Séance du
jeudi 18 septembre 2014 à
17h
1re
législature -
1re
année -
11e
session -
70e
séance
PL 11392-A
Premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous attaquons notre ordre du jour avec le PL 11392-A. Nous sommes en catégorie II, quarante minutes. Je passe la parole au rapporteur de majorité, M. Conne.
M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Chers collègues, ce projet de loi a pour but de modifier la procédure concernant la fixation du montant des indemnités des députés durant la législature. La législation actuelle prévoit que le Bureau du Grand Conseil est compétent pour fixer le montant des indemnités conformément à l'article 46 de la LRGC, que je vous cite: «Lors de la dernière année de la législature, le Bureau, après avoir consulté les chefs de groupes et entendu le Conseil d'Etat, fixe, pour la durée de la législature suivante, le montant des indemnités dues aux députés.» Ce projet de loi consiste à transférer la compétence du Bureau au Grand Conseil, en précisant simplement: «Lors de la dernière année de la législature, le Grand Conseil, sur proposition du Bureau et après avoir entendu le Conseil d'Etat, fixe, pour la durée de la législature suivante, le montant des indemnités dues aux députés.»
Dans le fond, la question qui s'est posée était de savoir quel serait l'intérêt de modifier la législation dans ce sens. Est-ce qu'il y aurait un avantage en termes de débat démocratique ? Est-ce qu'il y aurait une meilleure transparence concernant la fixation des indemnités ? La commission des droits politiques a considéré que ce projet de loi n'améliorait ni la transparence ni la qualité du débat démocratique, ceci pour une raison très simple: à l'heure actuelle, le montant des indemnités est d'une part tout à fait officiel et, d'autre part, dans le cadre des débats sur le budget, tout ce qui touche au fonctionnement du Grand Conseil - et donc aux montants dévolus aux indemnités des députés - fait également l'objet d'un débat. Ce projet de loi vient donc ajouter un élément supplémentaire à la procédure qui consiste à fixer ces indemnités, mais sans y apporter la moindre amélioration. C'est la raison pour laquelle la majorité de la commission a refusé l'entrée en matière.
M. Cyril Mizrahi (S), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, le but de ce projet de loi est extrêmement simple. Il est double: il s'agit tout d'abord d'assurer la transparence. Quand j'entends mon préopinant nous dire que la transparence ne sera pas améliorée avec ce projet de loi, je suis quand même un peu surpris ! Il s'agit de garantir ici non seulement la transparence du résultat de la décision, mais également des positions des différents groupes, et cela est assuré de la meilleure manière, non pas sur les réseaux sociaux ou dans la presse, mais par un débat public au sein de cette instance.
Ensuite vient l'argument démocratique, tout à fait fondamental. Le Bureau fonctionne selon sa propre logique, basée sur une certaine collégialité. Il n'est pas forcément représentatif des différentes positions des groupes. C'est pourquoi chaque groupe doit prendre ses responsabilités, et le débat doit avoir lieu de manière large avec tous les députés. Si on suivait votre logique, Mesdames et Messieurs, on pourrait simplement déléguer toutes les décisions au Bureau. Non, ce n'est tout simplement pas pensable. Il s'agit ici d'une décision politique, et cette décision politique doit être prise par le plénum de ce parlement. Je vous remercie de votre attention.
Mme Béatrice Hirsch (PDC), rapporteuse de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, en cette journée de présentation du budget, je pense que nous serons tous d'accord sur le fait que toute dépense revêt un caractère politique et résulte d'un choix politique. Le problème du Bureau, ce n'est pas tant - comme mon préopinant l'a signalé - la question de la collégialité; c'est une instance qui a un représentant par parti politique, et ne représente donc absolument pas les majorités de cette enceinte. On peut donc s'amuser à calculer comment on obtient la majorité du Bureau et une très nette minorité de cette enceinte. Si on veut bel et bien améliorer le débat démocratique et mettre cette question-là, qui est un choix politique, à la bonne place, c'est notre Grand Conseil dans son ensemble qui doit décider de sa rémunération, et ce pour deux raisons: comme je l'ai dit, il s'agit d'une part de respecter les majorités, et, d'autre part, d'assumer le choix politique que représente notre rémunération. La minorité de la commission des droits politiques vous recommande donc d'accepter ce projet de loi. Je vous remercie.
M. Gabriel Barrillier (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, c'est bien connu: les problèmes d'argent divisent les familles comme les individus. S'agissant des indemnités parlementaires, il y a sans doute autant d'avis et d'attitudes que de députés dans cette salle. Il y a les vertueux, qui se comptent sans doute parmi les auteurs du projet de loi, les discrets, les intéressés, les désintéressés... Mais il n'en demeure pas moins que l'engagement de milice doit être honoré par des indemnités correctes. Certes, les auteurs du projet de loi n'ont pas remis en cause le principe de l'indemnisation des parlementaires. Mais ils en contestent tout autant la quantité, l'assise démocratique et le manque de transparence, et pensent qu'une discussion en plénum serait préférable au mécanisme actuel.
Alors permettez au président qui a conduit les discussions sur l'adaptation de nos indemnités durant l'année 2013 de vous rappeler qu'il s'agit d'une procédure longue et sérieuse. A plusieurs reprises, le Bureau a demandé des variantes au secrétariat général du Grand Conseil et les a examinées; à plusieurs reprises aussi, il a pris la température et demandé l'avis des chefs de groupe. Je vous rappelle que les membres du Bureau sont élus par le plénum, et non par les groupes. Il y a donc une légitimité indiscutable de cet organe. Les chefs de groupe ont une responsabilité: ils doivent présenter la proposition qui est faite à leur groupe, puis revenir en plénum avec les membres du Bureau. En fin de compte, sur la base de tous les avis exprimés, le Bureau, démocratiquement - cela a été voté à la majorité - a pris sa décision et vous a fait la proposition que vous connaissez. Ensuite seulement...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur.
M. Gabriel Barrillier. Ensuite seulement, cela a été communiqué dans le détail aux médias. Je demande la chose suivante aux auteurs du projet de loi: si vous voulez un débat parlementaire et une décision du parlement, dites-nous sous quelle forme cette décision doit être prise. Sous forme de projet de loi - à mon avis, c'est la seule solution - cela ouvre la possibilité du référendum facultatif. Or vous avez vous-même dit en commission, Monsieur l'auteur du projet de loi, Monsieur Maitre, que vous ne souhaitiez pas aller jusque-là et qu'il n'était pas nécessaire de demander l'avis du peuple.
Le président. Il vous faut conclure, s'il vous plaît.
M. Gabriel Barrillier. Ayez donc le courage d'aller jusqu'au bout et de présenter cette décision sous forme de projet de loi avec référendum possible. Pour toutes ces raisons, nous vous proposons de maintenir le système actuel et de ne pas entrer en matière sur ce projet de loi.
M. Stéphane Florey (UDC). Cette loi ne ferait qu'alourdir nos débats avec une procédure sans fin, en ouvrant par ailleurs la possibilité du référendum. En tant qu'ancien membre du Bureau - avec mon ancien collègue Gabriel Barrillier - je suis désolé de dire que Monsieur de la minorité a vraiment tout faux. Chaque groupe est valablement représenté, la procédure est simple, il y a une négociation. Chaque membre du Bureau, avec la collaboration du chef de groupe, ramène le débat dans son caucus. Et là où la minorité a également tout faux, c'est que si une majorité des groupes décide de ne pas procéder à une augmentation, cette majorité doit techniquement se retrouver au Bureau. Vous pouvez donc retourner la question comme vous le voulez, mais si quatre des sept groupes de ce parlement la refusent, la proposition est de fait refusée au Bureau. Les dernières augmentations ont fait l'objet de nombreuses heures de débat et c'est la majorité, suite aux recommandations et voeux de chaque groupe, qui a décidé qu'il fallait augmenter nos indemnités. Il n'y a véritablement aucune raison de changer cette procédure qui a fait ses preuves. A contrario, il faut plutôt rappeler que pendant une bonne douzaine d'années - ce débat a en effet lieu tous les quatre ans - il n'y a eu aucune augmentation suite aux décisions du Bureau et sur recommandation de tous les groupes valablement représentés dans ce parlement. Ça marche dans les deux sens ! C'est la raison pour laquelle le groupe UDC refusera ce projet de loi et vous recommande de faire de même. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Romain de Sainte Marie... (Un instant s'écoule.) ...en espérant que son micro fonctionne ! Essayez le micro de devant, Monsieur. Allez devant, Monsieur ! Voilà, ça marche.
M. Romain de Sainte Marie (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je constate que les coupes voulues par le Conseil d'Etat pour le budget 2015 ont déjà commencé avec mon micro ! (Exclamations.) Mais peu importe... Ce sont toujours des économies, on les trouve comme on peut !
S'agissant de ce projet de loi, je crois qu'il est important de poser d'emblée le fait que d'une façon ou d'une autre, que ce soit une décision du Bureau ou de la plénière du Grand Conseil, le débat ressort de toute manière à l'extérieur. Ce n'est pas parce que le Bureau a décidé l'année passée une augmentation des jetons de présence de 25% que le débat n'est pas sorti. Loin de là, c'est exactement l'inverse qui s'est passé. Pourquoi l'inverse ? Justement à cause du manque de transparence de cette décision. Dans un contexte donné où, année après année, on ne connaît que des coupes voulues par une majorité de droite, les députés décident, au sein d'un petit groupe à huis clos, d'augmenter leurs jetons de présence. Et ça, c'est mal compris par la population, et c'est légitime que ce soit mal compris. Le fait que ce soit le Bureau ou le Grand Conseil qui prenne la décision revient d'une certaine manière au même. Il s'agit - et je dirai peut-être le contraire des propos de Mme Hirsch... (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît !
M. Romain de Sainte Marie. Il s'agit d'un vote, que ce soit au sein du Bureau ou du Grand Conseil. Par conséquent, l'argument d'un possible blocage, quand on sait que de toute façon toute décision ressortira, est équivalent, puisqu'il s'agit d'un vote au niveau du Grand Conseil ou du Bureau.
Enfin - je l'ai déjà mentionné - ce souci de transparence est indispensable pour le pouvoir politique dans un contexte de coupes. Je m'étonne, c'est vrai, de la position des partis des bancs d'en face qui dénoncent à longueur d'année la politique de copains et coquins, le manque de transparence et qui, sur ce sujet, sont les premiers à souhaiter s'augmenter dans l'ombre, de façon que les Genevoises et les Genevois ne sachent pas ce que ces mêmes députés font en réalité. Cette démagogie, il faut la dénoncer ! Je crois que ces partis-là font aujourd'hui preuve de la plus grande démagogie qu'on puisse avoir. Je vous invite donc à refuser ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Gilbert Catelain pour trente-six secondes.
M. Gilbert Catelain (UDC), député suppléant. J'aimerais dire très rapidement, Monsieur le président, que la décision est certes prise par le Bureau, mais d'abord discutée au sein des groupes. Il y a donc un débat démocratique au sein des groupes qui est ensuite répercuté au niveau du Bureau, tout comme dans un conseil d'administration. J'espère que le PDC et les socialistes auront la même sollicitude lorsqu'il s'agira de discuter la motion 2221 sur l'augmentation de 14% des tarifs d'électricité décidée sans transparence au sein d'un conseil d'administration, urgence qu'ils ont refusée ce soir. Il y a un double discours au parti socialiste et au parti démocrate-chrétien, qui font finalement...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Gilbert Catelain. ...du populisme !
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, on va faire un brin d'histoire. Octobre 2013: élections au Grand Conseil. Le premier signataire de cette motion vertueuse criant au scandale à cause de l'augmentation des jetons de présence des députés est en vacances. Il est en Australie. Il n'est pas là le jour où il devient un élu du peuple. Mais il ne rentre pas la semaine ou le mois d'après. Il n'est même pas là lors de la prestation de serment, Mesdames et Messieurs, il est toujours en vacances en Australie. Il empêche le parlement de siéger à cent, il empêche ses collègues suppléants de venir le remplacer parce qu'il n'a pas prêté serment. Il est rentré six mois après, Mesdames et Messieurs ! Voilà celui qui vient nous dire ce soir que c'est scandaleux d'avoir augmenté les jetons de présence et quel respect il a pour les institutions.
Alors je vous le dis, Mesdames et Messieurs: à vouloir jouer les vertueux, on se retrouve dans notre canton avec des magistrats communaux qui gagnent 1800 F par mois, parce que dès qu'on veut toucher les rémunérations, mon Dieu, c'est tabou ! Et il y a vite quelqu'un qui va sauter sur l'occasion pour dire: «Ce n'est pas normal, il veut s'augmenter à 3600 F, donc il veut 100% d'augmentation !» Eh oui, 1800 F par mois ! Certains magistrats de communes genevoises gagnent 1800 F par mois, Mesdames et Messieurs. Certains magistrats sont au bénéfice de l'aide sociale ! Pourquoi ? A cause des vertueux qui prétendent qu'il ne faut jamais toucher les jetons de présence.
En revanche, parmi les vertueux qui soulignent ce soir à quel point il est scandaleux d'augmenter nos jetons de 25%, il y en a qui demandent une allocation forfaitaire pour le baby-sitting ! Or comme notre Grand Conseil a demandé des quittances pour que les gens soient déclarés, ça ne va pas ! Alors on vient à des repas internationaux avec la poussette et le bébé, et on fait faire le rot au bébé devant les diplomates... Quelle belle image de nos institutions ! Pour ceux qui prétendent avoir de la vertu et du respect pour nos institutions, c'est inadmissible. Vous voulez jouer aux vertueux, Mesdames et Messieurs ? Certes. Le MCG va vous prendre à votre propre jeu. Je viens de déposer un amendement pour la suppression...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Eric Stauffer. ...totale des jetons de présence et/ou indemnités des députés. Député, une vocation ? Alors vous n'avez pas besoin d'être payés ! Et je vais aussi demander le vote nominal. On verra qui, dans les partis, va voter la suppression totale des indemnités et jetons de présence des députés. J'en ai terminé ! (Quelques applaudissements.)
Mme Frédérique Perler (Ve). Le fait que j'aie la parole après le préopinant du MCG me permet de rebondir sur ce qu'a expliqué... (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît, un peu de silence !
Mme Frédérique Perler. ...M. Barrillier tout à l'heure sur les histoires d'argent. Ah, les histoires d'argent en plénière ! Si mon préopinant du MCG se met dans une pareille colère pour expliquer qu'il est d'accord ou non avec ce projet de modification et qu'il dépose un amendement au sujet des indemnités des députés ici présents, vous imaginez bien, Mesdames et Messieurs les députés - et cela me permet de motiver le refus des Verts sur ce projet de loi - l'ampleur des débats enflammés si cent députés se retrouvent à débattre et à deviser pour choisir le niveau de rémunération des jetons de présence dus aux députés: ce sera tout simplement ahurissant et peu réaliste. L'ancien président, M. Barrillier, a expliqué et réexpliqué toute la procédure en détail; je n'y reviendrai donc pas. Mais j'aimerais affirmer que, pour les Verts, la procédure actuelle est légitime et cohérente.
Au bout du compte et ainsi que le souligne la première minorité, la décision - en cas de décision par ce plénum - ne serait pas nécessairement bien différente avec un nouveau mode de faire. Au mieux, il y aurait une proposition du Bureau comme actuellement suivie d'un vote discret en plénière et, dans le pire des scénarios, cent députés qui s'écharpent - comme le spectacle auquel on vient d'assister il y a quelques minutes - avec toutes les dérives possibles, car les questions d'argent ont pour effet d'enflammer les débats. Si le souci de la minorité relève de la transparence des décisions qui sont prises vis-à-vis des citoyennes et des citoyens de ce canton, je rappelle que la décision de rémunération est communiquée, elle est rendue publique. En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à refuser ce projet de loi.
M. Vincent Maitre (PDC). Beaucoup de choses ont été dites. Je reviendrai brièvement sur le fond du problème. Effectivement, il est apparu il y a peu de temps - précisément à la fin de la dernière législature - que le Bureau a décidé d'octroyer une augmentation des jetons de présence. J'aimerais réagir sur plusieurs points. Contrairement à ce qui a été dit - et cela a été rappelé par la rapporteure de deuxième minorité - cette décision du Bureau n'est pas représentative de la majorité du Grand Conseil. Il est par ailleurs un point sur lequel il me semble important d'insister. Chacun des députés ici présents bénéficie des droits et des pouvoirs politiques les plus étendus. En revanche, on lui interdirait ses droits politiques les plus élémentaires sur des décisions qui le concernent de façon éminemment personnelle ? Je veux bien entendre parler... pardon: bien entendu parler de sa propre rémunération. Excusez-moi, j'en perds un peu mon latin ! Il n'empêche qu'il y a là-dessous une certaine incohérence. Les députés ici présents sont capables de se prononcer sur n'importe quel acte d'ordre législatif et organisationnel, or qui peut le plus peut le moins: ces mêmes députés sont en droit de se prononcer sur leur propre rémunération. Il en va d'un meilleur exercice de la démocratie, d'une plus grande transparence. Enfin, il s'agit de donner aussi la possibilité à ces députés de pouvoir exprimer comme ils peuvent le faire normalement en séance plénière leur éventuel accord ou désaccord quant à leur rétribution. Cela n'a pas été possible avec cette augmentation-là. Je le regrette infiniment parce que, de mon point de vue, le message politique est rigoureusement catastrophique. Les citoyens auront dès lors beau jeu - et à raison ! - de continuer à prétendre que l'entier de la classe politique est pourri et ne fait de la politique que pour se servir et servir ses propres intérêts.
J'entendais M. Stauffer nous dire tout à l'heure, dans de grandes envolées lyriques, à quel point ce projet de loi était scandaleux et, une fois n'est pas coutume, il en profitait pour sombrer dans les attaques personnelles les plus basses, alors même qu'il n'y a rigoureusement plus rien à dire là-dessus. Je note toutefois que lorsqu'il a été élu magistrat à Onex, la première décision que M. Stauffer a prise a été d'augmenter lui-même...
M. Eric Stauffer. C'est faux !
M. Vincent Maitre. ...de l'ordre de 25% sa rémunération !
M. Carlos Medeiros. C'est faux, ça !
M. Vincent Maitre. C'est une vérité ! (Chahut sur les bancs du MCG. Le président agite la cloche.)
Le président. Chut ! Monsieur Medeiros, s'il vous plaît ! Ça suffit !
M. Vincent Maitre. Le deuxième point, c'est que M. Stauffer n'a pas manqué de cumuler un maximum... (Chahut persistant.)
Le président. Ça suffit, Monsieur Medeiros ! Je vais vous donner un avertissement !
M. Vincent Maitre. ...de mandats dans des conseils d'administration de régies publiques et dans différentes commissions officielles. (Chahut.)
Le président. S'il vous plaît ! (Le président agite la cloche.)
Une voix. Vendu !
M. Vincent Maitre. Quand on ose affirmer, alors qu'on est à ce point cumulard et qu'on se sert avant tout de sa fonction de député plutôt que de servir les intérêts publics...
Le président. Il vous faut conclure, s'il vous plaît.
M. Vincent Maitre. Bien, je vais conclure. Monsieur le président, M. Stauffer étant, comme chacun le sait, un homme de culture, vous lui rappellerez cette citation de Pierre Dac: «Parler pour ne rien dire et ne rien dire pour parler sont les deux principes majeurs et rigoureux de tous ceux qui feraient mieux de la fermer avant de l'ouvrir.» (Rires. Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. (Remarque.) S'il vous plaît ! Ce n'est pas une raison pour considérer que vous pouvez tous crier à travers la salle. Ce n'est pas comme ça que l'on mène des débats parlementaires. J'aimerais un peu de tenue dans les débats, s'il vous plaît ! Je passe maintenant la parole à M. de Sainte Marie pour dix-sept secondes. (Un instant s'écoule.) Prenez le micro de devant si le vôtre ne fonctionne pas, Monsieur.
M. Romain de Sainte Marie (S). Merci, Monsieur le président. Je vais faire très court. Sous le coup de l'émotion, je me suis trompé. Il faut bien évidemment accepter ce projet de loi.
En entendant M. Stauffer - vous lui transmettrez, Monsieur le président - je trouve qu'il règne une énorme hypocrisie dans ses propos. Quand on voit une telle personne qui cumule autant de mandats, qui vit d'une certaine manière uniquement sur les fonds publics, comme la plupart des élus d'en face... (Exclamations. Chahut sur les bancs du MCG.)
Le président. S'il vous plaît !
M. Romain de Sainte Marie. ...et qui usurpe en plus ses droits, c'est inadmissible d'entendre ça ! C'est impossible qu'il... (Vacarme sur les bancs du MCG.)
Le président. Monsieur Medeiros ! Monsieur Stauffer ! S'il vous plaît ! (Le président agite la cloche.) La séance est suspendue. Elle reprendra dans un quart d'heure. (Commentaires. Chahut.)
La séance est suspendue à 17h50.
La séance est reprise à 18h05.
Le président. Veuillez regagner vos places, s'il vous plaît. Merci. Au vu de ce qui s'est passé et en vertu de l'article 90, que je vous cite: «Le président rappelle à l'ordre le député, le conseiller d'Etat ou le fonctionnaire qui, en séance» - je prends la lettre d - «trouble la délibération», je rappelle à l'ordre MM. Medeiros et Stauffer. C'est un rappel à l'ordre formel, Messieurs. J'aimerais que la suite des débats se passe sereinement et que nous n'ayons pas besoin de prendre des mesures très désagréables pour tout le monde. Un peu de dignité, merci !
Je vais maintenant céder la parole à MM. Maitre, Mizrahi et Stauffer pour dix secondes chacun. Je vous prie de faire des déclarations sobres et sans débordements. Auront encore la possibilité de parler M. Vanek pour Ensemble à Gauche - groupe qui n'a pas encore utilisé son temps de parole - et les rapporteurs. Quant aux autres, il ne sert à rien de vous inscrire: les temps de parole sont dépassés. Monsieur Maitre, c'est à vous.
M. Vincent Maitre (PDC). Monsieur le président, j'aimerais juste amener une précision de procédure, parce que M. Stauffer entend apparemment prendre parole suite à une mise en cause. Je rappelle que c'est lui qui a ouvert les feux - si je puis m'exprimer ainsi - et moi-même je répondais à une mise en cause formelle. Il n'a donc pas le droit de reprendre la parole sur ce point.
M. Eric Stauffer (MCG). Premièrement, Monsieur le président, je conteste votre avertissement, mais c'est autre chose. Ensuite, je dois corriger les propos mensongers de M. Maitre: je n'ai jamais décidé de m'augmenter à Onex. C'était une décision du Conseil administratif. Je vous rappelle que nous siégeons à trois.
Le président. Il vous faut conclure.
M. Eric Stauffer. C'était une décision unanime, et ce n'est donc pas M. Stauffer qui a voulu s'augmenter. Vous êtes un menteur, Monsieur Maitre !
M. Cyril Mizrahi (S), rapporteur de première minorité. M. Stauffer est un membre du Bureau qui reçoit régulièrement des sanctions, à juste titre. Je pense qu'il devrait prendre ses responsabilités et démissionner du Bureau. (Commentaires. Quelques applaudissements.)
M. Pierre Vanek (EAG). Je n'entends pas jeter de l'huile sur le feu. J'aimerais juste dire que je ne comprends pas - et je crois que mon groupe non plus - pourquoi on s'énerve pareillement au sujet d'un projet de loi qui transfère simplement la décision définitive quant à l'augmentation ou à la diminution du montant des jetons de présence à ce plénum plutôt qu'au Bureau. En soi, nous ne voyons pas de problème à ce que le Bureau s'en charge, mais il y a en effet un petit gain de transparence à ce que ça se fasse ici. Nous soutiendrons donc ce projet de loi, sans considérer qu'il constitue une révolution quelconque. Nous soutiendrons cette très modeste mesure, et nous comprenons difficilement pourquoi les uns et les autres s'enflamment pareillement. Par exemple, nous ne comprenons pas très bien l'amendement de M. Stauffer qui veut supprimer toutes les indemnités des députés. Ce n'est pas raisonnable. En effet, nous pensons que les députés doivent être rémunérés par des jetons de présence d'un montant raisonnable, et nous n'avions pas de problème à défendre les montants actuels. Nous estimons que c'est un travail qui mérite ce salaire, et je parle de salaire à dessein puisque ces montants sont dorénavant soumis aux impôts, à l'AVS et aux diverses charges sociales, ce qui n'était pas le cas auparavant. Nous soutiendrons donc ce projet de loi sans réserve ni grand enthousiasme, parce qu'il ne bouleverse pas grand-chose.
Juste une petite incise quand même concernant la problématique des jetons de présence et ce qu'a fait le Bureau lors la dernière législature. J'entends par-ci par-là des gens dire qu'on a augmenté la rémunération des députés. Nous avons un alibi: nous n'étions pas là. Or ce ne sont pas les jetons de présence des députés qui ont été globalement augmentés - l'enveloppe brute a été gelée, j'ai encore le communiqué sous les yeux - mais la part reversée aux députés. Elle a été augmentée de 25% pour compenser de manière grossière la fiscalisation des jetons de présence. Ceci induit une conséquence, à savoir que pour les groupes où la part que les députés retiennent est modeste, comme le nôtre - nous versons en principe 75% au parti, et donc les députés qui sont autour de moi ici touchent 25% de leurs jetons de présence - c'est sur cette modeste part qu'a porté l'augmentation. Pour d'autres partis qui sont plus argentés et ont moins besoin de retenir ces montants, c'est une part plus grosse des indemnités reversées aux députés qui est augmentée. In fine, pour un travail égal, un député PLR...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur.
M. Pierre Vanek. ...touche bien plus d'argent qu'un député d'Ensemble à Gauche. Vous me direz que ça reproduit les revenus des milieux que nous représentons, mais ce n'est pas forcément raisonnable et nous aurons l'occasion d'en rediscuter dans cette enceinte si le projet de loi passe.
Le président. Merci, Monsieur le député. Il reste à chaque rapporteur un temps de parole d'une minute trente. (Remarque.) Monsieur Maitre, le Bureau a estimé que vous n'aviez plus droit à la parole. Je peux comprendre vos frustrations, je peux comprendre beaucoup de choses mais pour la sérénité de la suite de nos débats, je vous demande de faire aussi preuve de compréhension. La parole est à M. Cyril Mizrahi.
M. Cyril Mizrahi (S), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je crois que les attaques personnelles des bancs MCG méritent tout simplement le mépris plutôt qu'une réponse. (Commentaires.) Oui, le mépris ! Les attaques personnelles... (Chahut sur les bancs du MCG.)
Le président. S'il vous plaît !
M. Cyril Mizrahi. ...de M. Medeiros ne méritent que votre mépris ! Oui !
Le président. Monsieur Mizrahi, s'il vous plaît ! (Brouhaha.)
M. Cyril Mizrahi. Je n'ai pas fait d'attaque, Monsieur le président, j'ai simplement dit...
Le président. Monsieur Mizrahi, j'ai fait un appel à la sérénité pour tout le monde. C'est aussi valable pour les rapporteurs, et ça ne sert à rien d'ajouter de l'huile sur le feu. Je vous prie de vous en tenir à votre déclaration de rapporteur de minorité. (Exclamations. Quelques applaudissements.) S'il vous plaît !
M. Cyril Mizrahi. Je n'ajoute pas de l'huile sur le feu ! La seule chose que je dis, Monsieur le président, c'est qu'il y a sur certains bancs un double discours. Quant à nous, nous sommes pour la transparence et soutiendrons donc ce projet de loi qui vise simplement la transparence.
Le président. Madame Hirsch, vous avez la parole.
Mme Béatrice Hirsch. Je renonce, Monsieur le président.
Le président. Merci, Madame. Je passe la parole au rapporteur de majorité, M. Conne.
M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Ce projet de loi n'aborde absolument pas tout ce qui a mis le feu aux poudres ces dernières minutes. Il s'agit simplement d'une question de procédure. Comme je l'ai expliqué dans mon introduction, la procédure actuelle visant à fixer le montant des indemnités est simple et transparente, et économise du temps à notre parlement. Je vous invite à faire appel à votre raison et à refuser l'entrée en matière de ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Nous allons passer au vote... (Commentaires.)
Des voix. Vote nominal ! (La demande est formulée en criant.)
Le président. Arrêtez de crier ! Ce n'est pas compliqué, non ? On peut parler sereinement ! (Applaudissements.) Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, nous passons donc au vote nominal.
Mis aux voix, le projet de loi 11392 est adopté en premier débat par 46 oui contre 45 non et 2 abstentions (vote nominal). (Commentaires durant la procédure de vote.)
(Le vote nominal n'a pas pu être enregistré.)
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. A l'article 46, nous sommes saisis d'un amendement de M. Stauffer, qui consiste à supprimer toutes les indemnités et/ou jetons des députés.
Une voix. Vote nominal, Monsieur le président !
Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, il y aura donc un vote nominal sur cet amendement. Je passe la parole à M. le député Renaud Gautier.
M. Renaud Gautier (PLR). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, s'il fallait une démonstration - une seule ! - de la sottise de ce projet de loi, vous venez de l'avoir. Je vous laisse juste imaginer la situation quand, à la fin de chaque législature, ce parlement aura à décider ce qu'il veut faire pour le parlement suivant. La démonstration qui a été faite tout à l'heure vaut, à mon sens, toutes les réponses.
Deuxième argument: alors que l'on parle de réductions budgétaires, de diminution des financements de tel ou tel service de l'Etat, il semblerait que nos éminents conseillers d'Etat trouvent que ce parlement siège un peu trop et souhaiteraient donc diminuer les crédits au service du Grand Conseil afin qu'il y ait moins de séances supplémentaires. Imaginez donc que si nous avons à parler d'une éventuelle rétribution, nous n'aurons pas assez d'une journée entière pour traiter de ce sujet, vu l'ambiance qu'il y a déjà simplement du fait de débattre si nous allons en parler ou pas.
Enfin, une dernière remarque. Je savoure avec un certain bonheur les propos des uns et des autres dans ce parlement. Entre ceux qui veulent la transparence sur certains points de leur rétribution et qui écrivent ensuite au Conseil d'Etat pour obtenir d'autres formes de rétribution, et ceux qui ne veulent plus rien du tout pour les députés, je dois dire que j'hésite. Mais, très franchement, si c'est pour avoir encore une fois ce débat-là à la fin de la législature, je pense que la proposition iconoclaste faite par M. Stauffer est la bonne !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Carlos Medeiros.
M. Carlos Medeiros. C'est une erreur, Monsieur le président.
Le président. D'accord, alors je passe la parole à M. le député Serge Hiltpold. Il vous reste une minute vingt, Monsieur.
M. Serge Hiltpold (PLR). Merci, Monsieur le président. Chers collègues députés, je crois qu'on arrive au bout du système avec cette proposition du MCG, à l'article 46, de supprimer toutes les indemnisations des députés. Nos institutions sont basées sur une chose, à savoir la représentation du peuple. Lorsque vous supprimez des jetons de présence, vous supprimez de facto le fait que tout travail mérite salaire. Employeurs comme employés sont reconnus pour une fonction. La moindre des politesses - et la logique démocratique - c'est de rémunérer cet engagement citoyen par des jetons de présence. Je ne crois pas que ce parlement ait honte de toucher des jetons de présence. Il faut assumer ces jetons de présence, assumer la possibilité donnée aux employeurs comme aux employés de pouvoir siéger dans ce parlement, et chacun vote en son libre arbitre.
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Serge Hiltpold. On en arrive simplement à une aberration totale et à un coup de billard à trois bandes pour pourrir le projet de loi. Je vous invite vraiment à voter contre cet amendement complètement débile.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Romain de Sainte Marie. (Un instant s'écoule.) Changez de siège, Monsieur, si vous voulez un micro qui fonctionne.
M. Romain de Sainte Marie (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je ne crois pas que ce projet de loi soit une sottise, bien au contraire. Je pense plutôt que ce parlement fait preuve d'immaturité ce soir, car nous pouvons nous montrer raisonnables et avoir un débat nourri mais construit sur l'indemnité des députés. En revanche, cet amendement va à l'encontre même du système politique suisse, à savoir le système de milice. La Suisse connaît ce merveilleux système qui n'est absolument pas le même que celui de la France. Ce pays voisin fonctionne avec une politique professionnelle, une politique bien trop souvent déconnectée de la réalité. Mais je crois que ce qui fait le charme de ce parlement, c'est d'avoir des personnes qui travaillent à côté et peuvent comprendre au mieux les réalités du quotidien. L'amendement proposé détruit notre système politique. Il rend encore plus opaques les modes de financement des députés, car il permettrait une professionnalisation dans l'ombre, avec des financements de part et d'autre de députés qui, s'ils veulent siéger et faire un travail de façon intelligente, doivent y passer du temps. Je vous invite donc, Mesdames et Messieurs, à faire preuve de bon sens, à préserver notre système politique et à refuser cet amendement.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Eric Stauffer... dans le calme et la sérénité.
M. Eric Stauffer (MCG). Monsieur le président, vous transmettrez à M. Hiltpold que je suis entièrement d'accord avec ce qu'il vient de dire. C'est bien la démonstration que j'entends faire ce soir, chers collègues députés. Pourquoi est-ce que j'ai déposé cet amendement ? Maintenant, on va aller au bout de l'équation. Quand le Bureau du Grand Conseil a décidé l'augmentation de 25%, ça faisait dix ans - je vous dis ça de mémoire - que nous n'avions pas été augmentés.
Une voix. Douze ans !
M. Eric Stauffer. Douze ans, merci. Tout travail mérite salaire, et j'adhère complètement à ces propos. Mais il y a toujours des petits malins qui viennent faire de la politique en disant: «C'est scandaleux ! Moi, je vais être plus vertueux que les autres, et je refuse !» J'en veux pour preuve, Mesdames et Messieurs, l'article de la «Tribune de Genève» de l'année passée, dont je vous cite un extrait: «La décision, qui doit être entérinée par le Conseil d'Etat, ne fait toutefois pas l'unanimité. PS et PDC froncent les sourcils. Pour Roger Deneys (PS), cité par le quotidien genevois» - il s'agit du «Courrier» - «"on nage en plein paradoxe. Alors que la commission des finances vient de couper 500 000 F de subventions à la Fédération genevoise de coopération, on s'attribue en douce 25% de salaire en plus." Bertrand Buchs du PDC déclare pour sa part être opposé à cette proposition: "25%, c'est trop élevé."» Voilà les vertueux qui ne jouent pas le jeu et ne respectent pas les institutions ! Monsieur Hiltpold, vous avez raison. Partons donc de ce principe-là. On va aller au bout de l'équation. Le MCG veut voir qui sont les vertueux de ce parlement. Vous parlez de vocation ? Eh bien supprimons les indemnités ! Si vous n'acceptez pas l'amendement du MCG, le MCG s'opposera à votre projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Vincent Maitre... dans la sérénité également, s'il vous plaît.
M. Vincent Maitre (PDC). Je vous remercie, Monsieur le président. Je tenais juste à rappeler que, de mon point de vue - et cela rejoint les propos de M. de Sainte Marie - ce parlement ressortirait grandi de pouvoir ne serait-ce que débattre publiquement de ses choix politiques en matière de rémunération. A ce moment-là, vous pourriez, Mesdames et Messieurs, chers collègues, vous demander comment vous justifierez, en regardant droit dans le blanc des yeux de vos électeurs, le fait que d'un côté le Conseil d'Etat - et un magistrat MCG ! - prenne des décisions visant à supprimer ou à diminuer drastiquement l'aide sociale et, d'un autre côté, le fait que vous vous octroyiez des augmentations de rémunération. Cela dit, pour prendre M. Stauffer à son propre jeu, le PDC votera évidemment cet amendement du MCG, preuve s'il en est que la vertu n'est pas simplement un mot lancé au hasard, mais qu'il y croit fermement.
Pour terminer, M. Stauffer parlait de démonstration. En présentant un amendement à l'article 46, la seule démonstration réussie est celle de son incompétence. En effet, cet amendement est nul et non avenu étant donné qu'il ne se réfère pas au bon article de loi et devrait être placé à l'article 47. Je vous remercie.
Une voix. Oh !
Mme Frédérique Perler (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, sans redire ce qui a déjà été annoncé soit par le PLR soit par le groupe socialiste, je voudrais juste souligner les conséquences désastreuses qu'induirait le vote de cet amendement du MCG. En effet, cela équivaudrait à réserver la députation aux nantis, aux plus riches de notre communauté genevoise et, ce qui me tient particulièrement à coeur, priverait définitivement les femmes de l'accès en politique. Vous n'êtes pas sans savoir que le travail auquel nous sommes astreints semaine après semaine pour honorer notre charge d'élus implique de diminuer notre temps de travail. La rémunération par les jetons de présence compense - certes pas complètement, mais en partie - la perte de revenu occasionnée par ce que le groupe MCG qualifie de don de soi pour la chose publique. Il s'agit de ne pas non plus disqualifier notre système de milice, qui a fait ses preuves. Tout cela pour dire qu'il est complètement illusoire de voter pareil amendement qui reviendrait soit à professionnaliser définitivement la politique - ce dont je doute - soit à empêcher la majeure partie de la population, excepté les nantis, d'accéder à une charge politique. Pour ces raisons, le groupe des Verts vous invite à ne pas voter cet amendement et souhaiterait, si possible, que le MCG le retire.
M. Pierre Vanek (EAG). Encore une fois, la démocratie a un prix, le travail des députés a un prix. Nous sommes donc défavorables à cet amendement et assumons parfaitement de voter contre. La démocratie a un prix, et nous sommes affligés de voir dans cette république une volonté de ne pas payer ce prix-là. Ce matin, par exemple, le Conseil d'Etat annonçait qu'il allait économiser... sur quoi ? Sur les timbres des bulletins de vote que les citoyens et les citoyennes retournent ! Déjà à l'époque, j'avais défendu dans cette enceinte l'affranchissement à forfait des bulletins de vote. Là, c'est un demi-million que les partis représentés au gouvernement - apparemment, du moins, puisqu'ils ont laissé faire leur gouvernement - dont le MCG veulent économiser sur le prix de la démocratie.
Maintenant, nous sommes saisis d'un amendement du MCG visant à supprimer les indemnités de tous les députés. Je sais bien que c'est de la provocation, mais prenons-le au sérieux un instant. Eric Stauffer disait que ça nous permettrait de voir qui sont les vertueux et comment ils votent. Quant à moi, je propose formellement un sous-amendement, qui précise que... Bien sûr, il faudra toiletter un peu la forme - je l'accorde volontiers à M. Maitre - parce qu'il a été fait à l'arrache. Ce qu'il faudrait préciser, c'est qu'il s'agit de supprimer les jetons des députés... qui le demanderaient personnellement ! (Exclamations.) Ensuite, si des députés MCG veulent mettre en pratique la proposition qu'ils font à cette assemblée et démontrer qu'ils sont vertueux, ils pourront le faire en personne. Si d'autres ont les moyens de siéger ici sans percevoir de l'argent de la république, grand bien leur fasse, tant mieux ! Je suis favorable à ce type d'économies. Je vous invite donc à voter cette précision, ce ciblage de l'amendement proposé par Eric Stauffer. De mon côté, je serais prêt à soutenir son amendement - et je pense que mon groupe aussi, même si je n'ai pas encore eu le temps de le consulter - à condition qu'on introduise cette petite précision.
Le président. Merci, Monsieur le député. Si vous présentez un sous-amendement, il vous faut le préparer, le signer et me l'apporter ici. La parole est à M. le député Michel Amaudruz.
M. Michel Amaudruz (UDC). Merci, Monsieur le président. Je ne vais pas répéter ce que M. Renaud Gautier a dit de façon bien plus brillante que je ne saurais le faire.
M. Renaud Gautier. Oh, merci, Michel !
M. Michel Amaudruz. Je t'en prie ! Je dirai simplement que sur un plan éthique, j'éprouve une certaine répulsion à ce que l'on doive soi-même voter sur sa propre rémunération. Mais peut-être ne peut-on pas faire autrement. Même si M. Hiltpold a raison sur le fond, il n'en demeure pas moins que, de façon corollaire, à une époque où Genève court sinon vers la faillite du moins vers une cessation de paiement, il appartiendrait au Grand Conseil de donner l'exemple. Au lieu de discuter d'augmentation de jetons, on devrait plutôt se préoccuper de leur réduction. En cela, je trouve l'amendement de M. Stauffer intéressant, même s'il est utopique, même s'il fait grincer certains, même s'il apparaît comme un grain de sable dans une machine bien huilée. Ce grain de sable aurait justement un mérite: il provoquerait une crise institutionnelle au sein de notre parlement, qui serait alors contraint de reprendre plus sérieusement le débat sur des questions de fond en considérant l'ensemble de la situation dans laquelle se trouve Genève actuellement, ce qui impliquerait nécessairement que l'exemple devrait venir de nous-mêmes. C'est dans cet esprit-là que je vous suivrai, tout en soulignant que c'est utopique et que vous ne serez pas suivis - car chacun tient à son porte-monnaie et y joint même un élastique, surtout dans la cité de Calvin ! - parce que je trouve que c'est amusant. Je vous remercie, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Roger Deneys. Vous disposez d'une minute et vingt secondes, Monsieur.
M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, dans le débat qui a eu lieu l'année passée avec le précédent Bureau, la question de l'augmentation des jetons de présence des députés était parfaitement légitime suivant les arguments évoqués, notamment qu'il n'y avait pas eu d'augmentation pendant un certain nombre d'années. Il est vrai que le travail des députés devient de plus en plus prenant, empiète sur la vie professionnelle qu'on a ou qu'on a pu avoir, et il s'agit là de bonnes raisons pour se poser cette question. Il n'en demeure pas moins que, comme je l'ai évoqué l'an dernier déjà, cette question doit se poser au regard de notre propre décision concernant d'autres entités du canton, comme les associations subventionnées ou la fonction publique. Quand nous tenons - ou plutôt quand vous tenez, majorité de droite et d'extrême droite - un discours sur l'austérité et les économies indispensables, quand M. Amaudruz vient nous donner des leçons de bonne gestion des deniers publics en proposant de couler un milliard et demi dans la traversée de la rade, on ne peut pas dire qu'on donne une image de cohérence certaine. Il y a aujourd'hui à la tribune des représentants de la fondation Cinéforom pour le cinéma indépendant romand. En même temps que les députés s'augmentent de 25%, on va dire à des associations qu'on ne peut pas faire ce qu'on avait prévu parce qu'on n'en a pas les moyens ? Honnêtement, nous décrédibilisons la politique, les députés et les institutions en tenant ce double discours. De mon côté, je suis pour que ce débat ait lieu publiquement et que, si nous votons notre augmentation et des baisses de subventions dans la foulée, les citoyens qui seraient particulièrement mécontents puissent, le cas échéant, lancer un référendum...
Le président. Il vous faut conclure, s'il vous plaît.
M. Roger Deneys. C'est une question de transparence élémentaire. Je vous invite à soutenir ce projet de loi sous sa forme de base.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Bertrand Buchs, à qui il reste une minute vingt-huit.
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci beaucoup, Monsieur le président. Cette discussion est en train de déraper, mais je pense qu'il est important d'avoir un débat. C'est pour cela que nous avions écrit ce projet de loi, parce qu'il y a quand même des positions à défendre. La position du parti démocrate-chrétien était très claire. Elle rejoignait celle du parti socialiste, qui consiste à dire qu'on ne doit pas s'augmenter vu la situation actuelle, parce que la population ne va pas comprendre. Dans le débat avec la population, il y a eu des remarques et de l'incompréhension quant à une augmentation de 25%. J'aimerais simplement signaler que le parti démocrate-chrétien avait uniquement demandé une augmentation liée au coût de la vie - puisque cela faisait douze ans que nous n'avions pas été augmentés - et rien de plus. Une opération neutre, et non une augmentation à la va-vite et dans le secret. Je pense que dans toute affaire d'argent, il ne faut jamais être dans le secret, il faut faire face au public et dire les choses clairement, sans s'énerver. Il n'y a pas besoin de s'énerver. C'est bien la preuve que chaque fois qu'on parle d'argent, on a quelque chose à cacher. Merci beaucoup.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Eric Stauffer pour une minute et vingt-deux secondes.
M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, on voit bien le ridicule de ce débat. Mais nous irons jusqu'au bout de l'équation, et je remercie M. Amaudruz parce qu'il a exactement synthétisé ce que je vous explique depuis maintenant bientôt une heure. Ensemble à Gauche dépose un sous-amendement ? Eh bien, chers collègues, nous allons le soutenir ! Nous allons soutenir toute forme d'amendement qui montrera les vertueux de ce parlement. Comme je vous l'ai dit, je suis en total accord avec les propos de M. Hiltpold: tout travail mérite salaire. Mais il y a toujours un petit malin qui est plus vertueux que les autres, qui veut tirer à soi la couverture politique en disant: «On ne peut pas donner aux associations, mais on va s'augmenter.» Tout travail mérite salaire, Mesdames et Messieurs. Les gens qui travaillent dans les associations sont payés...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur.
M. Eric Stauffer. Merci, Monsieur le président. Ils sont payés, ils ont un salaire, ils ne sont pas sous-payés. On ne fait pas de la sous-enchère salariale ! Le travail de député est un travail noble, quand il est bien fait; le travail de député prend beaucoup de temps. Nous ne sommes payés que pour la partie où nous siégeons, mais il y a encore tous les travaux de préparation en amont. Tout cela mérite un salaire, et je n'ai pas honte, comme beaucoup de mes collègues...
Le président. Il vous faut conclure, s'il vous plaît.
M. Eric Stauffer. ...de gagner des indemnités ou des jetons de présence parce que je suis honoré de travailler pour la population. Aujourd'hui...
Le président. Vous avez terminé, Monsieur.
M. Eric Stauffer. Je termine ! ...nous punirons tous les vertueux en votant ces amendements.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Salika Wenger pour trente secondes.
Mme Salika Wenger (EAG). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, je suis absolument navrée. Je suis navrée qu'il ait pu y avoir une discussion sur un amendement de cet ordre. Je suis navrée de ce qui s'est dit dans cette enceinte. J'ai honte, ce soir, d'être députée !
Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. Thomas Bläsi pour cinquante-neuf secondes.
M. Thomas Bläsi (UDC). Merci, Monsieur le président, ce sera suffisant. Chers collègues, le MCG nous propose, avec son amendement, une démonstration par l'absurde, une théorie mathématique intéressante. Je me permets d'apporter ma contribution dans ce débat et de dire que le système juste serait que chaque député reçoive un revenu individualisé en fonction de ses coûts, de ce que lui coûte son activité politique. Là, on aurait une rémunération juste. La personne qui doit payer un remplaçant pour siéger engage des dépenses qui ne sont pas celles de celui qui n'a pas à le faire. A partir de là, le seul système juste serait d'individualiser les revenus en fonction des coûts de chaque député. Les jetons de présence reprendraient ainsi leur vrai rôle, à savoir un rôle de défraiement et non pas de salaire. Or je crois qu'il y a là confusion sur les genres.
Le président. Il vous faut conclure.
M. Thomas Bläsi. Je vous remercie, Monsieur le président, j'ai terminé.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Daniel Zaugg. Il vous reste vingt et une secondes, Monsieur le député.
M. Daniel Zaugg (PLR). Merci, Monsieur le président. Je serai très bref. On a beaucoup parlé de vertu ce soir. Moi, j'aimerais vous parler de loi. Je vais vous lire un bref article de la LRGC que nous connaissons tous dans ce parlement: «Dans les séances du Grand Conseil et des commissions, les députés qui, pour eux-mêmes, leurs ascendants, descendants, frères, soeurs, conjoint, partenaire enregistré, ou alliés au même degré, ont un intérêt personnel direct à l'objet soumis à la discussion, ne peuvent intervenir ni voter, à l'exception du budget et des comptes rendus pris dans leur ensemble.»
Le président. Il vous faut conclure, s'il vous plaît.
M. Daniel Zaugg. Je demande le vote nominal, puisque nous sommes dans l'illégalité la plus totale. Nous allons en effet voter un sujet où nous avons un intérêt direct.
Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, il y aura donc un vote nominal. Je passe maintenant la parole à M. le député Vincent Maitre, à qui il reste dix-huit secondes.
M. Vincent Maitre (PDC). Merci, Monsieur le président. Dix-huit secondes pour dire que c'est tout de même magnifique à quel point M. Eric Stauffer arrive à détourner le débat, puisqu'il est en train de nous dire que tout travail mérite salaire. Ce n'est absolument pas la question, personne ne remet cela en cause !
Le président. Il vous faut conclure.
M. Vincent Maitre. Ce qu'on est en train de dire à travers ce projet de loi, c'est qu'on est en droit d'en débattre publiquement et démocratiquement, ni plus ni moins.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à la rapporteure de deuxième minorité, Mme Béatrice Hirsch.
Mme Béatrice Hirsch (PDC), rapporteuse de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Juste un bref mot sur l'amendement, puisque c'est de cela que nous sommes censés parler. Si le MCG estime que son travail ne vaut rien, libre à lui. Pour ma part, je pense que notre travail vaut quelque chose et qu'un travail qui n'est pas du tout rémunéré ne vaut rien. De plus, comme l'a déjà fait remarquer M. Maitre... (Brouhaha.)
Le président. Chut ! S'il vous plaît ! Poursuivez, Madame.
Mme Béatrice Hirsch. Merci, Monsieur le président. Comme l'a déjà fait remarquer M. Maitre, le dépôt de cet amendement est un travail de pur amateur rien que du point de vue de la technique législative, par rapport à l'ensemble de la LRGC. Si par hasard on acceptait cet amendement, cela en ferait sourire plus d'un. Ce sera une «Genferei» de plus, mais celle-ci est assez ridicule. Quant à moi, en tant que rapporteure de minorité et contrairement à M. Maitre, je refuserai cet amendement. Je vous remercie.
M. Cyril Mizrahi (S), rapporteur de première minorité. J'aimerais juste donner un élément de réponse par rapport aux propos de mon collègue Renaud Gautier tout à l'heure, qui disait en substance: «Voilà la démonstration de la sottise de ce projet de loi, le débat se passe mal, confions ça au Bureau.» Mesdames et Messieurs, ce n'est ni la première ni la dernière fois que l'on doit assister à ce type de débordements. Très bien, suivons le raisonnement de M. Gautier: confions simplement toutes les décisions au Bureau et arrêtons de siéger. Ainsi, il n'y aura plus de débordements.
Plus sérieusement, je pense qu'il faut assumer le visage du parlement aujourd'hui. Si nous voulons donner l'image d'un parlement qui mérite ses jetons de présence - parce que, comme ma préopinante, je pense que nous les méritons - cela demande un effort de chacun. Et ce n'est pas en mettant la tête dans le sable et en confiant toutes les décisions au Bureau que nous y parviendrons.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Est-ce que le rapporteur de majorité souhaite s'exprimer ? M. Conne ? (Remarque.) Non, d'accord. A l'article 46, nous sommes saisis d'un sous-amendement de M. Vanek, qui consiste à supprimer toutes les indemnités et/ou jetons des députés qui le demanderaient personnellement. Je rappelle que le vote nominal a été demandé, et nous passons au scrutin.
Mis aux voix, ce sous-amendement est rejeté par 54 non contre 34 oui et 2 abstentions (vote nominal).
Le président. Toujours au même article, je mets aux voix l'amendement de M. Stauffer consistant à supprimer toutes les indemnités et/ou jetons des députés.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 61 non contre 26 oui et 3 abstentions (vote nominal).
Mis aux voix, l'article 46 (nouvelle teneur) est adopté.
Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que l'article 2 (souligné).
Troisième débat
Le président. Monsieur le rapporteur de majorité, vous avez la parole.
M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je souhaite faire une déclaration finale en vous disant ceci: voilà ce qui arrive lorsqu'un projet de loi est lancé en réaction à un événement médiatique, à savoir l'annonce de l'augmentation de 25% de nos jetons de présence. A cet égard, Monsieur le président, j'aimerais m'adresser directement aux signataires - qui sont tous des membres du PDC - pour qualifier ce projet de loi d'hypocrite, de pernicieux et d'irrespectueux.
Il est hypocrite parce que, dans l'exposé des motifs, ses initiants PDC partent clairement de la problématique de l'augmentation de 25% des indemnités versées aux députés. Effectivement - cela a été relevé - ils se présentent comme étant extrêmement vertueux. Or croyez-vous qu'ils demandent une diminution de leurs jetons de présence dans ce projet de loi ? Non, Mesdames et Messieurs, ils nous ont embarqués dans ce débat qui visait uniquement à modifier la procédure d'attribution des jetons de présence. A aucun moment ils n'ont remis en question ce montant, et ils seront très contents de pouvoir toucher, comme nous, cette augmentation. C'est hypocrite !
Pernicieux, pourquoi ? Parce que si nous acceptons ce projet de loi, ça veut dire que nous allons augmenter la quantité de nos débats sur un objet qui n'a aucun intérêt puisque, comme je l'ai dit dans mon introduction, la procédure actuelle est déjà transparente et prévoit que le montant des indemnités figure au budget et fasse l'objet des débats budgétaires. Ce projet de loi est pernicieux parce qu'il augmente nos débats pour rien et, Mesdames et Messieurs, augmente le coût de nos séances à charge des contribuables.
Enfin, il est irrespectueux. En effet, si vous lisez l'exposé des motifs, les initiants qualifient dans le fond nos institutions démocratiques - c'est-à-dire en l'occurrence le Bureau du Grand Conseil et nous-mêmes - d'immorales, d'inéquitables et contribuent à renforcer les préjugés de la population à notre encontre en insinuant que nous mettons en cause, dans la manière dont nous procédons, la crédibilité du pouvoir législatif. J'ai dit irrespectueux, mais j'avais envie de dire insultant ! Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Je vous rappelle qu'il y a une déclaration par groupe dans ce troisième débat. Monsieur Sormanni, vous avez la parole... Il n'est pas là, alors c'est à vous, Monsieur Buchs.
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président. Qu'est-ce qu'on s'aime, entre cousins ! (Rires.) Ma mère me disait toujours qu'en public, il ne faut jamais parler de sexe, de politique et d'argent.
Une voix. Et de religion !
M. Bertrand Buchs. Je crois qu'on a ici tout à fait la preuve qu'il ne faut pas le faire ! (Rires. Commentaires.)
Le président. S'il vous plaît !
M. Bertrand Buchs. En tant que chef de groupe du parti démocrate-chrétien, je ne peux pas laisser passer le terme d'hypocrite. (Commentaires. Exclamations. Hilarité.) Le reste, je laisserai...
Le président. Poursuivez, s'il vous plaît.
M. Bertrand Buchs. Merci beaucoup. On peut être d'accord ou non avec un projet de loi, on peut expliquer sur le fond pourquoi on n'est pas d'accord, mais on n'a pas le droit d'attaquer de façon si basse les gens qui l'ont déposé, plus d'une année et demie après. Le parti démocrate-chrétien, avec le parti socialiste, a donné un avis, a défendu son point de vue sur l'augmentation des jetons de présence. Est-ce que cela veut dire qu'on n'a pas le droit de donner son avis ? La preuve par l'absurde: les gens qui sont contre la majorité n'ont donc pas le droit de donner leur avis ? Si vous n'êtes pas d'accord avec ce projet de loi, ne le votez pas, point ! Il n'y a pas besoin de tenir un langage aussi extrême sur un projet de loi de si peu d'importance. Vous dites que nous n'avons pas défendu notre point de vue. C'est faux, Monsieur Conne, nous l'avons défendu. Nous avons dit que nous voulions une augmentation de 12%, qui correspond à l'augmentation du coût de la vie depuis douze ans. Voilà ! Nous ne voulions pas ces 25% parce que la population n'allait sans doute pas accepter une telle augmentation de nos jetons de présence. Voilà, c'est tout. Est-ce que c'est de l'hypocrisie de le dire ? Est-ce que c'est de l'hypocrisie de donner calmement notre avis aux gens ? Dans ce cas, il n'y a plus de débat. Monsieur le président, vous pouvez clore la séance et on arrête de se réunir parce que, dans tous les débats qu'on aura tout à l'heure, on sera toujours hypocrites.
Une voix. Bravo ! (Quelques applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le débat de ce soir va sans doute occuper quelques colonnes dans la presse demain, tant la démonstration de l'hypocrisie a été faite, et je fais d'ailleurs miens les propos du rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs, aujourd'hui, certains groupes ont voulu jouer les vertueux en venant dire: «Non, c'est trop ! Nous, eu égard au peuple, ne voulons pas de cette augmentation !» Or ceux-là même ont voté non à l'abolition des jetons de présence, ce qui est intéressant parce que, entre le début et la fin du débat, ils ont changé leur argumentaire. D'abord, on a pu entendre: «Non, c'est scandaleux, on gagne beaucoup trop !» Et puis après: «Non, non, on mérite un salaire.» Même les socialistes ont complètement changé d'argumentation au cours du débat. C'est extraordinaire, Mesdames et Messieurs ! Comme quoi, les courants d'air qui passent peuvent parfois avoir des effets absolument spectaculaires sur les neurones ! (Rires.)
Ensuite, il y a eu un deuxième amendement. En effet, on n'aurait pas pu imposer la vertu à tous les députés de manière aussi brutale. Il y a donc eu un sous-amendement d'Ensemble à Gauche, que je remercie au passage, stipulant que c'est au choix des députés: ceux qui veulent renoncer à leurs jetons de présence ont la possibilité de le faire. Là, vous auriez dû voter unanimement cet amendement ! Mais où sont-ils, les vertueux ? Le PDC a voté contre tandis que la rapporteuse de minorité PDC a voté contre son groupe. C'est extraordinaire, quelle cohérence, Mesdames et Messieurs ! La démonstration que vous venez de faire à la population est absolument transcendantale !
Moi je vous le dis, Mesdames et Messieurs: vous y penserez à deux fois la prochaine fois que certains voudront jouer les vertueux lorsqu'il s'agit juste de gagner tout à fait normalement une indemnité pour le travail fourni, vous réfléchirez avant de faire de la politique politicienne, vous réfléchirez - vous transmettrez, Monsieur le président, au premier signataire PDC du projet de loi - avant de vous tirer les bretelles dans les médias en disant: «C'est scandaleux, moi je refuse l'augmentation !» Ce soir, vous avez été pris la main dans le sac, vous avez refusé tous les amendements qui allaient dans ce sens. J'en ai terminé, Mesdames et Messieurs. (Applaudissements.)
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, je dois dire que je n'ai pas été le moins du monde convaincu par la prétendue démonstration de mon préopinant. J'aimerais rappeler que la question de la rémunération, comme pour toute rémunération que l'on peut accorder à une entité de la république, fait l'objet de débats dans ce Grand Conseil. Dans le cas d'une discussion sur une subvention versée à une institution ou à une association, on dépose des amendements, on conteste les montants, on conteste l'indexation au coût de la vie. Toutes les décisions du Grand Conseil font l'objet d'un rapport de majorité, éventuellement de plusieurs minorités, ce qui permet aux uns et aux autres dans cette république de savoir comment et pourquoi les députés prennent des décisions. Du coup, je ne vois pas très bien pourquoi la question de la rémunération des députés ferait exception à cette règle. Maintenant, on n'est pas dans une tradition de transparence pour ces décisions, et je crois que ça entretient le malaise que les citoyens et citoyennes peuvent avoir vis-à-vis des institutions politiques. En l'occurrence, un débat public sur le montant d'une éventuelle augmentation des jetons de présence aurait permis de discuter, de déterminer s'il fallait qu'elle soit de 25%, de 12% pour le coût de la vie ou de 0% parce qu'on économise chez les autres aussi. C'étaient là des questions qui méritaient, de notre point de vue, une réponse citoyenne et assumée. Si M. Stauffer prétend qu'il a de bons arguments pour défendre une augmentation de X%, qu'il l'assume devant le peuple ! Il est le premier à lancer des référendums quand les décisions du Grand Conseil lui déplaisent. Pourquoi, quand il pense qu'on a raison, n'assumerait-il pas son choix ? Pour ma part, si je vote une décision du Grand Conseil, je l'assume publiquement. Je ne le fais pas en catimini, via le Bureau, en disant après coup que ce n'est pas moi mais le Bureau qui a décidé. J'assume mes responsabilités, et c'est dans ce sens-là que je pense que les décisions de rémunération des députés devraient aussi faire l'objet d'un projet de loi, comme pour toute autre décision de financement dans cette république.
M. Stéphane Florey (UDC). Comme cela a été dit, ce projet de loi n'aura servi absolument à rien, si ce n'est à nous faire perdre quasiment une heure trente. Je vous laisserai calculer, Messieurs du PDC, combien d'argent vous avez fait perdre à la république avec un débat de ce type. (Remarque.) Par ailleurs, il y a encore une autre grosse hypocrisie à relever. En effet, l'augmentation de 25% est une opération quasiment neutre pour l'Etat, puisqu'il récupère la quasi-totalité de cette différence avec ce que nous paierons en impôts. Il n'y a donc aucun député ici qui se sucre et s'en met plein les poches, puisque l'opération est totalement neutre. Les signataires de ce projet de loi ont amené leurs arguments au Bureau; ma foi, ils ont perdu. Il est clair qu'il est toujours intéressant de traiter de l'augmentation des jetons de présence en pleine période électorale et d'amener de tels arguments devant la population pour faire croire qu'on pense à son bien-être. Peut-être y réfléchirez-vous maintenant à deux fois avant d'amener ce genre de débat. Eh oui, quand on voit certains résultats... il ne faut pas s'en étonner ! Je vous remercie.
M. Serge Hiltpold (PLR). Monsieur le président, on vient de dépenser à peu près 25 000 F pour débattre de ce projet de loi. J'aimerais simplement vous suggérer, Monsieur le président, de revenir à la bonne vieille pratique consistant à ce que nous n'intervenions plus après les rapporteurs; ça nous fera gagner du temps à tous.
Mme Emilie Flamand-Lew (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, le débat de ce soir et les multiples dérapages qui l'ont émaillé sont la vraie bonne raison de refuser ce projet de loi. Les Verts ne souhaitent pas recommencer ce genre de cirque tous les quatre ans, ou plutôt tous les cinq ans. Certains parlent d'un manque de transparence, c'est faux: le montant des jetons de présence est public, tout citoyen peut savoir combien les députés touchent comme rémunération. Cela ne signifie pas pour autant que la décision doit se prendre à cent plutôt qu'à sept. Je vous engage à refuser ce projet de loi.
Une voix. Très bien ! (Quelques applaudissements.)
M. Cyril Mizrahi (S), rapporteur de première minorité. On a beaucoup entendu parler d'hypocrisie. Pour ma part, je me demande où est l'hypocrisie. L'hypocrisie n'est-elle pas du côté de ceux qui font semblant de mélanger transparence et principes de rémunération ? Si vraiment, comme vous le dites, Mesdames et Messieurs, il n'y a pas de honte à toucher une rémunération, pourquoi ne pas faire la transparence non seulement sur cette rémunération mais également sur les positions des uns et des autres ? L'hypocrisie n'est-elle pas par ailleurs du côté de ceux qui présentent un amendement mal fichu pour faire croire qu'ils sont prêts à faire quelque chose qu'ils auraient déjà pu faire jusqu'à présent mais n'ont bien entendu jamais fait ? Mesdames et Messieurs, je vous invite à ne pas faire preuve d'hypocrisie et à approuver ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Nous passons à la procédure de vote avec, je le rappelle, une demande de vote nominal.
Mis aux voix, le projet de loi 11392 est rejeté en troisième débat dans son ensemble par 62 non contre 29 oui (vote nominal).