque chose comme 25% - c'est un ordre de grandeur - de son électricité. Et on voudrait que les SIG ne signent aucun contrat à long terme, ne prévoient pas un minimum notre approvisionnement et se contentent simplement d'acheter et de vendre au jour le jour, dans le cadre - précisément ! - d'un marché spéculatif où on peut gagner et perdre. La démarche des SIG consistant à contracter à long terme, pour une part, notre approvisionnement électrique est une démarche élémentaire; gouverner, c'est prévoir. Parfois il faut faire des grèves préventives pour empêcher des catastrophes... (Remarque.) ...comme le disait hier mon excellent collègue Michel Ducommun. En matière électrique - et dans n'importe quel domaine - parfois, quand on veut prévoir et se donner les moyens de garantir un approvisionnement à long terme, la moindre des choses, c'est de signer des contrats et d'avoir la garantie qu'en effet, un certain seuil d'approvisionnement peut être assuré. Il faut le prévoir, et le prévoir non pas sur quelques jours ou sur six mois, mais sur un certain nombre d'années. Alors lire cette critique-là...
Le président. Il vous reste trente secondes !
M. Pierre Vanek. Merci ! ...dans le rapport de minorité démontre que celui-ci s'inscrit dans une démarche consistant réellement à faire feu de tout bois et à trouver à tout prix des poux sur la tête des SIG, alors qu'à la tête des SIG on retrouve...
Le président. Il vous faut conclure, s'il vous plaît !
M. Pierre Vanek. ...Michel Balestra, par exemple, à qui je rends hommage pour la manière dont il mène cette entreprise depuis qu'il y a été nommé. C'est un peu incroyable qu'on vienne lui chercher des poux avec des arguments aussi spécieux...
Le président. Merci, Monsieur !
M. Pierre Vanek. ...et d'une telle mauvaise foi ! Merci à vous, Monsieur le président... (L'orateur continue à remercier le président hors micro. Rires.)
Le président. Je vous en prie ! Je passe la parole à M. le conseiller d'Etat Antonio Hodgers.
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le vote du budget des SIG par votre parlement est avant tout un vote de confiance envers l'une des plus grandes entreprises publiques du canton, un vote de confiance envers les dirigeants de cette entreprise et les démarches qu'ils ont effectuées cette année notamment. Souvenez-vous, il y a un an, j'étais devant vous, à peine élu, en train de justifier les errances des Services industriels, notamment en matière d'énergie éolienne. Vous-mêmes, parlement, à juste titre, posiez beaucoup de questions sur l'opportunité de ces investissements et sur la manière dont les décisions avaient été prises à l'interne. Entre-temps, Mesdames et Messieurs les députés, nous avons nommé un nouveau directeur général, le Conseil d'Etat a nommé un nouveau président du conseil d'administration, nous avons, ensemble - M. Brunier, M. Balestra et votre serviteur - partagé des valeurs de transparence, des valeurs de vérité, afin de pouvoir sortir les SIG des difficultés qui étaient les leurs et de purger les problèmes dans lesquels l'entreprise s'était empêtrée. Cette purge, d'ailleurs, n'est pas finie; nous continuons à faire le ménage, et croyez bien que je suis cette affaire de près.
Mesdames et Messieurs, finalement, tant le rapporteur de minorité que le rapporteur de majorité ont dit que cette entreprise était bien gérée, que le budget était solide et que tout allait pour le mieux du point de vue managérial, du point de vue de la gestion de l'entreprise. Là devrait s'arrêter le débat. La question qui vous est posée est celle de l'acceptation du budget. Or, le rapport de minorité introduit un autre point qui est celui du prix de l'électricité, et prétexte ce débat pour refuser le budget de l'entreprise. Cette démarche est singulière ! Est-ce que demain votre parlement refusera de voter le budget de l'Etat parce que la TVA aura augmenté ? (Commentaires.) Est-ce que demain votre parlement refusera le budget de la police parce que la taxe militaire aura augmenté ? Mesdames et Messieurs, l'augmentation du prix de l'électricité - et cela a été dit par tous les intervenants - est une décision fédérale, imposée par l'ElCom, sur laquelle ni les SIG ni le Conseil d'Etat n'ont de marge de manoeuvre ! La marge de manoeuvre se situe sur le prix de l'électron, pas sur celui du transport ni des taxes. Alors je suis quand même surpris ! Monsieur Genecand, Mesdames et Messieurs les libéraux-radicaux, l'année passée... (Commentaires.) ...le prix de l'électron était le même que cette année ! Pourquoi ne pas avoir thématisé ce sujet l'année dernière ? C'est très surprenant ! La situation n'a absolument pas changé ! On est toujours à 10 centimes le kilowattheure. Pourquoi, tout d'un coup, cette composante-là, dont le prix est fixe depuis des années, sert de raison - ou, devrais-je dire, de prétexte - pour décrédibiliser l'entreprise en refaisant son budget ? Mesdames et Messieurs, si vous voulez un débat sur le prix de l'électricité, nous pourrons l'avoir, mais ce n'est pas l'objet, ici; il s'agit aujourd'hui, comme je l'ai dit, d'un vote de confiance. Nous pourrons avoir un débat sur le prix de l'électricité tel qu'il est aujourd'hui payé par les consommateurs genevois, en tenant compte bien évidemment du prix du marché européen, en tenant compte du fait que ce prix libéralisé du marché européen est basé sur une forte consommation des énergies fossiles, notamment le charbon, les fuels, et bien évidemment le nucléaire. Et, Mesdames et Messieurs les minoritaires, je vous rappelle tout simplement l'article 167 de notre nouvelle constitution: «La politique énergétique de l'Etat est fondée sur les principes suivants: a) un approvisionnement en énergies; b) la réalisation d'économies d'énergie» - c'est ce que le député Olivier Cerutti a évoqué: le kilowattheure le moins cher est celui qui coûte zéro franc et celui qu'on ne dépense pas - puis «c) le développement prioritaire des énergies renouvelables et indigènes». Alors on peut, comme M. Genecand, reprocher aux SIG de respecter la constitution, ou on peut, comme le rapporteur de majorité, admettre que les SIG, aujourd'hui, évoluent dans le contexte juridique et légal donné par le législateur, par le peuple à travers la constitution, et par là même, qu'ils présentent un budget équilibré.
Voilà, Mesdames et Messieurs, l'entreprise a besoin de votre confiance, a besoin de votre soutien pour aller de l'avant après des années difficiles, et je trouve malvenu de contester son budget en prétextant un débat qui, certes, existe, et que nous aurons, notamment au niveau national à travers le projet de libéralisation du prix de l'énergie, mais qui, dans le fond, n'a rien à voir avec le sujet qui vous est proposé ici ce soir.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je mets aux voix l'entrée en matière sur ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 11550 est adopté en premier débat par 52 oui contre 33 non et 8 abstentions.
La loi 11550 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 11550 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 54 oui contre 35 non et 6 abstentions.