Séance du
vendredi 5 décembre 2014 à
15h
1re
législature -
1re
année -
14e
session -
87e
séance
P 1883-A
Débat
Le président. Nous entamons le chapitre des pétitions avec un dernier point pour cette séance, la P 1883-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Monsieur le rapporteur de majorité, c'est à vous.
M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cette pétition est une extrapolation d'une situation inexistante; elle n'a donc évidemment pas lieu d'être. En fait, ce sont les syndicats qui se sont inquiétés d'une situation qui - il faut quand même le dire - aurait pu exister si le contrat de prestations négocié entre l'Etat, la Fondation officielle de la jeunesse principalement et les autres institutions concernées n'était pas allé dans le bon sens. Cela aurait éventuellement pu avoir des répercussions sur les conditions de travail, en effet.
De cela, il n'en est rien. Dans un premier temps, les fondations et autres institutions concernées avaient refusé de signer le contrat de prestations, ce qui a rouvert les négociations. Le Conseil d'Etat a finalement accepté les demandes de ces institutions et quelque peu réévalué le contrat de prestations au niveau des financements, ce qui fait que tout est rentré dans l'ordre et que toutes les institutions ont finalement signé leur contrat de prestations. Comme je le disais en préambule, cette pétition n'a donc plus lieu d'être, elle aurait même dû être retirée par ses auteurs, ce qui nous aurait évité un débat inutile. Je vous remercie.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs, M. Florey déclare que cette pétition n'a plus lieu d'être et que tout est rentré dans l'ordre. Or, à entendre les institutions concernées par ce contrat de prestations, elles ont tout d'abord dû se défendre contre des baisses drastiques. Elles ont certes obtenu une amélioration du contrat de prestations mais, aujourd'hui encore - elles le disaient très clairement au moment de leur audition - l'entier de leurs besoins n'est pas couvert. Prétendre dès lors que la pétition n'a pas lieu d'être est quand même une vue de l'esprit, et une vue d'un esprit qui ne correspond pas à celui du service public.
Par ailleurs, cette pétition met en exergue la problématique des contrats de prestations un peu hors sol qui sont tout à coup proposés aux institutions et posent des exigences et des indicateurs peu en phase avec leurs réels besoins. Lors de la dernière session, les représentants de ces mêmes institutions sont venus nous dire, une fois encore, à quel point les risques de baisses budgétaires intégrés dans le budget 2015 auraient un effet désastreux sur leur fonctionnement. Aussi, la minorité vous appelle à renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.
Cela étant, je ne résiste pas au plaisir de relever ce qui est dit par certains cadres du département eux-mêmes. Je cite le rapport: selon l'un d'eux, «"le canton rogne sur les angles de ses aides." Il ajoute que ces associations se retrouvent donc parfois dans des situations de pressions assez fortes. Il rappelle encore que les prestations de ces associations se dégradent d'année en année et il remarque que le canton doit remettre les compteurs à zéro tous les quatre ans. Ce à quoi un autre» - cadre du département - «ajoute: "Ce modèle est calculé au plus juste et il conviendra de rester attentif à la survie de ces institutions en cas de futures coupes budgétaires."» Lorsque la survie des associations en question est en péril, il est un peu fort de café de décréter que la pétition n'a pas lieu d'être. Quant au personnel, si les subventions diminuent, à plus forte raison les conditions de travail des employés se dégraderont et ils seront fondés à s'en défendre. Je vous remercie de votre attention.
M. Boris Calame (Ve). Chères et chers collègues, la pétition 1883 dite «Pour des contrats de prestations 2014-2017 garantissant des prestations de qualité répondant aux normes et garantissant des conditions de travail dignes» nous rappelle que la situation - ou plutôt le manque d'anticipation trop fréquent - du renouvellement des contrats de prestations crée de réelles incertitudes pour les institutions et, dans le cas présent, plus particulièrement s'agissant des conditions de travail à venir des employés de celles-ci. La délégation de certaines tâches de l'Etat à des tiers est sans aucun doute une solution qui permet de valoriser l'expertise et les compétences de la société civile - notamment celles du monde associatif - à des coûts tout à fait exemplaires pour une qualité avérée. Toutefois, depuis l'arrivée de la LIAF et des contrats de prestations, il faut reconnaître que l'incertitude du maintien de la relation entre les parties se présente de façon cyclique, soit lors de discussions souvent bien trop tardives en vue du renouvellement desdits contrats, que ce soit sur la continuité de l'engagement financier de l'Etat ou sur la mission déléguée à l'organisme bénéficiaire. Pourtant, la mise à jour de la relation contractuelle qui lie les parties est l'élément clef qui doit permettre d'assurer à terme la bonne mise en oeuvre du partenariat souhaité, celui-ci étant au service des acteurs et bénéficiaires des prestations. Cette incertitude cyclique limite la réalisation de projets ou leur maintien alors même qu'ils ont du sens et de la pertinence au regard du vécu de terrain. Les mécanismes salariaux imposent à juste titre une progression des revenus des collaboratrices et collaborateurs des organismes partenaires alors que la subvention constante empêche cette mise en oeuvre. Le résultat logique est une diminution de la prestation proposée par délégation et convenue par le contrat de prestations. En effet, pour assurer une offre constante, l'évolution du financement, respectivement de la subvention, doit obligatoirement accompagner l'augmentation des coûts. Si tel n'est pas le cas, nous acceptons de facto de vouloir faire moins au moindre coût, car il ne faut pas rêver: il ne sera pas fait plus avec moins. Mesdames et Messieurs les députés, le groupe des Verts vous invite à soutenir cette pétition en la renvoyant au Conseil d'Etat pour qu'il s'engage dorénavant dans une démarche de partenariat en faisant de ces contrats de prestations de véritables outils de délégation efficaces et efficients, conformément à l'article 211 de notre constitution. Je vous remercie de votre attention.
M. Christian Frey (S). Il est effectivement un peu fort de café d'entendre le rapporteur de majorité dire que c'est une mauvaise question ou une sorte de non-question qui a été posée, dans la mesure où elle touche au fonctionnement même d'un certain nombre d'institutions qui, comme le mentionnait la rapporteuse de minorité, se sont retrouvées à la dernière session là-dehors, en disant: «Nous n'arrivons pas à fonctionner avec nos contrats de prestations, ou plutôt avec les conditions que fixent les contrats de prestations.» Au début, ces contrats de prestations étaient censés être des contrats de partenariat entre deux partenaires, l'un définissant ce qu'il doit fournir comme prestations, l'autre prenant un engagement financier sur une période de quatre ans. Or il n'en est rien. Nous allons probablement voter une diminution de 1%, ce qui montre bien que la réflexion d'un certain nombre d'associations et de fondations qui disaient «contrat de prestations, piège à cons» - excusez-moi le côté un peu trivial de l'expression - se révèle juste. D'une part, on fixe une mission, des critères, des objectifs à atteindre et des indicateurs - et on les suit de très près sous menace de diminution de subvention - d'autre part, le Grand Conseil que nous représentons, dans son infinie sagesse peut, chaque année, diminuer la subvention. Peut-être l'augmentera-t-il un jour mais ce à quoi nous assistons en tout cas, c'est à sa diminution systématique. Voilà l'occasion ou jamais pour le Conseil d'Etat de revoir la notion de contrat de prestations. J'ai lu dans les mesures proposées - je ne sais pas si c'est pour renforcer l'efficience ou l'efficacité - qu'on envisageait de remplacer les contrats de prestations par des lettres de mission. Alors je ne sais pas exactement ce que ça signifie, je pense qu'on va nous l'expliquer. Mais peut-être serait-il plus honnête de dire: «Nous vous assurons cet argent pour une année, parce que nous ne pouvons pas nous engager pour plus d'un an, mais moyennant cela, nous vous traitons comme un véritable partenaire.» Ce sujet de réflexion, Mesdames et Messieurs, nous incite à vouloir renvoyer au Conseil d'Etat cette pétition afin qu'il réfléchisse à de véritables contrats de partenariat, en particulier avec les institutions subventionnées privées. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le rapporteur Stéphane Florey. Vous avez trente-neuf secondes, Monsieur.
M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je voudrais juste dire qu'il ne faut pas mélanger les choses. Les syndicats sont chargés de négocier les conditions de travail avec les directions de ces institutions. Les directions d'institutions, quant à elles, négocient le contrat de prestations avec le Conseil d'Etat, et c'est dans ce sens-là que je disais que la pétition n'avait plus lieu d'être puisque, en ce qui concerne les institutions et le Conseil d'Etat, tout est rentré dans l'ordre: elles ont toutes fini par accepter et signer le contrat de prestations. C'est pour cela que je vous invite à déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, rien n'est rentré dans l'ordre ! Les institutions n'ont pas de latitude pour accepter ou refuser un contrat de prestations: si elles veulent pouvoir déployer leurs activités, elles sont contraintes de signer un contrat de prestations, et on a relevé à plusieurs occasions l'asymétrie qui distingue les parties contractantes. Cela étant, elles ont obtenu une amélioration de leur subvention mais, je le répète, pas suffisamment pour couvrir l'entier de leurs charges. Quant au rôle des syndicats, si les conditions de travail du personnel dépendent de l'enveloppe budgétaire qui est accordée...
Le président. Il vous reste trente secondes, Madame.
Mme Jocelyne Haller. ...aux institutions, bien évidemment qu'ils ont raison de se préoccuper du contenu du contrat de prestations, faute de quoi ils auraient une grève ou des mesures de lutte «tardives» - pour reprendre un bout des débats que nous avons eus hier. Quant à la question des contrats de prestations, nous avons à plusieurs reprises relevé qu'il s'agissait là d'une pression faite sur les institutions pour opérer une forme de sous-enchère budgétaire...
Le président. Il vous faut conclure.
Mme Jocelyne Haller. ...qui conduit finalement à diminuer la qualité et la quantité des prestations offertes à la population, ce à quoi notre parlement ne devrait pas souscrire. C'est pourquoi...
Le président. Merci.
Mme Jocelyne Haller. ...je réitère mon invitation à renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. Je vous remercie de votre attention.
Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, si j'entends bien les arguments de chacun, il y a au fond deux débats: un débat sur la pétition même et un autre sur la problématique générale des contrats de prestations et du subventionnement aux institutions et associations. Là, je crois que vous soulevez une vraie question, qui est récurrente depuis plusieurs années et préoccupe également le Conseil d'Etat. Cela nous a amenés à nous poser la question suivante: quel est le sens de faire signer des contrats pour une durée de quatre ans si, au bout du compte, soit le Conseil d'Etat lui-même soit le parlement - en général, c'est d'ailleurs le parlement qui fait pression à la commission des finances - n'accepte pas ce qui a été voté et parfois même ce qui a été accepté au niveau du budget ? Cette question est réelle. Je ne sais pas si c'est par le biais de cette pétition-là qu'il faut y répondre, mais le Conseil d'Etat s'en préoccupe.
Maintenant, juste quelques éléments sur les institutions en question: entre le moment où la pétition a été déposée et celui où les contrats ont été signés et que le parlement les a acceptés, les choses ont singulièrement changé. On ne peut pas dire qu'il y avait des baisses - ainsi que les pétitionnaires le prétendaient au départ - puisqu'il y a eu 3,32 millions de hausse globale de subventions, pour partie des subventions liées à des hausses de prestations accordées par ces institutions. Je prends un exemple très concret, et je pense que ce parlement y sera sensible, à savoir, dans le cadre de la FOJ, l'ouverture de Piccolo, une structure qui accueille des petits de zéro à quatre ans souvent en situation d'urgence pour éviter ce qu'on appelle des hospitalisations sociales. En effet, il ne faut pas croire que les HUG nous offrent les hospitalisations sociales ou qu'elles sont prises en charge par la LAMal. Dès que celles-ci durent un certain temps, c'est-à-dire au-delà du temps d'hospitalisation nécessaire pour des raisons de santé, les coûts sont facturés 1200 F par jour au DIP. Au fond, mettre de l'argent dans une fondation - en l'occurrence la FOJ - pour créer des places nous coûte moitié moins cher que si on hospitalise ces enfants. Il y a ainsi des augmentations de prestations qui sont en réalité, à terme, des baisses pour l'Etat.
Il y a également un certain nombre de réallocations, peut-être pas suffisantes pour les subventionnés, j'en conviens, mais qui permettent quand même de rectifier certaines choses. Par exemple, plus de 700 000 F sont injectés pour ce qui relève de la rénovation et de l'entretien des bâtiments parce que nous nous sommes rendu compte que la subvention ne permettait pas de couvrir véritablement les coûts. Il est vrai que c'est serré pour les subventionnés; l'Etat essaie de faire un effort mais vous connaissez le contexte des finances cantonales, on ne peut guère faire plus pour l'instant. Avec les 3,32 millions de subventions en plus dont je vous parlais plus les 2,3 millions de réallocations internes au DIP, le département fait un gros effort pour ne pas trop en demander aux finances publiques. Voilà les quelques précisions que je voulais apporter, Mesdames et Messieurs. Nous vous répondrons bien évidemment si vous souhaitez des renseignements plus généraux sur la question des subventionnés.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. J'appelle les députés à voter les conclusions de la majorité de la commission, à savoir le dépôt sur le bureau du Grand Conseil.
Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 1883 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 54 oui contre 28 non.