Séance du
vendredi 14 novembre 2014 à
20h30
1re
législature -
1re
année -
13e
session -
84e
séance
PL 11068-A
Premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous poursuivons notre travail avec le PL 11068-A. Nous sommes dans un débat classé en catégorie II prévoyant quarante minutes de temps de parole. Monsieur le rapporteur de majorité, c'est à vous.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la commission fiscale, dans sa majorité, a refusé d'entrer en matière sur le PL 11068 visant à taxer davantage les véhicules polluants. Ce projet de loi vise à taxer encore plus les véhicules dits polluants, avec malus - car la loi existe déjà et cela se fait déjà lourdement puisque Genève est le canton qui taxe le plus les véhicules en Suisse. En 2013, ces voitures représentaient 7% du parc cantonal de véhicules, et ceux au bénéfice d'un bonus, 17% du parc. Il y a donc une évolution vers des véhicules émettant moins de CO2. Genève étant le canton de Suisse avec la plus haute taxe sur les véhicules, la majorité de la commission fiscale vous demande de refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi.
Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, nous ne sommes bien évidemment pas de l'avis du rapporteur de majorité. Ce projet de loi sur la taxation des quatre-roues ajoute une tranche dans la prise en compte de la puissance en kilowatts et une augmentation des coefficients en termes d'émissions de CO2. Bien sûr, comme les autres projets de lois que nous avons étudiés tout à l'heure, un des buts de ce texte est une recherche de revenus plus grands pour les prestations qu'octroie le canton. Ceci, tout en accentuant le bonus/malus. La Suisse a le parc de voitures neuves le plus polluant d'Europe. En Europe, la moyenne d'émissions de CO2 est de 155 grammes, alors qu'en Suisse, nous sommes à 175 grammes. Il y a donc une marge que nous pourrions encore travailler au niveau fiscal et au niveau des bonus/malus.
Nous l'avons déjà entendu tout à l'heure pour les deux-roues, la fiscalité et les bonus/malus ne sont pas un moyen pour inciter les gens à changer d'habitudes d'achats en matière de véhicules, d'habitudes de consommation en matière de transports. Le canton de Genève a essayé une autre solution que le bonus/malus, avec des mesures d'incitations: depuis 2002, nous avons essayé d'inciter à l'achat de voitures électriques par un système de non-taxation pour la première année plus deux ans d'utilisation d'un véhicule électrique, pour autant qu'on choisisse l'électricité de la gamme «Vitale Vert» des Services industriels de Genève. Cela n'a pas propulsé les voitures électriques dans le haut des statistiques en termes d'achats ! Il nous semble donc encore nécessaire d'améliorer cette loi en augmentant justement d'une tranche la prise en compte en termes d'émissions de CO2, ceci, bien sûr, avec le double objectif d'obtenir des revenus supplémentaires et, d'autre part, d'avoir un impact en termes de pollution atmosphérique à Genève. Comme nous l'avons observé hier, nous aurions bien besoin de pouvoir diminuer ce coefficient de pollution. Pour toutes ces raisons, ce projet de loi était bien pensé. Suivant le débat, il est possible que nous renvoyions ce projet de loi à la commission fiscale, mais nous attendons encore un moment.
M. Stéphane Florey (UDC). Tout d'abord, avant de débattre du fond, il convient de faire un bilan du système actuel. Voté il y a quelques années, il a amené à une seule chose: non seulement une augmentation d'impôts, mais une forte augmentation des recettes. On peut en conclure que son bilan est catastrophique à ce jour car il n'a amené aucune amélioration au niveau écologique. Je la citais tout à l'heure, une récente enquête de la «Tribune de Genève» démontre que les incitations ne fonctionnent pas, que le bilan écologique est quasiment nul. Il conviendrait donc, en fait, de se pencher sur ce bilan et peut-être de revoir complètement cette taxation, plutôt que de vouloir l'augmenter. Car, en fin de compte, ce que propose ce projet de loi, c'est encore une vraie augmentation d'impôts - mais une double augmentation d'impôts ! Non seulement il propose d'augmenter le barème, mais aussi de taxer l'ensemble du parc de véhicules. Les initiants reviennent donc sur ce que la population avait voté il y a quelques années, puisque la votation avait amené à ne taxer d'un malus que les véhicules neufs, alors que là, c'est l'ensemble du parc que l'on veut taxer. Pour preuve, il n'y a qu'à lire la première phrase du deuxième paragraphe de la page 2 du rapport, que je cite: «Le but de ce projet de loi est de générer de nouvelles recettes fiscales.» C'est là, justement, que le titre de ce projet de loi est un vrai mensonge puisqu'il est intitulé «Pour une fiscalité plus écologique et plus sociale». Alors oui, en effet, vous voulez taxer plus pour prétendument augmenter les recettes de l'Etat, pour pouvoir financer vos pseudo-projets sociaux, en faisant croire à la population que vous oeuvrez pour son bien-être ! Mais en fait, ce que vous faites, c'est que vous écrasez une fois de plus totalement la classe moyenne, puisque celle-ci représente la majorité de ce canton. Et ce qu'il faut bien savoir, c'est qu'on n'achète pas une voiture selon son désir, mais selon son besoin. Une famille de quatre, cinq voire six personnes ne va pas acheter une Smart alors qu'elle a besoin d'un monospace ! Le monospace, forcément, est plus grand et consomme un peu plus qu'une Smart. Inévitablement, il va polluer plus, et ce que vous faites, c'est que vous punissez justement ces catégories qui achètent des véhicules selon leurs besoins, non seulement en les taxant plus, mais en les punissant, malheureusement pour eux, d'avoir une grande famille.
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Stéphane Florey. C'est pour ces raisons que je vous invite fortement à refuser ce projet de loi et à refuser bien évidemment toute demande de renvoi en commission.
M. Roger Deneys (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'à l'occasion de ce projet de loi comme des deux précédents qui nous ont occupés tout à l'heure, concernant la taxation des motos et des bateaux de grande puissance, je crois que nous faisons ici le même exercice pour savoir ce que nous voulons aujourd'hui à Genève: des recettes fiscales supplémentaires, indispensables aujourd'hui pour l'Etat de Genève ! On le voit bien quand le Conseil d'Etat propose des budgets dans lesquels il veut couper soit les annuités de la fonction publique, soit les subventions aux associations et aux milieux subventionnés, soit des prestations d'assurance-maladie pour des personnes défavorisées. On voit qu'aujourd'hui, le Conseil d'Etat genevois fait des économies sur des classes sociales défavorisées ou modestes parce qu'il doit boucler son budget et, comme l'a dit Romain de Sainte Marie tout à l'heure, parce qu'il veut préserver des privilèges tels que le bouclier fiscal pour les grandes fortunes ! Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, aujourd'hui, nous, socialistes, contestons ce genre de raisonnements: ce n'est pas normal de vouloir préserver des privilèges pour les grandes fortunes et les hauts revenus en le faisant payer à la classe moyenne et aux gens qui ont des moyens très limités !
Alors, Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi sur la taxation accrue des voitures s'adresse d'abord aux gens qui ont des voitures puissantes, qui émettent plus de 160 grammes de CO2 par kilomètre, c'est-à-dire des voitures qui sont au-delà de la moyenne considérée comme le standard pour la taxation normale à Genève aujourd'hui. Ce sont ces voitures au-delà de la moyenne genevoise qui seraient taxées davantage. Effectivement, ce sont souvent des véhicules puissants, extrêmement puissants, et on sait qu'à Genève le parc automobile est plus cher que dans le reste de la Suisse, parce que les Genevoises et les Genevois valorisent beaucoup l'acquisition de véhicules. Alors je suis désolé, si des personnes ont les moyens de s'acheter des véhicules puissants, elles ont certainement les moyens de payer un peu plus pour leur taxe automobile !
Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'il faut aussi rappeler que ce projet de loi visait à exonérer à 80% les véhicules qui émettent moins de 80 grammes de CO2 par kilomètre; une exonération supplémentaire à ce qui existe aujourd'hui. Ce projet de loi encourage donc l'acquisition de véhicules non polluants, et - je crois qu'on l'a évoqué tout à l'heure - dans un canton qui doit lutter contre les émissions excessives de particules fines et de pollution liée au trafic automobile, ce texte ne peut que répondre à la préoccupation des Genevoises et des Genevois en matière de santé publique.
Mesdames et Messieurs les députés, on peut, par dogmatisme, critiquer ce genre de projets de lois en pensant que la classe moyenne paierait trop d'impôts, comme on l'a entendu tout à l'heure. Toutefois, vos travaux à la commission fiscale et ce que vous dites aujourd'hui ne correspondent pas à la réalité. J'ai ici un article d'un quotidien que vous devez certainement lire fréquemment, qui s'appelle «Le Matin». Dans ce journal, au mois de février 2014, était évoquée la question de la taxe auto et il était écrit qu'elle va du simple au quintuple.
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Roger Deneys. Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, on voit très bien que, dans le canton de Genève, la taxe auto n'est de loin pas la plus élevée ! Donc, Mesdames et Messieurs, posez-vous la question de savoir s'il est possible de faire payer un peu plus des automobilistes qui ont en même temps bénéficié de 200 millions de francs d'économies d'impôts avec la baisse d'impôts de 2009 que vous avez soutenue. Maintenant, vous venez nous dire qu'elle n'a pas eu d'effets ! Il faudrait savoir: si cette baisse d'impôts n'a pas eu d'effets en 2009, je ne vois pas pourquoi vous venez nous dire aujourd'hui que cela ne va pas de taxer un peu plus les voitures puissantes ! Mesdames et Messieurs les députés, il faut accepter ce projet de loi, et en attendant... (Le micro de l'orateur est coupé. L'orateur continue de s'exprimer hors micro.)
Le président. C'est terminé. Merci, Monsieur. Je vais passer la parole à M. le député Bernhard Riedweg. Monsieur Riedweg, il vous reste 5,8% sur le temps de votre groupe ! (Commentaires.)
M. Bernhard Riedweg (UDC). Comment ? Je n'ai pas compris.
Le président. Il vous reste 5,8% du temps de votre groupe: quatorze secondes !
M. Bernhard Riedweg. Trente secondes ? Alors je renonce, Monsieur le président. Je renonce !
Le président. Nous allons donc nous exprimer sur le renvoi en commission. Madame et Monsieur les rapporteurs, vous avez la parole.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. La majorité de la commission est évidemment opposée au renvoi en commission, et j'aimerais en profiter pour remettre un peu l'église au milieu du village. Si d'après les statistiques, en moyenne, à Genève, ce sont en effet 175 grammes, je vous rappelle qu'au niveau fédéral, il y a de nouvelles normes qui vont entrer en vigueur le 1er janvier 2015, soit dans un mois et demi, et le nouveau chiffre sera de 130 grammes. Par conséquent, il suffira d'appliquer la nouvelle loi fédérale; il faut donc refuser ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Madame la rapporteure de minorité, vous ne voulez pas intervenir ? (Remarque.) Allez-y !
Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. Je dirai qu'au niveau fédéral les normes vont changer et que c'est justement l'occasion de renvoyer le projet de loi en commission pour l'adapter voire l'amender par rapport à ce qu'il proposait au départ, c'est-à-dire faire payer moins les véhicules moins polluants et faire payer plus les véhicules plus polluants. Mesdames et Messieurs les députés, considérant les frais qu'occasionne une voiture, avec les plaques, les taxes, la benzine, les assurances et les réparations, je ne crois pas que c'est une augmentation légère de l'imposition et de la taxe sur le véhicule qui touchera de manière majeure les ménages, qu'ils soient de la classe moyenne, précaire ou aisée.
Le président. Merci, Madame la rapporteure. Est-ce que le conseiller d'Etat veut s'exprimer ? (Remarque.) Non, nous passons donc au vote.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11068 à la commission fiscale est rejeté par 48 non contre 39 oui et 1 abstention.
Le président. Nous poursuivons le débat. Je passe la parole à M. le député Michel Ducommun.
M. Michel Ducommun (EAG). Merci, Monsieur le président. J'ai déjà dit une ou deux fois certaines choses que je trouve importantes. Je ne vais pas les répéter, mais j'entends que du côté de cette droite qui s'appelle «troisième force»...
M. Thierry Cerutti. On t'aime !
M. Michel Ducommun. ...cette troisième force censée défendre la classe moyenne et qui ne parle que de la classe moyenne... Pourtant, lorsqu'on s'attaque à des gens qui ne sont pas de la classe moyenne, mais plutôt de la classe défavorisée, cette troisième force ne s'y intéresse pas tellement ! Je veux quand même donner un élément de réponse... (Commentaires. Le président agite la cloche.) Je me permets de lire: «La charge fiscale a dépassé la limite de ce qui est supportable»...
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Michel Ducommun. Attendez ! Je crois que vous allez regretter ces applaudissements. Je continue: «La politique fiscale est assurément une des raisons importantes qui pousse à l'émigration de l'industrie, lasse de voir l'Etat couvrir ses nouveaux besoins par des impôts directs et fortement progressifs.»
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Michel Ducommun. Vous avez applaudi deux fois une déclaration du Vorort de 1929 ! Vous êtes vraiment totalement à la page ! Puisque j'en suis là, je continue: «La Confédération a vécu d'une manière luxueuse pendant des années, une cure d'amaigrissement ferait du bien»... Attendez voir, excusez-moi, tout d'un coup j'ai un petit problème informatique que je vais résoudre. Qu'est-ce qui se passe là ? Attendez voir ! (Applaudissements. Exclamations.) «Une cure d'amaigrissement ferait du bien et la politique des caisses vides apparaît aujourd'hui comme un frein nécessaire pour une machine qui n'en conduit pas d'autres», déclarait de nouveau en 1929 M. Cavin, secrétaire patronal vaudois. En d'autres termes, vous n'êtes pas vraiment d'actualité ! Cela fait depuis 1929 que la droite et le patronat disent que, pour résoudre et empêcher l'Etat de fonctionner en termes sociaux, il faut une politique des caisses vides. C'est ce que vous avez fait depuis dix ans et c'est ce que je vous reproche ! Merci et au revoir ! (Applaudissements.)
M. Benoît Genecand (PLR). Je vais revenir à des chiffres un peu plus récents. Je les répète, je les répète à l'envi et M. de Sainte Marie répète les siens: il me semble qu'on devrait une fois se fier à ceux qui nous sont fournis par notre gouvernement, c'est-à-dire les chiffres qui figurent dans les documents pour préparer le budget 2015. Ces chiffres sont assez simples; on n'a pas moins de ressources, on a plus de ressources !
M. Roger Deneys. C'est faux !
M. Benoît Genecand. On en a plus ! On a 147 millions de francs de ressources supplémentaires: c'est-à-dire 2,5%. On a 147 millions ! (Commentaires.)
Une voix. Silence ! (Le président agite la cloche.)
M. Benoît Genecand. Ils ne veulent même pas entendre, Monsieur le président ! Ils ne peuvent pas comprendre et ils ne veulent pas entendre. Le chiffre figure dans les budgets: 147 millions de francs de recettes supplémentaires. Notre canton a de la chance, l'économie est prospère, les recettes entrent: impôts, taxes et compagnie. Qu'est-ce qu'on fait de ces 147 millions de francs, Monsieur le président ? 95 millions vont directement dans les charges de personnel. 95 millions auxquels il faut rajouter les 35 millions de subventions qui sont en grande partie des charges de personnel. (Commentaires.) Si vous payez l'annuité, Monsieur le président, vous êtes à plus que les 147 millions de francs. Que fait le canton de Genève à chaque fois qu'il a de l'argent en plus ? Il paie sa fonction publique. Si, au bout de la chaîne sociale, il y a des économies, c'est tout simplement parce que notre canton est devenu glouton et qu'il ne laisse pas passer un franc, ni même un centime en direction des plus défavorisés. C'est ça, le problème de ce canton. C'est un des cantons les plus riches de Suisse. C'est un canton qui arrive encore, pendant les périodes de crise, à faire des recettes supplémentaires: 147 millions ! (Commentaires.) Que M. Deneys veuille l'entendre ou non, c'est la réalité. Et, sur ces 147 millions, on consomme 70% à 90% pour les charges du personnel. C'est ça, notre problème, Monsieur le président.
Maintenant, j'ai une petite remarque concernant la fiscalité qui nous occupe ce soir, parce que c'est une fiscalité écologique. Et je dirais la même chose que pour la fiscalité sur l'immobilier. C'est un thème plutôt national que cantonal d'abord, et si c'est un thème en effet pertinent, il faut s'assurer d'une chose pour que la classe moyenne ne soit pas de nouveau lésée dans cette histoire, comme avec les 14% d'augmentation sur le prix de l'électricité. Il faut s'assurer que, si on veut une taxe écologique, elle se fasse de manière neutre. (Remarque.) Monsieur le président, est-ce que je peux parler sans être interrompu par votre collègue de parti ?
Le président. Je le souhaiterais, Monsieur ! Poursuivez !
M. Benoît Genecand. Une taxe écologique qui fonctionne, c'est une taxe neutre. C'est-à-dire qu'on diminue les taxes sur les revenus, on diminue les taxes sur la consommation pour faire une taxe écologique. Ce qu'on nous propose ici, ça n'a rien à voir: c'est une énième tentative pour instaurer un impôt supplémentaire. Or, tant que notre canton sera celui qui taxe le plus en ayant les revenus les plus élevés, il est clair du côté du PLR qu'il n'y aura pas un franc de taxe de plus ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Pierre Conne pour cinquante-six secondes.
M. Pierre Conne (PLR). Merci, Monsieur le président. Ce projet de loi poursuit deux objectifs contradictoires. Je dois reconnaître qu'il y a un aspect du texte qui vise à taxer spécifiquement les véhicules les plus polluants, ce qui n'était pas le cas du projet de loi précédent, mais il est contradictoire dans la mesure où, en même temps, il veut taxer les véhicules les plus puissants, qui ne sont pas forcément les plus polluants. Donc, finalement, quel que soit le comportement des acheteurs en termes de véhicules, on va devoir passer à la caisse.
Cela étant dit, j'aimerais quand même aussi attirer votre attention sur le fait qu'aujourd'hui, les personnes les plus favorisées, c'est-à-dire qui ont la garantie de l'emploi, qui ont la garantie des salaires, des salaires qui sont les plus élevés par rapport à leur groupe professionnel, ce sont les employés de la fonction publique. Alors si on voulait réfléchir en termes de justice sociale, par rapport à ceux qui ont la chance d'être rémunérés avec la garantie de l'emploi et le niveau de salaires de la fonction publique, on devrait peut-être imaginer de réallouer une partie des ressources de la fonction publique vers les moins favorisés...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Pierre Conne. ...qui en ont besoin et notamment pour l'aide sociale. (Remarque.)
Le président. Monsieur Deneys, s'il vous plaît ! C'est la dernière fois que je vous fais une remarque ! (Commentaires.) Madame Hirsch, vous avez la parole.
Mme Béatrice Hirsch (PDC). Merci, Monsieur le président. J'essaie vainement de trouver le lien entre la fonction publique et la taxation écologique. Je n'arrive pas très bien à comprendre, de même que je n'arrive pas à comprendre le lien entre classe moyenne et véhicules polluants, parce que l'achat d'un véhicule dépend des moyens et, certes, des besoins, mais ce n'est pas parce qu'on a une famille qu'on est obligé d'avoir une grosse voiture, ce n'est pas parce qu'on a une famille qu'on est obligé d'avoir un véhicule polluant.
M. Conne l'a très bien relevé, il a tout à l'heure été fait le reproche que les projets de lois n'avaient pas grand-chose à voir avec une taxation réellement plus écologique. Avec celle-ci, c'est bel et bien de cela qu'il s'agit: c'est bel et bien d'avoir une fiscalité qui encourage l'achat de véhicules non pas polluants, mais moins polluants, contrairement à ce qu'a dit M. Deneys. Je n'arrive donc toujours pas à comprendre pourquoi c'est tellement un gros mot que de vouloir dire qu'on encourage les gens à polluer moins. C'est un débat qui, je le répète, au vu de la discussion d'hier sur les particules fines, me paraîtrait assez logique dans cette enceinte qui est tombée d'accord hier sur l'objet cité. Le parti démocrate-chrétien vous encourage donc à entrer en matière sur ce projet de loi et à le voter. (Applaudissements.)
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'il en est de ce projet de loi comme du précédent, et comme du suivant, d'ailleurs: il ne vise qu'une seule chose, augmenter les taxes et augmenter les recettes de l'Etat, finalement. Toutefois, je ne crois pas que vous allez résoudre les problèmes budgétaires de l'Etat de Genève avec des taxes sur les voitures, les motos et les bateaux. Finalement, cette visée n'est pas atteinte et l'objectif de réduction de la pollution que vous mettez en avant non plus, car les gens qui en ont les moyens continueront de les avoir et achèteront toujours les mêmes véhicules, comme les quads et les grosses motos. Ça ne changera rien du tout et vous n'aurez pas atteint l'objectif que vous dites vouloir atteindre. Vous êtes complètement à côté de la plaque, je dirais. A un moment donné, il faut aussi savoir ce qu'on veut. Dites clairement que vous voulez uniquement augmenter les recettes de l'Etat, ce sera peut-être plus efficace, mais vous n'irez pas bien loin avec des taxes sur les voitures. Genève est déjà pratiquement le canton le plus cher, ou le deuxième peut-être, d'après M. Deneys, je n'ai pas vérifié. Je crois donc que ce n'est simplement pas raisonnable, et vous ne résoudrez rien avec ça, en tout cas ni la pollution ni les recettes de l'Etat. C'est pour cette raison que nous ne voterons pas ce projet de loi et que nous ne le renverrons pas non plus à la commission fiscale.
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur Sormanni, c'est certain que c'est en ne faisant rien que nous n'améliorerons pas la situation. Je ne peux qu'être d'accord avec vous et c'est ce que vous prônez depuis le début de la soirée: ne faisons rien et la pollution atmosphérique va s'en trouver résolue tout d'un coup, par la grâce divine !
Ce projet de loi est particulièrement intéressant, en fait. Il vise à étendre un système de bonus/malus, qui existe déjà à Genève, à tout le parc de véhicules du canton et non plus seulement aux véhicules neufs comme c'est le cas actuellement. En quoi cela prétériterait-il la classe moyenne ? Je connais beaucoup de gens qui ont fait le choix d'acheter une voiture beaucoup moins polluante et qui paient moins d'impôts qu'avant. Certes, il y a des gens qui en paient plus, parce qu'ils décident d'acheter une grosse voiture, très puissante et qui pollue, mais beaucoup de gens ont fait le choix inverse. Il existe maintenant un «rating», disponible sur internet, auquel vous avez tous accès, et vous pouvez, en toute connaissance de cause, trouver pour chaque marque des véhicules peu polluants, et ainsi payer moins d'impôts. Dans ce cas-là, on voit très bien que ce projet de loi a un caractère incitatif tout à fait intéressant et qui ne pénalise pas du tout la classe moyenne comme vous semblez le soutenir; de plus, il peut avoir un effet bénéfique sur la qualité de l'air et sur nos poumons. Je le répète, en ne faisant rien, ce qui est certain, c'est que c'est le coût de la vie qui va augmenter à Genève. Allez voir aux HUG le nombre de consultations pour des problèmes pulmonaires: il est en augmentation constante ! Les Verts vous appellent à voter ce projet de loi avec enthousiasme, Mesdames et Messieurs les députés, pour qu'on arrive enfin à résoudre les problèmes de particules fines à Genève. (Applaudissements.)
M. Carlos Medeiros (MCG). Voilà, chers collègues, aujourd'hui, au menu de la gauche, après la haine des bateaux, après la haine des scooters, nous avons droit maintenant à la haine des 4x4. (Commentaires.) Alors moi, ce que je tiens à vous dire, c'est qu'au niveau de la créativité, vous êtes en train de baisser. C'est connu, ça fait au moins quinze ans que vous parlez de ça. Mais je ne sais pas, moi, je me dis que vous pouvez peut-être cibler différemment ? Peut-être les propriétaires de perroquets ! Vous avez pensé aux propriétaires de perroquets ? Faites une taxe ! (Commentaires.) Faites une taxe ! Pourquoi pas ? Les perroquets, c'est un problème à Genève, il n'y a pas que les 4x4 ! (Commentaires. Le président agite la cloche.) Vous êtes tellement dans vos dogmes que vous avez même raté quelques épisodes ! Je vous explique: aujourd'hui, un 4x4, allemand, par exemple, consomme beaucoup moins et fait beaucoup moins de particules fines que vos vélos, peut-être. (Rires.) Vous savez pourquoi ? Je vais vous expliquer pourquoi. (Commentaires.) Parce que vous pédalez tellement fort sur les trottoirs qu'à la fin, nous n'avons pas des particules fines, mais... Donc arrêtez, s'il vous plaît ! On en a marre ! Vos taxes, vos impôts, vos théories comme quoi il faudrait faire des économies ! Pourquoi il faut penser à l'écologie ? Vous savez quoi ? Il y a quelqu'un qui a parlé tout à l'heure de 1929: excusez-moi, je ne suis pas de cette époque-là !
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Carlos Medeiros. Pour vous dire simplement qu'avant qu'existent les écologistes, l'écologie, ça existait déjà ! Ce n'est pas dit par moi, mais par quelqu'un d'autre. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur. Monsieur Stéphane Florey, vous avez quatorze secondes.
M. Stéphane Florey (UDC). Monsieur le président, deux choses. Finalement, la portée de cette taxation est plus que nulle...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Stéphane Florey. ...puisque les voitures non polluantes polluent plus à la construction et à la déconstruction.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Michel Ducommun. Il vous reste une minute.
M. Michel Ducommun (EAG). Une minute me suffira ! Merci, Monsieur le président. Chers collègues, deux réactions. La première, c'est que j'étais en train de me dire que si on avait aussi une taxe sur le ridicule, peut-être qu'on gagnerait de l'argent ! Mais je ne vise personne... (Exclamations. Applaudissements. Le président agite la cloche.) La deuxième raison de ma prise de parole, c'est pour répondre à M. Genecand. Il dit qu'il y a eu 174 millions de francs de supplément en termes de rentrées fiscales. (Commentaires.)
Une voix. 147 !
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur.
M. Michel Ducommun. C'est ce qu'il a dit ! Ceci me fait penser qu'on sait que les mesures que vous avez prises ou fait prendre en votation populaire ont diminué les recettes d'un milliard. Donc, malgré cela, c'est vrai que les rentrées fiscales n'ont pas diminué.
Le président. Il vous faut conclure.
M. Michel Ducommun. Mais qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut simplement dire que les inégalités ont augmenté...
M. Jean Romain. Arrête ton cirque !
M. Michel Ducommun. ...et que les riches sont devenus de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres ! Si vous êtes satisfaits de cette situation... (Le micro de l'orateur est coupé. L'orateur continue hors micro. Brouhaha. Applaudissements.)
Le président. Monsieur Ducommun, c'est terminé ! Monsieur Zacharias, vous avez vingt-cinq secondes.
M. Ronald Zacharias (MCG). Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, que la gauche se le mette bien en tête: durant cette législature, il n'est plus question d'augmenter les impôts, l'assiette, le taux d'imposition, les taxes, de quelque manière que ce soit au moyen...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Ronald Zacharias. Merci.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Je vais passer la parole aux deux rapporteurs et au conseiller d'Etat; ensuite nous voterons. Madame Schneider Hausser, vous avez la parole.
Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de minorité. Merci beaucoup, Monsieur le président. J'observe tout de même une toute-puissance qui m'étonne de la part de mon préopinant. Bon, il pense ce qu'il pense et il le dit d'une certaine manière, mais je trouve ça quand même aberrant. C'est clair que ce projet de loi touche à deux tabous: les voitures et la fiscalité. Que nous ayons des réactions vives un vendredi soir à 21h, cela peut se comprendre. C'est pourtant bien par ces bonus/malus sur les véhicules que les habitudes ont changé en partie en termes de mobilité, en termes d'achats et de types de voitures, qui sont devenues moins polluantes.
Le président. Il vous reste quinze secondes.
Mme Lydia Schneider Hausser. Je voudrais dire en outre à M. Medeiros que quand on n'a que le mépris pour essayer de défendre une idée, c'est un peu triste.
Le président. Il faudra conclure.
Mme Lydia Schneider Hausser. Et je regrette la manière dont il formule cela. La recherche de solutions...
Le président. C'est terminé, Madame la députée, je regrette. Monsieur Ivanov, vous avez la parole.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. Oui, merci, Monsieur le président. A entendre les initiants de ces projets de lois, si vous avez à Genève un scooter, un quad, une voiture ou, pire, un bateau, vous êtes devenu un pestiféré. C'est assez triste ! Concernant ce projet de loi, il s'agit d'un problème fédéral et non cantonal. Je le rappelle, le 1er janvier 2015, les normes fédérales seront de 130 grammes. C'est dans un mois et demi et le canton devra s'adapter. Par conséquent, ne faisons pas une «Genferei» de plus. Le rapporteur de majorité vous demande de refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi.
M. Luc Barthassat, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, ouf ! Je crois qu'on arrive non pas au bout de la soirée, mais au bout de tout ce qu'on peut taxer de possible et d'imaginable dans ce canton. On a eu les bateaux, les motos et les voitures, comme l'a dit M. Medeiros. Ce n'est plus la chanson des Inconnus, ça ressemble plutôt à une comptine que j'entendais dans mon enfance, qui s'appelait quelque chose comme «Alouette, je te plumerai». Je fais un peu d'humour, mais, encore une fois, si vous ne voulez pas que les véhicules partent tout simplement dans d'autres cantons, je crois qu'il faut être un peu sérieux et apprendre à faire une meilleure gestion des comptes de l'Etat plutôt que de passer de nouveau par la taxe, alors que nous sommes l'un des cantons qui taxent le plus les voitures de la classe moyenne supérieure et de la classe supérieure tout court - et ça, c'est le vrai manque à gagner.
Essayons donc de mieux gérer nos affaires. En ce qui concerne les véhicules moins polluants et électriques, nous réfléchissons, dans mon département, à la manière de les plébisciter dans nos quartiers et dans nos rues, voire pour les places de parc. Je vous racontais tout à l'heure que cela fait peut-être déjà quelques dizaines d'années qu'on entend ce discours. Eh bien, peut-être que dans dix ans, on n'aura plus ce souci-là, parce que nous roulerons tous avec des véhicules électriques, et on verra s'il y aura un tel engouement à vouloir les taxer comme on veut le faire aujourd'hui. On est dans une période de transition, ayons un petit peu de patience: beaucoup de choses sont en train de se mettre en place et ce n'est pas en continuant ces guéguerres au parlement, en engendrant toujours des guéguerres au sujet des transports qu'on y arrivera. Mesdames et Messieurs les députés, vous m'avez bien compris, je vous demande de refuser ce projet de loi. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. (Remarque.) Monsieur Deneys, est-ce pour le vote nominal ? (Remarque.) Est-ce que vous êtes soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, nous passons donc au vote nominal.
Mis aux voix, le projet de loi 11068 est rejeté en premier débat par 51 non contre 39 oui (vote nominal).