Séance du
jeudi 4 décembre 2014 à
17h
1re
législature -
1re
année -
14e
session -
85e
séance
RD 1068
Le président. Je vous informe que nous avons reçu la lettre de démission de M. Philippe Joye de son mandat de député. Je prie M. Lefort de bien vouloir nous lire le courrier 3401. (Applaudissements à l'issue de la lecture.)
Le président. Il est pris acte de cette démission.
Mesdames et Messieurs les députés, M. Philippe Joye a siégé plusieurs années au sein du Grand Conseil. Entré pour la première fois en 1985 sur les bancs du parti démocrate-chrétien, il a réintégré le Grand Conseil en 1988 comme vient-ensuite. Réélu en 1989, il a siégé comme député jusqu'en 1993 puis a démissionné en fin d'année après son élection au Conseil d'Etat, où il a dirigé le département des travaux publics de 1993 à 1997. Enfin, il a retrouvé son siège de député en 2013, après avoir été élu sur la liste du Mouvement Citoyens Genevois.
Durant ses différents mandats, il a siégé dans plusieurs commissions, dont la commission des travaux, et assumé la présidence des commissions législative, d'aménagement et de l'économie. Architecte de profession, M. Joye s'est battu sans relâche pour une traversée lacustre.
Nous formons tous nos voeux pour la suite de ses activités et lui remettrons, fidèles à la tradition, un stylo souvenir.
M. François Baertschi (MCG). Philippe Joye est sans conteste l'une des personnalités les plus originales de Genève, mais aussi l'une des plus talentueuses. On doit à cet architecte des constructions parmi les plus réussies de notre canton, notamment l'UBS des Acacias. Il a également développé une réflexion très intéressante sur la lumière dans l'architecture, ce qui dénote une personnalité tournée davantage vers la clarté et le brillant que l'obscurité. Cette dimension créatrice, Philippe Joye l'a également exprimée lorsque, élu au Conseil d'Etat, il a géré les travaux publics dans les années 90. Précisons que cette créativité a été impeccable d'un point de vue technique et qu'elle ne s'opposait pas à l'efficacité ni à la rapidité. C'est grâce à lui que la bretelle autoroutière de Plan-les-Ouates a pu être achevée en si peu d'années, et Genève lui doit un nombre important de réalisations.
Philippe Joye est un visionnaire et a subi parfois - trop souvent - le sort des visionnaires, qui ne sont pas toujours reconnus à leur juste valeur. Ainsi, il a préparé il y a moins de dix ans un projet révolutionnaire de pont sur le lac, avec un financement au moyen d'un péage qui aurait soulagé les contribuables. Mais en proposant un projet tellement innovant, le visionnaire n'a pas été suivi. Malheureusement, celui-ci a été torpillé, mais ce n'est le lieu ni de refaire la polémique ni de continuer à parler de ce projet. Nous pouvons néanmoins espérer que le projet Joye renaisse prochainement.
Philippe Joye n'est pas qu'un visionnaire. C'est aussi une personnalité profondément ouverte aux autres, sympathique avec les plus humbles, toujours prête à raconter une blague, à faire le baisemain aux dames, à s'enquérir de l'opinion d'autrui. Philippe Joye sait mettre une excellente ambiance lors de réunions ou d'autres assemblées. Il dispose de ce talent particulièrement agréable.
En 2013, après une carrière professionnelle et politique bien remplie, Philippe Joye avait décidé de se lancer un défi en se présentant une nouvelle fois au Grand Conseil. Il ne figurait pas sur la liste de son ancien parti et avait rejoint le MCG, où il compte de nombreux amis. Philippe Joye a obtenu un excellent résultat, arrivant dans les meilleures places, et a contribué au succès de notre liste. Une fois élu, il a siégé à la commission des travaux du Grand Conseil et suivi attentivement les débats, évaluant avec attention la qualité des orateurs issus de tous les bancs.
Mais comment ne pas parler de Babar, personnage fétiche qu'il a toujours affectionné, au point qu'il en arbore fièrement le nom, «Babar Joye» ?! Il dispose également d'une formidable collection de cravates très originales et colorées, avec des éléphants et des animaux, héritage d'un parent qui était un cravatier réputé à Paris. Philippe Joye aime particulièrement nous raconter un fait d'armes, son défilé mémorable devant la troupe militaire qu'il commandait, juché sur un éléphant tel Hannibal. Ce défilé original avait, paraît-il, énervé au plus haut point la hiérarchie militaire. Son surnom de Babar a ainsi été acquis pour la postérité.
Cher Philippe, cher Babar, permets-moi, au nom du MCG, de te remercier pour les actions que tu as menées pour le bien de tous et de la république, mais également de te transmettre toute notre amitié. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Ducommun, pour un hommage.
M. Michel Ducommun (EAG). Non ! (Rires.) Excusez-moi ! Il a été fait, l'hommage ! (Commentaires.) Je pourrais bien improviser, mais...
Je voudrais d'abord m'excuser car, étant effectivement un peu novice dans cette salle, c'est vrai que je fais sans doute des erreurs au niveau de certains modes de fonctionnement. (Brouhaha.) Mais comme j'avais vraiment envie de protéger et de respecter les 13 000 signataires de la pétition dont j'ai parlé, on m'a soufflé que la proposition que je devais faire...
Le président. Merci, Monsieur.
M. Michel Ducommun. ...c'était de retirer cet objet des extraits. Alors je le fais !
Le président. Monsieur Romain de Sainte Marie, c'est une erreur ? (Remarque.) Madame Meissner, vous avez la parole.
Mme Christina Meissner (UDC). Merci, Monsieur le président. Vous me permettrez de m'exprimer sur Philippe Joye moins en tant que députée que par le fait que je l'ai connu quand je travaillais à Pro Natura. Et quelle surprise de recevoir tout d'un coup d'un conseiller d'Etat une lettre signée Babar ! Je dois dire que ça m'avait étonnée, d'autant qu'en plus il était ouvert à la discussion. Nous avons travaillé ensemble sur le contournement autoroutier de Plan-les-Ouates, alors même, il faut le reconnaître, que c'était surtout avec Christian Grobet que nous avions commencé le travail. Mais il l'a continué dans le même esprit constructif, surtout pour préserver le coteau de Saconnex-d'Arve ainsi que les magnifiques vergers traditionnels et la faune menacée qui s'y trouvait, en l'occurrence la chouette chevêche.
Et je ne saurais non plus passer sous silence cet amour qu'il avait - comme moi, d'ailleurs - pour les éléphants. Vous vous souviendrez peut-être que c'était encore au temps où le Conseil d'Etat accueillait les éléphants, eh oui ! Après leur petit déjeuner il y avait le salut des autorités, et le Conseil d'Etat descendait de sa tour d'ivoire pour aller voir et saluer à son tour les éléphants. Babar, alias Philippe Joye, avait à cette époque fait sensation car il avait même souhaité monter sur un éléphant... Eh bien oui, je regrette que cette magnifique tradition se soit perdue, malgré les promesses du Conseil d'Etat de la réintroduire. Voilà pour ce petit aparté !
Je souhaite bon vent à Babar, en espérant qu'il pourra profiter de sa retraite et qu'il oubliera ces débats parlementaires pour vivre une retraite joyeuse. Adieu, Philippe Joye, pour ce qui est de ce parlement, mais au revoir pour tout le reste du temps ! (Applaudissements.)
M. Bertrand Buchs (PDC). Au nom de son ancien parti, je tiens à dire tout le respect que nous avons pour Philippe Joye, cet homme qui a eu l'idée de la traversée de la rade ou du lac, une idée que l'on porte encore maintenant et que l'on veut encore réaliser. Ce pont qu'il souhaitait, je pense qu'on pourra le faire, qu'on pourra l'obtenir. C'est quand même lui qui a lancé cette idée, et c'est vrai qu'il avait une vision au niveau de l'architecture. Je me rappelle que j'avais assisté - je ne le connaissais pas à l'époque - à l'inauguration de l'école du Val d'Arve à Carouge, qui avait été construite par lui-même. Mes enfants ont fait leurs classes au Val d'Arve et c'est une école magnifique, qui a permis aux élèves de se développer d'une façon formidable dans des lieux qui avaient été pensés pour les enfants, ce qui constitue une force, la force de l'architecture.
Nous, PDC, ancien parti de Philippe Joye, aimerions le remercier pour le travail qu'il a accompli pour la république, pour le travail qu'il a réalisé comme conseiller d'Etat, et je lui souhaite bonne chance pour la suite. (Applaudissements.)
Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Je voudrais rendre à Philippe Joye un hommage d'une nature un peu différente. C'est vrai que Philippe Joye est un grand architecte, il le restera toujours, c'est vrai que c'est un homme qui préférait la lumière à l'ombre - je crois qu'il l'a bien démontré - mais je voudrais dire aussi et surtout que c'est un grand monsieur. Il a vécu des revers politiques et personnels d'une rare difficulté, qu'il a assumés avec grandeur et élégance, tout en gardant une humilité et une modestie très importantes. Cela ne lui a pas fait changer son système de valeurs, il est resté tel que lui-même, lumineux, très ouvert aux relations avec les autres, et surtout il est resté debout, ce que certains ne sont pas capables de faire. Il a su garder cette vision de Genève, il n'en a pas voulu aux uns et aux autres, et pourtant il y aurait eu de quoi... C'est donc en tout cas pour moi à la fois un poète et un grand homme, et il nous sert d'exemple. (Applaudissements.)